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Dossier : 2008-4063(IT)G

ENTRE :

MARC CAMERON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 14 décembre 2010, à Sherbrooke (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L'appelant lui‑même

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Antonia Paraherakis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est accueilli, avec dépens adjugés en faveur de l’appelant, et la nouvelle cotisation est annulée, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2011.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 107

Date : 20110307

Dossier : 2008-4063(IT)G

ENTRE :

MARC CAMERON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I. Introduction

 

[1]              Il s’agit d’un appel interjeté par Marc Cameron (l’« appelant ») à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en date du 3 décembre 2007 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») relativement à l’année d’imposition 2003.

 

[2]              En établissant la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a inclus dans le revenu de l’appelant un gain de 70 814 $ à titre de revenu d’entreprise réalisé lors de la vente d’une maison située à Sherbrooke.

 

[3]              L’appelant fait valoir que la cotisation est erronée parce que le gain a été réalisé à la suite de la disposition d’une maison qui était sa résidence principale. L’alinéa 40(2)b) de la LIR prévoit un calcul qui peut réduire à zéro le gain en capital résultant de la vente de la résidence principale par un particulier. Toutefois, cette disposition ne s’applique que si le gain est réalisé sur un compte capital. Le ministre a reconnu que l’appelant a utilisé la maison à titre de résidence, mais allègue que le gain constitue néanmoins un gain provenant d’une affaire à caractère commercial. L’appelant soutient que l’intimée reconnaît que la cotisation a été établie après la période normale de cotisation et qu’il appartient à l’intimée de démontrer, conformément au sous‑alinéa 152(4)a)(i), que l’appelant a fait une « présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire » pour que le ministre puisse rouvrir l’année d’imposition 2003. L’appelant soutient que la question en litige dans cette affaire tombe dans une zone grise et que le bénéfice du doute doit lui être accordé.

 

 

II. Exposé sommaire des faits

 

[4]              Pour fixer l’impôt payable par l’appelant pour l’année d’imposition 2003, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants (paragraphe 8 de la réponse à l’avis d’appel) :

 

a)            L’appelant œuvre depuis plusieurs années dans le domaine de la construction.

 

b)            Entre 1998 et 2003, les revenus de l’appelant provenaient en très grande partie de ses activités dans le marché immobilier.

 

c)            Depuis 1996, l’appelant achète des biens immobiliers à répétition dans le but de les revendre rapidement à profit.

 

d)            Très souvent, l’appelant achetait un terrain, y construisait une résidence et revendait le tout rapidement à profit.

 

e)            Le 7 mai 2001, l’appelant a acquis un terrain situé sur la rue Charney [sic], à Sherbrooke, pour 12 000 $.

 

f)              Suite à l’achat du terrain, l’appelant y a construit lui‑même une résidence.

 

g)            L’appelant a résidé dans la propriété à partir d’octobre 2001.

 

h)            En novembre 2002, l’appelant a loué la propriété à des tiers.

 

i)              Le 10 avril 2003, l’appelant a vendu la propriété pour 148 000 $.

 

j)              Depuis 1993, l’appelant a effectué les transactions immobilières suivantes :

 

Propriété

Date d’acquisition

Date de transfert

3598, Alfred‑Desrochers

10 mars 1996

4 juillet 1997

3638, Alfred‑Desrochers

21 avril 1997

24 septembre 1998

3588, Alfred‑Desrochers

11 septembre 1998

28 juillet 2000

5441, Blanchette

31 juillet 2000

6 avril 2001

649, Charney [sic]

7 mai 2001

10 avril 2003

3583, Alfred‑Desrochers

16 décembre 2002

 

1671, de Courville

14 mars 2003

18 juin 2003

 

k)            Depuis la vente de la résidence sur la rue Charney [sic], l’appelant a acquis deux autres propriétés, une au 3583, rue Alfred Desrochers et l’autre au 1671, rue de Courville.

 

[5]              Pour arriver à la conclusion que l’appelant a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003, le ministre allègue qu’il s’est appuyé sur les faits suivants (paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel) :

 

a)            L’appelant oeuvre dans le domaine de la construction depuis plusieurs années et a une bonne connaissance de celui‑ci.

 

b)            L’appelant achète et revend des biens immeubles à répétition depuis 1996.

 

c)            Le gain réalisé par l’appelant représente 70 % de son revenu total imposable pour son année en litige.

 

A. Témoignage de Jacques Savard

 

[6]              Monsieur Jacques Savard, vérificateur à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), est l’auteur du rapport du vérificateur qui a servi de fondement à l’établissement de la cotisation en litige.

 

[7]              Monsieur Savard témoigne que sa vérification lui a permis de découvrir que l’appelant avait acheté des terrains et construit trois maisons sur la rue Alfred‑Desrochers à Sherbrooke. Il ajoute qu’il ne croyait pas l’explication de l’appelant quant aux raisons qui l’ont conduit à vendre la résidence de la rue Charny. Selon monsieur Savard, l’appelant a dit qu’il voulait demeurer dans cette maison, mais, lorsque la première occasion s’est présentée, il l’a vendue. Le vérificateur note que l’appelant œuvre dans le domaine de la construction, comme ouvrier, et a construit presque toutes les résidences qu’il a par la suite revendues. Selon le vérificateur, l’appelant avait l’habitude d’acheter un terrain, de construire en grande partie une résidence pour ensuite habiter l’unité familiale et la revendre dans un cours laps de temps, et ce, à répétition. Selon le témoin, ceci démontre l’intention de l’appelant de revendre chacune des propriétés au moment où il entreprend leur construction. Monsieur Savard a analysé les déclarations de revenus de l’appelant et les gains estimés sur la vente des résidences qu’il a construites pour la période de 1997 à 2003 et il a constaté que les revenus provenant de la vente des résidences sont largement supérieurs à toutes les autres sources de revenus déclarés par l’appelant pour ces mêmes années. Selon monsieur Savard, les autres revenus déclarés par l’appelant étaient insuffisants pour couvrir le coût de la vie de sa famille.

 

B. Témoignage de l’appelant

 

[8]              L’appelant a expliqué qu’il a travaillé comme un menuisier pour un entrepreneur général. Il a occupé cet emploi pendant une période de 10 ans jusqu’en 1998. Par la suite, il a agi comme courtier en assurance et ensuite comme massothérapeute, soit le métier qu’il pratique actuellement.

 

[9]              Les maisons qu’il a construites pour habiter avec sa famille ont été construites pendant les week‑ends et les congés. L’appelant explique que, généralement, cela lui prenait environ 6 à 8 semaines pour construire une maison unifamiliale. La première maison qu’il a occupée au 3598, rue Alfred‑Desrocher, était très modeste. L’appelant a eu une troisième maison qu’il a été obligé de vendre pour construire la maison unifamiliale au 3638, rue Alfred‑Desrocher. Cette dernière maison avait 3 chambres à l’étage. Selon l’appelant, la naissance d’un quatrième enfant l’a incité à déménager de nouveau. Il a construit une maison au 3588, rue Alfred‑Desrochers, pour avoir quatre chambres à l’étage. Il a occupé cette dernière maison avec sa famille pendant 23 mois. L’appelant témoigne qu’à la suite de difficultés conjugales, la famille a déménagé au 5441, rue Blanchette. La situation s’est rapidement détériorée et l’appelant et son ex‑conjointe ont vécu à tour de rôle dans la maison située rue Blanchette. À la suite de la rupture finale de son mariage, l’appelant a construit la maison au 649, rue Charny, pour emménager avec sa conjointe de fait. Il avait la garde partagée de ses 4 enfants et, par conséquent, il a construit 4 chambres pour les accueillir. À la suite de sa séparation définitive avec son ex‑conjointe, l’appelant a vendu sa part indivise de la résidence de la rue Blanchette au nouveau conjoint de son ex‑conjointe.

 

[10]         L’appelant témoigne qu’il voulait demeurer dans la résidence de la rue Charny mais deux facteurs inattendus l’ont amené à modifier sa décision. Sa mère, madame Palardy, a acheté un terrain, le 2002, rue Alfred‑Desrocher. Ce terrain était très grand et faisait face à la rivière Magog.

 

[11]         Il a aidé madame Palardy à construire une résidence sur le terrain. Ce terrain étant très grand, madame Palardy a décidé de le subdiviser en deux et de vendre une des deux parcelles. Finalement, elle a donné ce deuxième terrain à son fils où il a construit la maison située au 3583, rue Alfred‑Desrochers. À ce jour, l’appelant demeure dans cette résidence avec ses quatre enfants. Également, il exploite un commerce de massothérapie à cet endroit. L’appelant a témoigné qu’il ne s’attendait pas à ce que sa mère lui fasse don de cette parcelle. Il a décidé de vendre la résidence de la rue Charny pour aller habiter au 3583, rue Alfred‑Desrochers, parce que c’est un bien meilleur emplacement situé à proximité de l’eau.

 

[12]         L’appelant a également affirmé que sa nouvelle conjointe de fait voulait un enfant. Ce fait a également motivé l’appelant à rénover la résidence de la rue Alfred‑Desrocher en vue d’ajouter une cinquième chambre à l’étage. Sa nouvelle conjointe a donné naissance à un enfant, mais il s’est avéré que l’appelant n’était pas le père de cet enfant. Ceci a mené à leur rupture et, présentement, l’appelant vit seul avec ses quatre enfants dans cette résidence.

 

 

III. Questions en litige

 

[13]         Le ministre était‑il justifié d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2003 après de la période normale de cotisation?

 

[14]         Le ministre était‑il justifié d’ajouter un revenu additionnel d’entreprise de 70 814 $ au revenu de l’appelant pour son année d’imposition 2003?

 

 

IV. Analyse

 

[15]         La question en litige consiste à savoir si l’appelant, dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003, a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, de telle sorte que le ministre peut, en vertu du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la LIR, établir la cotisation en litige après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Le sous‑alinéa 152(4)a)(i) est libellé comme suit :

 

152(4) Cotisation et nouvelle cotisation [délai de prescription] Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu [sic] pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

a)   le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i)   soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

[…]

 

[16]         Cette disposition prévoit qu’outre une présentation erronée des faits, le ministre doit également démontrer par prépondérance de la preuve que cette présentation erronée est due soit à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire de l’appelant.

 

[17]         L’intimée soutient que l’appelant a fait une présentation erronée des faits en traitant le gain provenant de la disposition de l’immeuble en litige comme un gain en capital plutôt que comme un gain imposable à titre de revenu. À ce sujet, le vérificateur de l’ARC a écrit ce qui suit :

 

Sommaire : M. Cameron est et était dans le domaine de la construction. Il gère et entretient aussi des immeubles à revenus. Il connaît l’immobilier et est à l’affût d’occasions dans ce domaine. Il achetait un terrain, bâtissait en grande partie une résidence, habitait l’unité familiale et la revendait dans un cours laps de temps et ce à répétition. Les revenus pour son coût de vie provenaient largement de cette entreprise car ses autres revenus déclarés lui auraient difficilement permis de soutenir son coût de vie et les résidences qu’il s’est procurées. La vraisemblance de l’intention de faire des transactions de ventes avec ses résidences est corroborée par les nombreuses transactions dans les mêmes quartiers dont plusieurs sur la même rue.

 

En somme, M. Cameron a opéré tel un entrepreneur en construction mais sur une plus petite échelle avec une équipe réduite tout en tentant de se soustraire à l’impôt.

 

Une autre transaction démontrant son revenu d’entreprise c'est‑à‑dire celle du De Courville démontre que M. Cameron est en entreprise dont les revenus ont été déclarés comme du gain en capital nous n’avons pas ouvert la prescription pour cette transaction.

 

En effet, quatre jours après l’achat en mars 2003, il avait signé avec un agent d’immeuble pour mettre l’immeuble à logement sur le marché à un prix fixé en bas de l’évaluation municipale. Cet immeuble a été vendu 3 mois après seulement suite à quelques rénovations et nettoyage ainsi que la signature de plusieurs baux à de futurs locataires dans cet édifice presque désaffecté au moment de l’achat ce qui a eu pour effet d’augmenter la valeur de cet édifice. Ces faits sont documentés sur un rapport distinct Ft# 44.

 

[18]         À l’égard des immeubles, la loi ne prévoit aucun critère pour distinguer un gain en capital d’un revenu d’entreprise provenant d’une opération à caractère commercial. Chaque situation constitue un cas d’espèce et il faut examiner les circonstances entourant l’opération pour répondre à cette question. Dans la décision Happy Valley Farms Ltd. c. La Reine[1], la Cour a tenu compte des facteurs suivants pour déterminer si le produit de la vente des biens immobiliers constituait un revenu :

 

1)                 La nature du bien qui est vendu et l’usage qu’en fait le contribuable;

2)                 La durée de la possession;

3)                 La fréquence ou le nombre d’opérations similaires effectuées par le contribuable;

4)                 Les améliorations faites sur le bien converti en espèces ou se rapportant à pareil bien;

5)                 Les circonstances qui ont entraîné la vente du bien; et

6)                 L’intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l’achat.

 

[19]         Le vérificateur de l’ARC a mis l’accent sur les facteurs deux et trois pour justifier sa conclusion. Même si les circonstances qui ont entraîné la vente peuvent être interprétées comme soutenant la position de l’intimée, la vraie question en litige est de savoir si le sous‑alinéa 152(4)a)(i) s’applique à une année d’imposition qui est autrement prescrite lorsque la présentation des faits qualifiée d’erronée résulte de l’adoption par le contribuable d’une interprétation des circonstances qui favorise la thèse de la non‑imposition puisque ces circonstances se situent dans une zone grise du droit fiscal. Je crois que la jurisprudence nous permet de répondre par la négative à cette question lorsque la position adoptée par le contribuable n’est pas déraisonnable.

 

[20]         Le point de départ est la décision de la Cour fédérale, Regina Shoppers Mall Limited v. The Queen[2]. Cette cause était centrée sur la question de savoir si le produit de la vente d’un terrain devait être inscrit par le contribuable dans ses déclarations de revenus comme un gain en capital ou comme un revenu. Le contribuable l’avait inscrit comme un gain en capital, et le ministre a conclu qu’il y avait ainsi eu présentation erronée des faits qui lui permettait de cotiser après la période normale. Le juge Addy, au paragraphe 10 de sa décision, a expliqué que lorsqu’un contribuable produit sa déclaration de revenus sur une base qu’il pense être bien fondée, après avoir fait une analyse réfléchie, prudente et délibérée, il ne peut y avoir présentation erronée des faits. Cette position a été avalisée par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 7 de sa décision[3].

 

[21]         De plus, au paragraphe 15 de son jugement, le juge Addy a expliqué que la loi n’impose pas aux contribuables l’obligation de caractériser leurs opérations de la manière que préfèrerait le ministre. Si le contribuable réfléchit soigneusement à sa position et n’essaie pas de tromper le ministre, il ne fait pas de présentation erronée.

 

[22]         La cause Petric c. La Reine[4] démontre que les tribunaux ont donné une interprétation large au principe établi dans Regina Shoppers Mall. Cette affaire ne concernait pas une question de gain en capital ou de revenu, mais plutôt la juste valeur marchande d’un bien. Mme la juge Lamarre s’est exprimée comme suit :

 

38        […] La question de la juste valeur marchande est une question controversée qui doit être tranchée en fonction de l'interprétation des faits mis en preuve, tout comme la question de savoir si le produit de la disposition devrait être considéré comme un revenu ou comme un gain en capital (Regina Shoppers Mall Limited) ou comme la question de savoir si des sociétés sont associées (1056 Enterprises Ltd.). […]

 

[23]         Et un peu plus loin, elle a ajouté :

 

40        Bien que la juste valeur marchande soit en fin de compte une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits, il s'agit surtout d'une question d'opinion à laquelle on doit répondre en analysant les différentes approches méthodologiques. Le ministre a certainement le droit de ne pas souscrire à l'opinion du contribuable quant à la juste valeur marchande et peut établir une nouvelle cotisation, dans le délai de prescription, en fonction de sa propre évaluation. Toutefois, lorsque la question est de savoir si le ministre a le droit de profiter d'une exception à l'application du délai de prescription, il faut démontrer que le contribuable a fait une présentation erronée en produisant sa déclaration de revenus. En l'espèce, je suis d'avis qu'à moins que l'on puisse affirmer que l'opinion des appelants quant à la juste valeur marchande était déraisonnable au point qu'elle ne pouvait pas être sincère, il n'y a pas vraiment eu présentation erronée.

[Non souligné dans l’original]

 

[24]         Dans la décision Savard c. La Reine[5], la Cour canadienne de l’impôt a réitéré que les contribuables ont le droit d’être en désaccord avec le ministre dans leur interprétation de la loi, sans que cela soit nécessairement interprété comme une présentation erronée des faits. Le juge Tardif a écrit :

 

78        Est-ce qu'une personne, au moment de remplir sa déclaration de revenus, doit inclure tout ce qui est susceptible de constituer un revenu, non pas à partir de sa propre analyse, mais à partir de spéculations sur ce que l'Agence pourrait vouloir lui attribuer? Je ne le crois pas. En l'espèce, il y avait suffisamment d'éléments pour justifier l'interprétation retenue par l'appelant, à savoir qu'il n'avait pas l'obligation de déclarer, à titre d'avantages imposables, les paiements d'honoraires effectués par son employeur. D'ailleurs, le débat relatif à la question de savoir qui a véritablement bénéficié des services ayant fait l'objet d'honoraires témoigne bien de la complexité du dossier et de la confusion qui l'entoure.

[Non souligné dans l’original]

 

[25]         Récemment, dans Chaumont c. La Reine[6], l’interprétation de la loi par le contribuable était clairement erronée, mais le fait qu’il l’avait adoptée de bonne foi avait permis à la Cour de conclure qu’il n’y avait pas eu présentation erronée des faits. M. le juge Tardif a écrit :

 

15        Bien que particulière, voire surprenante, les représentations soumises par l'appelant n'étaient ni loufoques, ni farfelues, au point de conclure qu'il ait fait une omission ou erreur volontaire dans le but manifeste de se soustraire à sa charge fiscale canadienne.

 

16        Il a, dans un premier temps, exprimé sa contestation et, dans un second temps, pris des initiatives pour démontrer le bien-fondé de ses prétentions en prenant également en considération qu'il existait des revenus qui n'étaient pas imposés, à savoir notamment, les revenus de pensions versés à un citoyen vivant dans un autre pays autre que celui qui payait la pension.

 

[…]

 

18        Conclure que le comportement de l'appelant constitue une omission volontaire ou une erreur suffisante pour permettre au ministre de cotiser au-delà de la période normale aurait pour effet, d'une part, d'affecter le droit de tout contribuable de contester le bien-fondé d'une cotisation et d'autre part, de faire en sorte que la limite de temps imposée par le législateur est essentiellement théorique.

 

[26]         À la lumière des jugements discutés ci‑dessus, il s’avère que le fait d’adopter une position réfléchie qui va à l’encontre de celle du ministre ne signifie pas en soi que le contribuable a fait une présentation erronée permettant au ministre de cotiser après la période normale.

 

[27]         Je ne crois pas que l’interprétation des faits adoptée par l’appelant peut être qualifiée de déraisonnable. Lorsqu’il a construit la résidence de la rue Charny, il ne pouvait pas anticiper que sa mère lui ferait don d’un terrain mieux situé sur le bord de la rivière. D’autre part, je peux concevoir que, dans des circonstances semblables, la majorité des contribuables seraient également tentés de déménager en vue de profiter des nombreux avantages découlant de l’habitation d’une maison située sur le bord d’une rivière navigable. Dans de pareilles circonstances, le propriétaire cumule les avantages d’une résidence principale et secondaire sans avoir à payer les coûts liés aux deux. Ceci constitue un motif tout à fait plausible qui explique la vente de la maison de la rue Charny pour des raisons personnelles. Le ministre avait 3 ans à compter de la date du premier avis de cotisation pour cotiser de nouveau le contribuable et, du même coup, lui faire porter le fardeau de la preuve. Il ne l’a pas fait et, par conséquent, il doit assumer les conséquences de ne pas avoir fait la preuve, par prépondérance, que la présentation erronée des faits qu’il allègue est due à une des circonstances qui permettent l’établissement d’une nouvelle cotisation après la période normale de cotisation.

 

[28]         Pour tous ces motifs, l’appel est accueilli, la cotisation est annulée et les dépens sont adjugés à l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2011.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 107

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-4063(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MARC CAMERON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Sherbrooke (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 mars 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L'appelant lui‑même

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Antonia Paraherakis

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] No T‑6632‑82, 16 juillet 1986, 86 DTC 6421.

[2] Nos T‑1199‑88 et T‑2085‑88, 26 juin 1990, 90 DTC 6427.

[3] [1991] A.C.F. no 52 [Regina Shoppers Mall].

[4] 2006 CCI 306, [2006] A.C.I. no 230.

[5] 2008 CCI 62, 2008 DTC 2741.

[6]2009 CCI 493, 2009 DTC 1813 (procédure informelle).

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