Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

 

Dossiers : 2010-1672(IT)I

2010-1687(CPP)

ENTRE :

PLURI VOX MEDIA CORP.,

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Demande de modification des motifs du jugement

L’honorable juge en chef Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Martin Reesink

Avocate de l’intimée :

Me Tamara Watters

____________________________________________________________________

 

MODIFICATION DES MOTIFS DU JUGEMENT

 

          Vu que l’avocate de l’intimée a avisé la Cour par écrit d’une erreur typographique au paragraphe 25 des motifs;

 

          La première phrase du paragraphe 25 des motifs est en conséquence modifiée de la manière suivante :

 

[25]    M. Reesink était aussi administrateur de Pluri Vox, bien qu’administrateur de fait. Les administrateurs, les administrateurs de droit, n’agissent pas en qualité d’administrateurs; dans la mesure où ils peuvent agir, ils accomplissent la volonté de M. Reesink. [...]

 

          Les présents motifs du jugement modifiés remplacent les motifs du jugement rendus le 3 mai 2011.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2011.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de juin 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 237

Date : 20110505

Dossier : 2010-1672(IT)I

ENTRE :

PLURI VOX MEDIA CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

et

 

Dossier : 2010-1687(CPP)

ENTRE :

PLURI VOX MEDIA CORP.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge en cher Rip

 

[1]              Pluri Vox Media Corp. (la société « Pluri Vox ») interjette appel à l’encontre de deux cotisations : une cotisation établie en vertu des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») au motif que la société a omis d’effectuer des retenues d’impôts à la source sur le salaire d’un employé et de les verser, et une cotisation établie en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») au motif que l’appelante n’a pas cotisé au Régime de pensions du Canada pour le compte d’un employé. L’employé en question est Martin Reesink, l’unique actionnaire de l’appelante. L’appelante et M. Reesink soutiennent que ce dernier est un entrepreneur indépendant et qu’il n’est donc pas un employé de l’appelante.

 

[2]              Pluri Vox exploite une entreprise qui œuvre dans le domaine de la surveillance des reportages des médias et de la traduction. D’après ce que j’ai compris, l’appelante a recours aux services de personnes qui effectuent des revues de presse des articles publiés ou diffusés dans les médias, et fournit des services de traduction de ces articles pour des clients de la société. Selon M. Reesink, l’exploitation de la société nécessite [traduction] « très peu de supervision ». Il a expliqué que Pluri Vox embauche des entrepreneurs indépendants pour exercer la surveillance des reportages des médias et pour fournir des services de traduction. Je ne suis pas saisi de la question de savoir si ces personnes sont des entrepreneurs indépendants.

 

[3]              La question en litige est de savoir si M. Reesink est un employé de l’appelante. M. Reesink a également un cabinet d’avocat, qui est séparé de l’entreprise exploitée par l’appelante.

 

[4]              Bien qu’il ait joué un rôle déterminant dans la constitution de la société, M. Reesink n’est pas administrateur depuis plusieurs années et il n’était pas administrateur en 2008. Il déclare que les administrateurs habitent en dehors de l’Ontario et qu’ils ne participent pas à l’exploitation de la société. Ils participent à des conférences téléphoniques occasionnelles présidées par M. Reesink, mais je ne suis pas du tout certain de ce dont ils discutent au cours de ces conférences. M. Reesink reconnaît qu’il est l’âme dirigeante de la société, étant donné qu’il est l’unique actionnaire et qu’il dirige et contrôle les activités de l’appelante. C’est lui qui prend toutes les décisions de l’appelante.

 

[5]              C’est M. Reesink qui fixe la rémunération des entrepreneurs et leurs modalités d’emploi auprès de l’appelante.

 

[6]              M. Reesink a déclaré à plusieurs reprises que c’est lui qui [traduction] « mène la barque » avec M. Andrew Baldwin, un gérant de projet. C’est M. Reesink qui préside les réunions du conseil d’administration et qui signe les chèques au nom de la société. M. Reesink et M. Baldwin signent des contrats pour la société. M. Baldwin n’est ni administrateur ni actionnaire de l’appelante. C’est M. Reesink qui supervise le travail de M. Baldwin.

 

[7]              Il n’existe aucun contrat écrit entre M. Reesink et l’appelante qui décrit leur relation. Quant au travail qu’il effectue pour l’appelante, M. Reesink a déclaré qu’il fait un compte rendu du temps consacré à la société. Il soutient qu’il vend ses services à la société. Aucun salaire horaire n’est fixé pour le temps que M. Reesink consacre à la société. Qu’il travaille 5, 10 ou 20 heures, la rémunération qui est versée à M. Reesink dépend du revenu de la société et c’est lui qui fixe le montant que la société lui versera. Il a déclaré à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») que la société lui versait environ 3 000 $ à 8 000 $ par mois, en fonction du chiffre d’affaires mensuel réalisé par l’appelante. Par contre, il existe un contrat écrit entre M. Baldwin et la société.

 

[8]              Le bureau principal de la société est situé à la résidence de M. Reesink où ce dernier fournit ses services à l’appelante. M. Reesink dispose d’outils de travail dans son bureau chez lui, dont un ordinateur qu’il utilise pour les activités de l’appelante et à d’autres fins.

 

[9]              M. Baldwin et M. Reesink se rencontrent régulièrement pour discuter entre autres de questions de marketing et de questions qui touchent aux entrepreneurs et à la qualité du travail.

 

[10]         M. Reesink soutient qu’il est un entrepreneur indépendant étant donné qu’il court le risque inhérent au fait que la rémunération que lui verse l’appelante dépend du revenu de cette dernière; si l’appelante a un revenu faible ou qu’elle n’en a pas, M. Reesink ne reçoit pas de rémunération. Le fait que M. Reesink vende son temps à l’appelante est un risque vu que la société se trouve dans une situation de [traduction] « marché compétitif » qui compte trois ou cinq [traduction] « véritables concurrents ». Il dit qu’il est exposé au risque dans l’exécution de son travail.

 

[11]         Un affidavit de Sandra Stewart, une agente des litiges à l’ARC, a été déposé pour le compte de l’intimé. Mme Stewart avait examiné les dossiers de l’appelante et de M. Reesink à l’ARC pour les années d’imposition 2006 à 2009. Des documents imprimés qui donnaient un résumé des renseignements fiscaux de M. Reesink pour les années 2006 à 2009, inclusivement, étaient joints à l’affidavit ainsi que des documents imprimés concernant les renseignements fiscaux de l’appelante pour les périodes allant de 2003 à 2008, inclusivement.

 

[12]         Selon les documents, M. Reesink n’a déclaré aucune dépense d’emploi dans sa déclaration de revenus des particuliers pour les années 2006 à 2009. Il ressort des états de résultats de l’appelante pour chacune de ces années que cette dernière a demandé une déduction de 6 589 $ au titre de frais de bureau. M. Reesink a expliqué que Pluri Vox avait payé 12 $ par mois de frais de téléphone pour l’utilisation de sa ligne résidentielle. Il a déclaré que, des fois, c’était lui qui payait la facture de téléphone et que, d’autres fois, c’était Pluri Vox qui réglait la facture. M. Reesink n’a pas facturé ses services à Pluri Vox. M. Reesink et Pluri Vox sont inscrits aux fins de la taxe sur les produits et services (la « TPS »). Toutefois, M. Reesink n’a jamais facturé de TPS à l’appelante pour ses services et il n’a déclaré aucune vente aux fins de la TPS pour les années 2007, 2008 et 2009. Pluri Vox n’a jamais délivré de formulaire T4 à aucune des personnes qu’elle a engagées afin de travailler pour son compte.

 

[13]         Dans le questionnaire qu’il a rempli à la demande de l’ARC, M. Reesink a déclaré entre autres que la société ne lui avait jamais donné d’instructions verbales ou écrites quant à la manière dont il devait effectuer son travail. Il a également déclaré qu’il n’était pas personnellement tenu de fournir les services et qu’il pouvait embaucher un remplaçant afin de fournir ces services pour son compte, sans le consentement de la société.

 

[14]         Il est évident que sans M. Reesink Pluri Vox n’aurait pas pu exercer ses activités en 2008. L’appelante aurait exercé ses activités sans recourir à son propre personnel responsable si M. Reesink était un employeur indépendant. La personne qui fait partie intégrante de sa société serait donc un de ses employés.

 

[15]         Une décision qui fait autorité concernant l’affaire dont je suis saisi est l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R.[1], rendu par la Cour dappel fédérale. Dans les motifs de la Cour dappel fédérale, le juge MacGuigan a examiné les critères suivants pour déterminer si un travailleur est un entrepreneur indépendant ou un employé : le critère du contrôle, le critère de lentreprise et le critère dorganisation.

 

[16]         Le critère du contrôle est tout aussi important aujourd’hui, a écrit le juge MacGuigan, comme la Cour suprême du Canada l’a indiqué dans l’arrêt Hôpital Notre-Dame de l’Espérance et Théoret c. Laurent et al.[2] : « le critère essentiel destiné à caractériser les rapports de commettant à préposé est le droit de donner des ordres et instructions au préposé sur la manière de remplir son travail ». Le juge MacGuigan pensait que le grave inconvénient du critère du contrôle est de « paraître assujetti aux termes exacts du contrat définissant les modalités du travail » et qu’une application littérale du critère pourrait laisser croire qu’en fait, le contrôle exercé est moins strict que d’habitude.

 

[17]         L’arrêt Wiebe Door mentionne les commentaires de lord Wright dans Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. et al[3] sur un critère à quatre volets portant sur le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte. Le juge MacGuigan a décrit le critère à quatre volets dont s’est servi lord Wright pour déterminer la nature de la relation dans l’affaire Montreal Locomotive Works même comme étant une combinaison et une intégration des quatre critères afin d’interpréter l’ensemble de la transaction.

 

[18]         Le critère d’« organisation » ou d’« intégration » a été formulé par lord Denning (tel était alors son titre)[4].

 

[19]         Ce critère pose la question de savoir si une personne est employée en tant que partie d’une entreprise et si son travail fait partie intégrante de l’entreprise, auquel cas la personne est une employée, ou bien celle de savoir si son travail, bien qu’il soit fait pour l’entreprise, n’y est pas intégré mais seulement accessoire, auquel cas la personne est un entrepreneur indépendant. Le travail de M. Reesink faisait partie intégrante de l’entreprise exploitée par Pluri Vox.

 

[20]         Le juge MacGuigan a examiné plusieurs décisions clé et commentaires dans lesquels on s’est concentré sur le critère d’organisation, et estime que ce critère est déterminant dans certains cas seulement, étant donné qu’il est difficile à appliquer. À son avis, c’est le juge Cooke qui a fait la meilleure synthèse du problème dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security[5] :

 

[traduction]

 

Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême des États‑Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : « La personne qui s’est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne à son compte? » Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s’agit d’un contrat d’entreprise. Si la réponse est négative, alors il s’agit d’un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n’a été dressée, peut-être n’est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l’importance relative qu’il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il faudra toujours tenir compte du contrôle même s’il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses aides, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu’à quel point il peut tirer profit d’une gestion saine dans l’accomplissement de sa tâche. L’utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s’engage à rendre le service le fait dans le cadre d’une affaire déjà établie; mais ce facteur n’est pas déterminant. Une personne qui s’engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n’a pas conclu de contrat dans le cadre d’une entreprise qu’elle dirige actuellement.

 

[21]         Dans 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[6], le juge Major, qui a rendu les motifs au nom de la Cour suprême, était d’accord avec le juge MacGuigan sur le fait que la démarche suivie par le juge Cooke était convaincante. Il a poursuivi ainsi :

 

47        [...] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

 

[22]         M. Reesink n’a pas été engagé par Pluri Vox pour accomplir des tâches en tant que personne à son compte. Il n’a pas été engagé en tant qu’avocat de Pluri Vox. Il n’y a pas de réponse à la question de savoir qui contrôle qui : la société peut‑elle contrôler M. Reesink étant donné qu’il est son unique actionnaire? De toute évidence non, pas en sa qualité d’actionnaire. Mais le travail de M. Reesink auprès de Pluri Vox n’a rien à voir avec le fait qu’il en était actionnaire. À moins d’une convention unanime des actionnaires, ces derniers ne s’immiscent pas dans la gestion des activités commerciales et des affaires internes d’une société. À mon avis, ce sont les autres fonctions de M. Reesink que celles qu’il exerçait en sa qualité d’actionnaire qui sont pertinentes.

 

[23]         M. Reesink courait des risques financiers en tant qu’actionnaire de Pluri Vox et non en tant que travailleur. En cas d’échec de Pluri Vox, M. Reesink aurait couru un risque en tant qu’actionnaire, mais non en tant que personne exploitant une entreprise. M. Reesink exerce deux fonctions : celle d’administrateur et celle d’employé. La possibilité de profit relativement à l’activité existe pour Pluri Vox et non pour M. Reesink.

 

[24]         Pour présenter la situation en des termes simples, l’argument principal de M. Reesink selon lequel il n’est pas un employé réside dans le fait que personne chez Pluri Vox ne contrôle ses activités au sein de la société. Pourtant, il contrôle et dirige les activités de la société et cette dernière ne peut pas exercer ses activités sans le travail de M. Reesink. L’entreprise à laquelle il participe n’est pas son entreprise, mais c’est celle de Pluri Vox. La possibilité de profit à laquelle contribue M. Reesink est celle de Pluri Vox et non la sienne propre. La rémunération qu’il reçoit de Pluri Vox n’est pas un montant déterminé ou un montant vérifiable au moyen d’une formule ou autrement. Il s’agit d’un montant que lui‑même et Pluri Vox conviennent de lui payer de temps à autre pour son travail.

 

[25]         M. Reesink était aussi administrateur de Pluri Vox, bien qu’administrateur de fait. Les administrateurs, les administrateurs de droit, n’agissent pas en qualité d’administrateurs; dans la mesure où ils peuvent agir, ils accomplissent la volonté de M. Reesink. Qui dirige la société? M. Reesink dit que c’est lui et cela est confirmé par les faits de l’affaire dont je suis saisi. C’est M. Reesink qui s’occupe en réalité de gérer les activités commerciales et les affaires internes de Pluri Vox et d’en surveiller la gestion[7]. Il est évident qu’il exerçait tout les pouvoirs de l’administrateur qu’il était et qu’il est, en fait, un administrateur de Pluri Vox. Et étant donné qu’il était (et qu’il est) administrateur de fait de Pluri Vox, il peut être un cadre de l’appelante. Le paragraphe 248(1) de la Loi définit le terme charge de la manière suivante :

 

« charge » Poste qu’occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables, y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d’une assemblée législative ou de membre d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d’administrateur de société; « fonctionnaire » ou « cadre » s’entend de la personne qui détient une charge de ce genre, y compris un conseiller municipal et un commissaire d’école.

“office” means the position of an individual entitling the individual to a fixed or ascertainable stipend or remuneration and includes a judicial office, the office of a minister of the Crown, the office of a member of the Senate or House of Commons of Canada, a member of a legislative assembly or a member of a legislative or executive council and any other office, the incumbent of which is elected by popular vote or is elected or appointed in a representative capacity and also includes the position of a corporation director, and “officer” means a person holding such an office;

 

 

[26]         Le paragraphe 2(1) du RPC définit « fonction » ou « charge » et « fonctionnaire » en des termes semblables.

 

[27]         M. Reesink nie le fait qu’il a droit à un traitement ou à une rémunération fixe ou vérifiable. En bref, il soutient que toute rémunération que lui verse Pluri Vox dépend de l’argent que cette dernière tire de l’exploitation de la société. Et cela varie d’une semaine à l’autre et d’un mois à l’autre. Il est impossible de vérifier sa rémunération au début de l’année. Il a été rémunéré au moyen de sommes variées et à des moments différents en fonction du flux de trésorerie de Pluri Vox. M. Reesink prétend qu’il n’y avait pas d’entente entre lui et Pluri Vox qui pouvait permettre de calculer son revenu au moyen d’une formule. Cette situation n’est pas différente de celle où un employé gagne un revenu de commissions en fonction des ventes qu’il réalise. En fin de compte, le revenu de Pluri Vox, et donc celui de l’appelante, est aussi fonction des ventes réalisées.

 

[28]         Dans un appel antérieur, Pro‑Style Stucco & Plastering Ltd. c. R.[8], j’ai eu à examiner des faits semblables à ceux de l’espèce. M était le président et l’unique actionnaire et administrateur de la contribuable. La rémunération de M dépendait des profits de la contribuable. Le bureau de la contribuable était situé à la résidence de M, mais aucun loyer n’était exigé de la contribuable. Contrairement à M. Reesink et à Pluri Vox, M et la contribuable avaient signé un accord selon lequel M n’était pas un employé de la contribuable. M n’était pas rémunéré de façon régulière. Toutefois, contrairement à l’espèce, M ne fournissait des services qu’à la contribuable. En l’espèce, M. Reesink exerce aussi la profession d’avocat. Dans Pro‑Style, j’ai fait les commentaires suivants, au paragraphe 21 :

 

Dans une situation où une personne est l’unique administrateur et actionnaire d’une société et qu’elle fournit ses services à cette société, les critères traditionnels pour déterminer si cette personne est un employé ou un entrepreneur indépendant ne sont pas toujours utiles. Par exemple, comment peut‑on évaluer le degré de contrôle qu’exerce un employeur sur les activités du travailleur lorsque la personne qui dirige l’employeur est le travailleur? Il se peut fort bien, comme l’a laissé sous‑entendre M. Marocco, que l’entreprise Pro‑Style ait été constituée en personne morale parce qu’il voulait que ses responsabilités relatives à l’exploitation de l’entreprise soient limitées. Il a donc fait en sorte que tous les contrats soient conclus sous le nom commercial de l’entreprise Pro‑Style. Toutefois, l’entreprise Pro‑Style assumait tous les risques liés à la qualité des travaux. L’entreprise qui était exploitée était celle de Pro‑Style et non celle de M. Marocco, et les services qu’il fournissait faisaient partie intégrante de cette entreprise.

 

[29]         La rémunération versée à M. Reesink était en pratique vérifiable, même si elle ne l’était pas en dollars comme tel : M. Reesink recevait un revenu de Pluri Vox et, en fait, il a reçu au moins 3 000 $ par mois pour les services fournis à Pluri Vox.

 

[30]         Les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2011.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de juin 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 237

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-1672(IT)I et 2010-1687(CPP)

 

INTITULÉ :                                       PLURI VOX MEDIA CORP.

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE, et

                                                          PLURI VOX MEDIA CORP.

                                                          c.

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

MODIFIÉS :                                    L’honorable juge en chef Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ : Le 5 mai 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Martin Reesink

Avocate de l’intimée :

Me Tamara Watters

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           87 DTC 5025.

[2]           [1978] 1 R.C.S. 605, page 613.

[3]           [1947] 1 D.L.R. 161, pages 169 et 170, P.C.

[4]           Stevenson, Jordan and Harrison, Ltd. v. MacDonald and Evans, [1952] 1 T.L.R. 101, page 111.

[5]           [1968] 3 All E.R. 732, pages 738 et 739.

[6]           [2001] 1 R.C.S. 983.

[7]           Il n’y a pas de preuve qui établit que M. Reesink a conclu une convention écrite quant aux pouvoirs des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société et d’en surveiller la gestion selon le paragraphe 146(2) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et le paragraphe 108(3) de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario. Il n’y a pas de preuve qui établit en vertu de quelle loi Pluri Vox a été constituée. Toutefois, il est évident qu’il n’existe pas de convention unanime des actionnaires écrite.

[8]           2004 CCI 32.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.