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Dossier : 2010-2278(IT)I

ENTRE :

ADEANA GREENWOOD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 3 février 2011, à Victoria (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Jack Greenwood

Avocat de l’intimée :

Me Rob Whittaker

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel formé contre la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-annexés.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 15e jour d’avril 2011.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juin 2011.

 

Marie‑Christine Gervais

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 214

Date : 20110415

Dossier : 2010-2278(IT)I

ENTRE :

ADEANA GREENWOOD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

LES FAITS

 

[1]              L’appelante n’a pu se présenter devant la Cour pour cause de maladie.

 

[2]              L’époux de l’appelante, Jack Greenwood, a représenté l’appelante.

 

[3]              L’appelante s’était vu signifier une cotisation fondée sur l’article 160, établie par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), qui concernait un transfert de biens effectué en janvier 2002.

 

[4]              En octobre 2007, la Cour de l’impôt a rendu, à la suite d’un jugement sur consentement déposé par le ministère de la Justice, une ordonnance qui annulait la cotisation établie en vertu de l’article 160.

 

[5]              En janvier 2008, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a envoyé à l’appelante un remboursement d’impôt, plus une somme additionnelle de 53 314 $, pour un total de 245 018,70 $.

 

[6]              L’intimée soutient que la somme de 245 018,70 $ comprenait des intérêts se chiffrant à 53 314 $ (les « intérêts créditeurs »).

 

[7]              Le représentant de l’appelante soutient que la somme de 53 314 $ n’est pas assujettie à l’impôt pour l’année d’imposition 2008.

 

[8]              Lorsque l’appelante a produit sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2008, elle n’a pas déclaré la somme de 53 314 $.

 

[9]              Le ministre a initialement établi la cotisation de l’appelante pour l’année d’imposition 2008 le 9 avril 2009.

 

[10]         Par avis de nouvelle cotisation (la « nouvelle cotisation ») en date du 24 septembre 2009, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2008 en y incluant la somme de 53 314 $ à titre de revenu. (Note : Le formulaire TTWC annexé à la nouvelle cotisation et portant la date du 24 septembre 2009 précise que la somme de 53 314 $ représentait des [traduction] « Intérêts créditeurs reçus en 2008 ».) (Pièce A-1, onglet 1)

 

[11]         L’appelante a déposé le 9 novembre 2009 un avis d’opposition à la nouvelle cotisation.

 

[12]         Le ministre a émis le 4 mai 2010 un avis de ratification qui ratifiait la nouvelle cotisation.

 

POINT EN LITIGE

 

[13]         La question à trancher est de savoir si la somme de 53 314 $ reçue par l’appelante pour l’année d’imposition 2008 est un revenu imposable reçu par l’appelante pour l’année d’imposition 2008.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[14]         Dans l’avis d’appel, l’appelante affirme que toute somme que lui a versée le ministre en 2008, c’est-à-dire la partie du remboursement qui dépassait la somme initiale de 191 204,97 $ qui avait été saisie entre ses mains en 2002, devrait être considérée comme des dommages-intérêts extrajudiciaires versés en dédommagement de la saisie illégitime initiale.

 

[15]         L’avis d’appel mentionne également ce qui suit :

 

[traduction]

 

[…] Subsidiairement, si la Cour arrive à la conclusion que ladite somme de 53 314 $ représente des intérêts, alors cette somme devrait être imposée après répartition sur chacune des années d’imposition 2002 à 2008 inclusivement.

 

[16]         Dans une lettre adressée à la Cour de l’impôt et portant la date du 14 juillet 2010, le représentant de l’appelante a écrit que, durant l’instruction, l’appelante ferait valoir que le ministre ne peut rouvrir les années d’imposition 2002 à 2005 parce que ces années sont frappées de prescription.

 

[17]         Au cours de l’audience, le représentant de l’appelante a mentionné qu’il aurait du mal à faire admettre que la somme de 53 314 $ était une « non-valeur » et qu’elle n’était donc pas imposable.

 

[18]         J’ai dit au représentant de l’appelante que la somme de 53 314 $ versée par le ministre à l’appelante ne serait pas considérée comme une « non-valeur ».

 

[19]         Au cours de l’audience, le représentant de l’appelante s’est exprimé ainsi :

 

[traduction]

 

[…] que le ministre était endetté envers Mme Greenwood à partir du 16 janvier 2002 jusqu’à ce qu’il finisse par rembourser la somme le 16 janvier 2008. Le ministre a eu la possession de cette somme durant six ans et, si je n’avais pas eu l’idée, en 2007, de présenter une demande au bureau d’impôt de Surrey et de faire remarquer les erreurs comptables qui avaient été commises, si je n’avais pas fait cela à ce moment-là, le ministre serait encore en la possession de cette somme.

 

(Transcription, page 50, lignes 16 à 24)

 

[20]         Le représentant de l’appelante a ensuite affirmé ce qui suit :

 

[traduction]

 

[…] Que les intérêts, si ce sont des intérêts, si la Cour reconnaît qu’il s’agit d’intérêts, d’intérêts au sens propre, alors ils devraient tout simplement être répartis sur les années 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006, et la Loi de l’impôt sur le revenu est fondée tout entière, s’agissant des particuliers, sur l’année civile de 12 mois.

 

[…]

 

            Voilà pour mes conclusions, Monsieur le juge.

 

(Transcription, page 52, lignes 2 à 11)

 

[21]         L’avocat de l’intimée s’est exprimé ainsi :

 

[traduction]

 

            […] le présent appel se rapporte à l’année d’imposition 2008, et l’appel concerne la nouvelle cotisation que le ministre a établie pour l’appelante pour inclure dans son revenu la somme de 53 314 $, considérée comme revenu additionnel dans la nouvelle cotisation.

 

[…]

 

Et la question telle qu’elle est posée dans l’avis d’appel est celle de savoir si les conditions énoncées à l’alinéa 12(1)c) de la Loi sont remplies.

 

[…] Je voudrais simplement résumer encore une fois le contexte, afin que tout soit clair sur les événements qui ont conduit à ce paiement effectué par l’ARC en janvier 2008. Monsieur le juge, comme vous l’avez entendu, il y a eu en 2002 saisie d’une somme entre les mains de l’appelante, relativement à une cotisation établie en vertu de l’article 160 pour l’appelante en janvier 2002. Cela a donné lieu à une demande ex parte de l’ARC pour que la somme soit consignée au tribunal, c’est-à-dire la somme d’environ 186 000 $. Cette somme représentait le produit de la vente de la maison en rangée à Surrey.

 

Par la suite, environ un an plus tard, l’ARC a demandé à la Cour suprême de Colombie-Britannique de rendre une ordonnance selon l’article 225.2, ordonnance qui a été accordée par Madame la juge Dorgan. Lorsque l’ordonnance a été accordée et que la somme a été versée, des intérêts se chiffrant à environ 7 043 $ ont été ajoutés à la somme de 186 000 $, ce qui signifiait que l’ARC se voyait accorder par la Cour suprême de la C.-B. la somme de 191 704,97 $, chiffre qui est mentionné dans la réponse, […]

 

(Transcription, page 52, ligne 17, jusqu’à la page 53, ligne 18)

 

[22]         L’avocat de l’intimée a alors dit ce qui suit :

 

[traduction]

 

L’ordonnance par consentement et l’ordonnance de la Cour ont donc conduit l’ARC à rembourser la somme en janvier 2008, plus ce qui, selon l’ARC, représente des intérêts.

 

(Transcription, page 58, lignes 12 à 14)

 

[23]         L’avocat de l’intimée a poursuivi ainsi :

 

[traduction]

 

Nous affirmons que, lorsque l’ARC a saisi une somme puis la rembourse à un contribuable, elle a pour pratique de rembourser la somme plus les intérêts. Et, d’après nous, c’est manifestement ce qui a été fait ici. J’ai inclus dans la pièce R-1, monsieur le juge, la brochure de l’ARC intitulée « Régler votre différend : vos droits d’opposition et d’appel ». Et je voudrais simplement souligner que, lorsque l’ARC détient une somme et qu’elle perd un appel, elle rembourse la somme avec intérêts. […]

 

[…]

 

« Dans tous les cas, des intérêts continuent de s’accumuler sur toute somme impayée. Vous pouvez choisir de payer la somme au complet ou en partie. Si vous avez gain de cause, vous recevrez un remboursement avec intérêts. »

 

Donc, il ressort clairement de la politique de l’ARC que le contribuable paie la somme et que, s’il obtient finalement gain de cause, la somme en question lui sera remboursée avec les intérêts.

 

            (Transcription, page 65, ligne 20, jusqu’à la page 66, ligne 16)

 

Monsieur le juge, l’alinéa 12(1)c) de la Loi est reproduit dans le recueil de couleur bleue, le recueil de jurisprudence et de doctrine de l’intimée, à l’onglet 1A. Et je suis sûr, Monsieur le juge, que vous connaissez bien cette disposition, qui essentiellement dispose que les intérêts doivent être inclus dans le calcul du revenu du contribuable. Le mot « intérêts » est défini comme toute somme reçue ou à recevoir par le contribuable dans l’année au titre ou […]

 

[…]

 

« Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable […] c) intérêts – […] les sommes reçues ou à recevoir par le contribuable au cours de l’année […] à titre ou en paiement intégral ou partiel d’intérêts, dans la mesure où ces intérêts n’ont pas été inclus dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure ».

 

(Transcription, page 66, ligne 20, jusqu’à la page 67, ligne 13)

 

[24]         L’avocat de l’intimée, se référant à un jugement de la Cour de l’impôt, Mackinnon c. La Reine, 2007 CCI 658, 2008 D.T.C. 2052, s’est exprimé ainsi :

 

[traduction]

 

« L’avocate de l’intimée prétend que, même si la Loi ne définit pas le terme « intérêt », celui‑ci a été défini par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Re: Farm Security Act 1944 (Saskatchewan), dans le passage suivant rédigé par M. le juge Rand […] »

 

Et je mets en relief ce qui suit :

 

D’une manière générale, l’intérêt est le rendement, la contrepartie ou la compensation de l’utilisation ou de la conservation, par une personne, d’une somme d’argent due à une autre personne ou lui « appartenant » au sens familier du terme. Il peut y avoir d’autres caractéristiques essentielles, mais elles ne sont pas pertinentes ici.

 

(Transcription, page 70, lignes 10 à 23)

 

 

[25]         L’avocat de l’intimée, se référant également à une autre décision de la Cour de l’impôt, Coughlan v. The Queen, 2001 D.T.C. 719, a ajouté ce qui suit :

 

[traduction]

 

            Donc, Monsieur le juge, je soutiens que c’est exactement le cas ici. Les intérêts dont il s’agit ici étaient manifestement une indemnisation pour la retenue par le Canada d’une somme qui appartenait à la contribuable, la somme de 191 000 $. J’affirme donc qu’il s’agit manifestement d’intérêts au sens de l’alinéa 12(1)c).

 

            Autrement dit, l’appelante ayant été privée de l’utilisation de la somme à partir de janvier 2002, elle avait droit d’être indemnisée intégralement, et l’ARC lui a versé cette compensation. En bref, la somme de 53 000 $ représentait une somme qui s’ajoutait à la somme injustement retenue. Et nous affirmons donc qu’il s’agit là d’intérêts au sens de l’alinéa 12(1)c).

 

(Transcription, page 73, ligne 18, jusqu’à la page 74, ligne 3)

 

 

[26]         À la page 76 de la transcription, l’avocat de l’intimée a affirmé ce qui suit :

 

[traduction]

            Le droit de l’appelante d’obtenir le remboursement de la somme saisie pour le paiement de la cotisation établie en vertu de l’article 160 n’a pris naissance que lorsque l’appel a été accueilli par la Cour canadienne de l’impôt, en vertu de l’ordonnance du 1er octobre 2007. Nous affirmons donc que rien ne permet de dire que les intérêts doivent être imposés selon la comptabilité d’exercice.

 

(Transcription, page 76, lignes 16 à 21)

 

            Nous disons donc que c’est encore une fois le cas ici. Cette somme de 53 000 $, monsieur le juge, reflète la retenue fautive d’une somme qui appartenait à l’appelante, et la somme de 53 000 $ constitue donc des intérêts.

 

Ainsi, monsieur le juge, il y a réellement deux conclusions. Selon le droit, il est clair que cette somme de 53 000 $ serait considérée comme des intérêts. Il s’agit d’un paiement versé en compensation de la retenue fautive d’une somme, par suite de la cotisation établie en vertu de l’article 160. Ensuite, selon la jurisprudence, il est clair que cette somme, ayant été reçue en 2008, doit être imposée dans l’année de sa réception. Il n’y a donc, d’après nous, aucune raison d’appliquer ici la règle du rattachement à l’exercice.

 

(Transcription, page 80, ligne 13, jusqu’à la page 81, ligne 1)

 

[27]         Je souscris à la position décrite par l’avocat de l’intimée. Je suis arrivé aux conclusions suivantes :

 

1.                 La somme de 53 314 $ qui a été versée à l’appelante en 2008 représente des intérêts, et l’appelante est tenue d’inclure cette somme dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2008;

2.                 Il n’y a aucun fondement juridique autorisant l’appelante à répartir la somme de 53 314 $ sur les années 2002 à 2008. La somme a été reçue par elle au cours de l’année d’imposition 2008, et elle doit être incluse dans son revenu pour cette année-là.

 

[28]         L’appel est rejeté sans dépens.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 15e jour d’avril 2011.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juin 2011.

 

Marie‑Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 214

 

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-2278(IT)I

 

INTITULÉ :                                       ADEANA GREENWOOD c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Victoria (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 3 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 15 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Jack Greenwood

Avocat de l’intimée :

Me Rob Whittaker

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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