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Dossier : 2010-2776(IT)I

ENTRE :

TABATHA CAMMIDGE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 janvier 2011, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ryan Cammidge

Avocate de l’intimée :

Me Gergely Hegedus

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2008 est accueilli sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 21e jour de mars 2011.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de mai 2011.

 

Marie‑Christine Gervais


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 172

Date : 21 mars 2011

Dossier : 2010-2776(IT)I

ENTRE :

TABATHA CAMMIDGE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

A.    FAITS

 

[1]              L’appelante réside à Edmonton, dans la province d’Alberta.

 

[2]              L’appelante s’est inscrite à l’Université de Phoenix au programme de maîtrise en administration des affaires, lequel elle a terminé avec succès.

 

[3]              L’appelante a témoigné qu’elle a suivi une charge de cours complète en ligne par l’intermédiaire de l’Université de Phoenix d’octobre 2007 à août 2009.

 

[4]              L’Université de Phoenix offre une variété de programmes dans le cadre de possibilités d’apprentissage sur son campus et en ligne.

 

[5]              Pendant l’audience, on a informé la Cour que l’Université de Phoenix comptait des campus à Calgary (Alberta) et à Burnaby (Colombie‑Britannique), ainsi que de nombreux campus partout aux États‑Unis.

 

[6]              L’appelante a demandé, relativement à l’année d’imposition 2008, des crédits pour frais de scolarité de 13 673 $ ainsi que des sommes au titre de crédits d’impôt pour études à l’égard d’études à temps plein.

 

[7]              Le 2 novembre 2009, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’égard de l’appelante une nouvelle cotisation par laquelle il a refusé la demande relative aux crédits pour frais de scolarité et aux crédits d’impôt pour études parce que les cours suivis par l’appelante étaient offerts par un établissement situé aux États‑Unis et que les cours en cause avaient duré moins de 13 semaines.

 

[8]              Le 17 novembre 2009, l’appelante a produit un avis d’opposition à la nouvelle cotisation et celle‑ci a été ratifiée par le ministre le 8 juillet 2010.

 

[9]              Le 30 août 2010, l’appelante a interjeté appel à la Cour canadienne de l’impôt.

 

B.      QUESTION EN LITIGE

 

[10]         La Cour doit se demander si l’appelante a droit au crédit pour frais de scolarité relativement à l’année d’imposition 2008. L’appelante n’a pas donné suite à sa demande de crédit d’impôt pour études.

 

C.      ANALYSE ET DÉCISION

 

[11]         L’appelante affirme que l’Université de Phoenix avait deux établissements situés au Canada en 2008 et qu’il s’agit donc d’un « établissement d’enseignement [...] autre – offrant des cours de niveau postsecondaire » au sens du sous‑alinéa 118.5(1)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[12]         Le ministre soutient que la disposition applicable de la Loi est plutôt l’alinéa 118.5(1)b). Il affirme que l’Université de Phoenix est un établissement d’enseignement situé à l’étranger et que l’appelante doit avoir fréquenté cet établissement à plein temps pour avoir droit au crédit pour frais de scolarité. Le ministre avance en outre que, comme la durée des cours suivis par l’appelante était inférieure à 13 semaines, il ne s’agit pas d’un programme admissible aux termes des dispositions de la Loi.

 

[13]         Le ministre va encore plus loin : il allègue que, comme les cours en cause n’ont pas duré au moins 13 semaines et comme la reconnaissance prescrite n’a pas été produite, l’appelante ne peut non plus demander le crédit d’impôt pour études prévu à l’article 118.6 de la Loi. Comme il est mentionné plus haut, l’appelante n’a pas donné suite à sa demande relative à ce crédit.

 

[14]         Pendant l’audience, le ministre a signalé que l’appelante avait fréquenté de nombreux établissements situés partout aux États-Unis en plus d’avoir été inscrite au campus de Phoenix de l’Université de Phoenix, en Arizona, et d’y avoir obtenu un diplôme. L’avocate du ministre a fait valoir que les cours suivis par l’appelante n’avaient aucun lien avec les campus canadiens, que l’appelante n’a pas fréquentés, et que les frais de scolarité payés pour ces cours n’étaient pas déductibles suivant l’alinéa 118.5(1)a) de la Loi.

 

[15]         Enfin, le ministre a affirmé que, si elle a droit aux frais de scolarité, l’appelante ne devrait pouvoir demander que la partie de ces frais supportée pour les cours qu’elle a suivis pendant l’année d’imposition 2008.

 

[16]         La Loi permet que les frais de scolarité versés à certains établissements soient déduits du revenu à titre de crédit d’impôt non remboursable. Le paragraphe 118.5(1) est en partie rédigé ainsi :

 

            118.5(1) Crédit d’impôt pour frais de scolarité. Les montants suivants sont déductibles dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition :

 

            a) si le particulier est inscrit au cours de l’année à l’un des établissements d’enseignement suivants situés au Canada :

 

            (i) établissement d’enseignement – université, collège ou autre – offrant des cours de niveau secondaire,

 

[...]

 

            b) si, au cours de l’année, le particulier fréquente comme étudiant à plein temps une université située à l’étranger, où il suit des cours conduisant à un diplôme, le produit de la multiplication du taux de base pour l’année par le total des frais de scolarité payés à l’université pour l’année, à l’exception des frais qui ont été :

 

            (i) soit payés pour des cours d’une durée inférieure à 13 semaines consécutives,

 

[...]

 

 

[17]         L’article 118.6 de la Loi prévoit un crédit d’impôt distinct qui se fonde sur le temps consacré à des études à temps plein ou à temps partiel, de même qu’un crédit au titre de l’achat de manuels. Le paragraphe 118.6(1) dispose notamment ce qui suit :

 

118.6(1) Définitions. Les définitions qui suivent s’appliquent aux articles 63 et 64 et à la présente sous‑section.

 

« établissement d’enseignement agréé » – « établissement d’enseignement agréé »

 

            a) Un des établissements d’enseignement suivants situés au Canada :

 

            (i) université, collège ou autre établissement d’enseignement agréé soit par le lieutenant‑gouverneur en conseil d’une province au titre de la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants, soit par une autorité compétente en application de la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants, ou désigné par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Science de la province de Québec [...],

 

            (ii) établissement d’enseignement reconnu par le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences comme offrant des cours – sauf les cours permettant d’obtenir des crédits universitaires – qui visent à donner ou augmenter la compétence nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle;

 

            b) université située à l’étranger, où le particulier mentionné au paragraphe (2) est inscrit à des cours d’une durée minimale de 13 semaines consécutives qui conduisent à un diplôme;

 

[...]

 

[18]         La Loi donne une définition détaillée du terme « Canada » à l’article 255. Voici le texte de cette définition :

 

ARTICLE 255 : « Canada »

 

            Pour l’application de la présente loi, il est entendu que le terme « Canada » vise et a toujours visé :

 

            a) le fond et le sous‑sol de la mer dans les régions sous‑marines contiguës au littoral du Canada relativement auxquels le gouvernement du Canada ou d’une province accorde un droit, une licence ou un privilège portant sur l’exploration ou le forage pour la découverte de minéraux, du pétrole, de gaz naturel ou de tout hydrocarbure connexe, ou visant leur extraction;

 

            b) les mers et l’espace aérien au‑dessus des régions sous‑marines mentionnées à l’alinéa a), à l’égard de toute activité poursuivie en rapport avec l’exploration destinée à la découverte des minéraux, du pétrole, du gaz naturel ou des hydrocarbures mentionnés à cet alinéa, ou leur exploration.

 

[19]         Dans la décision Mersey Seafood Limited v. M.N.R., 85 D.T.C. 731, Mme la juge Kempo de la Cour canadienne de l’impôt devait décider si un navire à bord duquel on traitait du poisson en mer au large des côtes du Canada poursuivait ces activités « au Canada ». La Cour a procédé à une analyse approfondie à la fois de la Loi et du droit international afin de déterminer ce qui est reconnu comme une activité exercée « au Canada ». Dans son analyse, la juge Kempo a conclu que le terme « Canada » signifie le territoire sur lequel le Canada exerce sa souveraineté.

 

[20]         La jurisprudence touchant la question de la déductibilité des frais de scolarité payés pour suivre un enseignement à distance en ligne auprès d’établissements situés aux États-Unis a évolué au cours des douze dernières années. Initialement, la jurisprudence avait donné une interprétation stricte de l’article 118.5 de la Loi, mais, récemment, une approche plus souple a été adoptée par les juges de la Cour canadienne de l’impôt. J’examinerai plusieurs décisions de la Cour afin d’illustrer l’approche généralement suivie pour interpréter cette disposition de la Loi.

 

[21]         Dans la décision Hlopina c. La Reine, [1998] A.C.I. no 27, l’appelant travaillait à plein temps en Alberta tout en suivant un programme auprès d’une école d’études par correspondance dans l’État de la Louisiane. Dans cette décision, M. le juge Bowie devait trancher la question de savoir si le fait de terminer un cours par correspondance à progression autocontrôlée pouvait être assimilé à des études à temps plein si, parallèlement, l’appelant travaillait à temps plein. Le juge a conclu que ce n’était pas le cas. Lorsqu’il a interprété l’article 118.5 de la Loi, le juge Bowie a conclu que, selon la jurisprudence antérieure, un particulier ne pouvait fréquenter une école et parallèlement travailler à temps plein.

 

[22]         Dans la décision Cleveland c. La Reine, 2004 CCI 34, 2004 D.T.C. 2199, l’appelant s’était inscrit, à la Capella University, à un programme d’enseignement conduisant à une maîtrise ès science. Il avait suivi les cours en ligne tandis qu’il vivait en Saskatchewan. M. le juge McArthur a conclu que, selon l’alinéa 118.5(1)b) de la Loi, l’étudiant qui suivait des cours par l’intermédiaire d’un établissement situé aux États-Unis devait « fréquenter » l’établissement « à temps plein ». Le point en litige dans cette affaire était celui de savoir si le fait de terminer des cours en ligne au moyen de forums, de courriels, d’appels téléphoniques et d’une bibliothèque virtuelle revenait à « fréquenter » un établissement. Le juge McArthur est arrivé à la conclusion que, comme les dispositions législatives applicables exigeaient une présence physique à l’établissement, l’appelant n’était pas admissible à la déduction pour frais de scolarité.

 

[23]         Cependant, plusieurs mois plus tard, l’approche adoptée par les juges de la Cour canadienne de l’impôt pour interpréter l’article 118.5 de la Loi a commencé à changer. Dans ces décisions subséquentes, les appelants en cause avaient continué d’occuper un emploi pendant une partie ou la totalité de leurs études. La preuve montrait que ces appelants n’étaient pas financièrement en mesure de cesser de travailler pour fréquenter un établissement d’enseignement. Dans tous les cas, les appelants avaient consacré beaucoup d’énergie à leurs études et les juges ont estimé que leurs efforts étaient louables.

 

[24]         Dans la décision Krause c. La Reine, 2004 CCI 594, 2004 D.T.C. 3265, M. le juge Bowman (tel était alors son titre) a adopté un point de vue différent en ce qui concerne la déductibilité des frais de scolarité et des montants relatifs aux études. Dans cette affaire, le contribuable s’était inscrit à un programme de doctorat en ligne auprès d’un établissement situé en Californie. Le ministre a refusé sa demande de déduction pour frais de scolarité et montants relatifs aux études et le contribuable a interjeté appel. Comme il s’agissait d’un cas où la cotisation portait qu’il n’y avait aucun impôt à payer, la Cour a rejeté l’appel. Le juge Bowman a néanmoins formulé à titre incident de nombreuses observations pertinentes. Il a d’abord conclu que le fait pour un particulier de suivre des cours en ligne par Internet est compatible avec l’emploi, dans la Loi, du terme « fréquente ». Fréquenter un établissement d’enseignement à plein temps par voie électronique satisfait aux exigences de la Loi selon lesquelles l’étudiant doit « fréquente[r] » un tel établissement « à plein temps ». À mon avis, le juge Bowman, par ses observations, reconnaît les réalités de la technologie moderne mise au service de l’enseignement à distance.

 

[25]         Le juge Bowman a en outre conclu que l’appelant fréquentait un établissement d’enseignement à plein temps puisqu’il était considéré comme un étudiant à plein temps par l’établissement et qu’il consacrait de 22 à 36 heures par semaine à ses cours. Le juge Bowman a également déclaré que le simple fait que l’appelant occupait un emploi de 30 heures par semaine ne faisait pas automatiquement en sorte qu’il ne puisse également être un étudiant à plein temps. En d’autres termes, le juge Bowman a reconnu que les particuliers doivent souvent avoir un emploi « à plein temps » pour pouvoir se permettre aussi d’être des étudiants à plein temps. Il a ajouté que cette situation ne devait pas influer sur l’admissibilité aux déductions pour frais de scolarité et montants relatifs aux études.

 

[26]         Ce passage à une interprétation plus libérale de la Loi a été confirmé par M. le juge McArthur dans la décision McGrath c. La Reine, 2007 CCI 295, 2007 D.T.C. 894. Dans cette affaire, l’appelante travaillait à temps plein comme enseignante tout en suivant des cours de maîtrise en ligne par l’intermédiaire d’une université en Illinois. L’appelante consacrait environ 25 heures par semaine à ses études. Le juge McArthur a signalé que l’appelante n’aurait pu obtenir ce diplôme au Canada et qu’elle avait donc suivi les cours en ligne. Il a affirmé que son point de vue avait évolué depuis la décision Cleveland et qu’il souscrivait au raisonnement adopté par le juge Bowman dans la décision Krause. Comme l’appelante faisait des études à plein temps et qu’elle fréquentait l’établissement au moyen d’une interface en direct, le juge McArthur a accueilli l’appel et autorisé l’appelante à demander un crédit d’impôt au titre des frais de scolarité qu’elle avait payés.

 

[27]         De plus, dans la décision Valente c. La Reine, 2006 CCI 145, 2006 D.T.C. 2685, Mme la juge Woods a conclu que, pour que les programmes d’enseignement en ligne soient considérés comme des programmes à plein temps, il suffisait qu’ils exigent l’attention de l’étudiant « à plein temps ». Elle a en outre mentionné qu’elle souscrivait au raisonnement adopté dans la décision Krause. Par surcroît, elle a conclu que l’article 118.5 de la Loi ne devait pas faire l’objet d’une interprétation stricte. Elle a affirmé qu’il n’était pas approprié de déduire que cette disposition nécessitait une présence physique à l’établissement d’enseignement alors que cette exigence n’est pas clairement énoncée dans la Loi. Ce point de vue a également été confirmé par Mme la juge Sheridan dans la décision Kuwalek c. La Reine, 2006 CCI 624, 2007 D.T.C. 199.

 

[28]         La décision Robinson c. La Reine, 2006 CCI 664, 2007 D.T.C. 348, est des plus pertinentes au regard du présent appel. L’appelante dans cette affaire avait terminé un programme de maîtrise en administration des affaires offert en ligne à l’Université de Phoenix, mais le ministre avait refusé sa demande de déduction pour frais de scolarité et montants relatifs aux études. La question en litige dans cette affaire était différente de celle dont le tribunal avait été saisi dans les décisions précédentes puisque la Cour devait décider si l’Université de Phoenix était un établissement d’enseignement situé au Canada. L’appelante demandait (comme en l’espèce) l’admissibilité à des crédits d’impôt pour frais de scolarité en application du sous‑alinéa 118.5(1)a)(i) de la Loi parce que l’Université de Phoenix avait un campus à Burnaby (Colombie‑Britannique) et que, comme elle était inscrite à un établissement situé au Canada, elle avait le droit de déduire ses frais de scolarité.

 

[29]         Dans cette décision, M. le juge Beaubier a uniquement accueilli l’appel relatif aux frais de scolarité. En effet, le juge a estimé que, selon la preuve présentée à l’instruction, l’Université de Phoenix était un établissement d’enseignement situé au Canada puisqu’elle exploitait un campus à Burnaby (Colombie‑Britannique). Quant aux montants relatifs aux études prévus à l’article 118.6 de la Loi, l’appel a été rejeté parce que l’Université de Phoenix n’était pas un « établissement d’enseignement agréé », comme l’exige cette disposition.

 

[30]         Comme il est mentionné plus haut, les juges de la Cour canadienne de l’impôt ont reconnu que l’enseignement ne se fonde dorénavant plus sur une présence physique en salles de classe et que les contribuables choisissent de suivre des cours en ligne de manière à conserver leur emploi tout en poursuivant leurs études. Dans les cas où les contribuables ont réussi à la convaincre qu’ils se sont efforcés de poursuivre leurs études au moyen de programmes en ligne, la Cour canadienne de l’impôt les a récemment autorisés à demander des crédits d’impôt pour frais de scolarité et montants relatifs aux études lorsque les dispositions législatives applicables offrent une latitude suffisante pour permettre une telle mesure.

 

[31]         Au Canada, l’enseignement a toujours eu lieu à distance. Le Canada est le deuxième plus grand pays au monde. La densité de population y est également l’une des plus faibles. La réalité est que les Canadiens vivent sur un territoire si vaste que les moyens d’enseignement devront, pour un grand nombre de personnes, être offerts à distance puisqu’une présence physique en salles de classe n’est pas financièrement possible. C’est pourquoi les établissements canadiens offrent depuis longtemps des cours et des programmes à distance. La Faculty of Extension de l’Université de l’Alberta en est un exemple. Cet établissement offre de l’enseignement à distance depuis 1912 parce qu’il a reconnu, très tôt dans son existence, la nécessité d’offrir des cours dans des endroits éloignés de l’Alberta. L’on affirme que de tels établissements existent parce que, dans un pays aussi vaste que le Canada, il y a un besoin et un marché d’enseignement à distance, que ce soit par correspondance ou par des moyens électroniques et Internet.

 

[32]         L’article 118.5 de la Loi reconnaît cette réalité. Dans cette disposition, le législateur a prévu que, pour être admissible à des crédits d’impôt pour frais de scolarité payés à un établissement au Canada, il suffit d’être « inscrit » à un établissement situé au Canada, sans devoir nécessairement le fréquenter. Il semble que le législateur ait envisagé que l’enseignement au Canada se fasse à distance et qu’il ait prévu des dispositions en conséquence dans la Loi. Qu’un cours soit suivi en ligne ou dans une salle de classe n’a aucune incidence sur l’admissibilité à une déduction pour frais de scolarité aux fins de l’impôt sur le revenu.

 

[33]         Dans le présent appel, l’appelante a établi qu’elle avait terminé des cours, dans le cadre d’un programme conduisant à un diplôme, par le truchement d’Internet tandis qu’elle vivait au Canada. Par conséquent, la seule question qu’il reste à trancher en l’espèce est celle de savoir si l’Université de Phoenix, en raison de l’existence de campus à Calgary (Alberta) et à Burnaby (Colombie‑Britannique), était un établissement d’enseignement situé au Canada. Pour statuer sur cette question, il est nécessaire de se pencher sur l’expression « au Canada », telle qu’elle est employée dans cette disposition.

 

[34]         Dans la décision Mersey Seafood, la Cour a conclu que le terme « Canada » signifiait le territoire sur lequel le Canada exerce sa souveraineté. L’on soutient qu’il s’ensuit que l’expression « au Canada » s’entend du fait de se trouver dans un endroit où l’on est assujetti à la souveraineté canadienne. Dans le présent appel, l’Université de Phoenix avait bien son principal établissement à Phoenix (Arizona), mais elle s’était assujettie à la souveraineté canadienne en établissant des campus à Calgary (Alberta) et à Burnaby (Colombie‑Britannique). Aucun élément de preuve ne permet de conclure que, malgré sa présence au Canada, l’Université de Phoenix était d’une façon ou d’une autre soustraite à l’application du droit canadien. L’Université de Phoenix était donc un établissement d’enseignement situé au Canada.

 

[35]         Comme il est mentionné plus haut, l’intimée a montré que l’appelante avait reçu de l’enseignement de plusieurs sources dans divers endroits partout aux États‑Unis. Cependant, les études de l’appelante se sont déroulées à Edmonton, où elle avait sa résidence. Il est allégué que le fait que l’enseignement ait été dispensé par des sources situées à l’étranger ne justifie pas le refus d’une déduction à laquelle l’appelante aurait par ailleurs droit, surtout que le libellé de l’alinéa 118.5(1)a) de la Loi ne fixe aucune exigence voulant que l’enseignement ait eu lieu à un endroit donné. Agir ainsi reviendrait à voir dans cette disposition une nuance qui n’y est pas expressément prévue et l’on soutient que la jurisprudence fait obstacle à une conclusion en ce sens.

 

[36]         L’intimée a invoqué deux décisions à l’appui de son argument : Hillman c. La Reine, 2006 CCI 578, 2007 D.T.C. 81, et Ferre c. La Reine, 2010 CCI 593, [2010] A.C.I. no 470. Ces deux affaires intéressaient la question de l’admissibilité suivant l’alinéa 118.5(1)b) de la Loi. Comme l’appelante en l’espèce est admissible à une déduction en application de l’alinéa 118.5(1)a), j’estime que ces décisions ne permettent pas de statuer sur l’appel.

 

[37]         J’arrive à la conclusion que l’appel doit être accueilli. Les cours suivis par l’appelante l’ont été au Canada et ils étaient offerts par un établissement ayant des emplacements « au Canada » à tous les moments pertinents. Il s’agit donc de cours qui ouvrent droit à une déduction pour frais de scolarité en application du sous‑alinéa 118.5(1)a)(i) de la Loi. Cependant, je conviens avec l’intimée que, selon la Loi, seule la partie des frais de scolarité payés pour les cours suivis en 2008 est déductible pour cette année d’imposition. Quant au crédit d’impôt pour études prévu à l’article 118.6 de la Loi, l’appelante ne demandait pas de réparation fondée sur cette disposition et aucune ne doit donc être accordée.

 

[38]         En revanche, si l’admissibilité aux crédits pour études prévus à l’article 118.6 de la Loi est en litige, il convient alors de trancher cette question à la lumière de la décision Robinson. Les faits dans cet appel et dans la présente affaire sont pratiquement identiques. L’Université de Phoenix ne constitue pas un « établissement d’enseignement agréé » au sens du paragraphe 118.6(1) de la Loi, et l’appelante n’a droit à aucune déduction prévue par cette disposition.

 

[39]         Bref, l’appelante fréquentait un établissement d’enseignement situé au Canada parce que l’Université de Phoenix exploitait deux campus au Canada à tous les moments pertinents. De plus, l’appelante suivait des cours aux moments pertinents par le truchement de sa participation en ligne aux cours d’enseignement. Elle recevait peut‑être de l’enseignement de plusieurs sources situées à l’étranger, mais la Loi n’exige pas que la source de l’enseignement et des documents se trouve à un endroit donné.

 

[40]         Je conclus que l’appelante peut demander un crédit d’impôt pour frais de scolarité au titre des cours qu’elle a suivis pendant l’année d’imposition 2008.

 

[41]         L’appel est accueilli sans dépens.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 21e jour de mars 2011.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de mai 2011.

 

Marie-Christine Gervais


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 172

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-2776(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Tabatha Cammidge c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 mars 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ryan Cammidge

Avocate de l’intimée :

Me Gergely Hegedus

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                                 Nom :                Gergely Hegedus

 

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles  J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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