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Dossier : 2010-281(EI)

ENTRE :

IDAEL LAZARO RAMOS ROMO,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

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Appel entendu le 8 février 2011, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable Gerald J. Rip, juge en chef

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Emmanuel Jilwan

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JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté et la décision datée du 20 janvier 2010 rendue par le Ministre du revenu national relativement à la période du 19 mai 2008 au 23 mai 2009 est confirmée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2011.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 228

Date : 20110502

Dossier : 2010-281(EI)

ENTRE :

IDAEL LAZARO RAMOS ROMO,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Rip

 

[1]              Il s'agit d'un appel qu'a interjeté Idael Lazaro Ramos Romo d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (« ministre ») en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance‑emploi (« Loi »), décision selon laquelle il n'était pas un employé du payeur Robert Lawson Inc. (ci‑après « la société »), pendant la période du 19 mai 2008 au 23 mai 2009. Le ministre appuie sa décision sur l'alinéa 5(1)a) de la Loi. C'est un appel qui provient du Québec.

 

[2]              La société exploite une entreprise consistant à fournir des serveurs et des barmans aux traiteurs et aux autres entreprises qui offrent des services de repas lors d'événements divers. La société a une liste d'environ 200 personnes qui peuvent travailler aux tables ou au bar. Elle communique avec les personnes dont les noms figurent sur la liste lorsque ses services sont retenus pour un événement, et elle leur demande s'ils veulent travailler lors de cet événement. La personne contactée peut accepter ou rejeter l'offre de travail. Il n'y a pas de contrat écrit entre les travailleurs et la société; tous les arrangements sont verbaux. Le salaire payé était de 16 $ l'heure.

 

[3]              M. Romo travaille comme serveur. Ce travail consistait à préparer les tables, à servir aux tables et à nettoyer les tables après le repas. C'est le maître d'hôtel qui lui disait à quelles tables il était affecté. Habituellement, il faisait partie d'une équipe pour l'exécution du travail; il n'était donc pas la seule personne affectée à une table en particulier.

 

[4]              M. Romo travaillait comme serveur non seulement pour la société, mais aussi pour d'autres personnes, dont peut-être cinq traiteurs. En règle générale, un traiteur ou la société contactait M. Romo environ une semaine avant l'événement. Il était libre d'accepter ou de rejeter l'offre de travail. Si deux personnes l'appelaient pour un travail, il acceptait la première offre.

 

[5]              M. Romo fournit tout ce qui est nécessaire à son travail. Il paie ses vêtements, ses chaussures, son smoking, sa chemise, tout ce qu'il peut devoir porter à une occasion particulière.

 

[6]              La société a un représentant sur les lieux de l'événement, qui veille à ce que tout se passe de façon satisfaisante, en conformité avec l'entente conclue entre la société et son client. La société, selon M. Lawson, son président, coordonne l'événement et ne supervise aucunement le travail de M. Romo. Le représentant du payeur note les heures travaillées par chaque travailleur lors de l'événement. Selon M. Romo, c'est le représentant de la société qui supervise son travail. À la fin d'un événement donné, la société prend note des heures travaillées par M. Romo et celui-ci est payé par chèque environ une semaine plus tard.

 

[7]              L'alinéa 5(1)a) de la Loi dispose comme suit :

 

(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

5(1) Subject to subsection (2), insurable employment is

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière.

(a) employment in Canada by one or more employers, under any express or implied contract of service or apprenticeship, written or oral, whether the earnings of the employed person are received from the employer or some other person and whether the earnings are calculated by time or by the piece, or partly by time and partly by the piece, or otherwise.

 

[8]              L'article 2085 du Code civil du Québec (« Code civil ») définit en ces termes le contrat de travail :

 

Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes for a limited period to do work for remuneration, according to the instructions and under the direction or control of another person, the employer.

 

[9]              Le contrat d'entreprise ou de service est quant à lui défini ainsi à l'article 2098 :

 

Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

A contract of enterprise or for services is a contract by which a person, the contractor or the provider of services, as the case may be, undertakes to carry out physical or intellectual work for another person, the client or to provide a service, for a price which the client binds himself to pay.

 

[10]         Compte tenu des faits présentés à la Cour, M.  Romo effectuait‑il un travail sous la direction et le contrôle de la société, ou était‑il plutôt un prestataire de services, qui réalisait pour la société un ouvrage matériel ou lui fournissait un service moyennant un prix?

 

[11]         La Couronne m'a renvoyé à la récente décision 10tation Event Catering Inc. c. M.R.N.[1] où, devant des faits similaires, la Cour a conclu que les travailleurs n'exerçaient pas un emploi assurable étant donné qu'ils n'étaient pas des employés du traiteur. C'était un appel qui provenait de l'Ontario, une province de common law. Dans 10tation Event, le juge s'est appuyé sur plusieurs décisions, en particulier Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., un arrêt de la Cour d'appel fédérale[2], dans lequel on a examiné diverses notions de common law relatives à la relation employeur‑employé. Ainsi que l'a expliqué mon collègue le juge Archambault dans son article intitulé « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer »[3], il existe des différences entre la common law et le droit civil en ce qui concerne la façon de distinguer l'employé de l'entrepreneur indépendant. Une différence majeure tient à ce que, dans le cas d'un contrat de travail qui relève du Code civil, l'employé travaille sous la direction et le contrôle de l'employeur.

 

[12]         M. Romo n'avait aucune obligation de travailler pour la société ou pour qui que ce soit d'autre qui lui offrait du travail; il était libre d'accepter ou de rejeter une offre de travail, sans crainte de ne plus se voir offrir de travail.

 

[13]         La société donnait certes à M. Romo des directives concernant le travail qu'il allait faire pour chaque événement, lui disait qu'il allait servir à table et lui indiquait l'équipe avec laquelle il allait travailler. Cependant, une fois le travail commencé, il n'était pas sous la direction ou le contrôle de la société. Il savait ce qu'il faisait et c'est pourquoi on retenait ses services. La relation entre la société et M. Romo était davantage celle qui résulte d'un contrat de service : M. Romo s'engageait à réaliser un ouvrage matériel pour la société moyennant une rémunération de 16 $ l'heure, que la société acceptait de lui payer.

 

[14]         L’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2011.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 228

 

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-281(EI)

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              IDAEL LAZARO RAMOS ROMO c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 8 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable Gerald J. Rip, juge en chef

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 mai 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Emmanuel Jilwan

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                 Nom :                               

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2008 CCI 562.

[2]           [1986] 3 C.F. 553, 87 DTC 5025.

[3]           « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer », Deuxième recueil d'études en fiscalité (2005) de la collection L'Harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien, Montréal, Association de planification fiscale et financière et ministère de la Justice du Canada.

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