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Dossier : 2010-2234(IT)I

ENTRE :

JOHN HARE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 31 mars 2011, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me James Rhodes

 

Avocat de l’intimée :

Me Ernesto Caceres

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005 est rejeté, sans qu’aucuns dépens soient adjugés, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. 


 

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2011.

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d’octobre 2011.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 294

Date : 20110608

Dossier : 2010-2234(IT)I

ENTRE :

JOHN HARE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

Le point litigieux

 

[1]     L’appelant a fait l’objet d’une nouvelle cotisation à l’égard de son année d’imposition 2005. Par la nouvelle cotisation, un montant de 24 000 $ qui avait été déduit à titre de perte locative pour l’année était refusé pour le motif que ce montant, se rapportant à deux biens locatifs, était imputable au capital. L’intimée se fonde sur l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur l’impôt sur le revenu (la « Loi »)[1].

 

[2]     Avant l’audience, les parties, qui avaient énuméré les dépenses en litige à l’égard de chacun des deux biens locatifs, ont réduit le nombre des dépenses en litige. Il a été convenu que des dépenses de 1 465,25 $ se rattachant à des appareils électroménagers étaient imputables au capital. Il a été convenu que diverses autres dépenses s’élevant en tout à 4 402,96 $ étaient imputables au revenu, de sorte qu’un montant de 18 133,60 $ était encore en litige. Ce montant était composé de diverses dépenses engagées pour ce que j’appellerai, pour le moment du moins, des rénovations : nouvelles portes, nouvelles fenêtres, nouveaux couvre‑planchers, nouvelles armoires de cuisine, nouveau parement et ainsi de suite, lesquels ont été installés après l’acquisition des biens, en 2005, et avant que des locataires occupent les lieux. Ces rénovations ont aussi nécessité des travaux de plomberie et d’électricité.

 

[3]     Les travaux de rénovation exécutés pour chaque bien locatif ont été décrits d’une façon passablement détaillée à l’audience et les pièces qui ont été produites incluaient des photographies prises avant et après les travaux. Je donnerai dans les présents motifs des détails au sujet des rénovations, mais la question dont je suis saisi ne se rapporte pas à une nouvelle fenêtre ou à une nouvelle porte. Elle se rapporte à la classification de l’ensemble des travaux, à savoir s’il s’agissait de la restauration d’un bien, qui tend à être traitée dans les décisions faisant autorité comme se rapportant à l’entretien et à des réparations imputables au revenu, ou s’il s’agissait plutôt de la création de ce qui est essentiellement un nouveau bien, ce qui tend plus clairement à être traité, dans les décisions faisant autorité, comme des améliorations apportées aux immobilisations. Une question se pose également au sujet du moment où les travaux ont été exécutés, en ce sens qu’ils l’ont été, dans les deux cas, immédiatement après l’acquisition des biens, avant que le premier locataire ait été trouvé.

 

Historique

 

[4]     Les deux biens sont possédés en copropriété. L’appelant est l’un des copropriétaires. Un autre copropriétaire, Mark Garrett, a témoigné à l’audience. Il a reconnu au départ s’être lancé, avec sa femme, dans la rénovation il y a une dizaine d’années.

 

[5]     Ils ont ensuite commencé à acheter des biens locatifs et à chercher des associés qui y engageraient des capitaux. Ils ont acheté environ 57 biens et, au fil des ans, ils ont lancé une entreprise de construction et une société de gestion immobilière, établies à Hamilton.

 

[6]     L’appelant avait engagé des capitaux dans les deux biens qui sont ici en cause. Ces biens ont été désignés comme étant le bien Houghton et le bien Kensington. La participation de l’appelant dans le bien Houghton était de 33,77 p. 100. Sa participation dans le bien Kensington était de 50 p. 100. Je crois comprendre que M. Garrett et sa femme détenaient une participation de 50 p. 100 dans chacun des biens et qu’ils avaient conclu avec les autres copropriétaires une entente de coentreprise prévoyant que les investisseurs (les autres copropriétaires) fourniraient la totalité des capitaux nécessaires à l’achat des biens. Les rénovations initiales effectuées avant que les biens soient loués étaient incluses dans le prix d’achat à cette fin. Par la suite, toutes les dépenses étaient partagées conformément aux participations des copropriétaires.

 

[7]     M. Garrett a parlé dans les grandes lignes de l’approche adoptée quant à l’investissement. On informait un courtier en immeubles du type de bien recherché. Le courtier en immeubles trouvait un bien et identifiait les travaux possibles qu’il faudrait exécuter. M. Garrett visitait le bien avec une série de gens de métier qui étaient en mesure de fournir sur place des estimations permettant de déterminer à combien s’élèveraient les rénovations et les réparations. L’investisseur était alors consulté, on l’informait du prix d’achat ainsi que des frais estimatifs de rénovation ou de réparation et une décision était prise quant à la question de savoir si on devait aller de l’avant. Dans l’affirmative, une offre était soumise et les négociations étaient menées par M. Garrett.

 

[8]     Une fois l’offre acceptée, M. Garrett se présentait à la conclusion de la vente, il organisait l’ordre des travaux de rénovation et de réparation à exécuter et il faisait passer des annonces en vue de trouver des locataires. Ils géraient les travaux au fur et à mesure de leur exécution et ils commençaient à rencontrer des locataires éventuels. Une fois qu’un locataire s’installait sur les lieux, ils géraient le bien pendant toute la durée du bail. Lorsque le locataire quittait les lieux, ils s’occupaient des travaux d’entretien ou de réparation nécessaires et ils cherchaient un nouveau locataire.

 

[9]     En ce qui concerne le bien Houghton, M. Garrett a fourni les renseignements suivants :

 

·                    Le bien était occupé lors de l’inspection initiale.

 

·                    Le bien semblait être relativement bien entretenu et propre. Il semblait uniquement nécessaire de le peindre et de le nettoyer et d’exécuter ce que M. Garrett a appelé des travaux [traduction] « cosmétiques » normaux.

 

·                    Après la prise de possession, au mois de mars 2005, et à la suite d’une inspection plus minutieuse, facilitée du fait que l’occupant avait enlevé ses effets personnels, ils ont découvert que les fenêtres étaient dans un état beaucoup plus mauvais que ce qu’ils avaient initialement prévu. Le fait que des effets personnels comme un lit ou un divan étaient placés contre un mur muni d’une fenêtre empêchait d’inspecter de près la fenêtre. Les rainures en bois, le long desquelles les vitres pouvaient glisser pour que la fenêtre s’ouvre ou se ferme avaient commencé à pourrir parce que l’eau s’était infiltrée. Les appuis et les châssis de fenêtre étaient également endommagés. Il n’était pas possible de réparer les fenêtres étant donné qu’il faudrait refaire le châssis au complet. Il en coûtait moins cher de remplacer les fenêtres, de sorte que c’est ce qui a été fait.

 

·                    Les nouvelles fenêtres étaient des fenêtres de qualité inférieure, en vinyle. M. Garrett les a appelées des fenêtres bas de gamme, mais il a admis qu’elles seraient considérées comme étant de meilleure qualité que les fenêtres qui étaient remplacées. Le coût des nouvelles fenêtres était de 3 027,14 $[2].

 

·                    La dépense suivante dont M. Garrett a parlé se rapportait au nouveau parement, sur l’extérieur de la maison. M. Garrett a désigné l’extérieur du bâtiment comme étant l’« enveloppe ». L’enveloppe existante était en stucco avec agrégat et avait environ 80 ans. Lorsque le bien avait initialement été inspecté, l’enveloppe du bâtiment semblait être dans un état acceptable ainsi que les soffites. Toutefois, il a par la suite été découvert que le propriétaire avait masqué un grand nombre des défectuosités. Entre le moment de la première inspection et la prise de possession, au mois de mars, les réparations antérieures qui avaient été effectuées commençaient à indiquer qu’il fallait y voir. L’eau, à la fonte des neiges, s’était probablement infiltrée dans les fissures, ce qui avait affecté les réparations initiales, et ce, à plusieurs endroits, en particulier dans les coins et près du sous‑sol.

 

·                    Si l’on continuait à faire des réparations disparates, il n’y avait aucune garantie qu’elles survivraient au cours de la saison hivernale suivante. Il fallait donc envisager de poser de nouveau du stucco sur le bâtiment. Pour ce faire, il fallait enlever le stucco existant, ce qui voulait probablement dire qu’il fallait remédier à tout problème d’isolant qui serait découvert et à toute autre défectuosité que l’ouverture de l’enveloppe extérieure révélerait. Il a alors été recommandé de latter l’extérieur du bâtiment et de poser un parement en vinyle. On ne savait pas trop ce qu’il en coûterait pour refaire le stucco. Une estimation des coûts associés à l’enlèvement du stucco existant, aux fins de l’application du nouveau stucco, comportait une grande inconnue, à savoir quoi faire à l’égard de l’isolant exposé. Selon une estimation prudente, il devait en coûter de 6 000 $ à 9 000 $ pour poser le nouveau stucco. Le coût du nouveau parement, y compris les soffites et les gouttières, était de 3 514,13 $[3].

 

·                    La dépense suivante consistait à remplacer les moquettes dans la maison et le couvre‑plancher en vinyle dans la cuisine.

 

·                    On envisageait d’enlever les moquettes et de polir les planchers de bois franc qui avaient initialement été posés. Malheureusement, les moquettes avaient été collées sur le plancher et, en les enlevant, on avait endommagé le bois franc au point que le plancher était irréparable. Des estimations ont été obtenues pour un nouveau plancher en bois franc, par opposition à l’installation de nouvelles moquettes à la place des anciennes. Le coût d’un nouveau plancher en bois franc était d’environ 4 000 $. Le coût des moquettes était beaucoup moins élevé. De fait, le coût d’installation des moquettes et des nouveaux couvre‑planchers en vinyle était inférieur à celui d’un nouveau plancher en bois franc.

 

·                    Dans la cuisine, le vinyle commençait à se décoller sous l’évier à cause de fuites d’eau. Lors de l’inspection, un tapis en caoutchouc cachait le plancher endommagé. On ne pouvait pas réparer le vinyle sans remplacer une partie du faux‑plancher étant donné que les vinyles sont maintenant d’une épaisseur différente. De plus, il n’aurait pas été possible de trouver des matériaux et des motifs identiques. Le coût total de l’installation du nouveau vinyle ainsi que des moquettes était de 2 720 $. Il a également été signalé que le nouveau vinyle était d’une qualité inférieure, avec une durée de vie de dix années peut‑être. L’ancien vinyle avait probablement duré 30 à 40 ans.

 

[10]    Quant au bien Kensington, M. Garrett a fourni les renseignements suivants :

 

·                        Le bien était occupé lors de l’inspection initiale. La personne qui habitait à cet endroit y avait vécu pendant 60 ans et elle devait emménager dans un foyer pour personnes âgées.

 

·                        Le bien était un peu plus en désordre et il y avait beaucoup d’effets personnels un peu partout, étant donné que la personne en question y avait vécu si longtemps. Le bien semblait néanmoins généralement bien tenu. Il se pouvait qu’il soit uniquement nécessaire de peindre et de nettoyer à fond les lieux une fois enlevés les effets personnels.

 

·                        Avant que la vente soit conclue, le vendeur était décédé et il avait apparemment été plus difficile de procéder à des inspections additionnelles. Il a néanmoins été découvert qu’une toilette et un lavabo avaient été installés dans le placard de la chambre principale. Ils étaient installés juste au‑dessus d’un tapis et il y avait des fuites. Ils n’étaient pas conformes au code et il fallait les enlever. Cela mis à part, on croyait qu’il serait uniquement nécessaire de peindre et de nettoyer la maison et de remplacer la quincaillerie pour que la maison soit prête à être louée.

 

·                        Après la prise de possession, une salle de bains a été découverte au sous‑sol. Quand eurent lieu les inspections, elle servait d’espace de débarras. La salle de bains était mal faite et il y avait des fuites; de plus, elle n’était pas conforme au code. Le lavabo mural était appuyé sur des supports et les robinets ne fonctionnaient pas. Quoi qu’il en soit, il fallait également enlever cette salle de bains.

 

·                        Après le début des travaux de plomberie, le plombier s’était vu obligé d’enlever un drain en acier galvanisé ainsi que des tubes d’alimentation en acier galvanisé qui étaient exposés et qui n’étaient pas conformes au code, de sorte qu’il avait fallu remplacer la tuyauterie reliée à la cuisine. La tuyauterie a été remplacée par de la tuyauterie en cuivre. La facture du plombier s’élevait à 909,50 $ en tout.

 

·                        La dépense suivante se rapportait à l’installation de nouvelles armoires de cuisine.

 

o       Après la prise de possession, il a été découvert que le four et la cuisinière ne fonctionnaient pas bien et qu’ils étaient dangereux. Il n’était pas possible de les réparer. De plus, il a été découvert que les planches du plancher et le couvre‑plancher sous les armoires de cuisine avaient été fortement endommagés par l’eau. Les armoires du bas n’étaient pas stables. Il fallait les réparer ou les remplacer. En les enlevant, on pouvait constater qu'il y avait également d’autres problèmes de moisissure ou de pourriture derrière ou sous les armoires.

 

o       La façon la plus économique d’enlever les armoires du bas, de placer la cuisinière, par rapport à l’évier, à un endroit conforme au code et d’exécuter les travaux de plomberie et d’électricité consistait à faire ce que M. Garrett a décrit comme une légère réorganisation de la cuisine. Le résultat final était en fait une cuisine rénovée. Le réfrigérateur a été placé ailleurs, des armoires ont été installées selon une nouvelle configuration et l’évier et la nouvelle cuisinière ont été placés ailleurs. Contrairement aux armoires initiales, qui étaient en bois, les nouvelles armoires étaient en panneau de particules. Le nouveau revêtement de comptoir, comme l’ancien, était en panneau de particules, avec une finition laminée.

 

o       Le coût global des travaux de rénovation de la cuisine, y compris l’installation du faux‑plancher sous les armoires, était de 2 889 $.

 

·                        La dépense suivante, de 1 435,83 $, se rapportait à un certain nombre de travaux :

 

o       Une nouvelle porte extérieure donnant sur le porche arrière a été posée. En effet, le côté intérieur de l’ancienne porte était égratigné et endommagé à un point tel qu’il était presque impossible de réparer la porte. Une porte en bois massif a été utilisée pour remplacer l’autre porte, également en bois massif.

 

o       Il avait également fallu remplacer quatre portes intérieures parce qu’une fois enlevées pour les travaux de peinture, il avait été découvert que les chambranles étaient en si mauvais état que les portes ne pouvaient pas être réinstallées. La seule solution réalisable consistait à remplacer les portes et les chambranles. Les anciennes portes étaient des portes en bois franc massif alors que les nouvelles portes étaient des portes à âme alvéolaire bon marché en panneau de particules.

 

o       La dépense suivante se rapportait aux réparations à effectuer dans la salle de bains principale. La salle de bains était dotée d’équipements pour personnes âgées. On avait endommagé le mur en enlevant la quincaillerie et il y avait également des dégâts d’eau autour de la baignoire. Il a fallu réparer le mur et il a fallu remplacer et sceller de nouveau ce qui a été appelé le [traduction] « tour de la baignoire ». De plus, une étagère a été remplacée ainsi que le lavabo. L’ancien lavabo mural devait être soutenu; il a fallu le remplacer ainsi que les robinets. L’ancien lavabo en porcelaine a été remplacé par un nouveau lavabo en vinyle et un comptoir en vinyle a été installé.

 

·                        La dernière catégorie de dépenses se rapportait à l’électricité. Comme on peut le comprendre, au fur et à mesure qu’il a été remédié aux défectuosités dans les trois salles de bains et que la cuisine a été rénovée, l’ancien câblage, qui n’était pas conforme au code, a été exposé et il a fallu le rendre conforme au code, ce qui a coûté 3 638 $.

 

[11]    Lors du contre‑interrogatoire, M. Garrett a fourni des renseignements supplémentaires.

 

[12]    M. Garrett cherchait des locataires à long terme, ce qui lui permettait d’économiser les frais de publicité ainsi que les frais de nettoyage et de peinture. Il estimait que la maison était habitable lorsqu’il l’a acquise. Même si personne n’y vivait lorsque les réparations ont débuté, il y avait des gens qui y vivaient auparavant. M. Garrett est allé réparer ce qui était défectueux et, en effet, cela était rentable à long terme. M. Garrett a soutenu qu’il aurait pu installer des locataires sans exécuter tous les travaux, en se contentant de faire le nécessaire. Cependant, le marché était lent; ils avaient le temps d’exécuter les travaux. Toutefois, M. Garrett a bien dit que, selon leur modèle d’entreprise, il fallait procéder aux travaux. Néanmoins, il a affirmé qu’en réalité, les locataires ne restent pas longtemps, ce qui donne à entendre que les maisons auraient malgré tout pu être louées.

 

[13]    M. Garrett a déclaré que les réparations empêchaient la maison de se détériorer. S’il y a des fissures extérieures et des fuites d’eau, la maison se détériore. M. Garrett a déclaré qu’ils conservaient les biens de cinq à dix ans et qu’il était possible que les travaux exécutés aient un effet au cours de cette période. Il a déclaré que certains travaux étaient nécessaires aux fins des assurances.

 

[14]    M. Garrett a également confirmé certaines hypothèses énoncées dans la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »). Le bien Houghton a été acquis au mois de décembre 2004 au prix de 80 000 $; il a été loué au mois d’août. Le bien Kensington a été acquis au mois d’avril 2005, au prix de 122 000 $; il a été loué au mois de novembre. De plus, M. Garrett a confirmé que les réparations et les rénovations avaient été effectuées entre le moment de la prise de possession et celui où les biens avaient été loués pour la première fois.

 

Arguments de l’appelant

 

[15]    L’appelant invoque une jurisprudence constante qui étaye sa position, à savoir que, malgré la nature durable des réparations et bien que certains travaux comportent des rénovations, ces travaux ne changent pas le caractère des biens, ne transforment pas les biens en quelque chose de neuf ou ne les remplacent pas par quelque chose de neuf. M. Garrett met l’accent sur la décision Gold Bar Developments Ltd. v. R.[4].

 

[16]    Dans cette affaire‑là, le placage en brique d’un immeuble d’habitation était devenu fragile et avait été remplacé par un revêtement métallique plutôt que par un parement de brique. À la suite de l’analyse, qui mettait l’accent sur le but des réparations, lequel ne consistait pas à améliorer l’immobilisation, à la rendre différente ou à l’améliorer, il a été conclu que le nouveau placage donnait lieu à une dépense déductible. Même si l’on s’attend à ce que des réparations améliorent un bien et même si pareilles réparations améliorent inévitablement un bien et peuvent même être des réparations que l'on n'a à effectuer qu'« une seule fois », cela ne veut pas dire qu’il ne s’agit pas de « réparations ». En outre, le fait que l’évolution des techniques de construction offre de nouvelles solutions, des solutions meilleures, lorsqu’il s’agit de réparer un bien qui est en train de se détériorer, ne veut pas dire que, si l’on effectue les réparations en utilisant ces solutions meilleures, plus modernes, ces réparations donneront lieu à une dépense en capital. En l’espèce, les solutions choisies étaient beaucoup moins coûteuses que celles qui permettaient de remettre les biens à peu près dans leur état initial ou même dans l’état où l’appelant croyait qu’elles l’étaient au moment de leur acquisition.

 

[17]    Il est soutenu que les réparations ont été effectuées dans ce cas‑ci au gré des circonstances en vue de régler les problèmes au fur et à mesure qu’ils étaient découverts à la suite d’une inspection minutieuse effectuée après l’acquisition. Ces réparations ne faisaient pas partie d’un projet visant à améliorer les biens existants ou en fait à les remplacer par quelque chose d’autre que ce qu’elles étaient et, lorsque les travaux ont été achevés, aucun nouvel actif n’avait été créé. Comme dans l’affaire Gold Bar, on n’a rien fait de plus que ce qu’il fallait faire pour remettre les biens en état.

 

[18]    En mettant en contraste la présente affaire avec une affaire dans laquelle les réparations avaient donné lieu à des dépenses en capital, l’intimée a mentionné l’arrêt Shabro Investments Ltd. v. R.[5]. Dans cette affaire, il avait fallu refaire le plancher d’un bâtiment au‑dessus de nouveaux pieux enfoncés en acier. Le juge en chef Jackett, de la Cour d’appel fédérale, a tenu compte du fait que les travaux faisaient du bâtiment un actif utilisable à long terme, soit un caractère qu’il n’avait pas antérieurement, à cause d’un grave vice de construction. Le bâtiment était devenu inutilisable. Sauf lorsqu’il s’agit de refaire le gros œuvre du bâtiment, le remplacement du plancher au moyen de l’utilisation d’une technique moderne améliorant incidemment le bâtiment ne fait pas de ce remplacement une réparation apportée à une immobilisation, dans la mesure où le nouveau plancher n’est pas très différent de celui qui y était auparavant. Le juge Urie a reconnu que toutes les réparations comportent dans une certaine mesure des améliorations; il s’agit de savoir si les améliorations ont créé une immobilisation différente. Lorsqu’une partie intégrante du bâtiment a changé de caractère, cela va plus loin qu’un nouvel élément qui remplit simplement la même fonction que ce qui a été remplacé. Le but, dans l’affaire Shabro, s’il est examiné, n’était pas de restaurer un plancher fonctionnel sans augmenter la valeur du bâtiment; le plancher devait remplir une fonction différente en tant que partie intégrante du bâtiment dans son ensemble.

 

[19]    L’appelant invoque également la décision McLaughlin v. R.[6]. Dans cette affaire, le juge Bowman (tel était alors son titre) s’est opposé, au paragraphe 9, à la prémisse sur laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’était fondé, à savoir que les améliorations apportées à un bien locatif habitable qui sont effectuées en vue d’obtenir un loyer plus élevé sont de la nature du capital. Le juge cite les principes énoncés dans les décisions Shabro et Gold Bar et réitère que les réparations qui visent à mettre une maison dans son état initial, et non à effectuer des améliorations structurelles permanentes ou à créer quelque chose de presque neuf, comme c’était le cas dans l’affaire Methe v. M.N.R.[7], sont des dépenses courantes. Dans la décision Methe, il a été conclu que la rénovation totale du bâtiment avait créé un bâtiment entièrement neuf, de sorte que la dépense était imputable au capital.

 

[20]    Il a été fait mention de la décision Lewin c. R.[8]. Dans cette affaire‑là, une terrasse vieille de 20 ans revêtue de fibre de verre avait été remplacée par une nouvelle terrasse couverte d’un revêtement en vinyle – soit l’équivalent moderne. D’autres changements apportés à la terrasse, comme les rampes, le treillis et un soffite microperforé n’étaient pas des travaux importants et ne coûtaient presque rien. Les acheteurs savaient qu’il fallait remplacer ces éléments au moment de l’acquisition. Si l’on applique des décisions faisant autorité telles que Gold Bar et s’il est tenu compte de la décision rendue par la juge Lamarre Proulx dans l’affaire Bergeron v. Minister of National Revenue[9], les dépenses se rattachant au revenu qui comprennent des réparations visant à permettre de nouveau un usage normal du bien, sont déductibles.

 

[21]    L’avocat de l’appelant m’a également renvoyé aux décisions Brunet v. R.[10], Jacques v. R.[11], Janota c. R.[12] et Preiss c. R.[13].

 

[22]    Dans ses observations écrites, l’avocat de l’appelant a répondu à deux questions que j’avais posées à l’audience : en quoi, le cas échéant, le fait que tous les travaux sont exécutés en même temps est‑il pertinent, en ce qui concerne la question en litige, et en quoi, le cas échéant, le fait que les travaux sont exécutés immédiatement après l'acquisition aux fins de la préparation des biens en vue de leur location, est‑il pertinent, en ce qui concerne la question en litige?

 

[23]    L’avocat de l’appelant a signalé que les décisions faisant autorité qu’il avait invoquées confirmaient largement qu’indépendamment de l’exclusion d’ajouts individuels d’immobilisations, le moment où les dépenses sont engagées n’entre pas en ligne de compte. Le fait de procéder à un grand nombre de réparations en même temps ou de les effectuer pour que le nouveau bien puisse être loué n'est pas une considération à prendre en compte en examinant le but et la nature des réparations, ce but et cette nature étant les facteurs déterminants.

 

[24]    Ainsi, l’avocat de l’appelant a cité l’affaire McLaughlin, dans laquelle un grand nombre de réparations avaient été apportées à un bien nouvellement acquis. Le juge Bowman (tel était alors son titre) a appliqué les critères et principes énoncés dans ce qui était selon lui les décisions de principe, Gold Bar et Shabro. Ces principes se rapportaient au but et à la nature du travail, comme l’indique le paragraphe 10 de ses motifs :

 

 

Selon la preuve, des réparations visant à restaurer la maison à son état d’origine constituaient une importante partie des travaux effectués. Ces réparations ne visaient pas à apporter des améliorations durables et permanentes à la structure. La peinture et la pose de papier peint, la réparation des planchers, le remplacement des cloisons sèches et des appareils d’éclairage constituent, pour l’essentiel, des réparations. [...]

 

[25]    De plus, l’avocat de l’appelant a signalé que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») reconnaît que de multiples réparations effectuées ensemble ne donnent pas lieu à une reclassification de la nature des réparations. À l’alinéa 4d) du bulletin d’interprétation IT‑128R, il est dit ce qui suit :

 

[…] lorsqu'est effectuée une réparation importante constituant une accumulation de petits travaux qui auraient été classés comme des dépenses courantes si chacun avait été fait au moment où le besoin s'était d'abord fait sentir; le fait que ces travaux n'aient pas été effectués plus tôt ne change pas la nature du travail lorsqu'il est fini, quel que soit son coût total.

 

[26]    L’avocat de l’appelant reconnaît qu’il existe une exception à ce principe lorsque de multiples réparations ont pour effet d’améliorer de beaucoup le bien, au point qu’il n’est plus dans son état initial, ou de créer un actif différent de celui qui a été remplacé, comme c’était le cas dans l’affaire Shabro, où le juge Urie, dans une décision concordante rendue par la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit au paragraphe 21 :

 

[…] Toute réparation entraîne, dans une certaine mesure, le renouvellement et le remplacement de certaines parties du bien réparé, et, par conséquent, l'amélioration de ce bien, que ce soit une structure, une machine ou toute autre chose.

          Le juge a ajouté ce qui suit :

 

Selon la jurisprudence, cette amélioration ne suffit pas, à elle seule, à convertir en dépense de capital toute dépense de revenu faite pour réparer un bien producteur de revenu. La question fondamentale consiste à se demander si la dépense considérée a créé un bien de capital différent du bien remplacé.

 

[27]    Dans la décision Janota, le juge McArthur a cité la décision Chambers v. R.[14], dans laquelle le juge Brulé avait dit ce qui suit :

 

14        Il semblerait que, si les réparations permettent de garder l'immeuble dans un état pour ainsi dire identique à celui dans lequel il se trouvait avant que les réparations soient effectuées, ces réparations ont alors été, à bon droit, portées au compte des dépenses courantes mais que, si les réparations ont pour résultat un nouvel immeuble, pour ainsi dire, ou un immeuble à tout le moins très différent, elles doivent être considérées comme des dépenses en capital.

 

15        L'un des critères qui permet de prendre une décision à cet égard, mis à part l'apparence intérieure et extérieure de la structure et la nécessité de quitter ou non les lieux avant d'entreprendre les travaux, est le montant en dollars des réparations relativement à la valeur du bien. En l'espèce, les réparations n'étaient pas extraordinairement considérables compte tenu de ce que valait l'immeuble. […]

 

[28]    Dans la décision Bishop c. R.[15], le juge François Angers a dit ce qui suit, au paragraphe 10 :

 

Les éléments de preuve présentés à l’audience me mènent à conclure que les réparations et les améliorations apportées à la maison pendant les trois années d’imposition en cause ont servi à améliorer sensiblement la maison par rapport à ce qu’elle était à l’origine. En fait, les réparations faites à la maison étaient suffisamment importantes pour que l’on puisse dire qu’une maison totalement différente a été créée [...]

 

[29]   L’avocat de l’appelant a mentionné une seconde exception, soit le cas dans lequel le contribuable acquiert un bien en fort mauvais état qu’il faut reconstruire ou réhabiliter au complet. En pareil cas, les tribunaux ont caractérisé des dépenses qui auraient normalement été des dépenses courantes comme étant des dépenses en capital.

 

[30]   Dans l’arrêt Fiore v. R.[16] (invoqué par l’intimée), la Cour d’appel fédérale devait décider si des dépenses s’élevant en tout à 326 648 $ que le contribuable avait engagées en vue de rénover deux bâtiments étaient des dépenses courantes ou s’il s’agissait plutôt de dépenses en capital. Les deux bâtiments étaient en mauvais état lors de l’achat et des rénovations majeures avaient par la suite été effectuées. La cour a dit ce qui suit, au paragraphe 5 :

 

Lorsque, comme dans le présent cas, des immeubles sont achetés à un prix inférieur (107 000 $) à leur valeur capitale normale au moment de l'achat (263 380 $ en 1983) et que des dépenses sont nécessaires en raison de l'état de ces immeubles et sont encourues pour ramener ces derniers à leur valeur normale, nous sommes d'avis que ces dépenses sont de nature capitale.

 

[31]    Dans la décision Marklib Investments II-A Ltd. v. R.[17], le juge Brulé dit ce qui suit au paragraphe 34 :

 

La Cour s'interroge sur la pertinence d'un certain nombre d'affaires que l'intimée a invoquées dans son argumentation. Elle a cité des affaires où il était question d'immeubles en mauvais état et nouvellement acquis, des réparations à effectuer pour rendre l'immeuble habitable et du paiement d'un prix d'achat réduit en raison du mauvais état de l'immeuble. Toutes les affaires mentionnées précédemment diffèrent de l'affaire dont je suis saisi car toutes portaient sur l'achat ou l'acquisition par le contribuable d'immeubles délabrés. Les contribuables étaient au courant de l'état du bien au moment de son acquisition. Je dois me demander si l'intimée n'isole pas les raisonnements dans les affaires et ne les érigent pas en principes généraux sans tenir compte des faits propres à ces affaires. […]

 

[32]    En conclusion, l’avocat de l’appelant a fait les observations suivantes :

Nous soutenons que la preuve présentée à l’instruction établit ce qui suit :

·                    Chacune des maisons en question était habitable, et des gens y vivaient avant que l’appelant et les autres intéressés les achètent;

·                    L’appelant aurait loué les biens s’il avait trouvé des locataires et, comme l’intimée l’a admis dans la réponse, l’appelant a pris des mesures en vue de louer chaque bien après l’avoir acheté;

 

·                    Étant donné que les biens n'étaient pas loués, des travaux ont été exécutés à l’égard des éléments individuels qu’il fallait réparer ou remplacer ou qu’il faudrait réparer ou remplacer au cours d’années ultérieures pour que les biens soient en bon état;

 

·                    Les travaux qui ont été exécutés pour qu’il soit remédié à certaines défectuosités de chaque bien n’étaient pas des améliorations majeures, étant donné que de simples réparations ont été effectuées ou que des matériaux moins coûteux que ce qui existait initialement ont été utilisés.

 

Arguments de l’intimée

 

[33]    L’intimée me demande essentiellement avec insistance de considérer les réparations comme ayant été faites pour que les biens soient prêts à être loués. Les logements n’étaient pas habitables en tant qu’unités locatives du type que l’appelant voulait louer. Les dépenses ont été engagées pour que le bien locatif soit conforme au plan d’entreprise. Il ne s’agissait pas de simplement réparer un bien générant un revenu; il s’agissait d’un coût nécessaire de l’assemblage et de la préparation de l’immobilisation qui générerait le revenu de location.

 

[34]    L’intimée se fonde sur un certain nombre de décisions, la première étant la décision Fiore, dans laquelle la Cour d’appel fédérale a examiné des dépenses s’élevant en tout à environ 326 000 $ que le contribuable avait engagées pour rénover deux bâtiments qu’il voulait utiliser en tant que biens locatifs. Lors de l’acquisition, les biens étaient en mauvais état et les appelants avaient exécuté tous les travaux de rénovation en même temps. Il a été conclu que les dépenses étaient de la nature de dépenses en capital. L’intimée soutient que les circonstances de cette affaire sont semblables à celles qui existent dans ce cas‑ci, c’est‑à‑dire que les dépenses étaient nécessaires parce que, compte tenu de l’état des bâtiments lors de l’acquisition, il fallait les restaurer pour qu’ils aient leur valeur ordinaire. Il a en outre été soutenu que, comme dans l’affaire Fiore, les rénovations amélioraient de beaucoup l'actif dans ce cas‑ci. Les améliorations effectuées dans l'affaire Fiore, lesquelles sont comparables, selon l’intimée, à celles qui ont été faites dans ce cas‑ci, étaient résumées au paragraphe 6 de l’arrêt Fiore :

 

[…] Ainsi on retrouve maintenant des fondations de béton coulé qui n'existaient pas auparavant. Des planchers de bois dur ont remplacé des planchers de contreplaqué. La tuile céramique a délogé la tuile de vinyl et le prélart. Un système électrique désuet de faible ampérage (60 ampères) a fait place à un système moderne et plus puissant (125 ampères). Des murs et des plafonds de placoplâtre ont avantageusement remplacé le préfini, le plâtre et le contre-plaqué.

 

[35]    La Cour d’appel a conclu qu’il n’était pas déraisonnable pour le juge de première instance d’avoir conclu que le bien en question était devenu un nouveau bien et que les dépenses étaient des dépenses en capital.

 

[36]    Selon l’intimée, l’objet de la dépense consistait à conférer un avantage durable à l’entreprise de location. Elle a invoqué la décision Leclerc v. R.[18], dans laquelle la présente cour avait conclu que, si l’objet d’une dépense était de conférer un avantage durable au bien, la dépense devait être considérée comme une dépense en capital. Dans la décision Leclerc, il était fait mention, au paragraphe 10, de l’arrêt Canadian Reynolds Metals Co. – Société Canadienne de Métaux Reynolds Ltée v. R.[19], où la Cour d’appel fédérale avait mis l’accent sur le fait que c’était l’objet de la dépense, soit de conférer un avantage durable, qu’il fallait prendre en compte. Ce critère a également été appliqué dans la décision Marklib Investments. Dans la décision Leclerc, le juge a conclu, au paragraphe 12, que les réparations étaient imputables au capital « […] parce que les réparations n'étaient pas des réparations usuelles d'une propriété en état de location mais des réparations de remise en état locatif d'un immeuble, réparations qui avaient pour but de conférer un avantage durable à cette propriété ». L’intimée soutient que l’objet des réparations, dans ce cas‑ci, était également de conférer un avantage durable.

 

[37]    Quant à l’avantage durable, il a été soutenu que des réparations telles que l’élimination des dégâts d’eau et le lattage de l’enveloppe du bâtiment n’étaient pas simplement des réparations et des travaux d’entretien normaux récurrents. Ces travaux conféraient des avantages durables. De même, le remplacement des armoires et la réorganisation d’une cuisine visant à éliminer la pourriture n’étaient pas de simples dépenses d’entretien normales récurrentes.

 

[38]    L’intimée fait valoir que, dans ce cas‑ci, les rénovations visaient à remplacer certains éléments du bâtiment, aboutissant ainsi à quelque chose d’une nature essentiellement différente de ce qui existait auparavant, de sorte qu’il s’agissait d’améliorations apportées au bâtiment plutôt que de simples réparations. Quant à l'affaire Shabro, que l'appelant a opposée à la présente affaire, l'intimée soutient que cette affaire, dans laquelle il a été conclu que les substitutions et remplacements effectués étaient suffisants pour créer essentiellement un bâtiment différent, était comparable au présent cas.

 

[39]    L’avocat de l’intimée a souligné que, de toute façon, son argumentation n’était pas fondée sur les améliorations générales apportées au bien, mais plutôt sur la nature de chacune des réparations et que, si ces réparations n’étaient pas effectuées, de graves dommages seraient causés aux bâtiments. Une nouvelle cuisine a été aménagée parce que l’ancienne cuisine se délabrait. La cuisine n’a pas été réparée, mais elle a été remplacée à cause de son degré de détérioration, de sorte que cela constituait un avantage durable et quelque chose de neuf.

 

[40]    Il a été soutenu que, selon le modèle d’entreprise, les immobilisations devaient être améliorées de façon que les biens soient dans un état permettant de les louer.

 

[41]    Dans ses observations écrites, l’avocat de l’intimée m’a également renvoyé à la décision Brunet. Dans cette décision, la juge Lamarre a mis l’accent sur des décisions où il avait été conclu que la question cruciale était de savoir si la dépense était telle qu’elle créait une immobilisation différente de celle qu’elle remplaçait[20].

 

[42]    L’avocat de l’intimée a soutenu que, lorsqu’ils avaient été acquis, les biens ici en cause n’étaient pas des actifs en état de produire un revenu et qu’ils ne faisaient pas partie d’une entreprise de location existante. Il fallait effectuer les réparations et rénovations avant que les biens puissent être loués. Le fait que les biens étaient occupés avant l’achat ne voulait pas dire qu’il fallait effectuer les réparations et rénovations pour que les biens soient en état d’être loués. Les dépenses ont été engagées pour que l’immobilisation soit utilisée à titre de bien locatif[21].

 

[43]    L’intimée fait valoir que le nombre de réparations et de rénovations considérées dans leur ensemble démontre un changement général du caractère de l’actif. En effet, un projet de rénovation complète n’est pas assimilable à des travaux d’entretien ordinaires continus. L’intimée invoque en outre les décisions faisant autorité Audrey B. Wager v. M.N.R.[22] et Charney c. La Reine[23].

 

Analyse

 

[44]    Il est certain que les décisions qui ont été rendues dans ce domaine donnent à entendre que le fait que des réparations créent un avantage durable ne les empêche pas pour autant d’être considérées comme une dépense courante. L’analyse devient d’autant plus difficile qu’elle s’éloigne de la perspective traditionnelle. Remplacer un toit ou des armoires de cuisine, c’est peut‑être effectuer des réparations, même si ces travaux ont une valeur durable. Cet écart de l’analyse traditionnelle semble découler du fait que toutes les réparations auront inévitablement une valeur durable quelconque ainsi que du cycle continu répétitif des réparations attribuables à l’usage, à l’âge et à des problèmes imprévus. Une telle réalité exige, ou du moins a causé, un changement d’orientation et je suis d’accord avec l’avocat de l’appelant lorsqu’il dit qu’il faut avant tout mettre l’accent sur l’objet et la nature des travaux qui sont exécutés.

 

[45]    Je n’irais pas jusqu’à dire que cette approche s'applique dans tous les cas, sauf pour certaines exceptions précises, comme l’avocat de l’appelant l’a soutenu. Je dirais que l’analyse de l’objet et de la nature des travaux qui sont exécutés comporte la considération d’un certain nombre de facteurs, chacun se voyant accorder un poids différent en fonction des circonstances. Comme le juge Bowman l’a laissé entendre dans la décision McLaughlin, la réponse repose sur une application des divers facteurs fondée sur le sens commun[24].

 

[46]    Néanmoins, il faut reconnaître que, dans ce domaine du moins, le sens commun n’est pas particulièrement « commun » à tous les observateurs. Le fait que le remplacement d’un toit est une dépense courante est‑il une question de sens commun? Je pourrais soutenir que ce ne l’est pas, mais j’omettrais ainsi de tenir compte de nombreuses décisions faisant autorité, et notamment du ministre, qui prend sur ce point une position contraire. Ainsi, le bulletin d’interprétation IT‑128R, révisé pour la dernière fois au mois de mai 1985, dit ce qui suit, à l’alinéa 4b) :

 

b) Entretien ou amélioration - Lorsqu'une dépense est engagée à l'égard d'un bien dans le seul but de le restaurer à son état d'origine, ce fait constitue une indication qu'il s'agit d'une dépense courante. Ce cas se présente souvent lorsque, par exemple, on remplace un plancher ou un plafond. Toutefois, lorsqu'une dépense a pour résultat d'améliorer sensiblement le bien par rapport à ce qu'il était à l'origine, par exemple un nouveau plancher ou un nouveau plafond nettement de meilleure qualité et plus durable que l'ancien, il faut alors considérer la dépense comme une dépense en capital. Le fait que la valeur marchande du bien augmente ou non par suite de la dépense n'est pas un facteur important dans la décision. Si la dépense comprend à la fois des éléments de dépense courante et de dépense en capital qui peuvent être identifiés, il faut procéder à la répartition pertinente des frais. Si seulement une faible partie de la dépense est une dépense en capital, le Ministère est prêt à considérer la dépense totale comme une dépense courante.

 

[47]    Je cite ce passage pour signaler que, même une toiture neuve peut être une dépense courante. Comme je le ferai remarquer ci‑dessous dans les présents motifs, le ministre peut signaler plusieurs causes à l’appui de cette position. De plus, cela correspond à la thèse selon laquelle des réparations qui ont pour effet de remettre un bien dans son état d’origine, lorsqu’il s’agit de savoir si ces réparations donnent lieu à une dépense courante par opposition à une dépense en capital, ont plus d’importance que les réparations qui peuvent donner lieu à une augmentation modeste de la valeur du bien.

 

[48]    Cela peut bien indiquer la façon dont les réparations sont considérées, dans un grand nombre sinon dans la plupart des décisions faisant autorité, malgré la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’arrêt Fiore. Dans l’affaire Fiore, l’ampleur des améliorations pouvait être constatée sur consultation des rapports d’évaluation, qui révélaient que le bien, dont la valeur aurait dû être de 263 000 $, avait été acquis en mauvais état au prix de 107 000 $, sa valeur s'élevant à 437 000 $ une fois effectuées les réparations, qui s’élevaient en tout à 326 000 $. En concluant que les réparations (un montant de 174 000 $ étant contesté) étaient de la nature du capital, la cour a clairement rejeté l’argument selon lequel les dépenses qui avaient été engagées dans ce cas‑là, afin de donner au bien la valeur ordinaire qu'il aurait eu s’il avait été bien entretenu étaient des dépenses courantes. Ce rejet semble être fondé sur la prémisse, dont il a été fait mention au paragraphe 4 des motifs de cette décision, selon laquelle cela n’est pas toujours vrai. Dans certains cas, comme dans l’affaire Fiore, les frais de restauration, les dépenses engagées en vue de redonner au bien sa valeur ordinaire, devraient être considérés comme imputables au capital.

 

[49]    En théorie, cela me semble être un résultat approprié. Le coût en capital de bâtiments se voit somme toute accorder une déduction pour l’usure sous la forme d’une déduction pour amortissement. L’octroi d’une pleine déduction pour le coût de restauration d’un bien amorti jusqu’au point de départ par suite des réparations donne à entendre la libéralisation d’un aspect passablement fondamental de l’esprit de la Loi de l’impôt sur le revenu[25]. Néanmoins, il faut reconnaître que l’affaire Fiore, eu égard aux faits qui lui sont propres, est un cas clair et évident de restauration jusqu’à un nouveau point de départ, pour ce qui est du caractère approprié du traitement de la déduction pour amortissement.

 

[50]    S’il est ainsi considéré, l’arrêt Fiore ne va pas à l’encontre des décisions faisant autorité qui étayent la position prise par le ministre dans le bulletin IT‑128R. Ce bulletin parle de la restauration jusqu’à un état particulier. L’arrêt Fiore parle de la restauration jusqu’à une valeur qui serait la valeur ordinaire, si ce n’était de la détérioration qui a rendu les réparations nécessaires. Lorsque, par suite des réparations, l’augmentation de valeur est de beaucoup supérieure à la valeur ordinaire, l’arrêt Fiore fait autorité à l’appui de la conclusion selon laquelle ces réparations sont de la nature du capital. De plus, on ne devrait pas omettre de tenir compte du fait que, dans l’affaire Fiore, les réparations incluaient des améliorations structurelles : une fondation de béton coulé qui n’existait pas auparavant, ce qui donne à entendre que la nature du bien avait changé, comme il a par la suite été conclu dans la décision Shabro. En se fondant sur ces faits additionnels, la Cour d’appel fédérale a pu, dans l’arrêt Fiore, se fonder sur ce que les travaux qui avaient été exécutés avaient grandement amélioré l’actif.

 

[51]    Un autre aspect de l’arrêt Fiore, existant également dans d’autres cas, se rapporte à la pertinence du coût global des réparations[26]. Lorsque l’ampleur des réparations ou des travaux exécutés exige des dépenses qui sont importantes sur le plan quantitatif, par rapport au coût du bien pour le contribuable qui cherche à les faire traiter comme des dépenses courantes, il est moins probable que l’intention de restaurer le bien suffira. Le caractère de ce qui a été acquis peut avoir changé. La restauration du bien par un nouveau propriétaire qui cherche à lui donner son ancien caractère peut être un projet d’immobilisation exigeant un nouveau point de départ, quant au traitement de la déduction pour amortissement, lorsque le coût du projet et le moment où le projet est réalisé indiquent l’intention de faire plus que de simples réparations. Dans des affaires telles que celle‑ci, on pourrait se demander si les réparations ont changé le caractère du bien tel qu’il a été acheté, par opposition à la question de savoir si les réparations remettaient le bien dans l’état où il était avant de se détériorer entre les mains des anciens propriétaires. Le moment où les réparations ont été effectuées dans ce cas‑ci peut indiquer l’intention de changer le caractère du bien tel qu’il a été acheté, mais je ne suis pas arrivé à cette conclusion dans ce cas‑ci. Comme je ferai remarquer ci‑dessous dans les présents motifs, le moment où les réparations ont été effectuées dans ce cas‑ci est fort pertinent, mais non parce que le caractère de ce qui a été acquis a changé.

 

[52]    Le moment où les travaux sont exécutés et le coût relatif y afférent sont des facteurs à prendre en compte, mais je tiens à faire remarquer qu’il est passablement certain que, d’une façon générale, le traitement des réparations à titre de dépenses courantes ne changera pas simplement parce qu'un certain nombre de réparations sont effectuées en même temps[27]. Les décisions faisant autorité ne semblent pas donner à entendre que les tribunaux feront une appréciation rétrospective de la décision qu’un propriétaire prend au sujet du moment où il effectuera des réparations qui peuvent, par exemple, être effectuées à divers stades d’usure, lorsqu’un bien est inoccupé ou lorsque le marché locatif est lent ou encore lorsqu’il est possible de réaliser des économies, notamment lorsque le propriétaire décide de procéder à de multiples réparations qui peuvent, lorsqu’elles sont effectuées ensemble, sembler constituer des rénovations, alors qu’elles pourraient d’une façon plus appropriée être considérées comme des réparations cycliques de la nature d’une restauration, sans aucune intention de changer le caractère du bien.

 

[53]    En parlant de « rénovation », je semble vouloir dire que l’ampleur des réparations entrera néanmoins en ligne de compte. Intuitivement, cela semble conforme à ce que le sens commun pourrait laisser entendre. Néanmoins, les décisions faisant autorité dans l’ensemble, peut‑être parce que la réalité économique de la nature récurrente continue des travaux d’entretien général qui sont largement de nature à restaurer un bien est reconnue, donnent à entendre qu’il y a lieu de laisser une grande latitude et de faire preuve d’une tolérance considérable dans ce cas‑ci pour que des rénovations passablement importantes soient traitées comme des dépenses courantes, à condition de ne pas aller jusqu’à changer le caractère du bien et à condition d’avoir pour but de réparer le bien, en ce sens qu’il est restauré.

 

[54]    On peut facilement constater l’aspect de restauration que comportent certaines réparations considérées comme une dépense courante dans l’exemple du nouveau toit dont il a déjà été fait mention. Les nouveaux bardeaux peuvent durer 25 ans, mais ils remettent le bâtiment dans son état d’origine, au point de vue fonctionnel. Les bardeaux peuvent être de meilleure qualité, être conçus pour avoir un meilleur rendement et même avoir meilleure apparence, mais si le but visé était principalement de réparer un vieux toit ou un toit endommagé, le coût serait déductible[28].

 

[55]    Cela devrait peut‑être aller de soi, mais le critère de l’objet visé doit inévitablement comporter un élément objectif. Le coût de certains matériaux, la conception ou même la fonction des travaux exécutés peuvent objectivement donner à entendre que le but primordial n’était pas la simple restauration du bien. Si des réparations deviennent une excuse pour améliorer un bien de façon qu’il attire une catégorie différente de locataires, cela peut donner à entendre un changement de caractère du bien, par opposition à des améliorations résultant accessoirement de travaux de restauration.

 

[56]    Prenons la nouvelle cuisine du bien Kensington dans ce cas‑ci. Des dégâts d’eau avaient causé de la pourriture, de sorte qu’il a fallu faire diverses réparations qui, de leur côté, ont occasionné des problèmes de non‑conformité au code en ce qui concerne la plomberie et l’électricité. Je suis convaincu que les nouvelles armoires et le nouveau couvre‑plancher visaient à restaurer la maison. La reconfiguration de la cuisine, rendue en bonne partie nécessaire à cause des problèmes de non‑conformité au code du bâtiment que posait l’ancienne configuration, a permis d’améliorer à certains égards la conception de la cuisine. Toutefois, tous ces travaux découlaient de la nécessité de réparer les dommages. De fait, il se peut qu’il ne soit jamais possible d’effectuer des réparations aux fins de la restauration d’un bâtiment, sauf selon les techniques contemporaines, lorsqu’un bâtiment vétuste est en cause et que les travaux sont nécessaires par suite de la détérioration du bâtiment, de la négligence ou du manque de soin de l’occupant ou d’événements survenus dans l’intervalle. Il s’agit néanmoins de réparations. Les améliorations résultant d’une façon accessoire de l’exécution des travaux au sens d’une restauration ne changent pas le caractère de la dépense. Les travaux exécutés dans la nouvelle cuisine du bien Kensington ne visaient pas à rendre le bien conforme aux normes contemporaines et aux normes résidentielles existantes. La possibilité s’est présentée ou il a fallu le faire d’une façon accessoire parce qu’il fallait restaurer le bien. Aucuns coûts dans ce cas‑ci ne donnent à entendre que les matériaux utilisés et les changements effectués au point de vue de la finition ou de la conception indiquaient que l’on procédait à autre chose que des réparations. De fait, ce qui est surprenant, c’est que tous les coûts engagés sont modestes, comme le montre peut‑être d’une façon plus évidente le coût des réparations relatives à l’électricité et à la plomberie. Je suis convaincu que les travaux exécutés à chaque endroit visaient à réparer des dommages, c’est‑à‑dire qu’ils étaient de la nature d’une restauration. Il n’existait aucune intention de changer le caractère des biens.

 

[57]    Quant aux coûts, il s’agit encore une fois de savoir selon l’analyse s’il y a eu une augmentation de la valeur en sus de la valeur ordinaire que ces biens auraient pu avoir s’il n’avait pas été nécessaire d’effectuer des réparations. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, cet élément a été jugé déterminant dans l’arrêt Fiore. Il peut certes indiquer une intention au point de vue objectif. L’intimée invoque cet arrêt, mais je ne dispose d’aucun élément de preuve sur ce point. Il y aurait inévitablement augmentation de valeur si les problèmes à corriger avaient été décelés lors de l’achat, de façon à permettre une réduction de prix. Je ne dispose d’aucun élément contredisant les assertions de M. Garrett lorsque celui‑ci affirme que ce n’était pas le cas. Il s’agissait de vices cachés reflétant une détérioration et des dommages plus étendus que ce que les inspections effectuées avant l’acquisition avaient révélé. S’il y avait une valeur accrue par suite des réparations, cela ne pouvait pas être considéré comme indiquant que les réparations étaient devenues des rénovations, en ce sens qu’il existait une intention d’effectuer une amélioration fondamentale, ou un changement, de la nature du bien. Je reconnais encore une fois que les réparations étaient de la nature d’une restauration.

 

[58]    Par conséquent, je n’hésite pas en l’espèce à conclure que les dépenses engagées par l’appelant, même en sa qualité de nouveau propriétaire, visaient à restaurer les bâtiments. Je ne crois pas que le caractère des biens ait vraiment changé ou que leur valeur ait augmenté de beaucoup comparativement au prix payé. Le seul aspect troublant de la présente affaire est que les dépenses, comme l’avocat de l’appelant l’a lui‑même reconnu dans ses observations écrites, ont été engagées pour que les biens soient remis en état. Compte tenu du moment où les dépenses ont été engagées, cela donne à entendre que, bien que les maisons aient été habitables et, comme M. Garrett l’a déclaré, même s’il était peut‑être possible de les louer, elles n’étaient pas réellement prêtes à être louées.

 

[59]    L’argumentation de l’intimée était axée sur le fait que les dépenses avaient été engagées en vue de préparer les maisons aux fins de la location, et que celles‑ci n’étaient pas habitables, mais le fond de cet argument ne dépend pas, à mon avis, de l’exactitude de cette dernière assertion. Si les maisons, lors de leur acquisition, n’étaient pas habitables, cet état de choses permet de conclure que les activités locatives n’avaient pas débuté. Les dépenses ne pouvaient donc pas être considérées comme des frais d’exploitation habituels engagés dans le cours normal d’une activité locative. Toutefois, que les maisons aient été habitables ou non, je ne suis pas convaincu, eu égard à la preuve, que les biens dans ce cas‑ci aient été prêts à être loués lorsque les réparations ont été effectuées[29]. Il me semble que les dépenses, qu’elles aient été prévues ou non, ont été engagées dans le cadre du processus d’acquisition des biens.

 

[60]    L’avocat de l’intimée m’a renvoyé à plusieurs décisions; cependant, celle qui en dit le plus long, Martinello c. Canada[30], renferme une remarque incidente du juge Boyle, de la présente cour. Au paragraphe 20, le juge Boyle cite des affaires dans lesquelles des dépenses avaient été engagées en vue de la réparation d’un bien, après son acquisition, et avant que le contribuable utilise ce bien pour qu'il produise un revenu. Le juge a dit ce qui suit :

 

[…] Il est évident que ce genre de dépenses doit normalement faire partie du coût en capital du bien. Il s’agissait de la première fois où le bien était mis en état d’être loué.

 

[61]    Cette remarque me semble tout à fait juste. Toutefois, les décisions sur lesquelles le juge se fonde, Fiore, Albayate c. La Reine[31], et Nguyen c. La Reine[32], ne donnent pas elles‑mêmes nécessairement à entendre que les contribuables avaient été déboutés uniquement parce qu’ils venaient d’acquérir les biens et qu’ils les préparaient en vue de les louer pour la première fois. Ainsi, dans la décision Nguyen, le juge Sarchuk a dit ce qui suit, au paragraphe 15 :

 

De toute évidence, les dépenses qui ont été déduites se rapportaient à de gros travaux de rénovation de la partie du bâtiment en question; il ne s’agissait pas de réparer une propriété en état d’être louée, mais il s’agissait plutôt de réparations nécessaires pour que la propriété puisse être louée, le but visé étant de conférer un avantage durable à la propriété.

 

[62]    D’autre part, l’examen des réparations qui ont été effectuées dans cette affaire‑là ainsi que de leur coût donnent à entendre que les réparations n’étaient pas plus importantes que celles qui sont ici en cause. En outre, selon la preuve présentée dans cette affaire‑là, le contribuable avait dit qu’avant que les réparations soient effectuées, le bien était en état d’être loué, s’il trouvait un locataire. Ce témoignage n’est pas très différent de celui de M. Garrett, lorsque celui‑ci a déclaré que les biens ici en cause étaient en état d’être louées avant que les réparations soient effectuées, ce qui indiquait que je serais surpris de voir ce que les gens sont prêts à louer.

 

[63]    Dans l’affaire Albayate, le bien était en fort mauvais état étant donné qu’il avait été utilisé pour la culture de la marijuana. Il a été jugé que les réparations comportaient de gros travaux de rénovation. En concluant que les dépenses étaient de la nature du capital, le juge Little s’est fondé sur une comparaison avec l’affaire Fiore où, comme il en a ci‑dessus été fait mention, l’ampleur des améliorations pouvait être constatée dans les rapports d’évaluation, qui révélaient que le bien, dont la valeur aurait dû être de 263 000 $, avait été acquis au prix de 107 000 $ et que par la suite, une fois les réparations effectuées, il valait 437 000 $. Il n’y a rien dans les décisions Fiore ou Albayate qui donne nécessairement à entendre que les dépenses avaient été capitalisées parce qu’elles avaient été engagées après l’acquisition, avant que les biens soient loués pour la première fois.

 

[64]    Le raisonnement que le juge Boyle a fait dans la décision Martinello est néanmoins convaincant et il est conforme à mon avis. Indépendamment du fait que j’ai conclu que le témoignage de M. Garrett manquait de franchise, pour ce qui est de la possibilité de louer les biens avant les réparations, les copropriétaires avaient clairement l’intention de considérer entre eux les réparations de la même manière que le prix d’achat. Si cet arrangement peut être considéré comme reflétant la nature de la dépense, il serait plutôt accablant. Toutefois, tel n’est pas le facteur qui a le plus de poids dans mon analyse parce que cet aspect du marché qui a été conclu entre les copropriétaires découle d’un objectif de planification fiscale. Il n’indique pas l’intention de procéder à des réparations ou à des rénovations et, comme il en a ci‑dessus été fait mention, je reconnais que l’intention dans ce cas‑ci était de procéder à des réparations de la nature d’une restauration. Toutefois, comme il a été dit, ce qui a le plus de poids, c’est le fait que je souscris à la prémisse générale énoncée par le juge Boyle, laquelle, dans la présente affaire du moins, est conforme aux remarques que j’ai faites au sujet du point de départ approprié dans le calcul de la déduction pour amortissement.

 

[65]    Il est vrai que, dans le cadre d’un programme actif de location, il est possible de faire beaucoup plus que des réparations cosmétiques. Il est vrai que des réparations du genre de celles qui ont été faites en l’espèce peuvent être effectuées pendant qu’un bien est inoccupé, en vue de le préparer pour le locataire suivant, en exigeant même un loyer plus élevé, sans perdre le traitement de dépense courante. Il est vrai que la ligne de démarcation peut être floue entre le rattachement des frais de réparation à une acquisition lorsque ces frais sont engagés avant de louer le bien pour la première fois et le fait que pareils frais ne sont pas rattachés à l'acquisition lorsqu'ils sont engagés au cours des premiers mois du premier bail; néanmoins, ces lignes de démarcation floues ne nous intéressent pas dans ce cas‑ci. Pareilles questions doivent être traitées au cas par cas.

 

[66]    De plus, je tiens à signaler que le fait de préparer un bien pour qu’il soit occupé sera probablement considéré comme imputable au compte courant, lorsque les réparations ont pour but de remettre le bien à son état d’usage normal par le même propriétaire. De fait, la notion de « remise à l’état d’usage normal » a été acceptée en tant que partie intégrante des principes que la juge Lamarre Proulx a énoncés dans la décision Bergeron. J’ajouterais, comme le veut le sens commun, les mots « par le même propriétaire » dans le cas d’un bien nouvellement acquis.

 

[67]    De même, dans la décision Methe, une certaine importance a été accordée au fait que les bâtiments en question avaient toujours été en état d’être utilisés et que les frais d’entretien devaient être engagés afin de protéger et de maintenir le revenu de location. Encore une fois, j’ajouterais, comme le veut le sens commun, les mots « par le même propriétaire » dans le cas d’un bien nouvellement acquis.

 

Conclusion

 

[68]    Eu égard aux faits, je conclus que la position que l’intimée a prise, à savoir que les dépenses en question ont été engagées en vue de préparer le bien aux fins de sa location, est exacte. Étant donné que, dans ce cas‑ci, j’ai accepté d’une façon générale du moins le principe énoncé par le juge Boyle dans la décision Martinello et puisque les réparations, dans ce cas‑ci, n’ont pas été effectuées immédiatement après l’acquisition des biens et avant que les biens soient loués pour la première fois, mais que ces dépenses, prévues ou non, ont été engagées dans le cadre du processus d’acquisition des biens, je conclus que les frais y afférents doivent être imputés au capital. Par conséquent, l’appel est rejeté, sans qu’aucuns dépens soient adjugés.

 

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2011.

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d’octobre 2011.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 294

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-2234(IT)I

 

INTITULÉ :                                       JOHN HARE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 31 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me James Rhodes

 

Avocat de l’intimée :

Me Ernesto Caceres

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                            Nom :                    James Rhodes

 

                            Cabinet :                Miller Thomson LLP

                                                          Accelerator Building

                                                          295, boul. Hagey, bureau 300

                                                          Waterloo (Ontario), N2L 6R5

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Les actes de procédure font également mention des alinéas 18(3.1)a) et b) de la Loi. Toutefois, aucun élément de preuve particulièrement pertinent, en ce qui concerne ces dispositions, n’a été présenté et aucun argument portant sur ces dispositions n’a été soumis.

[2] La facture relative aux fenêtres indique un prix global de 4 327 $ et un acompte de 1 400 $, le solde étant de 3 027 $. Le montant en litige ne s’élève qu’à 3 027 $. Il ne m’est pas loisible de faire des conjectures au sujet de ce qui est arrivé, mais il semble possible que seul le montant versé en sus de l’acompte ait été rejeté à titre de dépense en capital. Si tel est le cas, il ne m’est pas loisible d’augmenter le montant contesté.

 

[3] La facture relative au parement indique un prix global de 6 914,13 $ et un acompte de 3 400 $, le solde étant de 3 514,13 $. Le montant en litige ne s’élève qu’à 3 514 $. Il semble que l’observation qui a été faite dans la note précédente puisse s’appliquer ici.

[4] 87 DTC 5152 (C.F. 1re inst.).

 

[5] 79 DTC 5104 (C.A.F.).

 

[6] 92 DTC 1030 (C.C.I.).

 

[7] 86 DTC 1360 (C.C.I.).

 

[8] 2008 CCI 618.

 

[9] 90 DTC 1511 (C.C.I.).

 

[10] [2003] 2 C.T.C. 2020 (C.C.I.).

 

[11] [2003] 3 C.T.C. 2673 (C.C.I.).

 

[12] 2010 CCI 395.

 

[13] 2009 CCI 488.

[14] [1998] 1 C.T.C. 3273 (C.C.I.).

 

[15] 2009 CCI 323.

 

[16] 93 DTC 5158 (C.A.F.).

 

[17] 2000 DTC 1413 (C.C.I.).

 

[18] [1998] 2 C.T.C. 2578 (C.C.I.).

 

[19] (1996), 96 DTC 6312 (C.A.F.).

 

[20] Au paragraphe 13, la juge Lamarre s’est fondée sur la décision que la Cour d’appel fédérale avait rendue dans l’affaire Donohue Normick Inc. v. R., 96 DTC 6061 (C.A.F.), et au paragraphe 14, la juge cite la décision Canada Steamship Lines Ltd. v. Minister of National Revenue, 66 DTC 5205 (C. de l’É.).

 

[21] En réponse à la demande que j’avais faite pour que l’on me renvoie à des affaires dans lesquelles il était question de réparations ou de rénovations qui avaient été effectuées après l’acquisition et avant le début de l’activité locative, l’intimée m’a renvoyé aux décisions Fiore; Albayate c. La Reine, 2008 CCI 24; Nguyen c. La Reine, 2007 CCI 574; Methe et Martinello c. Canada, 2010 CCI 432, par. 20.

 

[22] 85 DTC 222 (C.C.I.).

 

[23] [1996] A.C.I. no 332, par. 36.

 

[24] Voir McLaughlin, par. 17, où la cour dit que c’est une appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices qui permettra d’obtenir la réponse finale.

 

[25] Une remarque similaire a été faite dans la décision Minister of National Revenue v. Vancouver Tug Boat Company, Limited, 57 DTC 1126 (C. de l’É.).

 

[26] Voir Methe, par exemple; de plus, dans la décision Marklib Investments, le juge Brulé a signalé, au paragraphe 36, qu’il faut examiner l’ampleur de la dépense dans le contexte de la valeur du bâtiment. Au paragraphe 8 de la décision Gold Bar, la cour a fait remarquer que le montant en litige représentait moins de 3 p. 100 de la valeur de l’actif. Cela en soi, a‑t‑il été dit, ne justifie pas la reclassification de la dépense.

 

[27] Le juge Brulé, qui appliquait les principes énoncés dans la décision Gold Bar, a fait remarquer au paragraphe 47 de la décision Marklib Investments qu’un appelant ne devrait pas être pénalisé simplement parce qu’il a effectué beaucoup de réparations au cours d’une année.

 

[28] Voir, par exemple, les décisions Marklib Investments et Healey v. Minister of National Revenue, 84 DTC 1017 (C.C.I.). De plus, dans la décision Brunet, la juge Lamarre a conclu que la pose de nouveaux bardeaux n’était pas une dépense en capital.

 

[29] M. Garrett possédait un grand nombre de biens locatifs, dont les deux biens ici en cause faisaient partie, mais je ne dispose d’aucun élément de preuve sur ce point à l’égard de l’appelant. L’appelant était copropriétaire passif de ces deux biens. L’avis d’appel dit que l’appelant exploitait une entreprise de location, mais cette allégation est niée dans la réponse, et l’appelant n’a soumis aucun élément de preuve m’amenant à conclure que le revenu de location qu’il recevait était autre qu’un revenu tiré d’un bien. Si l’appelant exploitait une entreprise, il n’existe néanmoins pas suffisamment d’éléments de preuve me permettant de conclure que l’entreprise n’a été établie qu’après que les réparations eurent été effectuées.

[30] 2010 CCI 432.

[31] 2008 CCI 24.

[32] 2007 CCI 574.

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