ENTRE :
et
____________________________________________________________________
Appel entendu le 18 janvier 2011, à Ottawa (Ontario).
Devant : L'honorable Gerald J. Rip, juge en chef
Comparutions :
Me Michael Ezri |
____________________________________________________________________
JUGEMENT
L'appel des nouvelles cotisations de la taxe sur les produits et services établies en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 est rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mars 2011.
ENTRE :
3922731 CANADA INC.,
appelante,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s'agit d'un appel de nouvelles cotisations émises en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (« Loi ») pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 dans lesquelles le ministre du Revenu national (« Ministre ») a cotisé la taxe sur les produits et services (« TPS ») perçue mais non remise par l'appelante pour un montant de 10 357,17 $ et il a refusé des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») pour un montant de 7 378,85 $.
[2] L'appelante est connue sous le nom commercial de « Handyman Plus ». L’appelante fournit des services de rénovations résidentielles qui sont assujettis à la TPS. L’appelante est inscrite pour fins de TPS.
[3] Durant la période en litige, les ventes de l’appelante se sont élevées à 561 245,31 $ et elle a perçu de la TPS pour un montant de 33 608,32 $. Cependant, dit le Ministre, seul un montant de 23 251,15 $ a été remis. L’appelante aurait donc omis de remettre 10 357,17 $.
[4] Durant la même période, l’appelante a réclamé des CTI pour un montant de 17 839,82 $. Le Ministre allègue qu'aucune documentation requise pour appuyer la demande de CTI n’a été fournie pour un montant de 7 378, 85 $.
[5] Avant et au début de l’audience, les parties se sont entendues pour réduire les montants en litige. Les seuls montants encore contestés par l’appelante sont les suivants : le montant de TPS impayé et non admis s’élève désormais à 1 268,42 $ pour la période se terminant le 31 mars 2006, tandis que le montant de CTI réclamé par l’appelante, pour la période se terminant le 30 septembre 2007, s’élève quant à lui à 5 775,79 $ et concerne une seule facture.
[6] Monsieur Serge Lafortune a témoigné pour l'appelante. Il s’occupe de la comptabilité depuis quatre ans. Son travail consiste en la préparation des états financiers annuels, la tenue de livres et la remise des impôts et des taxes. Il était responsable de la comptabilité pour la période se terminant le 30 septembre 2007, mais pas la période se terminant le 31 mars 2006.
[7] En ce qui concerne les 5 775,79 $ de CTI refusés, l’appelante a mis en preuve une facture de la société par actions 4362799 Canada Inc. datée du 13 août 2007. Cette facture fait état de « consulting services » chargés à l’appelante au montant de 102 011,00 $ (dont 6 120,66 $ de TPS) pour un total de 108 131,66 $. Le comptable a réclamé des CTI pour cette facture au montant de 6 120,66 $. Lors d’une vérification, l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a refusé d’accorder les CTI étant donné que la facture ne faisait aucune mention du numéro de TPS de 4362799. De plus, 4362799 n’était pas inscrite pour fins de TPS et n’avait pas remis le montant en question. 432799 a fait l’objet d’une inscription par l’ARC au moment de la vérification.
[8] Cette vérification par l’ARC a permis au comptable de constater que la facture de 432799 n’était pas exacte. En effet, l’appelante n’a versé que 102 011 $ à 432799 par le biais d’un chèque de 45 000 $ et d’un chèque certifié de 57 011 $. Le comptable en a déduit qu’il s’agissait plutôt d’une transaction « taxe incluse » au montant total de 102 011 $. La facture est donc erronée et la taxe effectivement chargée serait de 5 775,79 $ et non 6 120,66 $.
[9] Il y a également une autre anomalie. La facture est datée du 13 août 2007 alors que le premier chèque de 45 000 $ est daté du 19 juillet 2007. Or, la facture ne fait aucune mention du premier versement de 45 000 $ déjà effectué. Le comptable n’a jamais apporté d’amendements au rapport de TPS relativement au montant erroné de CTI réclamé initialement puisqu’il n’a pris connaissance de l’erreur qu’au moment de la vérification.
[10] Le contrat entre l’appelante et 432799 n’a pas été déposé en preuve. Il n’y a pas eu de communication entre l’appelante et 432799, ni avec ses administrateurs, pour modifier la facture et il semble que 432799 soit maintenant en cours de dissolution. Le comptable affirme avoir eu une discussion avec le dirigeant de l’appelante durant laquelle ce dernier lui aurait confirmé que l’entente était pour 102 011 $.
[11] En ce qui a trait au montant de TPS perçu mais non remis, les livres et les registres de l’appelante indiquent pour la période se terminant le 31 mars 2006 que la TPS due s’élève à 3 262,42 $ alors que seulement 1 924 $ ont été remis selon sa déclaration de TPS. Il s’ensuit un manque de 1 338,42 $ qui n’a pas été remis à l’ARC. Les parties se sont entendues pour réduire ce montant à 1 268,42 $.
[12] Selon le comptable, il n’y a aucune pièce justificative, aucun service vendu à un client qui a généré de la TPS pour un montant de 1 268,42 $. Le comptable n’a pas passé au travers de toutes les factures de l’appelante, mais il a vérifié les encaissements subséquents. Il a commencé ses vérifications d’encaissement uniquement à partir du 1er avril 2006. Il n’a fait aucune vérification des factures et des encaissements de l'appelante avant cette date.
[13] Le comptable ne sait pas pourquoi un tel montant est apparu sur la déclaration de l’appelante, mais il a avancé certaines hypothèses. Aussi, il affirme avoir tenté d'entrer en contact avec l'ancien comptable, mais sans succès. Il ne pouvait pas se rappeler son nom lors de l’audition.
[14] L’échange suivant résume bien la situation en ce qui à trait au montant de 1 268,42 $. La procureure de l’intimée a posé la question suivante : « Donc vous, vous suggérez que le montant est erroné, mais sans une preuve concrète pourquoi le montant est erroné. La différente [sic] théorie mais on ne sait pas de façon concrète qu’est-ce qui arrivait exactement avec les livres comptables pour l’année 2006 ? » Le comptable a répondu : « C’est exact. »
[15] Pour ce qui est des CTI, l'appelante est d’avis qu’elle y a droit puisque la taxe a été effectivement payée. Il importe peu que 432799 était inscrite ou non, car elle avait l’obligation de l’être. De plus, l’appelante ne peut pas être tenue responsable pour l’omission de 432799 de remettre la TPS; elle a droit à des CTI à partir du moment où de la TPS est payée. Enfin, l’obligation de fournir une facture avec un numéro de TPS est uniquement une « technicalité » de la Loi qui d’ailleurs a été résolue par la suite quand l’ARC a attribué un numéro de TPS à 432799.
[16] De son côté, l'intimée est d'avis que l'appelante n'y a pas droit, car la facture ne remplit pas les formalités énoncées à l’alinéa 169(4)a) de la Loi et aux dispositions réglementaires. La jurisprudence a fait une application stricte de ces dispositions notamment dans les décisions Systematix[1], Baker[2], Camion DM Inc[3] et St-Isidore Écono Centre Inc[4].
[17] Pour ce qui est du montant de TPS non remis de 1 268,42 $, l’appelante fait valoir que la bonne foi se présume toujours et, du moment où elle affirme que le montant a été inscrit de façon erronée, se basant sur des vérifications a posteriori, l’ARC ne devait plus lui réclamer ce montant. Quant à elle, l’intimée demande à la Cour de tirer une inférence négative de l’absence de témoignage de l’ancien comptable et du dirigeant de l’appelante.
Loi
[18] Les paragraphes 169(4) et 169(5) de la Loi se lisent comme suit :
(4) L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :
a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;
b) dans le cas où le crédit se rapporte à un bien ou un service qui lui est fourni dans des circonstances où il est tenu d’indiquer la taxe payable relativement à la fourniture dans une déclaration présentée au ministre aux termes de la présente partie, il indique la taxe dans une déclaration produite aux termes de la présente partie.
|
(4) A registrant may not claim an input tax credit for a reporting period unless, before filing the return in which the credit is claimed,
(a) the registrant has obtained sufficient evidence in such form containing such information as will enable the amount of the input tax credit to be determined, including any such information as may be prescribed; and
(b) where the credit is in respect of property or a service supplied to the registrant in circumstances in which the registrant is required to report the tax payable in respect of the supply in a return filed with the Minister under this Part, the registrant has so reported the tax in a return filed under this Part.
|
(5) Le ministre peut, s’il est convaincu qu’il existe ou existera des documents suffisants pour établir les faits relatifs à une fourniture ou à une importation, ou à une catégorie de fournitures ou d’importations, ainsi que pour calculer la taxe relative à la fourniture ou à l’importation, qui est payée ou payable en application de la présente partie :
a) dispenser un inscrit, une catégorie d’inscrits ou les inscrits en général des exigences prévues au paragraphe (4) relativement à la fourniture ou à l’importation ou à une fourniture ou une importation de la catégorie;
b) préciser les modalités de la dispense |
(5) Where the Minister is satisfied that there are or will be sufficient records available to establish the particulars of any supply or importation or of any supply or importation of a specified class and the tax in respect of the supply or importation paid or payable under this Part, the Minister may
(a) exempt a specified registrant, a specified class of registrants or registrants generally from any of the requirements of subsection (4) in respect of that supply or importation or a supply or importation of that class; and
(b) specify terms and conditions of the exemption. |
Les articles 2 et 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (« Règlement ») se lisent comme suit :
[19] J’entretiens de sérieux doutes au sujet de la facture concernant le 5 775,79 $. Elle comporte plusieurs anomalies. Le montant de TPS indiqué n’est pas exact et il n’est pas fait mention du paiement initial de 45 000 $. De plus, le contrat de service entre 432799 et l’appelante n’a pas été déposé en Cour et aucun dirigeant de l’appelante n’a témoigné. Le témoignage du comptable concernant la nature de l’entente entre 432799 et l’appelante constitue du ouï‑dire. Tout cela me porte à croire que la taxe n’a jamais été payée ni chargée. Néanmoins, même sans arriver à cette conclusion, l’appelante ne peut réclamer de CTI, car la formalité énoncée aux alinéas 3c) et 3b)(i) du Règlement n’est pas respectée. La facture doit indiquer le numéro d’inscription du fournisseur.
[20] Les « technicalités » de la Loi, telles que qualifiées par l’avocate de l’appelante, doivent être respectées. La jurisprudence est claire à cet effet. L’extrait suivant de la Cour d’appel fédérale[5] résume bien la situation :
[4] Nous sommes d’avis que la Loi exige que les personnes ayant versé des sommes au titre de la TPS à des fournisseurs veillent à fournir des numéros d’inscription des fournisseurs valides lorsqu’elles demandent un crédit de taxe sur les intrants.
[5] Nous sommes d’accord avec le juge Bowie lorsqu’il affirme ce qui suit dans l’affaire Key Property Management Corp. c. R., [2004] G.S.T.C. 32 (CCI) :
Le but même de l’alinéa 169(4)a) et du Règlement est de protéger le Trésor contre les violations tant frauduleuses qu’innocentes. Ce but ne peut être atteint que si les exigences sont considérées comme étant obligatoires et sont rigoureusement appliquées. Le fait de les envisager simplement comme une indication ne serait pas seulement malencontreux, mais serait une grave violation de l’intégrité du texte législatif.
[Non souligné dans l’original.]
[6] Nous sommes également d’accord avec la juge Campbell lorsqu’elle affirme ce qui suit dans l’affaire Davis c. R., [2004] G.S.T.C. 134 (CCI) :
Je ne pense pas qu’il est possible de contourner ces dispositions, étant donné que leur libellé est très précis. Elles sont manifestement obligatoires, et l’appelant n’a tout simplement pas respecté les exigences techniques que la Loi et le Règlement lui imposent à titre de participant à un régime d’autocotisation.
[Non souligné dans l’original.]
[21] L’appelante ne peut pas réclamer de CTI si la facture ne présente pas le numéro d’inscription du fournisseur. Le Ministre aurait pu accorder les CTI conformément au paragraphe 169(5) de la Loi, mais il a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire dans ce cas‑ci. La Cour ne peut pas lui forcer la main. Dans ces circonstances, il importe peu de déterminer si la facture était « taxe incluse ».
[22] C’est le fardeau de l’appelante de prouver que la somme de 1 268,42 $ a été inscrite de façon erronée. Le nouveau comptable n’a pas vérifié l’ensemble des factures et des encaissements pour la période se terminant le 31 mars 2006, il a uniquement vérifié les encaissements subséquents. Le comptable et l’appelante aurait du procéder à une analyse des factures et des encaissements pour la période se terminant le 31 mars 2006. Le fait de vérifier les encaissements postérieurs à cette période n’est pas suffisant. De plus, le comptable ne sait pas pourquoi ce montant a été inscrit de façon erronée. Dans ces circonstances, le témoignage de l’ancien comptable aurait été de mise.
[23] L'appel est rejeté
Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mars 2011.
« Gerald J. Rip »
Juge en chef Rip
Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-2966(GST)I
INTITULÉ DE LA CAUSE : 3922731 CANADA INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : le 18 janvier 2011
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable Gerald J. Rip, juge en chef
DATE DU JUGEMENT : le 25 mars 2011
COMPARUTIONS :
Avocate de l'appelante : |
Me Chantal Donaldson |
Avocats de l'intimée : |
Me Kira Brezhneva Me Michael Ezri |
Cabinet : Leblanc Doucet McBride
Gatineau (Québec)
Pour l’intimée : Myles J. Kirvan
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada