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Dossier : 2010-2625(IT)I

 

ENTRE :

JOHN WIENS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 20 janvier 2011, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Dan White

Avocate de l’intimée :

Me Samantha Hurst

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Les appels que l’appelant a interjetés des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») sont accueillis avec dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant pour acquis :

 

a)     que, pour la détermination du revenu de l’appelant pour l’année 2002, son revenu sera réduit des montants suivants :

 

Élément

Montant

Rajustement pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété située au 22, chemin Pembroke

(15 900 $)

Rajustement pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété située au 428, rue Redonda

(1 128 $)

Rajustement pour le montant versé aux entrepreneurs par la compagnie d’assurance

(3 542 $)

Total des rajustements (réduction du revenu de l’appelant)

(20 570 $)

 

b)    que, pour la détermination de l’obligation de l’appelant en vertu de la Loi à l’égard des impôts sur le revenu de l’année 2003, le montant des impôts à payer par l’appelant pour l’année 2003 sera réduit du moindre des montants suivants :

 

(i)   le montant par lequel l’obligation relative aux impôts sur le revenu qui lui incombe en vertu de la Loi serait réduit si son revenu était rajusté ainsi :

 

Élément

Montant

Réduction pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété située au 1581, rue Rothesay

(15 136 $)

Réduction pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété situé au 453, chemin Phelan

(40 057 $)

Réduction pour le montant ajouté à titre de revenu d’un projet comportant un risque de caractère commercial à l’égard de la vente de la propriété située au 165, Crestwood Crescent

(16 346 $)

Ajout visant à rétablir le montant déclaré à titre de gain en capital imposable

7 500 $

Réduction pour le montant versé par la compagnie d’assurance

(2 200 $)

Total des rajustements (réduction du revenu de l’appelant)

(66 239 $)

 

(ii)  un montant de 12 000 $.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mars 2011.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2011.

 

Marie‑Christine Gervais

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 152

Date : 20110315

Dossier : 2010-2625(IT)I

ENTRE :

JOHN WIENS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]     Les appels interjetés par l’appelant se rapportent aux nouvelles cotisations dont celui‑ci a fait l’objet à l’égard de ses années d’imposition 2002 et 2003. Au cours de ces deux années, certains montants ont été ajoutés au revenu de l’appelant à l’égard d’un magasin de détail qu’il exploitait en tant que propriétaire unique et à l’égard de certaines ventes de biens immeubles. Les montants suivants ont été ajoutés au revenu de l’appelant :

 

 

2002

2003

Augmentation du revenu tiré du magasin de détail

42 028 $

2 667 $

Augmentation du revenu tiré de la vente de biens immeubles

34 055 $

179 206 $

Augmentation globale du revenu d’entreprise

76 083 $

181 873 $

Réduction du gain en capital imposable déclaré

 

(36 952 $)

Réduction de la valeur des stocks de clôture (nouvelle cotisation du 22 décembre 2008)

(6 160 $)

(18 999 $)

Augmentation nette du revenu

69 923 $

125 922 $

 

[2]              L’article 18.12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt prévoit ce qui suit :

 

18.12 Si, avant l’audition, elle est d’avis que le total de tous les montants en cause dans un appel visé au paragraphe 18(1) est supérieur à 12 000 $ ou que le montant de la perte en cause est supérieur à 24 000 $, la Cour doit ordonner que l’appel soit régi par les articles 17.1 à 17.8, à moins que le contribuable ne limite son appel à 12 000 $ ou à 24 000 $, selon le cas.

 

[3]              L’article 2.1 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt prévoit ce qui suit :

 

2.1 Pour l’application de la présente loi, « total de tous les montants » s’entend du total de tous les montants déterminés par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu ou à l’égard desquels il a établi une cotisation, à l’exception toutefois des intérêts ou des pertes déterminés par ce ministre.

 

[4]              Étant donné qu’aucune pénalité n’a été établie contre l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), pour l’application de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, le « total de tous les montants » en l’espèce se rapporterait aux impôts établis en vertu de la Loi. Dans la décision Maier c. La Reine, 1994 A.C.I. no 1260, le juge Garon (tel était alors son titre) a conclu que le total de tous les montants en cause se rapporte au total des montants en cause au titre d’une cotisation (ou d’une nouvelle cotisation) particulière et non en vertu d’un avis d’appel. Lorsqu’un avis d’appel se rapporte à plus d’une cotisation (ou d’une nouvelle cotisation), il ne s’agit pas de savoir si les montants globaux en cause en vertu de l’avis d’appel sont supérieurs à 12 000 $, mais si les montants globaux en cause à l’égard d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation particulière sont supérieurs à 12 000 $. Par conséquent, si une personne limite son appel à 12 000 $, la limite s’appliquera à chaque cotisation (ou nouvelle cotisation) qui fait l’objet de l’appel. En l’espèce, la limite de 12 000 $ s’appliquera à l’appel de la nouvelle cotisation relative à l’obligation de l’appelant pour son année d’imposition 2002 et une limite distincte de 12 000 $ s’appliquera à l’appel de la nouvelle cotisation relative à l’obligation de l’appelant pour son année d’imposition 2003.

 

[5]              Étant donné que l’augmentation nette du revenu de l’appelant pour l’année 2003 s’élevait à 125 922 $, il semble que le total des impôts établis en vertu de la Loi qui sont en cause à l’égard de la nouvelle cotisation concernant l’année 2003 serait supérieur à 12 000 $. Au début de l’audience, j’ai lu les dispositions de l’article 18.12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt au représentant de l’appelant et celui‑ci a confirmé que l’appelant limitait à 12 000 $ l’appel relatif à chaque année. À cette fin, le représentant de l’appelant a présenté un tableau intitulé : [traduction] « État révisé des montants en cause », dans lequel les montants suivants étaient énumérés :

 

          [traduction]

 

2002

 

Revenu d’entreprise (biens immeubles)

 

Bénéfice, 22, chemin Pembroke                                                                      31 799 $

 

Bénéfice, 428, rue Redonda                                                                              2 257 $

 

Revenu d’entreprise (magasin à un dollar)

 

Produit de l’assurance                                                                                     10 914 $

 

Montant global contesté (2002)                                                                      44 970 $

 

2003

 

Revenu d’entreprise (bien immeuble)

 

Bénéfice, lot 2, Springfield                                                                              59 827 $

 

Revenu d’entreprise (magasin à un dollar)

 

Produit de l’assurance                                                                                       2 200 $

 

Montant global contesté (2003)                                                                      62 027 $

 

[6]              Ces biens immeubles ainsi que les trois autres biens immeubles énumérés dans la réponse relative à l’année 2003 sont tous situés à Winnipeg ou dans les environs. Le représentant de l’appelant avait mentionné que la preuve relative aux opérations immobilières serait limitée aux propriétés mentionnées dans le tableau. Toutefois, étant donné que le représentant de l’appelant n’a pas posé de questions à l’un ou l’autre des deux témoins au sujet de ces trois propriétés, le tableau vise simplement à montrer que le représentant s’en tenait à la limite applicable aux appels régis par la procédure informelle, à savoir que le montant en cause (les impôts et, le cas échéant, les pénalités établies en vertu de la Loi) est limité à 12 000 $. Il y a également dans le dossier du greffe une copie d’une lettre que le ministère de la Justice a envoyée au représentant de l’appelant le 21 octobre 2010, dans laquelle est soulevée la question de la limite de 12 000 $ qui s’applique au montant en cause dans un appel régi par la procédure informelle; la lettre informait l’appelant qu’il pouvait faire entendre l’appel sous le régime de la procédure générale, auquel cas aucune limite ne s’appliquerait au montant en litige.

 

[7]              Il est clair que l’appelant et son représentant ont reçu un avis adéquat des limites applicables aux appels régis par la procédure informelle et que l’appelant a décidé de limiter à 12 000 $ pour chaque année le montant des impôts en litige. Par conséquent, l’audience s’est poursuivie sous le régime de la procédure informelle.

 

[8]              Deux témoins seulement ont témoigné à l’audience : l’appelant et son épouse. Une question s’est posée lorsque le représentant de l’appelant a réinterrogé ses témoins. En effet, l’avocate de l’intimée s’est opposée aux questions que le représentant de l’appelant posait à chaque témoin pour le motif suivant :

 

[traduction]

 

Me HURST : À mon avis, la réponse se rapporte à des questions qui ont été soulevées au cours du contre‑interrogatoire, que l’appelant n’aurait pas pu connaître lors de l’interrogatoire principal.

 

[9]              L’audience était tenue sous le régime de la procédure informelle et j’ai autorisé le représentant de l’appelant à poser des questions au témoin, dans le cadre du réinterrogatoire, au sujet de points qui avaient été soulevés lors du contre-interrogatoire de ce témoin, mais qui n’avaient pas été examinés lors de l’interrogatoire principal du témoin.

 

[10]         Dans l’arrêt R. cEvans, [1993] 2 R.C.S. 629, 104 D.L.R. (4th) 200, le juge Cory a dit ce qui suit au nom de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada :

 

Le juge du procès aurait‑il dû autoriser la question en réinterrogatoire?

 

37  Même si la preuve a été jugée recevable, il reste à déterminer si la question aurait dû être autorisée en réinterrogatoire.

 

38  Voici la solution que formule, fort bien d’ailleurs, E. G. Ewaschuk dans Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2e éd., (à la p. 16.29, par. 16:2510) :

 

[traduction] Les questions qui peuvent être posées de plein droit lors du réinterrogatoire doivent porter sur des éléments issus du contre‑interrogatoire, qui se rapportent à des faits nouveaux ou à des questions soulevées pendant l’interrogatoire principal et qui nécessitent des explications concernant les questions posées et les réponses données en contre‑interrogatoire.
[C’est le juge Cory qui souligne.]

 

Généralement, le réinterrogatoire ne doit se rapporter qu’à des questions soulevées pendant le contre‑interrogatoire. La règle habituelle veut en effet que des faits nouveaux ne puissent être présentés en réinterrogatoire. Voir R. c. Moore, (1984), 15 C.C.C. (3d) 541 (C.A. Ont.), le juge Martin. En l’espèce, le contre‑interrogatoire de Linda Sample a porté sur les déclarations qu’elle avait faites aux policiers au sujet de l’appelant. C’est pendant le contre‑interrogatoire qu’il a expressément été question de la rencontre du 30 décembre avec les policiers, et non pendant l’interrogatoire principal. Au cours du contre‑interrogatoire, Linda Sample a affirmé que, depuis cette rencontre, elle soupçonnait l’appelant d’avoir commis le crime. Il semblerait que le ministère public avait le droit de réinterroger Linda Sample au sujet de ce qu’elle avait dit précisément aux policiers à ce moment‑là concernant l’appelant. Le sujet n’avait pas été abordé pendant l’interrogatoire principal, mais il l’avait été en contre‑interrogatoire. Le juge du procès a donc commis une erreur en ne permettant pas le réinterrogatoire à cet égard.

 

            [Non souligné dans l’original.]

 

[11]         Il me semble que lorsque le témoin faisait l’objet de l’interrogatoire principal, la Couronne aurait été au courant (ou aurait pu être au courant, si elle l’avait demandé à la police) de l’entrevue que la police avait eue avec le témoin. Le fait de ne pas avoir renvoyé le témoin, au cours de l’interrogatoire principal, aux déclarations qu’elle avait faites à la police n’aurait pas dû empêcher la Couronne de poser à ce témoin des questions au sujet de ses déclarations au cours du réinterrogatoire, puisque la question avait été soulevée lors du contre-interrogatoire du témoin. Par conséquent, même si une question n’a pas été soulevée au cours de l’interrogatoire principal d’un témoin, si la question est soulevée au cours du contre-interrogatoire de ce témoin, le témoin peut être réinterrogé sur ce point après le contre-interrogatoire, même si le représentant ou l’avocat qui l’a appelé à témoigner était au courant (ou pouvait l’être) de la question avant le contre-interrogatoire du témoin.

 

[12]         Dans l’ouvrage intitulé The Law of Evidence in Canada (troisième édition), des juges Bryant, Lederman et Fuerst, qui étaient tous juges à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, il est déclaré ce qui suit (page 1164) :

 

[traduction]

 

VII. RÉINTERROGATOIRE

 

§16.183 Le réinterrogatoire vise à permettre au témoin d’expliquer et de clarifier le témoignage pertinent que le contre-interrogatoire a peut-être eu pour effet d’affaiblir ou d’obscurcir. Habituellement, le témoin n’est pas autorisé à compléter l’interrogatoire principal en présentant de nouveaux faits dont il n’a pas été question lors du contre‑interrogatoire.* En règle générale, le réinterrogatoire doit se limiter aux points soulevés lors du contre-interrogatoire.*

 

§16.184 Toutefois, le droit de procéder à un réinterrogatoire s’étend au rétablissement de la crédibilité du témoin, que le contre-interrogatoire a peut-être affaiblie. Cela comprend le droit de demander au témoin d’expliquer ou de clarifier des incohérences entre l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire.* De plus, cela peut comporter la présentation d’une déclaration antérieure compatible visant à réfuter la thèse selon laquelle la preuve produite par le témoin était une fabrication récente.*

 

§16.185 De plus, le juge du procès peut à sa discrétion autoriser le réinterrogatoire dans des circonstances qui ne sont pas conformes aux principes susmentionnés. Le juge ne doit pas exercer ce pouvoir discrétionnaire à la légère; cependant, il peut autoriser le réinterrrogatoire sur des questions qui n’ont pas été abordées lors du contre-interrogatoire, et qui, peut-être par suite d’un oubli, avaient été omises lors de l’interrogatoire principal. En pareil cas, la partie adverse aura le droit de contre‑interroger le témoin.* [...]

 

(* indique une note de bas de page qui est dans le texte, mais qui n’a pas été incluse.)

 

[13]         Par conséquent, même si une question n’a pas été examinée au cours de l’interrogatoire principal ou du contre-interrogatoire du témoin, il est encore possible de permettre que la question soit examinée au cours du réinterrogatoire, la partie adverse ayant le droit de contre-interroger de nouveau le témoin.

 

[14]         L’obligation fiscale de l’appelant pour l’année 2002 a initialement donné lieu à une cotisation le 14 octobre 2003, et l’obligation fiscale de l’appelant pour l’année 2003 a initialement donné lieu à une cotisation le 25 mai 2004. L’appelant a fait l’objet d’une nouvelle cotisation visant à inclure le revenu additionnel susmentionné dans les avis de nouvelle cotisation datés du 30 août 2007. Les avis de nouvelle cotisation ont été délivrés après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation selon la définition figurant au paragraphe 152(3.1) de la Loi. Le paragraphe 152(4) de la Loi prévoit notamment ce qui suit :

 

(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

a)         le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i)         soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii)        soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

 

[15]         Une renonciation, à l’égard des [traduction] « revenu et dépenses d’entreprise et opérations immobilières » pour l’année d’imposition 2002 de l’appelant était datée du 10 octobre 2006. L’appelant a reconnu que la signature figurant dans le formulaire semblait être la sienne, mais il a déclaré ne pas se rappeler avoir signé la renonciation. Aucune renonciation n’a été présentée à l’égard de l’année d’imposition 2003.

 

[16]         L’appelant n’était pas en bonne santé en 2006. Il a décrit son état en ces termes :

 

[traduction]

 

Q.        Je vous demandais, monsieur, si vous vous rappeliez où vous étiez et ce que vous faisiez le 10 octobre 2006.

 

R.         J’étais soit à l’hôpital soit en dehors de l’hôpital pendant quelques jours, ou encore des permis de jour m’avaient été accordés et ainsi de suite. J’attendais d’être opéré.

 

Q.        Pouvez-vous nous dire quel genre d’opération vous deviez subir?

 

R.         Une opération à la rate. Ils disaient qu’elle risquait de se rompre spontanément. Ils voulaient poser un diagnostic ou quelque chose du même genre. Je ne comprends pas ce que les médecins font.

 

Q.        Étiez-vous physiquement malade?

 

R.         Oui.

 

Q.        Preniez-vous des médicaments?

 

R.         Beaucoup de médicaments.

 

Q.        Vous rappelez-vous quels étaient ces médicaments?

 

R.         Certains médicaments étaient des stupéfiants, mais je sais qu’il faut obtenir une ordonnance spéciale. Si j’étais à l’hôpital, on m’administrait un tas de pilules. Ma femme en savait davantage au sujet de ce que je prenais à la maison, une poignée de médicaments différents. Je ne sais pas exactement ce que c’était.

 

Q.        Diriez-vous que vous étiez dans votre état normal et que vous fonctionniez bien au point de vue mental à ce moment‑là?

 

R.         Je ne pouvais pas conduire. Ils m’ont dit qu’avec les médicaments que je prenais, je ne pouvais pas conduire de véhicule à moteur.

 

Q.        Vous occupiez-vous de vos affaires fiscales à ce moment-là?

 

R.         Non.

 

[...]

 

Q.        En ce qui concerne les impôts, votre état mental et physique, votre capacité de prendre des décisions, tout ce genre de choses.

 

R.         Ma femme disait que j’étais dans un état végétatif. Je me rappelle avoir reçu un appel lorsque j’étais à l’hôpital – je crois que c’était au mois de juillet – ou encore c’était le message d’une infirmière me disant d’appeler le vérificateur. J’ai demandé à ma femme si elle pouvait communiquer avec le comptable à ce moment‑là ou un aide-comptable pour qu’il s’en occupe. Mon état a empiré avec le temps. Je prenais de plus en plus de médicaments, de sorte que je ne savais pas ce que je faisais. Je ne pouvais pas conduire de voiture. Je ne pouvais même pas marcher.

 

Q.        Poursuivez.

 

R.         Quant à mon état mental, j’étais probablement à peu près dans l’état que ma femme a décrit. Je ne savais pas ce que je faisais. Je ne savais rien.

 

[...]

 

Q.        Jusqu’à quand remonte-t-on dans le passé, lorsque vos idées étaient claires? Si nous prenons le 10 octobre comme point de repère, à quel moment votre maladie a‑t‑elle commencé à affecter votre mémoire et votre capacité de penser? C’est ce que j’essaie d’établir.

 

R.         Je sais que j’ai été admis à l’hôpital à la fin du mois de juillet, si je ne me trompe, en 2006, et j’y suis resté fort longtemps. Pendant mon séjour à l’hôpital, j’étais passablement mal en point. Auparavant, lorsque nous avions tous les problèmes au magasin, je crois que j’étais probablement atteint d’un trouble nerveux quelconque, parce que je ne me portais pas très bien. Vous pouvez bien imaginer l’effet lorsqu’on entre par effraction chez vous une fois, ou deux, trois ou cinq fois. Je ne sais même pas combien de fois cela s’est produit. Le stress était énorme. Je suppose que j’étais paranoïaque. Je ne savais pas ce qui se passait.

 

Q.        Comment décririez-vous votre capacité de gérer vos propres affaires – en particulier lors de la vérification – au cours de cette période?

 

R.         Je n’étais absolument pas en mesure de le faire.

 

Q.        Qui s’occupait de vos affaires?

 

R.         Une comptable du nom de Kathy Currie. Je ne sais pas trop si elle est comptable ou aide-comptable.

 

[17]         Dans la décision Nguyen c. La Reine, 2005 CCI 697, [2007] 5 C.T.C. 2654, le juge Dussault, de la présente cour, examinait une renonciation au droit d’appel signée par un contribuable, renonciation que celui‑ci avait par la suite contestée. Le juge a fait les remarques suivantes :

 

[32] L’appelant a donc accepté un règlement qui lui apparaissait sûrement avantageux à l’époque, et on a établi des cotisations à son égard en fonction du règlement intervenu, c’est-à-dire des cotisations sans pénalité. Il a, par ailleurs, renoncé à son droit de faire opposition et d’interjeter appel à l’égard des dépenses dont la déduction a été refusée pour les années 1997, 1998 et 1999. Il n’a pas apporté d’élément de preuve convaincant établissant qu’il n’était pas en mesure, pour des raisons liées à son origine ou à la langue, de comprendre les conséquences de sa renonciation, ou encore, que les autorités fiscales ont tenté de l’induire en erreur, de le menacer ou d’exercer des pressions indues à l’égard de la renonciation. Les paragraphes 165(1.2) et 169(2.2) de la Loi sanctionnent une telle renonciation.

 

[33] Il m’apparaît clair qu’une renonciation au droit d’opposition et d’appel signée par un contribuable ne peut être annulée que par une preuve prépondérante qu’il n’y a pas librement consenti ou qu’il a été victime de pressions indues. J’estime que cette preuve n’a pas été apportée dans la présente affaire.

 

[18]         Il me semble que les principes qui s’appliquent à une renonciation au droit d’opposition ou d’appel doivent également s’appliquer à une renonciation à la période normale de nouvelle cotisation. Le juge Dussault a dit qu’une renonciation ne pouvait être annulée que par « une preuve prépondérante ». Par suite de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’affaire F.H. c. McDougall, [2008] 3 R.C.S. 41, il me semble qu’il n’existe qu’une seule norme de preuve et qu’il n’est donc pas possible dans ce cas‑ci d’annuler la renonciation, à moins que l’appelant n’établisse selon la prépondérance des probabilités qu’il n’a pas librement consenti à la renonciation[1]. La question de savoir si une personne a donné son consentement comprendrait la question de savoir si cette personne avait la capacité de consentir. Dans l’ouvrage intitulé Chitty on Contracts (29e édition), page 579, il est déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

 

Incapacité contractuelle. L’incapacité d’une partie contractante peut entraîner l’annulation d’un contrat par ailleurs valide. Toutefois, à première vue, il est présumé en droit que toute personne a la capacité de contracter, de sorte que lorsqu’une exemption de la responsabilité de s’acquitter d’une obligation est alléguée en raison d’un défaut de capacité, ce fait doit être strictement établi par la personne qui invoque l’exemption.

 

[19]         Il me semble également que ces remarques doivent s’appliquer à la renonciation dans ce cas‑ci et qu’elles s’appliqueraient également à toute présumée incapacité attribuable à un médicament pris par l’appelant à ce moment‑là, à condition que l’exigence voulant que le fait soit « strictement établi » n’impose pas une norme de preuve autre que la prépondérance des probabilités ou n’oblige pas le juge du procès à examiner la preuve plus attentivement qu’il ne le ferait dans d’autres affaires civiles. Compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt F.H. c. McDougall, précité, l’appelant, puisqu’il affirme ne pas être lié par la renonciation, doit établir selon la prépondérance des probabilités qu’il n’avait pas la capacité voulue pour signer la renonciation, le 10 octobre 2006.

 

[20]         Toutefois, il n’est pas du tout clair dans ce cas‑ci que l’appelant ait été à l’hôpital, le 10 octobre 2006. Aucun document de l’hôpital n’a été produit en vue d’établir la date à laquelle l’appelant avait été admis à l’hôpital ou celle à laquelle il avait reçu son congé. Selon ce qu’il se rappelait, l’appelant avait été admis à la fin du mois de juillet 2006 et il était [traduction] « resté là pendant un bon moment », ce qui est très subjectif et aide peu à décider s’il était encore à l’hôpital le 10 octobre 2006. Pour certains, un séjour d’une semaine ou deux à l’hôpital peut sembler être un bon moment.

 

[21]         On ne sait pas trop non plus quels médicaments l’appelant prenait en fait le 10 octobre 2006, ou jusqu’à quel point il était alors capable de comprendre la nature du document qu’il signait. Il ne suffit pas que l’appelant ne se rappelle pas avoir signé le document. Il me semble qu’il aurait été important que des experts médicaux témoignent au sujet de la capacité de l’appelant, le 10 octobre 2006, si celui‑ci voulait établir qu’il n’était pas capable de comprendre la nature du document qu’il avait signé ce jour‑là.

 

[22]         En ce qui concerne la charge de la preuve, le juge Rothstein, au nom de la Cour suprême du Canada, a dit ce qui suit dans l’arrêt F.H. c. McDougall, précité :

 

(4) L’approche qui devrait désormais être celle des cours de justice canadiennes

 

[40] Comme l’a fait la Chambre des lords, notre Cour devrait selon moi affirmer une fois pour toutes qu’il n’existe au Canada, en common law, qu’une seule norme de preuve en matière civile, celle de la prépondérance des probabilités. Le contexte constitue évidemment un élément important et le juge ne doit pas faire abstraction, lorsque les circonstances s’y prêtent, de la probabilité ou de l’improbabilité intrinsèque des faits allégués non plus que de la gravité des allégations ou de leurs conséquences. Toutefois, ces considérations ne modifient en rien la norme de preuve. [...]

 

[…]

 

[44] Comme l’explique lord Hoffmann dans l’arrêt In re B, par. 2 :

 

[traduction] Lorsqu’une règle de droit exige la preuve d’un fait (le « fait en litige »), le juge ou le jury doit déterminer si le fait s’est ou non produit. Il ne saurait conclure qu’il a pu se produire. Le droit est un système binaire, les seules valeurs possibles étant zéro et un. Ou bien le fait s’est produit, ou bien il ne s’est pas produit. Lorsqu’un doute subsiste, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve incombe à l’une ou l’autre des parties permet de trancher. Lorsque la partie à laquelle incombe la preuve ne s’acquitte pas de son obligation, la valeur est de zéro et le fait est réputé ne pas avoir eu lieu. Lorsqu’elle s’en acquitte, la valeur est de un, et le fait est réputé s’être produit.

 

À mon avis, la seule façon possible d’arriver à une conclusion de fait dans une instance civile consiste à déterminer si, selon toute vraisemblance, l’événement a eu lieu.

 

[45] Laisser entendre que lorsqu’une allégation formulée dans une affaire civile est grave, la preuve offerte doit être examinée plus attentivement suppose que l’examen peut être moins rigoureux dans le cas d’une allégation moins grave. Je crois qu’il est erroné de dire que notre régime juridique admet différents degrés d’examen de la preuve selon la gravité de l’affaire. Il n’existe qu’une seule règle de droit : le juge du procès doit examiner la preuve attentivement.

 

[46] De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment. Dans le cas d’une allégation grave comme celle considérée en l’espèce, le juge peut être appelé à apprécier la preuve de faits qui se seraient produits de nombreuses années auparavant, une preuve constituée essentiellement des témoignages du demandeur et du défendeur. Aussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était à ses yeux suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités.

 

[47] Enfin, il peut arriver que le fait soit intrinsèquement improbable. L’improbabilité intrinsèque dépend toujours des circonstances. Comme le dit la baronne Hale dans l’arrêt In re B, par. 72 :

 

            [traduction] Prenons l’exemple bien connu de l’animal aperçu dans Regent’s Park. S’il est vu à l’extérieur du zoo, dans un lieu où l’on promène habituellement son chien, alors il est plus vraisemblable qu’il s’agisse d’un chien que d’un lion. S’il est vu à l’intérieur du zoo, près de l’enclos des lions, dont la porte est ouverte, il se peut fort bien qu’il soit plus vraisemblable qu’il s’agisse d’un lion que d’un chien.

 

[48] Un fait allégué peut être très improbable, un autre moins. Il ne saurait y avoir de règle permettant de déterminer dans quelles circonstances et jusqu’à quel point le juge du procès doit tenir compte de l’improbabilité intrinsèque. Dans l’arrêt In re B, lord Hoffmann fait remarquer ce qui suit (par. 15) :

 

            [traduction] Le sens commun — et non le droit — exige, pour trancher à cet égard, qu’on tienne compte, dans la mesure où cela est indiqué, de la probabilité intrinsèque.

 

Il revient au juge du procès de décider dans quelle mesure, le cas échéant, les circonstances donnent à penser que le fait allégué est intrinsèquement improbable et, s’il l’estime indiqué, il peut en tenir compte pour déterminer si la preuve établit que, selon toute vraisemblance, l’événement s’est produit. Or, aucune règle de droit ne saurait le lui imposer.

 

(5) Conclusion sur la norme de preuve

 

[49] En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[23]         L’appelant n’avait peut-être pas la capacité voulue pour signer une renonciation valide, le 10 octobre 2006, mais cela n’est pas suffisant. L’appelant doit établir que, selon toute vraisemblance, il n’avait pas la capacité requise, le 10 octobre 2006, pour consentir à la renonciation. Or, l’appelant n’a pas établi que, selon toute vraisemblance, il n’avait pas la capacité requise, le 10 octobre 2006, pour signer une renonciation valide, et je conclus donc que la renonciation est valide et que l’intimée avait le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour l’année 2002.

 

[24]         Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Sa Majesté la Reine, [1997] A.C.S. no 62, la juge L’Heureux-Dubé, de la Cour suprême du Canada, a fait les remarques suivantes en ce qui concerne l’obligation pour l’appelant de « démolir » les hypothèses du ministre :

 

            92        [...] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus: First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

 

            93        L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). En l’espèce, l’appelante a produit une preuve qui respecte non seulement la norme prima facie, mais, selon moi, une norme encore plus sévère. À mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions suivantes : a) la présomption de l’existence de « deux entreprises », en produisant une preuve claire de l’existence d’une seule entreprise; b) la présomption qu’il n’y a « aucun revenu », en produisant une preuve claire de l’existence d’un revenu. Il est établi en droit qu’une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre : voir par exemple MacIsaac c. M.R.N., 74 D.T.C. 6380 (C.A.F.), à la p. 6381; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.). Comme je l’ai déjà dit, aucune partie de la preuve produite par l’appelante en l’espèce n’a été contestée ni contredite. Par conséquent, à mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions sur l’existence de « deux entreprises » et sur le fait qu’il n’y a « aucun revenu ».

 

            94        Lorsque l’appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve [...] passe [...] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l’appelant et prouver les présomptions : Magilb Development Corp. c. La Reine, 87 D.T.C. 5012 (C.F. 1re inst.), à la p. 5018. Ainsi, dans la présente affaire, la charge est passée au ministre, qui doit prouver ses présomptions suivant lesquelles il existe « deux entreprises » et il n’y a « aucun revenu ».

 

            95        Lorsque le fardeau est passé au ministre et que celui-ci ne produit absolument aucune preuve, le contribuable est fondé à obtenir gain de cause : voir par exemple MacIsaac, précité, où la Cour d’appel fédérale a infirmé le jugement de la Division de première instance (à la p. 6381) pour le motif que le « témoignage n’a été ni contesté ni contredit, et aucune objection ne lui a été opposée ». Voir aussi Waxstein c. M.R.N., 80 D.T.C. 1348 (C.R.I.); Roselawn Investments Ltd. c. M.R.N., 80 D.T.C. 1271 (C.R.I.). Se reporter également à Zink, précité, à la p. 653, où, même si la preuve « échappait à la logique et présentait de graves lacunes de fond et de chronologie », l’appel du contribuable a été accueilli parce que le ministre n’a présenté aucune preuve quant à la source de revenu. Dans la présente affaire, je remarque que la preuve ne contient aucune « lacune » de ce genre. Par conséquent, puisque le ministre n’a produit absolument aucune preuve et que personne n’a soulevé le moindre doute quant à la crédibilité, l’appelante est fondée à obtenir gain de cause.

 

            96        Dans la présente affaire, sans qu’aucune preuve ne leur ait été présentée, le juge de première instance et la Cour d’appel ont tous deux voulu transformer les présomptions non fondées et non vérifiées en « conclusions de fait », commettant ainsi des erreurs de droit sur la charge de la preuve. Mon collègue le juge Iacobucci exerce de la retenue à l’égard de ces soi-disant « conclusions concordantes » des cours d’instance inférieure, mais, bien que je sois tout à fait d’accord de façon générale avec le principe de retenue judiciaire, dans la présente affaire, deux décisions incorrectes ne sauraient en faire une bonne. Même si nous sommes en présence de « conclusions concordantes », la preuve non contestée et non contredite réfute positivement les présomptions du ministre : MacIsaac, précité. Comme le juge Rip de la Cour canadienne de l’impôt l’a noté dans Gelber c. M.R.N., 91 D.T.C. 1030, à la p. 1033, « [le ministre] n’est pas l’arbitre de ce qui est fondé ou non en matière de droit fiscal ». Le juge Brulé de la Cour canadienne de l’impôt dans Kamin, précité, a observé à la p. 64 :

 

     [...] le ministre devrait pouvoir réfuter cette preuve [prima facie] et présenter des arguments à l’appui de ses présomptions.

 

                        [...]

 

  Le ministre n’a pas carte blanche pour établir les présomptions qui lui conviennent. À l’interrogatoire principal, on s’attend qu’il puisse produire des preuves plus concrètes que de simples présomptions pour réfuter les arguments de l’appelant.

 

[C’est la juge L’Heureux-Dubé qui souligne.]

 

[25]         Dans l’arrêt Northland Properties Corp. v. British Columbia, 2010 BCCA 177, 319 D.L.R. (4th) 334, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a fait certaines remarques au sujet de la décision rendue par la juge L’Heureux‑Dubé :

 

[traduction]

 

26        L’emploi du terme « démolir » a persisté jusqu’à nos jours : voir Hickman, paragraphe 92; ou plus récemment, Norton c. Canada, 2010 CCI 62, paragraphe 59. Ce choix de mot est malheureux parce qu’il tend à obscurcir la nature réelle de la norme de preuve. « Le fait de démolir » ne donne pas à penser l’existence d’une norme plus stricte; à cet égard, l’énoncé minutieux du juge McQuaid dans l’arrêt Island Telecom Inc. v. P.E.I. (Regulatory and Appeals Commission) (1999), 176 D.L.R. (4th) 356, (C.A. Î.‑P.‑É.), paragraphe 22, est approprié :

 

            [22] [...] Une fois que [...] les hypothèses ont été « démolies » ou, pour exprimer la chose d’une façon un peu moins catégorique, une fois que le contribuable s’est acquitté du [...] fardeau qui lui incombe de démontrer que les faits ou les hypothèses sur lesquels se fonde le répartiteur sont inexacts, [...] [Non souligné dans l’original.]

 

27        La norme de preuve, lorsqu’il s’agit de s’acquitter de ce fardeau, est tout simplement celle de la prépondérance des probabilités. Comme le juge Lowry l’a dit dans la décision Trac (paragraphe 30) :

 

            [30] [...] Pour « démolir » une hypothèse émise par le ministre, il faut prouver selon la prépondérance des probabilités les faits substantiels dont le contribuable a connaissance si ces faits n’étayent pas l’hypothèse.

 

28        La norme donne lieu à encore plus de confusion par suite de l’emploi par la juge L’heureux-Dubé de l’expression « preuve prima facie » dans l’arrêt Hickman (paragraphes 92 à 95) :

 

                              92  [...] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : [...], et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable [...]. Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : [...]

 

                              93  L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). En l’espèce, l’appelante a produit une preuve qui respecte non seulement la norme prima facie, mais, selon moi, une norme encore plus sévère. À mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions suivantes : a) la présomption de l’existence de « deux entreprises », en produisant une preuve claire de l’existence d’une seule entreprise; b) la présomption qu’il n’y a « aucun revenu », en produisant une preuve claire de l’existence d’un revenu. Il est établi en droit qu’une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre : voir par exemple MacIsaac c. M.R.N., 74 D.T.C. 6380 (C.A.F.), à la p. 6381; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.). Comme je l’ai déjà dit, aucune partie de la preuve produite par l’appelante en l’espèce n’a été contestée ni contredite. Par conséquent, à mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions sur l’existence de « deux entreprises » et sur le fait qu’il n’y a « aucun revenu ».

 

                              94  Lorsque l’appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve [...] passe [...] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l’appelant et prouver les présomptions : Magilb Development Corp. c. La Reine, 87 D.T.C. 5012 (C.F. 1re inst.), à la p. 5018. Ainsi, dans la présente affaire, la charge est passée au ministre, qui doit prouver ses présomptions suivant lesquelles il existe « deux entreprises » et il n’y a « aucun revenu ».

 

                              95  Lorsque le fardeau est passé au ministre et que celui-ci ne produit absolument aucune preuve, le contribuable est fondé à obtenir gain de cause : voir par exemple MacIsaac, précité, où la Cour d’appel fédérale a infirmé le jugement de la Division de première instance (à la p. 6381) pour le motif que le « témoignage n’a été ni contesté ni contredit, et aucune objection ne lui a été opposée ». Voir aussi Waxstein c. M.R.N., 80 D.T.C. 1348 (C.R.I.); Roselawn Investments Ltd. c. M.R.N., 80 D.T.C. 1271 (C.R.I.). Se reporter également à Zink, précité, à la p. 653, où, même si la preuve « échappait à la logique et présentait de graves lacunes de fond et de chronologie », l’appel du contribuable a été accueilli parce que le ministre n’a présenté aucune preuve quant à la source de revenu. Dans la présente affaire, je remarque que la preuve ne contient aucune « lacune » de ce genre. Par conséquent, puisque le ministre n’a produit absolument aucune preuve et que personne n’a soulevé le moindre doute quant à la crédibilité, l’appelante est fondée à obtenir gain de cause. [C’est la juge L’Heureux-Dubé qui souligne.]

 

29        L’avocat de la Couronne nous a présenté des observations convaincantes sur la question de la soi-disant norme « prima facie » : la juge L’Heureux‑Dubé a employé l’expression « prima facie » dans le contexte d’une cause dans laquelle la Couronne n’avait pas cité le moindre témoin; la Couronne se fondait uniquement sur ses hypothèses. Il se peut fort bien, en pareil cas, qu’une preuve prima facie, ou même une preuve qui comporte des « lacunes », soit suffisante pour réfuter les hypothèses  de la Couronne, mais il ne faudrait pas interpréter la norme prima facie décrite par la juge L’heureux-Dubé comme ayant changé la norme habituelle de preuve dans les affaires fiscales : voir les remarques qui ont été faites dans la décision Sekhon c. Canada, [1997] A.C.I. no 1145, paragraphe 37; et Hallat v. The Queen (2000), [2001] 1 C.T.C. 2626 (C.A.F.).

 

30        L’autre aspect de l’arrêt Hickman qui peut prêter à confusion est l’énoncé de la juge L’Heureux-Dubé (paragraphe 92) selon lequel « le fardeau initial [du contribuable] consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. v. The Queen, 90 DTC 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340. » [Souligné dans l’original.]

 

31        Cet énoncé est conforme au fardeau juridique initial du contribuable : la seule tâche du contribuable consiste à réfuter les hypothèses du ministre, de façon que ce dernier ne puisse pas les invoquer. Si le ministre présente une preuve subsidiaire à l’appui de la cotisation, il existe un fardeau tactique pour le contribuable de la contester mais, en théorie, le contribuable n’a pas à faire plus que de soumettre une preuve en vue de repousser les hypothèses.

 

32        Le contribuable dispose d’un certain nombre de moyens pour répondre aux hypothèses du ministre : Pillsbury, p. 5188. Il peut se fonder sur l’un ou l’autre des moyens suivants :

 

a)      contester l’allégation du ministre selon laquelle il a présumé ces faits,

 

b)      assumer la charge de démontrer qu’au moins l’une des hypothèses était erronée,

 

c)   soutenir que, même si les hypothèses étaient justifiées, elles ne justifient pas en tant que telles la cotisation.

 

33        En réponse aux observations du contribuable, la Couronne peut présenter sa propre preuve en vue d’établir que les hypothèses sont exactes ou de démontrer qu’indépendamment des hypothèses, la cotisation est néanmoins fondée : Pillsbury, p. 5188; Pollock, p. 6053. La Couronne peut également contester la preuve du contribuable dans le cadre du contre-interrogatoire, ou en soulevant de sérieuses questions de crédibilité. Un tribunal peut tirer une déduction défavorable « de l’omission du contribuable de présenter une preuve substantielle qui est en sa possession ou sur laquelle il exerce un contrôle » et conclure que le contribuable n’a pas satisfait au fardeau initial qui lui incombait de réfuter une hypothèse ou des hypothèses : Trac, paragraphe 31. Une fois que la totalité de la preuve a été présentée, le juge doit la soupeser et décider d’abord si le contribuable a satisfait au fardeau juridique initial à l’égard des hypothèses. Si le contribuable n’a pas satisfait à ce fardeau, la Couronne n’a pas à s’acquitter de son fardeau juridique conditionnel puisque la condition n’a pas été remplie.

 

34        Si le contribuable a réussi à  satisfaire à son fardeau juridique à l’égard d’une hypothèse, la Couronne ne peut pas invoquer cette hypothèse en tentant de prouver que la cotisation est fondée. Si les hypothèses non établies sont nécessaires à la cotisation, le contribuable aura gain de cause. Les hypothèses qui ne sont pas réfutées sont des faits présumés qui, s’ils suffisent à établir la cause du ministre, entraîneront le rejet de l’appel.

 

35        En résumé, l’approche qu’il convient d’adopter dans l’appel d’une cotisation fiscale peut être décrite ainsi :

 

i.                    Quelles sont les hypothèses?

 

ii.                  Les hypothèses sont-elles en partie ou en totalité réfutées (le contribuable a‑t‑il satisfait au fardeau juridique initial)?

 

iii.                 Si le contribuable a réussi à satisfaire au fardeau juridique initial, la Couronne a-t-elle démontré que la cotisation est fondée (la Couronne a‑t‑elle satisfait au fardeau juridique conditionnel)?

 

[26]         Il me semble que la conclusion à tirer est simplement que l’appelant a la charge initiale de prouver selon la prépondérance des probabilités (c’est‑à‑dire selon toute vraisemblance) l’inexactitude de l’une ou l’autre des hypothèses que le ministre a émises pour établir la cotisation (ou la nouvelle cotisation) dont 1’appelant a fait 1’objet et à laquelle l’appelant ne souscrit pas. Il s’agit d’une règle générale et il existe certaines exceptions si 1’hypothèse qui est émise se rapporte à une question qui relève de la connaissance du ministre. Dans la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’arrêt La Reine c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2007 CAF 188, le juge Létourneau a dit ce qui suit :

 

[35] Il est bien établi en droit que, sauf exception, le fardeau de preuve initial à l’égard des hypothèses de fait retenues par le ministre lorsqu’il a établi l’obligation fiscale du contribuable et le montant à payer incombe au contribuable. [...]

 

[...]

 

[36] Je conviens avec le juge en chef adjoint Bowman, qu’il peut y avoir des cas où les hypothèses de fait invoquées relèvent de la connaissance exclusive ou particulière du ministre et que la règle concernant le fardeau de la preuve peut avoir des conséquences inéquitables au point de justifier une mesure corrective : voir la décision Holm c. Canada, au paragraphe 20.

 

[27]         Il ne s’agit pas d’un cas « où les hypothèses de fait invoquées relèvent de la connaissance exclusive ou particulière du ministre et [où] la règle concernant le fardeau de la preuve peut avoir des conséquences inéquitables au point de justifier une mesure corrective ». Par conséquent, l’appelant a dans ce cas‑ci la charge initiale de prouver l’inexactitude de l’une ou l’autre des hypothèses qui ont été émises pour établir la nouvelle cotisation dont il a fait l’objet pour l’année 2002 et à laquelle il ne souscrit pas. Deux points sont en litige en ce qui concerne la nouvelle cotisation relative à l’obligation fiscale qui incombait à l’appelant en 2002. L’un se rapporte aux opérations immobilières et l’autre aux montants que la compagnie d’assurance a versés par suite des demandes que l’appelant avait présentées.

 

[28]         Les opérations immobilières qui ont donné lieu à la nouvelle cotisation concernant l’année 2002 sont les suivantes :

 

Propriété

22, chemin Pembroke

428, rue Redonda

Date de l’achat :

15 février 2002

11 septembre 2002

Date de la vente :

16 août 2002

13 décembre 2002

Coût total :

90 520 $

81 486 $

Produit net de la vente :

122 319 $

83 725 $

Gain :

31 799 $

2 257 $[2]

 

[29]         La première propriété a été conservée pendant environ six mois et la seconde pendant environ trois mois. Selon la thèse de l’appelant, tout gain réalisé lors de la vente de ces propriétés constitue un revenu entre les mains de sa fille. Si quelque gain constitue un revenu entre les mains de la fille, il importe peu qu’il s’agisse d’un gain en capital ou d’un gain imputable au revenu puisque seule la nouvelle cotisation dont l’appelant a fait l’objet est ici en litige. La question de savoir comment la fille de l’appelant devrait déclarer ce gain (dans la mesure où elle devait le faire) n’est pas ici en litige.

 

[30]         Selon la thèse de l’intimée, les gains réalisés lors de la vente de ces deux propriétés, en 2002, constituaient des gains de l’appelant imputables au revenu.

 

[31]         L’appelant et son épouse ont trois enfants. Leur fille, Jessalyn, avait 20 ans en 2002. Les deux autres enfants avaient respectivement 17 et 13 ans en 2002. Jessalyn Wiens a obtenu son diplôme d’études secondaires en 2001 et elle travaillait à temps partiel au restaurant Smitty et au magasin de détail exploité par l’appelant. Dans la réponse, il a été présumé que Jessalyn Wiens avait gagné 4 000 $ en travaillant au magasin, en 2002, et l’appelant n’a pas établi l’inexactitude de cette hypothèse. En 2002, avant l’achat de la propriété sur le chemin Pembroke, Jessalyn vivait chez l’appelant.

 

[32]         Selon la thèse de l’appelant, les fonds nécessaires à l’achat de la propriété située au 22, chemin Pembroke, avaient été avancés à Jessalyn Wiens à l’aide d’une ligne de crédit qu’il avait avec son épouse à la CIBC. On ne sait pas trop si le montant avancé à l’aide de la ligne de crédit correspondait au prix d’achat complet, de 90 520 $, (y compris les réparations et les améliorations) ou à un versement initial (le solde étant financé à l’aide d’un autre prêt). Jessalyn Wiens a obtenu son diplôme d’études secondaires en 2001. La propriété située au 22, chemin Pembroke, a été acquise le 15 février 2002, soit avant que Jessalyn commence à travailler au magasin de détail de l’appelant. L’appelant n’a commencé à exploiter le magasin de détail qu’au mois de juillet 2002. Il semble donc que le seul revenu de Jessalyn Wiens, de la fin du mois de juin 2001 (lorsqu’elle a obtenu son diplôme d’études secondaires) jusqu’à la mi‑février 2002, aurait été le revenu que celle‑ci tirait de son emploi au restaurant Smitty. Selon toute vraisemblance, Jessalyn Wiens n’avait pas d’argent à consacrer à l’achat de la propriété située au 22, chemin Pembroke.

 

[33]         L’appelant a produit une lettre que Currie Accounting Services Ltd. avait envoyée à l’Agence du revenu du Canada. Un tableau intitulé : [traduction] « Opérations immobilières conclues par Jessalyn Wiens (2002 et 2003) » était joint à cette lettre. Ce tableau semble énumérer divers montants que Jessalyn Wiens avait empruntés et remboursés. Toutefois, comme il en a ci‑dessus été fait mention, deux personnes seulement ont témoigné à l’audience. Le premier témoin, l’épouse de l’appelant, n’a pas parlé de ce tableau. Le seul témoignage se rapportant au tableau était celui de l’appelant, qui a déclaré ceci :

 

[traduction]

 

Q.        Si vous jetez un coup d’œil à la dernière page, monsieur, j’allais vous demander quelque chose, au haut de la page, là où figure le titre : « Opérations immobilières conclues par Jessalyn Wiens (2002 et 2003) ». Il s’agit de la troisième page de la dernière pièce. Le numéro qui figure à droite, au bas de la page, est le 245. Nous en avons déjà parlé et je crois que nous avons convenu que c’était votre ancien comptable qui l’avait préparé. Je vous demanderai d’abord si vous l’avez déjà vu..

 

R.         Non.

 

Q.        Pouvez-vous lire ce qui est dit sous « Explications » et nous dire ce que cela signifie selon vous, simplement pour nous donner les grandes lignes? Ainsi, la première ligne, sous « Explications », « Montant emprunté à papa pour le versement initial sur la première maison », qu’est-ce que cela signifie selon vous?

 

R.         Un montant de 10 000 $ y est inscrit, de sorte que cela doit avoir été un prêt en sa faveur.

 

Q.        Voyez-vous, tout à fait à droite, « Solde dû à papa, 10 000 $ »? Cela semblerait‑il se rapporter à la façon dont le prêt d’argent en faveur de votre fille était traité?

 

R.         Oui. Je n’ai jamais vu ce document auparavant, mais il semble porter sur les prêts pour les maisons.

 

Q.        Si vous continuez à lire, vous voyez que l’argent a été versé à diverses personnes. Au fur et à mesure que les sommes sont versées, du côté droit de la page, il semble que le solde dû à papa va en augmentant. Le voyez-vous?

 

R.         Oui.

 

Q.        Si nous allons tout à fait au bas de la page, et si nous regardons sous le compte de fiducie, il y est dit que le solde du compte de fiducie est nul; il est dit que le total remboursé est de 105 907,35 $ et ensuite, le « Solde final dû à papa », était de 97 013,80 $. C’est là ce qui y est dit. Si vous regardez cela et que vous regardez ensuite le bas de la page, immédiatement après, il est dit : « Montant total emprunté, environ 148 000 $. Montant total remboursé, environ 245 000 $. » Cela semble nous amener au dernier énoncé : « 30 septembre 2003, papa a entre les mains un montant de 97 000 $ pour l’achat d’une maison, à Lorette. » Cet argent a‑t‑il été remis à votre fille pour l’achat de la maison, à Lorette?

 

R.         Je crois que la maison à Lorette coûtait 75 000 $, mais des améliorations y ont également été apportées, et ils n’avaient pas d’argent. Je crois qu’ils venaient d’avoir un bébé lorsqu’ils s’y sont installés. C’est embrouillé dans mon esprit. Ils n’avaient pas beaucoup d’argent. Entre ma fille et moi, nous ne tenions pas ce genre de comptabilité. Il semble que quelqu’un y ait mis beaucoup de travail. Il y a probablement quelque chose qu’ils n’ont pas saisi. Tout le monde sait qu’entre un père et sa fille, on ne va pas strictement obliger celle‑ci à rembourser tout ce qu’elle doit ou que l’on ne va pas refuser de lui donner de l’argent lorsqu’elle en a besoin. Entre elle et moi, la comptabilité était plus ou moins bien tenue; entre ma femme, elle et moi. Il y a quelqu’un qui a passé beaucoup de temps à entrer dans les détails. Je crois bien – et je suis certain que Jessie le croirait également – que nous étions quittes par après.

 

[34]         Étant donné que l’appelant a vu ce tableau pour la première fois au cours de l’audience, ce n’est de toute évidence pas lui qui l’a préparé et il ne l’a de toute évidence pas examiné en 2002 ou à un moment donné avant l’audience. De plus, étant donné que l’appelant a déclaré que sa fille et lui ne [traduction] « ten[aient] pas ce genre de comptabilité », on peut se demander si l’appelant avait réellement l’intention de créer une relation créancier-débiteur avec Jessalyn Wiens. Le fait qu’il a déclaré : [traduction] « Tout le monde sait qu’entre un père et sa fille, on ne va pas strictement obliger celle‑ci à rembourser tout ce qu’elle doit » confirme qu’il n’avait pas l’intention de créer une obligation exécutoire de la part de Jessalyn Wiens, lorsqu’il s’agissait de rembourser les montants utilisés pour l’achat des propriétés qui étaient enregistrées au nom de celle‑ci. S’ils avaient voulu créer une obligation exécutoire, ils auraient probablement préparé un tableau semblable à celui qui a été produit à l’audience.

 

[35]         Je conclus qu’il n’existait aucune intention de créer une obligation exécutoire de la part de Jessalyn Wiens de rembourser les montants utilisés aux fins de l’achat des propriétés enregistrées au nom de celle‑ci.

 

[36]         Au cours du contre-interrogatoire de l’appelant, les propos suivants ont été échangés :

 

[traduction]

 

Q. Vous affirmez aujourd’hui que ces propriétés appartiennent à Jessalyn. Êtes-vous d’accord avec moi, jusqu’à maintenant?

 

R. Que j’affirme que c’était à Jessalyn?

 

Q. Oui.

 

R. Selon le titre, Jessalyn en était propriétaire.

 

Q. Vous témoignez aujourd’hui que c’était Jessalyn. Êtes-vous d’accord?

 

R. À ma connaissance, oui.

 

[37]         L’enregistrement du titre au bureau d’enregistrement concerné se rapporterait simplement à la propriété légale. Or, pour les besoins du présent appel, il s’agit de savoir si Jessalyn Wiens avait la propriété effective, et non si elle en avait la propriété légale.

 

[38]         Jessalyn Wiens n’avait pas d’argent à consacrer à l’achat de la propriété située au 22, chemin Pembroke, qui est la première propriété à avoir été acquise, en 2002. À l’audience, la seule preuve qui a été présentée était que la ligne de crédit avait servi au financement de l’achat des maisons, en 2002. Il s’agissait d’une ligne de crédit personnelle accordée à l’appelant et à son épouse. Une copie du relevé concernant la ligne de crédit en date du 10 juillet 2002 a été produite à l’audience. Ce relevé montre qu’au 8 juin 2002, le montant qui était dû sur la ligne de crédit était de 91 307 $, soit un peu plus que le coût total de la propriété située au 22, chemin Pembroke. C’était également environ un mois avant l’ouverture du magasin de détail et environ quatre mois après l’acquisition de la propriété située sur le chemin Pembroke.

 

[39]         L’appelant a également déclaré que le produit tiré de la vente des propriétés avait été déposé dans le même compte (ce qui voudrait dire, étant donné que le seul relevé qui a été produit à l’égard de la ligne de crédit montre qu’il y avait un solde impayé sur la ligne de crédit, que le produit de la vente serait imputé au montant impayé selon la ligne de crédit). Jessalyn Wiens n’était pas responsable selon la ligne de crédit à la CIBC. C’étaient l’appelant et son épouse qui en étaient responsables. Lorsque les montants reçus par suite de la vente des propriétés ont été défalqués des montants impayés sur la ligne de crédit, l’appelant et son épouse ont bénéficié du produit de la vente étant donné que ce produit réduisait le montant de leur dette envers la CIBC.

 

[40]         Je conclus que Jessalyn Wiens n’a pas acquis, en 2002, la propriété effective des maisons respectivement situées au 22, chemin Pembroke, et au 428, rue Redonda.

 

[41]         Il s’agit ensuite de savoir si c’était l’appelant qui avait la propriété effective de ces maisons ou si c’étaient l’appelant et son épouse qui en avaient la propriété effective. La seule source de fonds qui a été déterminée à l’égard de l’achat des propriétés, en 2002, était le montant qui avait été emprunté selon la ligne de crédit. Lorsque le montant a été emprunté aux fins de l’achat de la propriété située au 22, chemin Pembroke, l’appelant et son épouse étaient tous deux responsables du remboursement du montant emprunté à la CIBC étant donné qu’ils sont tous deux désignés dans le relevé se rapportant à la ligne de crédit. Rien n’indique que l’appelant ait utilisé ses propres fonds en vue d’acheter l’une ou l’autre des propriétés, en 2002. Il semble que le produit tiré de la vente de la propriété située au 22, chemin Pembroke ait été défalqué du montant impayé sur la ligne de crédit (au profit de l’appelant et de son épouse) et que la ligne de crédit ait encore une fois été utilisée aux fins du financement de l’achat de la propriété située au 428, rue Redonda. Le produit de la vente de cette maison a également été défalqué du montant impayé sur la ligne de crédit (encore une fois au profit de l’appelant et de son épouse).

 

[42]         Par conséquent, il me semble que l’appelant n’a pas acquis la pleine propriété effective des maisons en 2002, mais qu’il a plutôt acquis, pour la moitié, la propriété effective de ces maisons. À mon avis, l’appelant devrait donc uniquement être obligé de déclarer la moitié du gain tiré de la vente de ces propriétés. Il n’est pas nécessaire de conclure à l’existence d’une société de personnes entre l’appelant et son épouse; il suffit de conclure que l’appelant avait uniquement, pour la moitié, la propriété effective des maisons.

 

[43]         Il s’agit ensuite de savoir si le gain qui a été réalisé doit être déclaré en tant que revenu ou en tant que gain en capital. Dans l’arrêt Friesen v. The Queen, 95 DTC 5551, le juge Major, au nom de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada, a dit ce qui suit :

 

La notion de projet comportant un risque de caractère commercial est une création jurisprudentielle visant à départager les opérations d’achat et de vente qui sont de nature commerciale de celles qui tiennent d’une immobilisation.  Cette question revêtait une importance particulière avant 1972, puisque les opérations portant sur des immobilisations étaient alors totalement exonérées d’impôt.  La question a été énoncée succinctement par le lord juge Clerk dans l’arrêt Californian Copper Syndicate c. Harris (1904), 5 T.C. 159 (Ex., Scot.), à la p. 166 :

 

[traduction]  Le gain est‑il une simple plus‑value due à la réalisation d’un titre, ou est‑ce un gain fait dans le cadre d’une entreprise conformément à un plan visant la réalisation d’un bénéfice?

 

La première condition de l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial est qu’il comporte un « plan visant la réalisation d’un bénéfice ».  Le contribuable doit avoir l’intention légitime de tirer un bénéfice de l’opération.  Les autres conditions sont énoncées utilement dans le bulletin d’interprétation IT‑459, intitulé « Projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial » (8 septembre 1980), qui fait mention du bulletin d’interprétation IT‑218, intitulé « Profits sur la vente de biens immeubles » (26 mai 1975), comme document où sont résumés les facteurs pertinents dans le cas de biens immeubles. Le bulletin IT‑218R, qui a remplacé le bulletin IT‑218 en 1986, énumère un certain nombre de facteurs dont les tribunaux se sont servis pour déterminer si une opération immobilière constitue un projet comportant un risque de caractère commercial qui génère un revenu d’entreprise ou une opération portant sur une immobilisation, impliquant la vente d’un placement.  Une attention particulière est accordée à :

 

(i)      L’intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l’achat, ses possibilités de réalisation et la mesure dans laquelle cette intention est réalisée.  L’intention de revendre la propriété avec bénéfice la rendra plus susceptible d’être qualifiée de projet comportant un risque de caractère commercial.

 

(ii)     La nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés.  Plus l’entreprise ou la profession d’un contribuable est liée aux transactions immobilières, plus il est probable que le revenu réalisé sera considéré comme un revenu tiré d’une entreprise plutôt que comme un gain en capital.

 

(iii)    La nature du bien et l’usage qu’en fait le contribuable.

 

(iv)    La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable.  Les opérations impliquant emprunt et revente rapide sont plus susceptibles d’être des projets comportant un risque de caractère commercial.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[44]         Dans l’arrêt Canada Safeway Limited c. La Reine, 2008 CAF 24, 2008 DTC 6074, [2008] 2 C.T.C. 149, le juge Nadon, au nom de la majorité des juges de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit :

 

[61]           On peut dégager de ces décisions quelques principes qui peuvent, à mon avis, être résumés comme suit. Premièrement, il n’est pas facile de tracer une ligne de démarcation entre les revenus et les gains en capital et il est donc nécessaire, pour bien les distinguer, de tenir compte d’une foule de facteurs, et notamment de l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien en litige. Deuxièmement, pour que l’opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu’au moment de l’acquisition, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition. La conclusion qu’une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction. Autrement dit, c’est toute la conduite du contribuable qu’il faut apprécier. Troisièmement, en ce qui concerne l’« intention secondaire », celle-ci doit aussi avoir existé au moment de l’acquisition du bien et le contribuable doit avoir été motivé par l’intention secondaire de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait. Quatrièmement, le fait que le contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soi, pour conclure à l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Dans leur ouvrage Principles of Canadian Income Tax Law, précité, les éminents auteurs expriment l’avis, dans leur analyse du critère applicable en ce qui a trait à l’existence d’une « intention secondaire », que [traduction] « les critères de la doctrine de l’intention secondaire ne seront respectés que si la perspective de revente à profit a joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien » (à la page 337). Je souscris entièrement à cette proposition. Cinquièmement, le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances.

 

[45]         L’intention déclarée de l’appelant, lors de l’acquisition de la propriété du chemin Pembroke, était de fournir à sa fille un endroit où vivre. L’appelant a déclaré que sa fille avait vécu à cet endroit pendant quelques mois. Comme il en a été fait mention, la déclaration relative aux intentions de l’appelant n’est pas concluante et doit « être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances ». En l’espèce, il semble que le plein montant du prix d’achat de la propriété située au 22, chemin Pembroke, ait été financé au moyen de montants empruntés sur la ligne de crédit de l’appelant et de son épouse. Il me semble qu’une ligne de crédit constitue un type de financement à court terme et non, en général, un type de financement à long terme. Le recours au financement à court terme aux fins de l’achat de la propriété permet de conclure que la vente de la propriété constituait un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[46]         Le relevé concernant la ligne de crédit personnelle daté du 10 juillet 2002 indique que le solde antérieur était de 91 307 $ et que le solde était passé à 108 761 $ au 10 juillet 2002. Le revenu de l’appelant, pour l’année 2002, à l’exclusion de la perte subie au magasin, était composé des montants suivants :

 

          Revenu d’emploi :                                              32 500 $

 

          Dividendes                                                           1 250 $

 

          Total :                                                                33 750 $

 

[47]         La propriété du chemin Pembroke n’a pas produit de revenu (sauf le revenu découlant de sa vente). Cette propriété a été acquise le 15 février 2002, soit environ quatre mois et demi ou cinq mois avant que l’appelant commence à exploiter le magasin de détail, au mois de juillet 2002. Le seul élément de preuve, en ce qui concerne le revenu de l’épouse de l’appelant, en 2002, montre que cette dernière n’était pas rémunérée lorsqu’elle travaillait au magasin de détail. L’appelant a produit en preuve un extrait de sa déclaration de revenus de 2003. L’extrait comprenait la première page de la déclaration, mais le montant du revenu net de l’épouse avait été biffé. Par conséquent, les seules sources de fonds déterminées à l’audience qui pouvaient servir au remboursement du montant emprunté sur la ligne de crédit aux fins de l’achat de la propriété, à part tout montant tiré de la vente de la propriété, étaient le revenu d’emploi et le revenu de dividende susmentionnés réalisés par l’appelant. Étant donné que le montant qui était dû sur la ligne de crédit augmentait au cours d’une période où aucune propriété n’avait été acquise, il semble que le revenu de l’appelant ait été utilisé pour d’autres dépenses. L’appelant aurait probablement eu à utiliser son revenu afin de subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de son épouse et de ses deux autres enfants, qui vivaient chez lui, après le 15 février 2002. Si la revente de la propriété n’était pas une considération importante lorsque la propriété a été acquise, au mois de février 2002, comment le montant emprunté sur la ligne de crédit aurait‑il été remboursé?

 

[48]         La propriété située au 428, rue Redonda a été acquise environ un mois après la vente de la propriété située au 22, chemin Pembroke. Elle a coûté 81 586 $. Rien n’indique quel était le solde de la ligne de crédit le 11 septembre 2002, mais étant donné que cette date est postérieure à l’ouverture du magasin de détail et comme l’appelant a mentionné qu’il perdait de l’argent en exploitant ce magasin, il semble, selon toute vraisemblance, qu’il y ait eu un solde impayé sur la ligne de crédit lorsque la propriété de la rue Redonda a été acquise. Il semble également que la seule façon possible de rembourser le montant emprunté sur la ligne de crédit aux fins de l’achat de cette propriété consistait à la vendre.

 

[49]         Les périodes très brèves pendant lesquelles les propriétés ont été conservées (environ six mois pour la propriété du chemin Pembroke et trois mois pour la propriété de la rue Redonda) permettent de conclure que l’achat et la vente de ces propriétés constituaient un projet comportant un risque de caractère commercial. Le recours à la ligne de crédit aux fins du financement de l’achat de ces propriétés (ce qui constituerait un type de financement à court terme) permettrait également de conclure que l’achat et la vente de ces propriétés constituaient un projet comportant un risque de caractère commercial[3].

 

[50]         Par conséquent, je conclus que le gain tiré de la vente des propriétés, en 2002, était imputable au revenu et qu’il ne s’agissait pas d’un gain en capital. Je conclus également que la moitié de ce gain aurait dû être incluse dans le revenu de l’appelant pour l’année 2002 étant donné que celui‑ci avait, pour la moitié, la propriété effective de ces maisons.

 

[51]         L’autre élément en litige pour l’année 2002 est le montant que la compagnie d’assurance a versé à l’égard de demandes présentées par suite d’introductions par effraction dans le magasin de détail. En effet, le magasin de détail avait été la cible d’un certain nombre d’introductions par effraction. Le montant inclus dans le revenu de l’appelant pour l’année 2002 à l’égard du produit de l’assurance s’élevait à 10 914 $. Une copie de la télécopie de la Compagnie d’assurance ING en date du 1er septembre 2006 a été produite à l’audience. Dans cette télécopie, il est indiqué que le montant versé se rapportait à deux demandes distinctes :

 

          Demande relative à l’introduction par effraction,

          le 14 novembre 2002 :                                                    7 281 $

 

          Demande relative à l’introduction par effraction,

          le 17 novembre 2002 :                                                    3 633 $

 

          Total :                                                                          10 914 $

 

[52]         Dans une télécopie ultérieure de la Compagnie d’assurance ING en date du 14 septembre 2006, il est dit ce qui suit :

 

[traduction]

 

En ce qui concerne la première demande du 14 novembre 2002, le client a déclaré avoir subi une perte de 4 238,99 $ par suite de la perte de biens – à savoir, 55 cartouches de cigarettes, un montant en espèces (500 $) et une caisse enregistreuse. Nous avons versé au client un montant de 3 738,99 $, soit le montant de la perte moins la franchise de 500 $. Le reste du montant a été versé aux entrepreneurs pour la réparation de la vitrine, de la porte et de la serrure. Ces réparations ont été effectuées au mois de décembre, après que les trois pertes eurent été subies. Par conséquent, aucuns frais de réparation n’ont été réclamés pour les deux autres pertes. Le paiement se rapportait en partie à un appel d’urgence aux fins de l’installation d’un panneau sur la vitrine cassée en attendant qu’elle puisse être réparée d’une façon permanente, ce qui a été fait immédiatement après la première perte.

 

Quant à la seconde demande du 17 novembre 2002, le client a déclaré avoir subi une perte de 4 133 $, se rapportant encore une fois au vol de cigarettes, d’un montant en espèces (de 50 à 60 $) et d’une caisse enregistreuse. Nous avons versé au client un montant de 3 633 $, soit le montant de la perte moins la franchise de 500 $.

 

[53]         Par conséquent, sur le montant de 7 281 $ qui a été versé par la compagnie d’assurance pour la première demande, un montant de 3 739 $ a été versé à l’appelant et le solde de 3 542 $ a été versé aux entrepreneurs qui ont effectué les réparations. Comme le juge Rothstein l’a fait remarquer dans l’arrêt F.H. c. McDougall, précité :

 

[48] Un fait allégué peut être très improbable, un autre moins.  Il ne saurait y avoir de règle permettant de déterminer dans quelles circonstances et jusqu’à quel point le juge du procès doit tenir compte de l’improbabilité intrinsèque.  Dans l’arrêt In re B, lord Hoffmann fait remarquer ce qui suit (par. 15) :

 

            [traduction] Le sens commun — et non le droit — exige, pour trancher à cet égard, qu’on tienne compte, dans la mesure où cela est indiqué, de la probabilité intrinsèque.

 

Il revient au juge du procès de décider dans quelle mesure, le cas échéant, les circonstances donnent à penser que le fait allégué est intrinsèquement improbable et, s’il l’estime indiqué, il peut en tenir compte pour déterminer si la preuve établit que, selon toute vraisemblance, l’événement s’est produit.  Or, aucune règle de droit ne saurait le lui imposer.

 

[54]         Dans la présente affaire, il s’agit de savoir si, en déterminant le revenu tiré de son entreprise individuelle, l’appelant a déduit le montant que la compagnie d’assurance avait versé aux entrepreneurs pour les réparations. Étant donné que ce n’est pas l’appelant qui a payé les entrepreneurs, il me semble qu’il est en soi peu probable qu’il en soit ainsi. Par conséquent, il me semble que, selon toute vraisemblance, l’appelant n’a pas déduit le montant versé aux entrepreneurs pour les réparations, de sorte qu’aucun montant n’aurait dû être ajouté à son revenu à cet égard. Si ce montant était ajouté au revenu, l’appelant aurait le droit de demander une déduction du même montant pour les réparations, de sorte qu’aucun montant net ne serait ajouté à son revenu. Le revenu de l’appelant est donc réduit d’un montant de 3 542 $ (soit le montant que la compagnie d’assurance a versé aux entrepreneurs).

 

[55]         Quant au solde du montant versé à l’égard de la première demande (3 739 $) et au montant versé à l’égard de la seconde demande (3 633 $), aucune ventilation n’a été faite entre le montant réclamé pour la perte des cigarettes et le montant réclamé pour la perte de la caisse enregistreuse. Dans l’arrêt Transocean Offshore Limited v. R., [2005] 2 C.T.C. 183, 2005 DTC 5201[4], la juge Sharlow, de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit :

 

Pour les besoins de la Partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu, il faut, pour répondre à cette question, appliquer la règle jurisprudentielle, parfois appelée « principe de la substitution », voulant que le traitement fiscal d’un paiement en guise de dommages-intérêts ou de règlement soit le même que celui de l’objet du paiement.

 

[56]         Il me semble que ce principe doit s’appliquer aux sommes versées à l’appelant par suite de la perte des cigarettes (ce qui constituerait une perte de stocks) et de la perte d’argent. Le montant reçu pour les cigarettes volées est un paiement imputable à la perte de stocks. Si l’appelant avait vendu ces cigarettes, tout montant reçu aurait constitué une recette. L’indemnité versée par la compagnie d’assurance visait à remplacer les recettes que l’appelant aurait faites si les cigarettes avaient été vendues, et ce, même si le montant reçu est peut-être inférieur au montant que l’appelant aurait pu tirer de la vente au détail des cigarettes. Rien n’indiquait que l’argent qui avait été volé (et pour lequel l’appelant a reçu une indemnité de la compagnie d’assurance) était de l’argent disponible plutôt que de l’argent tiré des ventes. Par conséquent, il me semble que l’argent qui a été volé aurait été tiré de la vente de marchandises et qu’il aurait donc constitué une recette. L’indemnité versée à cet égard visait à remplacer les recettes perdues. Par conséquent, le paiement se rapportant à la perte de stocks et à la somme en espèces aurait été pour l’appelant un revenu.

 

[57]         Toutefois, si l’indemnité se rapportait en partie à la perte de la caisse enregistreuse, cela serait traité comme un produit de la disposition d’un bien amortissable de la même catégorie de biens que la caisse enregistreuse. L’alinéa c) de la définition de l’expression « produit de disposition », au paragraphe 13(21) de la Loi, prévoit que le produit de disposition, aux fins de la détermination de la fraction non amortie du coût en capital d’un bien amortissable, comprend « les sommes payables en vertu d’une police d’assurance du fait de la perte ou de la destruction de biens ».

 

[58]         L’explication que l’appelant a donnée au sujet de la façon dont il avait traité les montants versés par la compagnie d’assurance est la suivante :

 

[traduction]

 

Q.        Là où il est dit :

 

« Le vérificateur a rajusté comme suit le revenu net en dollars : Augmentation des recettes brutes, produit de l’assurance, 2002 et 2003 » (Tel que lu)

 

            Telle est la façon dont l’ARC a traité l’argent provenant de la demande de règlement. Cela indiquerait, selon ce que je lis, qu’ils ont augmenté votre revenu du montant versé par les assurances.

 

R.         Je crois me rappeler – je me trompe peut-être – je n’ai pas ajouté ce montant au revenu. Je l’ai soustrait des dépenses en préparant ma déclaration de revenus.

 

Q.        Pouvez-vous expliquer pourquoi vous ne l’avez pas ajouté à votre revenu?

 

R.         Cela ne faisait que remplacer des articles détruits ou volés.

 

Q.        Ce montant était-il plus élevé que la perte?

 

R.         Le montant qui a été versé par les assurances?

 

Q.        Oui.

 

R.         Cela serait de beaucoup inférieur.

 

Q.        Vous avez donc subi une perte nette, n’est-ce pas?

 

R.         Oui, à cause de la franchise et parce que la compagnie d’assurance est plutôt mesquine.

 

Q.        Vous ne pensiez pas que l’argent que la compagnie d’assurance vous avait versé constituait un gain financier à déclarer ?

 

R.         Non. Je ne m’en souviens pas exactement.

 

[...]

 

R.         Autant que je m’en souvienne, j’ai soustrait le produit de l’assurance des dépenses. Il manquait beaucoup de factures mais je ne me rappelle pas vraiment ce qui est arrivé. Je sais que j’ai sous‑estimé de beaucoup mes pertes.

 

[59]         En ce qui concerne sa capacité générale de se rappeler ce qui était arrivé, l’appelant a témoigné ce qui suit :

 

[traduction]

 

Q.        Comment définiriez-vous, monsieur, votre capacité de vous rappeler maintenant ce qui s’est passé?

 

R.         Je crois me rappeler certaines choses. J’ai eu des traitements de chimiothérapie, et j’ai l’esprit embrouillé.

 

[...]

 

Q.        [...] Comment décririez-vous vos facultés mentales maintenant, ont-elles commencé à s’améliorer? Et dans l’affirmative, à quel moment?

 

            R.         Elles se sont améliorées. J’ai parfois de bons jours, mais j’ai des trous de mémoire. Il y a beaucoup de choses dont je ne me rappelle pas aussi bien qu’auparavant. Certains jours, je ne peux pas penser – je ne sais rien. Parfois, je ne savais même pas qui j’étais. Soudainement, il y a quelque chose qui se passe dans ma tête. Je ne sais pas ce que je fais, qui je suis ou ce qui se passe, mais cela arrive rarement. Je suis suffisamment intelligent pour savoir que je ne suis pas aussi intelligent que la plupart des gens.

 

[60]         La seule preuve que l’appelant a présentée au sujet de la question de savoir si les montants reçus de la compagnie d’assurance avaient été inclus dans son revenu ou s’ils avaient été déduits des dépenses était son propre témoignage. Aucun état financier de l’appelant n’a été produit. Cette preuve ne suffit pas à justifier une conclusion selon laquelle l’appelant avait déduit des dépenses du montant reçu de la compagnie d’assurance. Si l’appelant avait tenu compte de ce montant en déterminant son revenu (c’est‑à‑dire en l’incluant dans son revenu au titre des recettes ou en réduisant le montant des dépenses du même montant), aucun rajustement ne serait apporté à son revenu au titre des assurances étant donné que c’est le montant de son obligation fiscale qui est en litige. Si l’appelant avait réduit le montant des dépenses du montant reçu des assurances et si ce dernier montant était ajouté à son revenu, l’appelant aurait le droit de déduire les dépenses additionnelles (qu’il n’avait pas antérieurement déduites) et son revenu net serait le même. Toutefois, l’appelant n’a pas réussi à établir que, selon toute vraisemblance, il a réduit le montant de ses dépenses d’un montant égal ou supérieur au montant qu’il a reçu de la compagnie d’assurance. L’appelant a peut-être réduit le montant de ses dépenses de ce montant, mais cela n’est pas suffisant.

 

[61]         L’appelant n’a pas non plus réussi à établir quelle partie du montant reçu de la compagnie d’assurance, le cas échéant, se rapportait à la perte de la caisse enregistreuse. Si la demande relative à la caisse enregistreuse était inférieure à 500 $, le plein montant reçu aurait pu se rapporter à la perte des cigarettes et des sommes en espèces, étant donné qu’il y avait une franchise de 500 $.

 

[62]         Par conséquent, aucun rajustement ne sera effectué à l’égard du montant inclus dans le revenu de l’appelant pour l’année 2002 pour ce qui est du solde de l’indemnité versée à l’égard de la première demande (3 739 $) et de l’indemnité versée à l’égard de la seconde demande (3 633 $).

 

[63]         Quant à la nouvelle cotisation concernant l’obligation fiscale de l’appelant pour l’année d’imposition 2003, elle a été établie après la période normale de nouvelle cotisation et l’appelant n’a pas signé de renonciation à l’égard de cette nouvelle cotisation.

 

[64]         Le juge Bowman, qui était alors juge en chef, a dit ce qui suit dans la décision Mensah c. La Reine, [2008] A.C.I. no 302, 2008 DTC 4358 :

 

[8]     Quatrièmement, la cotisation établie pour l’année d’imposition 1993 porte sur une année frappée de prescription. C’est au ministre qu’incombe le fardeau de démontrer qu’il était justifié d’établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1993 après la période normale de nouvelle cotisation. Les dispositions de la Loi qui permettent au ministre d’établir de nouvelles cotisations pour des années frappées de prescription ont évolué avec le temps, et cette évolution a été résumée au paragraphe 18 de 943372 Ontario Inc. c. La Reine, 2007 D.T.C. 1051, [2007] 5 C.T.C. 2001 :

 

            [18]      L’évolution de ces dispositions peut être brièvement résumée : initialement, le paragraphe 152(4) permettait au ministre de rouvrir une année prescrite pour n’importe quelle raison, s’il pouvait conclure à une présentation erronée des faits du type décrit au paragraphe 152(4), peu importante soit‑elle, et il pouvait établir une nouvelle cotisation à l’égard de n’importe quel élément, et ce, peu importe que cet élément ait donné lieu à une présentation erronée des faits, de quelque type que ce soit. De toute évidence, cela semblait plutôt inéquitable, de sorte que l’alinéa 152(5)b) a été édicté en 1973‑1974, cette disposition prenant effet à compter de 1972. La disposition en question permettait au contribuable d’établir que l’omission de déclarer un montant au titre du revenu ne résultait pas d’une présentation erronée des faits effectuée par négligence, inattention, omission volontaire ou attribuable à une fraude. Néanmoins, cette disposition imposait une charge au contribuable. Le paragraphe 152(4.01) a donc été édicté et son effet, selon Me Kutkevicius, est de libérer le contribuable de cette charge et d’imposer au ministre une charge à deux volets pour établir :

 

a)         qu’il y a eu présentation erronée des faits,

 

b)         que la présentation erronée des faits a été effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire ou qu’elle est attribuable à une fraude.

 

            Je crois que telle est l’interprétation qu’il convient de donner. Si la charge qui était imposée au contribuable en vertu de l’ancien alinéa 152(5)b) avait survécu à la modification apportée au paragraphe 152(5) et à l’adoption du paragraphe 152(4.01), le paragraphe (4.01) n’aurait aucun objet.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[65]         Par conséquent, il incombait à l’intimée non seulement d’établir qu’il y avait eu présentation erronée des faits à l’égard des déclarations faites par l’appelant dans sa déclaration de revenus de 2003, mais aussi que « la présentation erronée des faits a[vait] été effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire ou qu’elle [était] attribuable à une fraude »

 

[66]         En l’espèce, les soi-disant présentations erronées de faits pour l’année 2003 se rapportent aux montants tirés de la vente de maisons, en 2003, et au montant reçu par suite des demandes de règlement, en 2003.

 

[67]         Les opérations immobilières qui ont donné lieu à la nouvelle cotisation dont l’appelant a fait l’objet pour l’année 2003 sont les suivantes :

 

Propriété

1581, rue Rothesay

Lot 2, SE ¼ 19-11-6E RM Springfield

453, chemin Phelan

165, Crestwood Crescent

Date de l’achat :

25 avril 2003

13 juin 2003

Mars 2003

Novembre 2003

Date de la vente :

1er août 2003

30 septembre 2003

Octobre 2003

Décembre 2003

Coût total :

44 023 $

48 113 $

33 886 $

97 154 $

Produit net de la vente :

74 295 $

107 940 $

114 000 $

113 500 $

Gain :

30 272 $

59 827 $

80 114 $

16 346 $

 

[68]         Quatre propriétés ont été vendues en 2003. Chacune de ces propriétés a également été acquise en 2003. La période la plus longue pendant laquelle l’une ou l’autre de ces propriétés a été conservée était d’environ sept mois (le 453, chemin Phelan a été acheté au mois de mars et vendu au mois d’octobre).

 

[69]         La propriété située au 1581, rue Rothesay a été acquise au nom de l’épouse de l’appelant. L’appelant a déclaré que cette propriété avait été acquise pour servir de maison à sa seconde fille. Toutefois, la fille n’a pas reçu quoi que ce soit du produit de la vente de cette propriété et elle ne pouvait pas avoir occupé la maison pendant bien longtemps puisque la maison a été vendue un peu plus de trois mois après avoir été achetée.

 

[70]         Deux sources de fonds ont été déterminées en 2003. L’une était la ligne de crédit personnelle accordée par la CIBC et l’autre provenait de Tedhil Enterprises Ltd. Comme il en sera ci‑dessous fait mention, je conclus que le montant d’environ 40 000 $ qui a été emprunté à Tedhil Enterprises Ltd. a servi au financement de l’achat de la propriété Springfield. Par conséquent, je conclus que l’achat de la propriété de la rue Rothesay a été financé au moyen de la ligne de crédit accordée par la CIBC. L’appelant et son épouse étaient tous deux responsables du remboursement des montants empruntés selon la ligne de crédit. Il semble également que, selon toute vraisemblance, le produit de la vente de la maison ait également été défalqué du montant qui était dû sur la ligne de crédit. Par conséquent, l’appelant et son épouse ont tous deux bénéficié de la vente de cette maison étant donné que le montant de la dette qui existait selon la ligne de crédit a été réduit du produit de la vente, lequel a été défalqué du montant impayé sur la ligne de crédit.

 

[71]         Aucun relevé relatif à la ligne de crédit pour l’année 2003 n’a été produit à l’audience, mais puisque le relevé du 10 juillet 2002 indique que, à ce moment‑là, l’appelant et son épouse devaient 108 761 $ à la CIBC selon la ligne de crédit et puisque l’appelant a mentionné qu’il subissait de lourdes pertes dans le cadre de l’exploitation du magasin de détail qu’il venait d’ouvrir, il semble, selon toute vraisemblance, que pendant toute l’année 2003 l’appelant et son épouse aient continué a devoir de l’argent sur la ligne de crédit. Je conclus donc que, lorsque la propriété de la rue Rothesay a été vendue, le produit a réduit le montant de la dette que l’épouse de l’appelant et l’appelant avaient selon la ligne de crédit. L’appelant a déclaré que seule son épouse avait reçu l’argent provenant de la vente de cette propriété, mais je conclus que l’appelant et son épouse ont tous deux reçu le produit étant donné que ce produit a réduit le montant de la dette conjointe qu’ils avaient envers la CIBC. Je conclus qu’en déterminant son revenu pour l’année 2003, l’appelant aurait dû inclure la moitié du gain tiré de la vente de la propriété de la rue Rothesay.

 

[72]         Quant à la question de savoir si le gain tiré de la vente de la propriété de la rue Rothesay constituait un gain en capital ou s’il était imputable au revenu, il me semble que l’absence de toute autre source de fonds permettant de payer la ligne de crédit est pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer quelle était l’intention de l’appelant lorsqu’il a acheté la propriété. L’appelant a présenté un extrait de sa déclaration de revenus de l’année 2003. Les seules sources de revenu et les seuls revenus mentionnés dans cet extrait sont les suivants :

 

Élément

Montant

Revenu d’emploi :

36 500 $

Montant imposable au titre des dividendes :

1 250 $

Gains en capital imposables :

7 500 $

Revenu d’entreprise :

(29 654 $)

Revenu total :

15 596 $

 

[73]         Avec ces seules sources de revenu (dont l’une découle de la vente des biens immeubles, en 2003), comment l’appelant pouvait-il s’attendre à rembourser le montant emprunté de la CIBC aux fins de l’acquisition de la propriété si ce n’est en vendant la propriété? Il me semble qu’« il faut qu’au moment de l’acquisition, [l’appelant] ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition ». La brève période pendant laquelle la propriété a été conservée (environ trois mois) confirme cette intention. De plus, le nombre d’opérations similaires (six en 2002 et en 2003[5]) est également pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer l’intention de l’appelant. Le recours à la ligne de crédit aux fins du financement du prix d’achat est également pertinent, comme il en a ci‑dessus été fait mention. Par conséquent, le gain que l’appelant a tiré de la vente de la propriété était imputable au revenu.

 

[74]         Dans sa déclaration de revenus de l’année 2003, l’appelant n’a pas déclaré quelque partie que ce soit du gain tiré de la vente de la propriété située au 1581, rue Rothesay. L’omission de déclarer sa part du gain (soit la moitié du gain) constituait une présentation erronée des faits.

 

[75]         La propriété Springfield a été achetée le 13 juin 2003. La propriété a été achetée au nom de la fille de l’appelant (Jessalyn Wiens). On ne sait pas trop si l’achat de cette propriété a été financé au moyen d’un prêt que l’appelant avait obtenu de Tedhil Enterprises Ltd. ou de montants empruntés selon la ligne de crédit accordée par la CIBC. Tedhil Enterprises Ltd. est une société privée dont les actions étaient détenues par l’appelant et par d’autres membres de sa famille. L’appelant a confirmé qu’il avait emprunté environ 40 000 $ de cette société, mais il ne savait pas trop à quel moment ou comment les fonds avaient été utilisés. Lorsque l’avocate de l’intimée a laissé entendre que les fonds avaient servi au financement de l’achat de la propriété Springfield, l’appelant a mentionné qu’il croyait que c’était la propriété de la rue Rothesay, mais il n’en était pas certain. Il est clair que le prêt a été remboursé le 17 octobre 2003 étant donné qu’un chèque de 41 500 $, payable à Tedhil Enterprises Ltd, tiré sur la ligne de crédit, a été produit en preuve.

 

[76]         Il me semble que, selon toute vraisemblance, les fonds ont été empruntés de cette société aux fins du financement de l’achat de la propriété Springfield. Il semble clair que la ligne de crédit à la CIBC était la source privilégiée de fonds de l’appelant. Par conséquent, il me semble que si l’appelant avait pu utiliser la ligne de crédit afin de financer l’achat d’une propriété c’est ce qu’il aurait fait. La propriété de la rue Rothesay a été achetée le 25 avril 2003. Auparavant, le produit de la vente des deux propriétés, en 2002, aurait été utilisé afin de réduire le montant impayé sur la ligne de crédit. De plus, certains montants auraient été empruntés aux fins du financement de l’achat de la propriété de la rue Redonda, au mois de septembre 2002, et de la propriété du chemin Phelan, au mois de mars 2003. Par conséquent, l’effet net de ces quatre opérations (qui ont toutes été conclues après le 10 juillet 2002, soit la date du relevé concernant la ligne de crédit personnelle qui a été produit à l’audience) sur le montant impayé selon la ligne de crédit immédiatement avant l’achat de la propriété de la rue Rothesay était le suivant :

 

Élément

Augmentation (diminution) du montant dû selon la ligne de crédit

Produit de la vente de la propriété, chemin Pembroke

(122 319 $)

Achat de la propriété, rue Redonda

81 486 $

Produit de la vente de la propriété, rue Redonda

(83 725 $)

Achat de la propriété, chemin Phelan

33 886 $

Résultat net

(90 672 $)

 

[77]         Ces opérations auraient donc eu pour effet de réduire de 90 672 $ le montant dû selon la ligne de crédit. Il semble donc, selon toute vraisemblance, que la ligne de crédit aurait servi aux fins du financement de l’achat de la propriété de la rue Rothesay. Lorsque la propriété Springfield a été acquise, le 13 juin 2003, les deux propriétés, rue Rothesay et chemin Phelan, avaient été achetées et ni l’une ni l’autre n’avait été vendue. De plus, le magasin de détail était encore exploité et il continuait probablement à subir des pertes. Au mois de juin 2003, il n’y aurait donc pas eu autant de crédit disponible selon la ligne de crédit que celui qui aurait été disponible au mois de mars ou d’avril et l’appelant aurait donc eu besoin d’une source additionnelle de fonds. De plus, la propriété Springfield a été vendue le 30 septembre 2003 et le chèque émis au mois de juin 2003; le chèque émis en faveur de Tedhil Enterprises était daté du 17 octobre 2003. Il me semble donc que, selon toute vraisemblance, les fonds ont été empruntés de Tedhil Enterprises Ltd. aux fins du financement de l’achat de la propriété Springfield.

 

[78]         Selon la thèse de l’appelant, la propriété Springfield appartenait à sa fille et c’est donc elle qui aurait dû déclarer le gain. Lorsque l’appelant a été réinterrogé par son représentant, les propos suivants ont été échangés :

 

[traduction]

 

Q.        Emprunteriez-vous de l’argent de Tedhil au profit de votre fille?

 

R.         Non.

 

Q.        Vous ne le feriez-pas?

 

R.         Si j’empruntais de l’argent de la société, je devais veiller à ce qu’il soit remboursé. Je ne me rappelle pas avoir emprunté de l’argent pour son compte, et je ne le ferais jamais. Je devrais veiller à ce que l’argent soit remboursé. Si je comprends bien, on ne peut pas emprunter d’argent d’une société pour une période plus longue que l’exercice. On recevrait alors des feuillets T‑4 pour ces emprunts. Je dois veiller à être suffisamment fiable pour – j’ai envers la société la responsabilité de veiller à ce que tout soit remboursé de la façon appropriée et à équilibrer les livres.

 

[79]         Il me semble que c’est l’appelant qui a emprunté l’argent en vue de financer l’achat de la propriété Springfield. C’est son argent qui a servi à l’achat de cette propriété plutôt que celui de Jessalyn Wiens. Le produit de la vente de la propriété a selon toute vraisemblance servi au remboursement de la dette de l’appelant envers Tedhil Enterprises Ltd. Je conclus donc que l’appelant avait la propriété effective de la maison Springfield.

 

[80]         L’appelant comprenait clairement que s’il empruntait de l’argent à Tedhil Enterprises Ltd., il devait rembourser la dette dans un certain délai en vue d’éviter d’être imposé sur le montant emprunté. Il croyait comprendre que le délai était plus bref que celui qui est en fait prévu au paragraphe 15(2.6) de la Loi[6]. Toutefois, pour les besoins du présent appel, la façon dont l’appelant interprétait l’exigence relative au remboursement de prêts consentis par une société dans laquelle il était actionnaire indique qu’il devait avoir l’intention de vendre la propriété lorsqu’il l’a acquise. L’appelant pouvait uniquement rembourser la dette qu’il avait envers Tedhil Enterprises Ltd. à l’aide du produit tiré de la vente de la propriété. La brève période de détention (environ trois mois et demi) confirme également que l’appelant doit avoir songé à la possibilité de revendre la propriété lorsqu’il l’a acquise et que c’était l’un des motifs qui l’avait amené à effectuer l’achat. Je conclus donc que le gain tiré de la vente de la propriété Springfield aurait dû être inclus dans le revenu de l’appelant et que ce gain était imputable au revenu. L’omission de l’appelant d’inclure ce gain dans sa déclaration de revenus constituait une présentation erronée des faits.

 

[81]         Les propriétés du chemin Phelan et du Crestwood Crescent ont toutes deux été acquises au nom de l’appelant. En produisant sa déclaration de revenus pour l’année 2003, l’appelant a uniquement déclaré le gain tiré de la vente de la propriété du Crestwood Crescent et ce gain a été déclaré à titre de gain en capital imposable. Aucune explication n’a été fournie pour l’omission de l’appelant de déclarer tout gain tiré de la vente de la propriété du chemin Phelan dans la déclaration de revenus de 2003. Dans la réponse, il est noté qu’en établissant la nouvelle cotisation de l’appelant, on a réduit le revenu de celui-ci d’un montant de 36 952 $ au titre des gains en capital imposables. Étant donné qu’il a uniquement déclaré un gain en capital imposable de 7 500 $ dans sa déclaration de revenus de 2003, l’appelant doit avoir subséquemment déclaré un gain en capital imposable de 29 452 $[7], ou avoir fait l’objet d’une cotisation (ou d’une nouvelle cotisation) sur ce point, probablement à l’égard de la vente de la propriété du chemin Phelan.

 

[82]         L’achat de ces propriétés a été financé au moyen de la ligne de crédit. Étant donné que l’appelant et son épouse étaient tous deux solidairement responsables du remboursement des montants empruntés sur la ligne de crédit, il semble raisonnable de conclure que l’appelant et son épouse ont chacun acquis, à titre de propriétaires bénéficiaires, un demi-intérêt dans ces propriétés. L’appelant et son épouse auraient donc chacun dû déclarer la moitié du gain tiré de la vente de ces propriétés. De plus, étant donné qu’il n’existait aucune façon de rembourser le montant emprunté au moyen de la ligne de crédit aux fins de l’achat de ces propriétés, si ce n’est à l’aide du produit qui aurait été réalisé au moment de la vente des propriétés, l’appelant et son épouse doivent avoir eu l’intention de vendre les propriétés au moment où ils les ont acquises. Les brèves périodes de détention (environ sept mois et un mois) confirment cette intention, tout comme le recours à un financement à court terme (la ligne de crédit).

 

[83]         Par conséquent, le gain tiré de la vente des propriétés (celles du chemin Phelan et du Crestwood Crescent) était imputable au revenu. L’omission de l’appelant de déclarer quelque montant que ce soit dans sa déclaration de revenus de l’année 2003 à l’égard du gain tiré de la vente de la propriété du chemin Phelan constituait une présentation erronée des faits.

 

[84]         Quant à la disposition de la propriété du Crestwood Crescent, l’appelant a de fait déclaré un gain en capital imposable à l’égard de la disposition de cette propriété (lequel s’élève à la moitié du gain en capital) dans sa déclaration de revenus de 2003. Le montant que l’appelant a déclaré à titre de gain en capital imposable était de 7 500 $. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, je conclus que l’appelant aurait dû déclarer au titre du revenu la moitié du gain tiré de la vente de cette propriété. Au début de l’audience, le représentant de l’appelant a mentionné que l’appelant ne contestait pas les montants mentionnés dans la réponse et le gain tiré de la vente de cette propriété s’élevait donc à 16 346 $. L’appelant aurait donc dû déclarer un montant de 8 173 $ comme gain imputable au revenu. Étant donné que les gains en capital imposables et les gains imputables au revenu sont inclus dans la détermination du revenu de l’appelant pour l’application de la Loi, l’effet net d’une telle inclusion sur le revenu de l’appelant pour l’application de la Loi serait une augmentation du revenu d’un montant de 673 $.

 

[85]         Dans l’arrêt Nesbitt v. The Queen, 96 DTC 6588, le juge Strayer, au nom de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit :

 

8  Même en supposant que l’on puisse considérer que la lettre du 6 août 1986 prouve que le ministre était au courant à cette date-là (deux mois avant l’expiration du délai de prescription de quatre ans) des faits véridiques et qu’il y avait eu présentation erronée de faits, je ne crois pas que cela soit utile à l’appelant. Il me semble que l’un des objets du paragraphe 152(4) est de favoriser l’établissement soigné et exact des déclarations de revenus. C’est au moment où la déclaration est produite que l’on peut déterminer s’il y a eu ou non présentation erronée de faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s’il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. [...]

[Non souligné dans l’original.]

 

[86]         Il s’agit de savoir si la déclaration inexacte que l’appelant a faite dans sa déclaration de revenus de 2003 à l’égard du montant indiqué pour la disposition de la propriété du Crestwood Crescent est importante. À mon avis, l’écart dans le revenu déclaré (673 $) n’est pas important. Dans bien des cas, il serait important de savoir si un montant particulier est déclaré à titre de gain en capital imposable ou s’il est plutôt déclaré au titre de revenu étant donné que la moitié seulement du gain en capital est incluse dans le revenu. En l’espèce, puisque j’ai conclu que l’appelant détenait uniquement un demi-intérêt dans la propriété, le montant ajouté au revenu est à peu près le même, et ce, que l’appelant ait été l’unique propriétaire de la maison et réalisé un gain en capital (de sorte qu’il aurait inclus la moitié du gain en capital dans son revenu à titre de gain en capital imposable), comme il l’a mentionné dans sa déclaration, ou qu’il ait détenu un demi-intérêt et réalisé un gain imputable au revenu. Toutefois, si l’appelant avait déduit des pertes en capital déductibles (qui peuvent être déduites de gains en capital imposables, mais non de gains imputables au revenu), ou si la propriété avait été admissible et que l’appelant avait demandé une déduction pour gain en capital en vertu de l’article 110.6 de la Loi ou qu’il avait demandé une réduction du gain en capital en se fondant sur le fait que la propriété était sa résidence principale (comme le prévoit le paragraphe 40(2) de la Loi), il aurait été important de savoir si le montant était déclaré à titre de gain en capital ou à titre de gain imputable au revenu. Toutefois, rien ne montrait que l’appelant avait déduit quelque perte en capital déductible ou qu’il avait effectué quelque déduction relativement à tout gain en capital déclaré.

 

[87]         À mon avis, l’appelant n’a donc pas fait de déclaration inexacte importante aux fins de sa déclaration de revenus de 2003 à l’égard du gain tiré de la vente de la propriété du Crestwood Crescent. Étant donné que la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 2003 de l’appelant a été établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, l’intimée n’aurait pas pu établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour le gain tiré de la vente de la propriété du Crestwood Crescent.

 

[88]         Il semble qu’en établissant la nouvelle cotisation de l’appelant, l’intimée ait également réduit le revenu de celui‑ci du montant du gain en capital imposable qu’il avait déclaré dans sa déclaration de revenus à l’égard de la disposition de la propriété du Crestwood Crescent (7 500 $). Le ministre ne peut pas interjeter appel de sa propre cotisation (Valdis v. The Queen, [2001] 1 C.T.C. 2827). Toutefois, en l’espèce, il me semble que si le montant déclaré à titre de gain en capital imposable était rétabli, il ne s’agirait pas d’un cas dans lequel le ministre interjette appel de sa propre cotisation. Il s’agit simplement d’une reconnaissance du fait que le ministre n’avait pas le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour le gain tiré de la vente de la propriété du Crestwood Crescent et du fait que le revenu de l’appelant devrait donc être ramené à ce qu’il était avant que la nouvelle cotisation soit établie. Le revenu de l’appelant est donc réduit du montant ajouté par la nouvelle cotisation (16 346 $ au titre d’un revenu tiré d’un projet comportant un risque de caractère commercial) et le gain en capital imposable déclaré par l’appelant (7 500 $) est donc rétabli.

 

[89]         Il s’agit ensuite de savoir si les présentations erronées de fait résultant de l’omission de l’appelant de déclarer sa part des gains tirés de la vente de la propriété de la rue Rothesay, de la propriété Springfield et de la propriété du chemin Phelan (ou de l’une d’entre elles) étaient attribuables à la négligence, à l’inattention, à une omission volontaire ou à une fraude.

 

[90]         Dans l’arrêt The Queen v. Regina Shoppers Mall Limited, [1991] 1 C.T.C. 297, 126 N.R. 141, 91 DTC 5101, la Cour d’appel fédérale a approuvé les remarques suivantes faites par le juge Addy :

 

7. [...] Lorsque le contribuable, après un examen réfléchi et attentif de la situation, évalue celle‑ci et produit une déclaration selon la méthode qu’en bonne foi il croit appropriée, il ne peut y avoir présentation erronée des faits au sens de l’article 152 [1056 Enterprises Ltd. c. La Reine, [1989] 2 C.T.C. 1]. Dans la décision Joseph Levy c. La Reine, [1989] C.T.C. 151, à la page 176, le juge Teitelbaum cite en l’approuvant la déclaration suivante du juge Muldoon dans l’affaire précitée :

 

Le paragraphe 152(4) protège ce genre de conduite et peut‑être uniquement ce genre de conduite, dans les cas où le contribuable, après un examen réfléchi et attentif de la situation, évalue celle‑ci comme étant un cas où la loi n’exige pas la déclaration d’un lien lorsque le contribuable croit de bonne foi que ce lien n’existe pas.

 

            [Ce sont les juges Addy et MacGuigan qui soulignent.]

 

Il a également été établi que le soin nécessaire doit correspondre à celui d’une personne sage et prudente et que la déclaration doit être faite d’une façon que le contribuable croit véritablement appropriée. [...]

 

[91]         Les achats de la propriété de la rue Rothesay et de la propriété du chemin Phelan ont chacun été financés au moyen de montants empruntés sur la ligne de crédit, ce qui constituerait un financement à court terme plutôt qu’un financement à long terme. L’appelant était solidairement tenu, avec son épouse, de rembourser les montants empruntés sur cette ligne de crédit. Les propriétés n’ont pas produit de revenu (à part le revenu découlant de leur vente) et, compte tenu de son revenu, l’appelant aurait uniquement été en mesure de rembourser sa part du montant emprunté aux fins de l’achat de ces propriétés si elles avaient été vendues. Ces propriétés ont uniquement été conservées pendant environ trois mois et sept mois respectivement. Lorsque l’appelant a produit sa déclaration de revenus pour l’année 2003, il aurait su que chacune de ces propriétés avait été achetée et vendue en 2003 et il aurait également su que la propriété du Crestwood Crescent aurait été achetée et vendue en 2003. Il aurait également su que deux propriétés avaient été achetées et vendues en 2002.

 

[92]         De plus, aucun montant n’a été déclaré dans la déclaration de revenus de l’appelant pour l’année 2003 à l’égard du gain tiré de la vente de la propriété du chemin Phelan. La propriété avait été enregistrée au nom de l’appelant et un gain élevé (80 114 $) avait été réalisé lors de la vente de cette propriété.

 

[93]         Je conclus donc qu’en l’espèce, l’omission par l’appelant d’inclure dans son revenu sa part du gain tiré de la vente de ces propriétés (la propriété de la rue Rothesay et la propriété du chemin Phelan) à titre de gain imputable au revenu n’était pas ce qu’une personne sage et prudente aurait fait et que l’appelant ne pouvait pas réellement croire que cela était correct. Par conséquent, la nouvelle cotisation dont l’appelant a fait l’objet aux fins de l’inclusion dans son revenu de la moitié du gain tiré de la vente de ces propriétés à titre de gain imputable au revenu est fondée. Le revenu de l’appelant, tel qu’il a été établi dans la nouvelle cotisation, est réduit de la moitié du gain réalisé lors de la vente de ces propriétés.

 

[94]         Seul l’appelant a emprunté de l’argent de Tedhil Enterprises Ltd. en vue de financer l’achat de la propriété Springfield. L’appelant savait, lorsqu’il a emprunté cet argent, qu’il disposait d’un délai restreint pour rembourser la dette qu’il avait envers Tedhil Enterprises Ltd. s’il voulait éviter que le montant de la dette soit inclus dans son revenu. Cette propriété n’a pas produit de revenu (si ce n’est lors de sa vente) et le produit de la vente de la propriété aurait été la seule source de fonds qui aurait été disponible aux fins du remboursement de la dette envers Tedhil Enterprises Ltd. Je conclus donc qu’en l’espèce, l’omission de l’appelant d’inclure le gain tiré de la vente de cette propriété dans son revenu à titre de gain imputable au revenu n’était pas ce qu’une personne sage et prudente aurait fait et que l’appelant ne pouvait pas réellement croire que cela était correct. Étant donné qu’il était l’unique propriétaire bénéficiaire de cette propriété, la totalité du gain tiré de la propriété était attribuable au revenu de l’appelant. Par conséquent, aucun rajustement au revenu de l’appelant ne sera effectué pour ce qui est de la vente de cette propriété.

 

[95]         L’autre élément concernant l’année 2003 est le montant qui a été inclus dans le revenu de l’appelant pour l’année 2003 au titre des indemnités d’assurance que l’appelant avait reçues. Le montant ajouté au revenu de l’appelant pour l’année 2003 était de 2 200 $.

 

[96]         Comme il en a ci‑dessus été fait mention, l’intimée a la charge de la preuve lorsqu’il s’agit d’établir que l’appelant a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Selon la thèse de l’appelant, les pertes subies dans le cadre de l’exploitation du magasin étaient supérieures au montant déclaré. Dans ce cas‑ci, le montant du revenu additionnel que l’intimée a ajouté au revenu de l’appelant est de 2 200 $. Les dépenses additionnelles qui n’ont pas été déduites étaient peut-être bien inférieures, égales ou encore supérieures à ce montant.

 

[97]         La note en date du 14 septembre 2006 qui a été reçue de la compagnie d’assurance disait ce qui suit au sujet de la demande de règlement du 23 juin 2003 :

 

[traduction]

 

Quant à la quatrième demande, en date du 23 juin 2003, nous avons versé 2 200 $. Malheureusement, je ne dispose d’aucun autre détail en ce moment au sujet des circonstances y afférentes.

 

[98]         Selon la note de la compagnie d’assurance en date du 1er septembre 2003, l’indemnité versée par suite de cette demande aurait été de 2 000 $. Aucune explication n’a été donnée au sujet de cet écart. On ne sait donc pas trop si le montant devrait être de 2 000 $ ou de 2 200 $ ou si une partie du montant a été versée aux entrepreneurs (comme cela a été le cas pour les demandes de l’année 2002) ou encore si l’indemnité se rapportait à la perte de stocks ou d’argent ou aux dommages matériels. L’indemnité se rapportait peut-être à la perte de stocks ou à la perte des sommes en espèces et, si elle avait été incluse dans le revenu de l’appelant, cela aurait pu être important aux fins de la détermination du revenu réalisé par l’appelant en 2003, mais cela ne suffit pas pour satisfaire à la charge de la preuve. L’intimée n’a pas réussi à établir que l’appelant avait fait, dans sa déclaration de revenus, une déclaration inexacte qui aurait été importante en ce qui concerne le montant du revenu que l’appelant a tiré de son magasin de détail en 2003, par rapport au montant versé par la compagnie d’assurance en 2003. L’intimée ne pouvait donc pas établir une nouvelle cotisation en vue d’inclure ce montant de 2 200 $ dans le revenu de l’appelant, en 2003, et le revenu de 2003 de l’appelant est donc réduit de ce montant.

 

[99]         Par conséquent, l’appel interjeté par l’appelant est accueilli avec dépens et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis :

 

a)     que, pour la détermination du revenu de l’appelant pour l’année 2002, son revenu sera réduit des montants suivants :

 

Élément

Montant

Rajustement pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété située au 22, chemin Pembroke

(15 900 $)

Rajustement pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété située au 428, rue Redonda

(1 128 $)

Rajustement pour le montant versé aux entrepreneurs par la compagnie d’assurance

(3 542 $)

Total des rajustements (réduction du revenu de l’appelant)

(20 570 $)

 

b)    que, pour la détermination de l’obligation de l’appelant en vertu de la Loi à l’égard des impôts sur le revenu de l’année 2003, le montant des impôts à payer par l’appelant pour l’année 2003 sera réduit du moindre des montants suivants :

 

(i)   le montant par lequel l’obligation relative aux impôts sur le revenu qui lui incombe en vertu de la Loi serait réduit si son revenu était rajusté ainsi :

 

Élément

Montant

Réduction pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété située au 1581, rue Rothesay

(15 136 $)

Réduction pour le demi-intérêt de Kathryn Wiens dans la propriété situé au 453, chemin Phelan

(40 057 $)

Réduction pour le montant ajouté à titre de revenu d’un projet comportant un risque de caractère commercial à l’égard de la vente de la propriété située au 165, Crestwood Crescent

(16 346 $)

Ajout visant à rétablir le montant déclaré à titre de gain en capital imposable

7 500 $

Réduction pour le montant versé par la compagnie d’assurance

(2 200 $)

Total des rajustements (réduction du revenu de l’appelant)

(66 239 $)

 

(ii)  un montant de 12 000 $.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mars 2011.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2011.

 

Marie‑Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2011CCI152

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-2625(IT)I

 

INTITULÉ :                                       JOHN WIENS

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 15 mars 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Dan White

Avocate de l’intimée :

Me Samantha Hurst

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] En l’espèce, il n’a pas été soutenu que des pressions indues avaient été exercées sur l’appelant.

[2] Le produit net mentionné dans la réponse est de 83 724,72 $ (compte tenu d'un prix de vente de 88 500 $ et de frais s'élevant à 4 190,68 $). Toutefois, la différence entre 88 500 $ et 4 190,68 $ est de 84 309,32 $ et non de 83 724,72 $. Le coût net mentionné est de 81 486,09 $ et le gain net de 2 256,63 $. Toutefois la différence entre 83 724,72 $ et 81 486,09 $ est de 2 238,63 $ et la différence entre 84 309,32 $ et 81 486,09 $ est de 2 823,23 $. Étant donné qu'aucun élément de preuve n'a été présenté à l'audience au sujet du coût ou du produit de la vente, il est impossible de savoir quel est le montant exact du gain réalisé lors de la vente de la propriété. Je suppose que le montant mentionné au titre du bénéfice (soit le montant qui aurait été ajouté au revenu de l'appelant) est exact.

[3] L'une des hypothèses qui a été émise (et à l'égard de laquelle l'appelant n'a pas présenté de preuve) est la suivante :

 

[traduction]

 

24. yy)       en plus de l'achat et de la vente des propriétés, l'appelant, son épouse et sa fille ont acheté et vendu dix-sept autres propriétés au cours des années 1998 à 2005;

 

Étant donné que six propriétés sont incluses dans la définition de l'expression [traduction] « Les propriétés », cela voudrait dire qu'en tout, 23 propriétés ont été achetées et vendues au cours des 18 années allant de l'année 1988 à l'année 2005 (si les années 1988 et 2005 sont chacune considérées comme une année complète). Toutefois, rien n'indique (et il n'existe aucun élément de preuve sur ce point) combien d'opérations ont été conclues au cours de la période allant de l'année 1988 à l'année 2002 et combien ont été conclues entre les années 2003 et 2005. L'année ici en cause est l'année 2002, et non l'année 2005. Il me semble qu'il ne faut pas tenir compte des événements qui ont eu lieu après la fin d'une année d'imposition (et en particulier deux ou trois ans après la fin d'une année) en vue de décider si un gain particulier réalisé au cours de cette année d'imposition constitue un gain imputable au revenu ou s'il constitue plutôt un gain en capital. Cette hypothèse n'aide donc pas à trancher la question.

[4] La demande d'autorisation de se pourvoir en appel de la présente décision devant la Cour suprême du Canada a été rejetée ([2005] A.C.S. no 235).

[5] Comme elle a la charge de la preuve pour ce qui est de la question de savoir si l'appelant a fait une présentation erronée des faits, l'intimée ne peut pas se fonder sur des hypothèses figurant dans la réponse, mais elle doit établir les faits à l'audience. Or, les faits mentionnés à l'alinéa 24 yy) de la réponse n'ont pas été établis au cours de l'audience.

[6] Le paragraphe 15(2.6) de la Loi indique le moment auquel un prêt doit être remboursé afin d'éviter d'être inclus dans le revenu; cette disposition est libellée ainsi :

 

(2.6) Le paragraphe (2) ne s'applique pas aux prêts ou aux dettes remboursés dans un délai d'un an suivant la fin de l'année d'imposition du prêteur ou du créancier au cours de laquelle ils ont été consentis ou contractés, s'il est établi, à la suite d'événements postérieurs ou autrement, que le remboursement n'a pas été fait dans le cadre d'une série de prêts, de remboursements ou d'autres opérations.

 

[7] Un gain de 80 114 $ en tout a été réalisé lors de la vente de la propriété située sur le chemin Phelan. Or, c'est un montant de 40 057 $, et non de 29 452 $, qui représente la moitié de ce montant. Au début de l'audience, le représentant de l'appelant a déclaré que ce dernier ne contestait pas les montants mentionnés dans la réponse et qu'il reconnaissait donc que le gain réalisé lors de la vente de la propriété, chemin Phelan, s'élevait en tout à 80 114 $. Aucune explication n'a été fournie au sujet de la raison pour laquelle un gain imposable additionnel de 29 452 $ et non de 40 057 $ avait été inclus dans le revenu de l'appelant.

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