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Dossier : 2008-4065(IT)G

ENTRE :

SOLANGE PALARDY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 14 décembre 2010, à Sherbrooke (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Antonia Paraherakis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est accueilli, avec dépens adjugés en faveur de l’appelante, et la nouvelle cotisation est annulée, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2011.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


 

 

 

Référence : 2011 CCI 108

Date : 20110307

Dossier : 2008-4065(IT)G

ENTRE :

SOLANGE PALARDY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I. Introduction

 

[1]              Il s’agit d’un appel interjeté par Solange Palardy (l’« appelante ») à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en date du 3 décembre 2007 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») relativement à l’année d’imposition 2003.

 

[2]              En établissant la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a inclus dans le revenu de l’appelante un gain de 69 111 $ à titre de revenu d’entreprise réalisé lors de la d’une maison située à Sherbrooke.

 

[3]              L’appelante allègue que la cotisation est erronée parce que le gain a été réalisé à la suite de la disposition d’une maison qui était sa résidence principale. L’alinéa 40(2)b) de la LIR prévoit un calcul qui peut réduire à zéro le gain en capital résultant de la vente de la résidence principale par un particulier. Toutefois, cette disposition ne s’applique que si le gain est réalisé sur un compte capital. Le ministre prétend que le gain constitue un gain provenant d’une affaire à caractère commercial. L’appelante soutient que l’intimée reconnaît que la cotisation a été établie après la période normale de cotisation et qu’il appartient à cette dernière de démontrer, conformément sous‑alinéa 152(4)a)(i), que l’appelante a fait une « présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire » pour que le ministre puisse rouvrir l’année d’imposition 2003. L’appelante soutient que la question en litige dans cette affaire tombe dans une zone grise et que le bénéfice du doute doit lui être accordé.

 

 

II. Exposé sommaire des faits

 

[4]              Pour fixer l’impôt payable par l’appelante pour l’année d’imposition 2003, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants (paragraphe 8 de la réponse à l’avis d’appel) :

 

a)            La résidence principale de l’appelante au cours de l’année en litige était située au 657, rue Patricia, à Sherbrooke.

 

b)            Durant la même période, l’appelante était aussi propriétaire d’une résidence secondaire située au Lac Aylmer, à Sherbrooke.

 

c)            L’appelante a une connaissance et expérience des transactions immobilières.

 

d)            Le fils de l’appelante, Marc Cameron, travaille dans le domaine de la construction de résidences depuis plusieurs années.

 

e)            Le 29 avril 2002, l’appelante a acheté un terrain sur la rue Alfred‑Desrochers, à Rock Forest pour 22 000 $ (le « terrain »).

 

f)              L’appelante a construit une résidence sur le terrain, portant l’adresse 3593, rue Alfred‑Desrochers (la « propriété »).

 

g)            La résidence a été construite en partie gratuitement par son fils et en partie par des tiers entrepreneurs.

 

h)            La construction de la résidence a été complétée à l’automne 2002.

 

i)              Le 16 décembre 2002, l’appelante a transmis, par acte de donation, la moitié du terrain situé sur la rue Alfred‑Desrochers à son fils.

 

j)              L’appelante a vendu la propriété le 27 août 2003 pour 155 000 $.

 

[5]              Pour arriver à la conclusion que l’appelante a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003, le ministre allègue qu’il s’est appuyé sur les faits suivants (paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel) :

 

a)            L’appelante a une connaissance et une expérience des transactions immobilières.

 

b)            Le gain réalisé par l’appelante représente 65 % du revenu imposable de l’appelante pour son année en litige.

 

A. Témoignage de l’appelante

 

[6]              L’appelante a expliqué que c’était son rêve de faire construire une résidence située en bordure de la rivière Magog, à Sherbrooke. À cette fin, elle a acheté un grand terrain vacant situé au 3593, rue Alfred‑Desrochers. L’appelante témoigne que des membres de sa famille se sont portés volontaires pour construire la résidence. Son fils, Marc Cameron, avait de l’expérience dans la construction de maisons et c’est lui qui a contribué le plus de temps à la construction de la résidence de l’appelante. D’autres membres de la famille ont aidé les fils de l’appelante à compléter le tout.

 

[7]              L’appelante a affirmé que, dès le début des travaux de construction, elle a été harcelée par la Commission de la construction du Québec (la « C.C.Q ») qui prétendait qu’elle agissait comme entrepreneur général en construction sans détenir une licence à cet effet. La C.C.Q voulait mettre un terme à la construction vu le non‑respect de la règlementation à cet égard. L’appelante a été obligée de retenir les services d’un avocat pour se défendre et elle a dû débourser 10 000 $ en honoraires.

 

[8]              Pendant la construction, elle a décidé de diviser le terrain en deux parcelles et de donner l’une de celle‑ci à son fils, Marc Cameron. Elle explique que cela faisait partie de son rêve de vivre dans un immeuble adjacent à celui de son fils, ce qui lui permettrait de voir ses petits‑enfants tous les jours. Après avoir déménagé dans sa nouvelle maison et y avoir vécu quelque temps, elle prétend maintenant que ses capacités physiques et financières ne lui permettaient plus d’habiter cette maison. Par conséquent, elle a décidé de vendre l’immeuble pour retourner habiter la partie du duplex qu’elle occupait auparavant. Elle avait loué son ancien logement à un étudiant en médecine pour une courte période et elle a ainsi pu y déménager à la fin du bail.

 

B. Témoignage de Jacques Savard

 

[9]              L’essentiel du témoignage de monsieur Jacques Savard, vérificateur à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), se retrouve dans sa note de service produite sous la cote I‑4, onglet 4. Le procureur de l’intimée se base sur cette interprétation des faits pour conclure que la cotisation doit être maintenue. Le résumé de ces faits se lit comme suit :

 

L’activité d’achat et de vente de biens immobiliers constitue une « entreprise » selon la définition de cette expression au paragraphe 248(1). Par conséquent, le profit de 69 111 $ que vous avez réalisé au moment de la vente de la résidence sise au 3593, rue Alfred‑Desrochers à Sherbrooke, constitue un revenu tiré d’une entreprise en vertu du paragraphe 9(1). Ce montant a donc été inclus dans votre revenu en vertu de l’article 3.

 

 

III. Questions en litige

 

[10]         Le ministre était-il justifié d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2003 après la période normale de cotisation?

 

[11]         Le ministre était-il justifié d’ajouter un revenu additionnel d’entreprise de 69 111 $ au revenu de l’appelante pour son année d’imposition 2003?

 

 

IV. Analyse

 

[12]         La question en litige consiste à savoir si l’appelante, dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003, a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, de telle sorte que le ministre peut, en vertu du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la LIR, établir la cotisation en litige après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Le sous‑alinéa 152(4)a)(i) est libellé comme suit :

 

152(4) Cotisation et nouvelle cotisation [délai de prescription] Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu [sic] pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

a)   le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i)   soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

[…]

 

[13]         Cette disposition prévoit qu’outre une présentation erronée des faits, le ministre doit également démontrer par prépondérance de la preuve que cette présentation erronée est due soit à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire de l’appelante.

 

[14]         L’intimée soutient que l’appelante a fait une présentation erronée des faits en traitant le gain provenant de la disposition de l’immeuble en litige comme un gain en capital plutôt que comme un gain imposable à titre de revenu. Le ministre s’appuie sur le fait que l’appelante s’y connaît en matière d’opérations immobilières et que le gain représente 65% du revenu de l’appelante.

 

[15]         À l’égard des immeubles, la loi ne prévoit aucun critère pour distinguer un gain en capital d’un revenu d’entreprise provenant d’une opération à caractère commercial. Chaque situation constitue un cas d’espèce et il faut examiner les circonstances entourant l’opération pour répondre à cette question. Dans la décision Happy Valley Farms Ltd. c. La Reine[1], la Cour a tenu compte des facteurs suivants pour déterminer si le produit de la vente des biens immobiliers constituait un revenu :

 

1)                 La nature du bien qui est vendu et l’usage qu’en fait le contribuable;

2)                 La durée de la possession;

3)                 La fréquence ou le nombre d’opérations similaires effectuées par le contribuable;

4)                 Les améliorations faites sur le bien converti en espèces ou se rapportant à pareil bien;

5)                 Les circonstances qui ont entraîné la vente du bien; et

6)                 L’intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l’achat.

 

[16]         Le vérificateur de l’ARC a mis l’accent sur les facteurs deux et trois pour justifier sa conclusion. Même si les circonstances qui ont entraîné la vente peuvent être interprétées comme soutenant la position de l’intimée, la vraie question en litige est de savoir si le sous‑alinéa 152(4)a)(i) s’applique à une année d’imposition qui est autrement prescrite lorsque la présentation des faits qualifiée d’erronée résulte de l’adoption par la contribuable d’une interprétation des circonstances qui favorise la thèse de la non‑imposition vu que ces circonstances se situent dans une zone grise du droit fiscal. Je crois que la jurisprudence nous permet de répondre par la négative à cette question lorsque la position adoptée par la contribuable n’est pas déraisonnable.

 

[17]         Le point de départ est la décision de la Cour fédérale, Regina Shoppers Mall Limited v. The Queen[2]. Cette cause était centrée sur la question de savoir si le produit de la vente d’un terrain devait être inscrit par le contribuable dans ses déclarations de revenus comme un gain en capital ou comme un revenu. Le contribuable l’avait inscrit comme un gain en capital, et le ministre a conclu qu’il y avait ainsi eu présentation erronée des faits qui lui permettait de cotiser après la période normale. Le juge Addy, au paragraphe 10 de sa décision, a expliqué que lorsqu’un contribuable produit sa déclaration de revenus sur une base qu’il pense être bien fondée, après avoir fait une analyse réfléchie, prudente et délibérée, il ne peut y avoir présentation erronée des faits. Cette position a été avalisée par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 7 de sa décision[3].

 

[18]         De plus, au paragraphe 15 de son jugement, le juge Addy a expliqué que la loi n’impose pas aux contribuables l’obligation de caractériser leurs opérations de la manière que préfèrerait le ministre. Si le contribuable réfléchit soigneusement à sa position et n’essaie pas de tromper le ministre, il ne fait pas de présentation erronée.

 

[19]         La cause Petric c. La Reine[4] démontre que les tribunaux ont donné une interprétation large au principe établi dans Regina Shoppers Mall. Cette affaire ne concernait pas une question de gain en capital ou de revenu, mais plutôt la juste valeur marchande d’un bien. Mme la juge Lamarre s’est exprimée comme suit :

 

38        […] La question de la juste valeur marchande est une question controversée qui doit être tranchée en fonction de l'interprétation des faits mis en preuve, tout comme la question de savoir si le produit de la disposition devrait être considéré comme un revenu ou comme un gain en capital (Regina Shoppers Mall Limited) ou comme la question de savoir si des sociétés sont associées (1056 Enterprises Ltd.). […]

 

[20]         Et un peu plus loin, elle a ajouté :

 

40        Bien que la juste valeur marchande soit en fin de compte une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits, il s'agit surtout d'une question d'opinion à laquelle on doit répondre en analysant les différentes approches méthodologiques. Le ministre a certainement le droit de ne pas souscrire à l'opinion du contribuable quant à la juste valeur marchande et peut établir une nouvelle cotisation, dans le délai de prescription, en fonction de sa propre évaluation. Toutefois, lorsque la question est de savoir si le ministre a le droit de profiter d'une exception à l'application du délai de prescription, il faut démontrer que le contribuable a fait une présentation erronée en produisant sa déclaration de revenus. En l'espèce, je suis d'avis qu'à moins que l'on puisse affirmer que l'opinion des appelants quant à la juste valeur marchande était déraisonnable au point qu'elle ne pouvait pas être sincère, il n'y a pas vraiment eu présentation erronée.

[Non souligné dans l’original]

 

[21]         Dans la décision Savard c. La Reine[5], la Cour canadienne de l’impôt a réitéré que les contribuables ont le droit d’être en désaccord avec le ministre dans leur interprétation de la loi, sans que cela soit nécessairement interprété comme une présentation erronée des faits. Le juge Tardif a écrit :

 

78        Est-ce qu'une personne, au moment de remplir sa déclaration de revenus, doit inclure tout ce qui est susceptible de constituer un revenu, non pas à partir de sa propre analyse, mais à partir de spéculations sur ce que l'Agence pourrait vouloir lui attribuer? Je ne le crois pas. En l'espèce, il y avait suffisamment d'éléments pour justifier l'interprétation retenue par l'appelant, à savoir qu'il n'avait pas l'obligation de déclarer, à titre d'avantages imposables, les paiements d'honoraires effectués par son employeur. D'ailleurs, le débat relatif à la question de savoir qui a véritablement bénéficié des services ayant fait l'objet d'honoraires témoigne bien de la complexité du dossier et de la confusion qui l'entoure.

[Non souligné dans l’original]

 

[22]         Récemment, dans Chaumont c. La Reine[6], l’interprétation de la loi par le contribuable était clairement erronée, mais le fait qu’il l’avait adoptée de bonne foi avait permis à la Cour de conclure qu’il n’y avait pas eu présentation erronée des faits. M. le juge Tardif a écrit :

 

15        Bien que particulière, voire surprenante, les représentations soumises par l'appelant n'étaient ni loufoques, ni farfelues, au point de conclure qu'il ait fait une omission ou erreur volontaire dans le but manifeste de se soustraire à sa charge fiscale canadienne.

 

16        Il a, dans un premier temps, exprimé sa contestation et, dans un second temps, pris des initiatives pour démontrer le bien-fondé de ses prétentions en prenant également en considération qu'il existait des revenus qui n'étaient pas imposés, à savoir notamment, les revenus de pensions versés à un citoyen vivant dans un autre pays autre que celui qui payait la pension.

 

[…]

 

18        Conclure que le comportement de l'appelant constitue une omission volontaire ou une erreur suffisante pour permettre au ministre de cotiser au-delà de la période normale aurait pour effet, d'une part, d'affecter le droit de tout contribuable de contester le bien-fondé d'une cotisation et d'autre part, de faire en sorte que la limite de temps imposée par le législateur est essentiellement théorique.

 

[23]         À la lumière des jugements discutés ci‑dessus, il s’avère que le fait d’adopter une position réfléchie qui va à l’encontre de celle du ministre ne signifie pas en soi que le contribuable a fait une présentation erronée permettant au ministre de cotiser après la période normale.

 

[24]         Je ne crois pas que l’interprétation des faits adoptée par l’appelante peut être qualifiée de déraisonnable. Premièrement, j’estime que le vérificateur de l’ARC a considérablement exagéré l’expérience de l’appelante dans le domaine immobilier. Monsieur Savard a souligné que l’appelante lui a mentionné qu’elle avait déjà agi à titre d’agente immobilière. L’appelante a confirmé ce fait, mais a précisé que ce travail remonte à l’année 1978 lorsqu’elle était une jeune mariée. Lors de la vente de l’immeuble dont il est question dans le présent appel, l’appelante avait environ 60 ans. Elle avait cessé d’agir comme agente d’immeuble au moins 25 ans auparavant. Depuis ce temps, beaucoup de choses ont changé dans le domaine de l’immobilier et en matière fiscale. Les connaissances de l’appelante dans ce domaine sont lointaines.

 

[25]         D’autre part, l’intimée a exagéré l’expérience de la contribuable quant à l’achat et la vente de biens immobiliers. La preuve démontre que l’appelante était propriétaire d’un duplex situé sur la rue Patricia, à Sherbrooke. Cet immeuble a été acquis il y a plus de 40 ans. L’appelante a occupé l’appartement situé au rez‑de‑chaussée à partir de la date d’acquisition de l’immeuble jusqu’à la date où elle a déménagé dans l’immeuble visé par le présent appel. Pendant toute cette période, cet appartement avait été la résidence principale de l’appelante. L’appelante a également été propriétaire d’un chalet dans la même région situé sur le bord du lac Aylmer durant une période d’au moins 40 ans. À part l’immeuble en question dans le présent litige, la seule autre opération immobilière menée par l’appelante a été l’achat d’un immeuble de 15 logements. L’appelante a expliqué avoir acheté cet immeuble pour générer un revenu, car son mari est décédé lorsqu’elle avait seulement 55 ans. L’appelante ne travaille plus depuis l’âge de 50 ans. Au moment du décès de son mari, la succession se composait des immeubles de la rue Patricia et du lac Aylmer. L’immeuble sur la rue Patricia donnait droit à un revenu de location d’environ 400 $ par mois, un fait qui n’est pas contesté par l’intimée. L’appelante avait également reçu des actifs liquides totalisant 30 000 $. Le tout n’était pas suffisant pour générer un revenu net annuel permettant de répondre aux besoins de l’appelante. Son but était de vendre l’immeuble de la rue Patricia pour financer en partie l’achat de l’immeuble de 15 logements et financer le coût de construction de l’immeuble en question dans le présent litige. D’après l’appelante, l’immeuble de 15 logements lui fournissait un revenu adéquat pendant la période où elle n’était pas encore admissible à sa pension de vieillesse. Cette explication est complètement raisonnable vu les circonstances de l’appelante qui pouvait compter sur l’aide de son fils pour l’entretien de l’immeuble multiplex et la perception des loyers.

 

[26]         Quel fut le changement qui mena à la vente de sa résidence de la rue Alfred‑Desrochers? L’appelante a expliqué que le rêve qu’elle caressait de vivre près de son fils et de ses petits‑enfants s’est avéré plus exigeant que ce que lui permettait ses capacités physiques et financières. L’appelante voulait lotir en deux le terrain vacant qu’elle avait acheté et vendre un des deux terrains pour financer la construction de son immeuble. Une partie du terrain était très escarpée, ce qui compliquait la construction d’un immeuble. En outre, ce terrain était peu attrayant pour une famille avec des enfants. L’appelante a finalement donné le terrain à son fils, je crois en partie pour le remercier pour les services de construction qu’il lui avait fournis. Ainsi, l’opération de l’appelante n’en n’est pas une à caractère commercial. Il en est ainsi, en partie, en raison de la façon dont l’appelante a financé l’acquisition de l’immeuble. L’appelante a témoigné que le harcèlement que lui a fait subir la C.C.Q. a gâché un peu son rêve. Je n’ai aucune difficulté à croire qu’une personne de 60 ans pourrait trouver pénible de mener un tel projet. La preuve selon laquelle l’appelante a été obligée de se défendre contre les agissements de la C.C.Q. n’est pas contestée. Cette expérience peut avoir laissé l’appelante amère. Il n’est pas déraisonnable de sa part d’avoir traité les gains comme des gains sur un compte capital, vu l’échec de son projet d’habiter la résidence de la rue Alfred‑Desrochers à long terme.

 

[27]          Je dois examiner le dernier point soulevé par l’intimée. Le vérificateur de l’ARC prétend que l’appelante n’a pas occupé la maison en question ou ne l’a pas occupée assez longtemps pour qu’elle puisse être considérée comme ayant été sa résidence principale. À cet égard, je note que le Bulletin d’interprétation IT‑120R6, intitulé « Résidence principale » et publié par l’ARC en date du 17 juillet 2003, indique ce qui suit sur ce point :

 

5. Une autre exigence est que le logement doit être « normalement habité » au cours de l’année par le contribuable, par son époux ou conjoint de fait ou son ex‑époux ou ex‑conjoint de fait, ou par un enfant du contribuable.

 

Pour déterminer si un logement est normalement habité au cours de l’année par une personne, il faut s’appuyer sur les faits propres à chaque cas. Même si une personne habite un logement pendant une courte période de l’année, cela suffit pour que le logement soit considéré comme « normalement habité au cours de l’année » par cette personne. Par exemple, même si une personne dispose de sa résidence au début de l’année ou l’acquiert tard dans l’année, le logement peut être considéré comme normalement habité au cours de l’année par cette personne parce qu’elle y a vécu au cours de l’année avant la vente ou après l’acquisition, selon le cas. Ou, par exemple, une résidence saisonnière peut être considérée comme normalement habitée au cours de l’année par une personne qui ne l’occupe que pendant ses vacances, pourvu que le bien n’ait pas été détenu principalement dans le but d’en tirer ou de lui faire produire un revenu. En ce qui concerne ce dernier point, lorsqu’une personne tire seulement un revenu de location occasionnel d’une résidence saisonnière, le bien n’est pas considéré comme étant détenu principalement dans le but d’en tirer ou de lui faire produire un revenu.

 

[Non souligné dans l’original]

 

[28]         Ceci confirme l’état du droit sur le sujet : même si une personne occupe un immeuble à court terme, celui‑ci peut être considéré comme étant sa résidence principale. L’intimée voulait démontrer par une preuve circonstancielle que l’appelante n’a pas occupé l’immeuble. Toutefois, l’intimée ne conteste pas le fait que l’appelante a loué le logement qu’elle occupait sur la rue Patricia à un étudiant en médecine. Cependant, elle conteste la durée de la location. Je trouve l’appelante crédible sur ce point. Les agissements de l’appelante m’indiquent qu’elle était intimidée par les procédures de vérification et par le processus dans la salle d’audience. Les hésitations de l’appelante, à mon avis, sont attribuables à ces faits. D'autre part, l’intimée a fait valoir que l’immeuble n’était pas assuré en s’appuyant sur le fait que le vérificateur a vérifié auprès de la compagnie d’assurance Alliance industrielle. L’immeuble de l’appelante sur la rue Alfred‑Desrochers était grevé d’une hypothèque et je n’ai aucune difficulté à croire que l’institution financière prêteuse aurait exigé que l’immeuble soit assuré. L’explication de l’appelante à l’effet qu’elle avait été obligée de souscrire une assurance auprès d’une autre compagnie d’assurance est très plausible puisque les compagnies d’assurance ne sont pas toujours disposées à prendre des risques plus élevés, comme c’est le cas pendant la construction d’un immeuble, surtout pour la même prime.

 

[29]         Finalement, le vérificateur a insisté sur deux autres faits. D’une part, il a constaté l’absence de téléphones à ligne fixe dans la nouvelle résidence. L’appelante a expliqué qu’elle utilise son cellulaire. Ceci est plausible puisque beaucoup de gens laissent tomber les lignes fixes en faveur des téléphones cellulaires, qui sont un moyen de communication plus pratique qu’une ligne fixe. Deuxièmement, il a souligné que l’appelante a indiqué dans le contrat de vente notarié de l’immeuble sa résidence sur la rue Patricia comme étant sa résidence principale. D’une part, je note que le Bulletin d’interprétation reconnaît qu’un contribuable peut avoir plus d’une résidence principale. Une résidence secondaire peut être considérée comme une résidence principale au sens de la loi. D’autre part, il est tout à fait probable que c’est le notaire instrumentant qui a consigné ce renseignement dans l’acte de vente, qui, de toute évidence, n’était pas très important. L’acheteur et le vendeur étaient beaucoup plus préoccupés par les modalités de l’opération, surtout le prix et les modalités de paiement. En dernière analyse, le bénéfice du doute doit être accordé à l’appelante étant donné qu’elle est un témoin crédible.

 

[30]         Pour tous ces motifs, l’appel est accueilli, la cotisation est annulée et les dépens sont adjugés à l’appelante.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2011.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 108

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-4065(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              SOLANGE PALARDY c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Sherbrooke (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 mars 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle même

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Antonia Paraherakis

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                     Nom :

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] No T‑6632‑82, 16 juillet 1986, 86 DTC 6421.

[2] Nos T‑1199‑88 et T‑2085‑88, 26 juin 1990, 90 DTC 6427.

[3] [1991] A.C.F. no 52 [Regina Shoppers Mall].

[4] 2006 CCI 306, [2006] A.C.I. no 230.

[5] 2008 CCI 62, 2008 DTC 2741.

[6]2009 CCI 493, 2009 DTC 1813 (procédure informelle).

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