Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2007-2806(IT)I

ENTRE :

BARBARA NAHWEGAHBOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Theresa Shilling (2007-3098(IT)I) et de

Connie Hansenberger (2007-486(IT)I)

le 1er février 2011 à Toronto (Ontario).

 

Devant : Lhonorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de lappelante :

Me Scott Robertson

Avocat de lintimée :

Me Laurent Bartleman

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à lencontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour lannée dimposition 1995 et des nouvelles cotisations établies en vertu de la même loi pour les années dimposition 1996, 1997 et 1998 sont rejetés sans dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2011.

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2011.

 

S. Tasset


 

 

Dossier : 2007-3098(IT)I

ENTRE :

THERESA SHILLING,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Barbara Nahwegahbow (2007-2806(IT)I) et de

Connie Hansenberger (2007-486(IT)I)

le 1er février 2011 à Toronto (Ontario).

 

Devant : Lhonorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de lappelante :

Me Scott Robertson

Avocat de lintimée :

Me Laurent Bartleman

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à lencontre des cotisations ou nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années dimposition 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2006 et 2007 sont rejetés sans dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2011.

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2011.

 

S.Tasset


 

 

 

Dossier : 2007-486(IT)I

ENTRE :

CONNIE HANSENBERGER,

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Theresa Shilling (2007-3098(IT)I) et de

Barbara Nahwegahbow (2007-2806(IT)I)

le 1er février 2011, à Toronto (Ontario).

 

Devant : Lhonorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de lappelante :

Me Scott Robertson

Avocat de lintimée :

Me Laurent Bartleman

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à lencontre des cotisations ou nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années dimposition 1995, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006 et 2008 sont rejetés sans dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2011.

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2011.

 

S. Tasset


 

 

Référence : 2011 CCI 296

Date : 20110609

Dossier : 2007-2806(IT)I

 

ENTRE :

BARBARA NAHWEGAHBOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

 

Dossier : 2007-3098(IT)I

ET ENTRE :

THERESA SHILLING,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

 

Dossier : 2007-486(IT)I

ET ENTRE :

CONNIE HANSENBERGER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

 

[1]              Les trois appels en question ont été entendus lun après lautre le même jour et le lendemain de laudition des appels de Michele Baptiste (2007-226(IT)I). Dans tous les appels en question, lemployeur des appelantes était Native Leasing Services (« NLS »).

 

 

Question en litige et remarques préliminaires des parties

 

[2]              La question en litige dans tous les appels est de savoir si le revenu demploi que les appelantes ont reçu de NLS au cours de différentes années dimposition est imposable conformément aux articles 2, 3 et 5 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») ou sil est exonéré dimpôt conformément à lalinéa 81(1)a) de cette même loi. Les appelantes estiment que leur revenu demploi devrait être considéré comme un bien meuble dun Indien situé sur une réserve au sens de larticle 87 de la Loi sur les Indiens, de sorte quil devrait être exonéré dimpôt. Elles invoquent principalement le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, pour soutenir que le situs de leur revenu demploi était une réserve, parce que la résidence de lemployeur se trouvait sur une réserve.

 

[3]              Pour sa part, lintimée fait valoir que les appels en question sont liés à plus de 1 000 autres appels qui ont été portés devant la Cour canadienne de limpôt et qui concernent des travailleurs provenant de la même agence de placement, NLS, ou de la société sœur de celle-ci, O.I. Employment Leasing Inc. La question soulevée en lespèce a été examinée par la Cour canadienne de limpôt, la Cour dappel fédérale et la Cour suprême du Canada, et les règles de droit qui sy appliquent sont bien établies. Pour savoir si le revenu demploi est situé sur une réserve, il faut tenir compte de divers facteurs de rattachement, dont lemplacement ou le lieu de résidence de lemployeur. Les autres facteurs de rattachement comprennent la nature et lemplacement du travail accompli par lemployé et les circonstances y afférentes (y compris la nature de tout avantage que la réserve a tiré de ce travail) ainsi que le lieu de résidence de lemployé. Lintimée soutient que, dans Horn c. La Reine, 2008 CAF 352, et dans Shilling c. M.R.N., 2001 CAF 178, il a été décidé que linterposition de NLS à titre demployeur ne rattachait pas le revenu demploi à une réserve dune façon pertinente quant à larticle 87 de la Loi sur les Indiens. De lavis de lintimée, les appelantes poursuivaient leurs activités lucratives sur le « marché » et le revenu demploi quelles ont reçu nétait pas situé sur une réserve au sens de larticle 87 de la Loi sur les Indiens.

 

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi de l’impôt sur le revenu

 

81(1) Sommes à exclure du revenu – Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu dun contribuable pour une année dimposition :

 

a) Exemptions prévues par une autre loi – une somme exonérée de limpôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre quun montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu dune disposition dune convention ou dun accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada.

 

Loi sur les Indiens

 

87(1) Biens exempts de taxation – Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de larticle 5 de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, les biens suivants sont exemptés de taxation :

 

a) le droit dun Indien ou dune bande sur une réserve ou des terres cédées;

 

b) les biens meubles dun Indien ou dune bande situés sur une réserve.

 

                                                                                       [Non souligné dans loriginal.]

 

 

Faits admis sur consentement au moyen de la production de lexposé conjoint des faits (pièce R-1), de lexposé conjoint des faits dans Roger Obonsawin c. La Reine (pièce R-1, onglet A) et de lexposé conjoint des faits supplémentaire (pièce R-2)

 

[4]              Toutes les appelantes travaillaient pour NLS, société dont Roger Obonsawin, qui est un Indien inscrit aux fins de la Loi sur les Indiens, était le propriétaire‑exploitant. Le bureau principal de NLS est situé sur la réserve des Six nations de la rivière Grand (« Six nations ») et fait partie dun groupe de sociétés qui appartiennent toutes à M. Obonsawin (« le groupe OI »). M. Obonsawin est membre de la Première nation dOdanak, qui se trouve sur la réserve Odanak, mais il na jamais habité sur cette réserve. Le groupe OI fournit des services de consultation et des services de placement sur le marché du travail aux employeurs et employés des collectivités autochtones du Canada. NLS a été créée en 1991 pour louer les services demployés, quil sagisse ou non dIndiens inscrits, à des organisations autochtones. Selon ce concept, NLS loue les services demployés et fournit tous les services dadministration et des services de soutien en matière de ressources humaines en qualité demployeur. Les employés reçoivent leurs directives de lorganisme de placement pour lequel ils travaillent et dont ils relèvent. NLS est responsable de la paie et facture les salaires à lorganisme de placement en fonction des feuilles de temps des employés approuvées par le superviseur sur place. En ce qui concerne les opérations bancaires, les comptes dexploitation de NLS se trouvaient à lextérieur de la réserve jusquen 1996. Par la suite, NLS a tenu des comptes bancaires sur la réserve. Les principales fonctions relatives au louage de services demployés étaient accomplies sur la réserve des Six nations par un personnel administratif composé de huit à quinze personnes, selon lannée. Tous les dossiers de NLS étaient conservés au bureau de la réserve des Six nations. Pour les années 1995 et 1996, le loyer versé au conseil de la bande des Six nations ainsi que les salaires et avantages sociaux accordés au personnel de la réserve, qui représentaient les avantages directs conférés à celle-ci, ont atteint un montant variant denviron 230 000 $ à 240 000 $. La formation du personnel qui habitait sur la réserve a donné lieu à dautres avantages directs pour celle-ci, mais il est difficile de quantifier ces avantages. La totalité du revenu brut de NLS est générée hors réserve. Le groupe OI comptait environ 800 employés en 1997, 1 000 en 1999 et jusquà 1 400 au cours des années allant de 1999 à 2006. Les seules fonctions accomplies à lextérieur de la réserve étaient des fonctions administratives. NLS a touché des revenus bruts sélevant respectivement à 15 692 945 $ et 13 344 801 $ pour les années 1995 et 1996 et ces revenus provenaient en entier du travail des employés de NLS hors réserve. Les frais de NLS se rattachaient, dans une proportion de 95 p. 100, aux salaires et avantages quelle accordait aux employés dont les services étaient sous-traités à des organismes hors réserve. Ces frais étaient financés par les clients au moyen de ce qui était essentiellement un transfert dans le cadre duquel le client déposait la paie de lemployé dans le compte bancaire de NLS, le montant y afférent devant être retiré (une fois déduits les frais de gestion) aux fins du financement de la paie des employés de NLS dont les services étaient loués au client. Roger Obonsawin na pas à sa disposition les états financiers de NLS postérieurs à lannée 1997, bien que lentreprise soit encore en activité.

 

 

BARBARA NAHWEGAHBOW

 

[5]              Barbara Nahwegahbow, qui est une Indienne inscrite, est membre de la Première nation de la rivière Whitefish, située dans le Nord de lOntario. Elle a déménagé à Sudbury vers lâge de 17 ans afin détudier dans le domaine des services sociaux au Cambrian College et sest ensuite établie à Toronto pour poursuivre ces études au Humber College; elle a obtenu son diplôme en 1972. Sa mère et quelques‑uns de ses frères et sœurs habitent toujours sur la réserve.

 

[6]              Après avoir obtenu son diplôme, Mme Nahwegahbow a travaillé pour différentes organisations qui fournissent des services aux Autochtones et qui sont financées par le gouvernement fédéral ou provincial. Elle a été recrutée par NLS en 1992 pour travailler pour Anishnawbe Health Toronto (« AHT ») dans le centre‑ville de Toronto à titre de directrice générale du centre (pièce R‑3, volume 1, onglet 2A). Son travail nécessitait peu de déplacements vers les réserves. AHT est un centre de santé communautaire qui est financé par les gouvernements fédéral et provincial et qui vise à améliorer la santé et le bien‑être des Autochtones en leur procurant des soins traditionnels à lintérieur dun modèle de soins multidisciplinaire. AHT offre des services aux Autochtones indépendamment de la Première nation ou de la réserve à laquelle ils appartiennent (pièce R‑2, onglet 1A). Il sagissait de la seule organisation au pays qui offrait ce type de services. Ce nest que pour les années 1995 à 1998 que le revenu demploi de Mme Nahwegahbow a été considéré comme un revenu imposable. Il ne la pas été au cours des années précédentes. Le rôle de Mme Nahwegahbow na pas changé pendant toutes les années où elle a travaillé pour AHT, mais lorganisation a grandi. Le personnel a augmenté, tout comme le nombre de personnes qui reçoivent des services. Au cours des années allant de 1992 à 1998, lannée où elle a quitté AHT, le budget dexploitation de lorganisation sélevait à environ deux millions de dollars. Mme Nahwegahow a travaillé personnellement sur la réserve des Six nations avec un guérisseur qui recevait les clients et le personnel de lorganisation pour des cérémonies de guérison. Lorsque des membres dune Première nation se rendaient à Toronto pour être traités au centre AHT, le gouvernement provincial finançait leurs frais de déplacement et leur séjour dans un établissement ouvert pour eux (transcription, pages 7 à 35).

 

[7]              En contre-interrogatoire, Mme Nahwegahbow a reconnu que Joseph Hester lui a succédé au poste de directeur général du centre AHT; elle supposait que les fonctions de celui-ci étaient les mêmes que celles quelle avait exercées (transcription, page 35).

 

 

CONNIE HANSENBERGER

 

[8]              Connie Hansenberger est une Indienne inscrite qui est membre de la Première nation Mississauga, située en Ontario. En 1993, elle a été engagée par NLS pour travailler pour Aboriginal Legal Services, dans le centre‑ville de Toronto. Elle a signé un contrat demploi (pièce R‑3, onglet 1A) avec NLS et il était alors entendu que son revenu demploi était exonéré dimpôt (transcription, pages 44 et 45). Elle a travaillé pour NLS jusquen 2006. De 1993 jusquen 2003, elle a fourni des services de soutien juridique à titre de travailleuse sociale autochtone rattachée aux tribunaux de la famille et aidé des Autochtones aux prises avec des questions portées devant le tribunal de la famille. Elle est intervenue tous les jours auprès dun très grand nombre de personnes (40 000 Autochtones en huit ans). Bon nombre de ces personnes cherchaient à fuir une situation de violence sur la réserve et lui ont demandé de les aider à obtenir une ordonnance de garde (transcription, pages 46 et 47). De 2003 à 2006, elle a exercé les fonctions de défenseur des droits des locataires dans le cadre desquelles elle a informé la collectivité sur les problèmes liés au sans-abrisme et aux relations locateur‑locataire. De mars 2006 à novembre 2006, NLS a sous-traité les services de Mme Hansenberger à Anduhyaun Inc., organisme du centre-ville de Toronto ayant pour mission daider les femmes et enfants autochtones qui fuient des situations de violence, quelle que soit la Première nation ou la réserve à laquelle ils appartiennent, en leur offrant un refuge, de la nourriture et de la protection. Mme Hansenberger était la directrice des services de soutien aux pensionnaires et, à ce titre, elle guidait les activités des programmes de soutien aux pensionnaires, en plus dêtre responsable de la gestion de ces programmes. En 2007 et 2008, NLS a sous‑traité les services de Mme Hansenberger à Nishnawbe Homes Inc., organisation à but non lucratif située au centre‑ville de Toronto et subventionnée par la Ville et par les gouvernements provincial et fédéral. Cette organisation offre un logement sûr aux Autochtones de Toronto qui sont sans abri ou qui vivent dans des logements insalubres, principalement des étudiants qui viennent des réserves pour étudier dans la ville, ainsi que des personnes à faible revenu. Elle cherche à développer à lintérieur de ses unités de logement un très fort sentiment dappartenance à la collectivité et un soutien maximal dans le contexte des valeurs culturelles autochtones et encourage lélimination de la consommation dalcool et de drogue. Cependant, Nishnawbe noffre pas de logement dans les réserves. Mme Hansenberger exerçait les fonctions dadministratrice dimmeubles et était chargée de gérer lexploitation des immeubles et des programmes et de percevoir les loyers.

 

[9]              Les années en litige dans le cas de Mme Hansenberger sont les années 1995, 1999, 2000 à 2006 et 2008. Pendant toute cette période, Mme Hansenberger a habité à Toronto. Elle est née à Sault Ste.Marie dune mère qui était une Indienne inscrite et dun père qui nétait pas Autochtone et a grandi à North Bay. Elle a poursuivi ses études collégiales à Belleville et a fréquenté luniversité à Toronto où elle a étudié dans le domaine des services sociaux.

 

[10]         Dans tous les cas, les services quelle a fournis en qualité demployée ont été rendus à des Autochtones, indépendamment de la Première nation ou de la réserve à laquelle ils appartenaient (pièce R-2, onglet 1C).

 

 

THERESA SHILLING

 

[11]         Theresa Shilling est une Indienne inscrite qui est membre de la Première nation Chippewas de Rama, située à Rama, en Ontario. Elle a été engagée par NLS pour travailler pour AHT, dans le centre‑ville de Toronto, de 2000 à 2004 ainsi quen 2006 et 2007 afin daccomplir les tâches dun conseiller traditionnel. À ce titre, elle a fourni des services de consultation à Toronto à des Autochtones, indépendamment de la Première nation ou de la réserve à laquelle ils appartenaient, relativement à des questions liées à la santé, à leur cheminement de guérison et à des problèmes sociaux comme laccoutumance et la violence familiale. Elle accomplissait ses tâches à Toronto, sauf pendant quelques jours où elle se rendait dans les réserves avec des clients qui recevaient des services dans des pavillons de ressourcement, ou lorsquelle participait à des retraites du personnel ou à des cérémonies (selon la description figurant aux pages 3 et 4 de la pièce R-2, onglet 1B). Pendant toutes les années en cause, elle habitait à Toronto. Ses clients provenaient surtout de Toronto, mais certains partaient directement dune réserve dune Première nation pour venir la consulter pendant une séance dune heure.

 

[12]         Mme Shilling est née à Orillia et a grandi au sein de la Première nation de Rama et de la Première nation de Curve Lake. Tant son père que sa mère étaient des Autochtones. Elle a déménagé à Toronto en 1969 afin de séloigner de la réserve (transcription, page 68). Elle a fréquenté le collège à Toronto et à North Bay et a étudié dans le domaine du travail social. Elle a épousé un non-Autochtone et a eu ses enfants à Toronto. Avant les années en cause, elle a travaillé pour des organisations autochtones à Toronto et à Peterborough. Elle a signé un contrat demploi avec NLS en mai 2000 (pièce R‑3, onglet 3A) et il était alors entendu que son revenu demploi serait exonéré dimpôt (transcription, pages 72 et 73).

 

 

Les arguments des appelantes

 

[13]         Lavocat des appelantes a invoqué les mêmes arguments que ceux qui avaient été exposés dans laffaire de Michele Baptiste (que jai entendue la veille de laudition des présents appels) en ce qui a trait à linterprétation de larticle 87 de la Loi sur les Indiens. Dans ses arguments, lavocat a insisté principalement sur la façon dont les facteurs de rattachement sappliquent aux trois appelantes en lespèce.

 

[14]         Lavocat des appelantes a cité larrêt Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877 (QL), comme jugement à prendre en compte lors de lexamen des facteurs à soupeser pour savoir si un revenu (à titre de bien meuble des appelantes) constitue ou non un bien détenu par un Indien en qualité dIndien sur une réserve. Il sagit de déterminer le poids quil convient daccorder à chaque facteur pour décider si limposition de ce type de bien de cette manière représenterait une atteinte aux droits de lIndien à titre dIndien sur une réserve. Un facteur de rattachement nest pertinent que dans la mesure où il identifie lemplacement du bien en question aux fins de la Loi sur les Indiens (voir larrêt Williams, précité, au paragraphe 35).

 

[15]         En ce qui a trait au premier facteur de rattachement (la résidence du débiteur), lemployeur en cause se trouve sur une réserve et lemplacement du débiteur est souvent le facteur le plus important à prendre en compte pour savoir si le revenu est situé sur une réserve.

 

[16]         Quant au deuxième facteur de rattachement (lavantage accordé à la Première nation), lemployeur accorde des avantages importants aux membres de la collectivité vivant sur une réserve. Il emploie de huit à quinze membres de la bande des Six nations sur la réserve et les salaires et avantages accordés au personnel de bureau se trouvant dans la réserve des Six nations totalisaient près de 250 000 $. Le groupe OI versait également une somme denviron 21 000 $ au conseil de bande à titre de loyer. Lorsquil a mis sur pied le groupe OI, Roger Obonsawin voulait créer un réseau de postes un peu partout au Canada afin de permettre aux membres des Premières nations de se trouver un emploi et daméliorer leurs compétences.

 

[17]         Dans le cas du troisième facteur de rattachement (le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles le travail est accompli), les trois appelantes consacraient la totalité de leur temps de travail au service des Autochtones. Mme Nahwegahbow et Mme Shilling travaillaient toutes deux pour AHT afin daider les membres des Premières nations vivant hors réserve en élaborant des programmes de santé et des services de consultation visant à lutter contre laccoutumance et dautres problèmes sociaux. Mme Hansenberger a fourni des services de soutien juridique à près de 40 000 Autochtones. En 2006, elle est venue en aide aux femmes victimes de violence dans le cadre de ses fonctions au centre Anduhyaun et, dès 2007, elle a fourni de laide sous forme de logement avec assistance pour les membres des Premières nations à titre de directrice de Nishnawbe Homes. Il est indéniable que les collectivités autochtones concernées bénéficient de laide offerte à leurs membres qui sont aux prises avec des problèmes de santé et des problèmes familiaux.

 

[18]         Quant au quatrième facteur de rattachement (le lieu de résidence des appelantes), un poids minime devrait lui être accordé. Le lieu de résidence des appelantes na pas vraiment dimportance en lespèce. Toutes les appelantes ont quitté leur milieu pour étudier ou pour se trouver un emploi.

 

[19]         La plupart des facteurs de rattachement montrent que lemplacement du revenu demploi était une réserve et que, par conséquent, ce revenu devrait être exonéré dimpôt.

 

 

Les arguments de lintimée

 

[20]         Lavocat de lintimée a également invoqué les arguments qui avaient été exposés devant moi dans laffaire Michele Baptiste la veille de laudition des présents appels. Il a ajouté que le simple fait quune personne est un Indien inscrit ne signifie pas que le revenu de cette personne est situé sur une réserve. Aucune des trois appelantes en lespèce ne résidait sur une réserve.

 

[21]         Selon lavocat, même si lemployeur était situé sur une réserve, il nen demeure pas moins que lemplacement du travail accompli, la nature des tâches et les circonstances entourant lemploi constituent des facteurs plus importants.

 

[22]         Les trois employées accomplissaient leurs fonctions dans le centre-ville de Toronto. Dans une affaire antérieure, Shilling c. M.R.N., 2001 CAF 178, Rachel Shilling (qui nest pas la même personne que lappelante Theresa Shilling en lespèce), travaillait pour AHT à titre de directrice intérimaire de programme. La Cour dappel fédérale a décidé que le revenu demploi de lappelante était imposable et pourtant, celle-ci a travaillé plus souvent dans sa réserve que lappelante Theresa Shilling en lespèce, qui passait de trois à neuf jours par année sur une réserve. Dans une autre affaire, Hester c. La Reine, 2010 CCI 647, M. Hester a travaillé pour AHT, où il a occupé le même poste (directeur général) que celui de Mme Nahwegahbow, et la Cour canadienne de limpôt a jugé que le revenu de M. Hester était imposable.

 

[23]         En ce qui concerne les circonstances entourant lemploi, lavocat de lintimée a fait valoir que les services dAHT étaient fournis à la collectivité autochtone de Toronto. Ce nest que de façon accessoire que les personnes venaient directement dune réserve pour recourir aux services en question. De plus, aucun élément de preuve nétablit que la prestation des services par les appelantes faisait partie intégrante de la vie des réserves. La vision dAHT consiste à promouvoir la création dune collectivité autochtone forte, indépendante et autonome à Toronto (pièce R‑3, volume 2, onglet 3B, page 360). Dans la même veine, AHT offre des services à des membres de la collectivité autochtone qui ne sont pas nécessairement des Indiens inscrits. Il sagit dune clinique de santé communautaire de Toronto qui offre des services spécialisés.

 

[24]         Lavocat de lintimée a ajouté que la Cour canadienne de limpôt avait analysé des faits similaires dans des décisions antérieures. Ainsi, dans Googoo c. Canada, 2008 CCI 589, McIvor c. Canada, 2009 CCI 469, Roe c. Canada, 2008 CCI 667, Hester c. La Reine, 2010 CCI 647, et Robinson c. La Reine, 2010 CCI 649, dans des circonstances semblables, il a été décidé que les employés du groupe OI touchaient un revenu demploi imposable même si la réserve des Six nations recevait des avantages dune valeur dun quart de million de dollars.

 

[25]         Selon lavocat de lintimée, il est convenu quaucun élément de preuve ne montre que les réserves dorigine des appelantes ont reçu le moindre avantage direct découlant du travail quelles ont accompli.

 

 

Analyse

 

[26]         Les deux avocats ont évoqué les arguments quils avaient exposés devant moi dans laffaire Michele Baptiste et je ne répéterai pas ici mon analyse concernant lapplication du critère des facteurs de rattachement pour déterminer lemplacement du revenu demploi. Jestime que cette analyse sapplique de la même façon dans les présents appels.

 

[27]         Dans le cas de Barbara Nahwegahbow et de Theresa Shilling, toutes les deux ont travaillé pour AHT. Mme Nahwegahbow a accompli exactement le même travail en qualité de directrice générale de cette organisation que Joseph Hester, qui lui a succédé après son départ. Laffaire de M. Hester a été tranchée par la Cour (2010 CCI 647) et je ne crois pas que la preuve que Mme Nahwegahbow a présentée en lespèce justifie une conclusion différente de celle qui a été tirée pour M. Hester. De la même façon, je ne crois pas que lappel de Theresa Shilling devrait donner lieu à un résultat différent de la conclusion qui a été tirée dans laffaire Rachel Shilling, précitée, où Rachel Shilling travaillait également pour AHT au centre-ville de Toronto et a occupé différents postes dans le cadre desquels elle est venue en aide à des Autochtones de Toronto vivant hors réserve. À linstar de Rachel Shilling, Theresa Shilling a accompli ses tâches principalement à Toronto, même si elle se rendait à loccasion dans des réserves dans le cadre de ses fonctions.

 

[28]         Enfin, en ce qui concerne Mme Hansenberger, elle a travaillé pour Aboriginal Legal Services à Toronto (« ALST ») au cours des années dimposition allant de 1995 à 2006. ALST est une organisation à but non lucratif qui fournit des services à la collectivité autochtone urbaine vivant hors réserve. En 2006, Mme Hansenberger a travaillé pour Anduhyaun Inc. à Toronto. Cette organisation offre des services aux femmes et aux enfants qui fuient des situations de violence, indépendamment de la Première nation ou de la réserve à laquelle ils appartiennent. Enfin, Mme Hansenberger a travaillé en 2007 et en 2008 pour Nishnawbe Homes, qui offre un logement sûr et adéquat aux sans-abri autochtones de Toronto, indépendamment de la Première nation ou de la réserve à laquelle ils appartiennent. Dans tous les cas, le travail de Mme Hansenberger a profité à une clientèle située hors réserve. Tel quil a été mentionné dans laffaire Rachel Shilling, précitée, aux paragraphes 51 et 52, « lemploi nest pas rattaché à une réserve indienne au sens physique du terme du simple fait que la nature de lemploi consiste à fournir des services à des Indiens. [...] Compte tenu du but restreint de lalinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, le fait que lemploi en question se rapporte à la prestation de services sociaux à des autochtones en dehors dune réserve ne confère pas pour autant un traitement fiscal privilégié en vertu de cette disposition ».

 

[29]         Les trois appelantes habitaient à Toronto, où elles travaillaient et offraient des services principalement à des Autochtones ou à des membres dune Première nation vivant hors réserve. Je suis davis que, hormis lemplacement de lemployeur, NLS, les facteurs de rattachement, cest-à-dire le lieu de travail ainsi que la nature de lemploi et les circonstances y afférentes, y compris les avantages accordés à une réserve, tendent à montrer que le revenu demploi des appelantes était situé en dehors dune réserve. Le travail des appelantes nétait pas rattaché à une réserve précise et il ny a aucune raison de conclure que limposition du revenu demploi quelles ont reçu de NLS représenterait une atteinte au droit dun Indien à titre dIndien de détenir des biens sur une réserve (voir les décisions Roe et Robinson, précitées). Comme la Cour dappel fédérale la souligné dans Desnomie v. The Queen, 2000 DTC 6250 (C.A.F.), au paragraphe 10, latteinte aux droits de lIndien à titre dIndien sur une réserve doit être déterminée par rapport à la personne dont le revenu est en cause et non par rapport aux différentes réserves qui bénéficient directement ou indirectement des services de cette personne.

 

[30]         Jen arrive donc à la conclusion que le revenu demploi de chacune des appelantes nest pas exonéré dimpôt conformément à lalinéa 81(1)a) de la LIR et à lalinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens. Tous les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2011.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2011.

 

S. Tasset


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 296

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2007-2806(IT)I

                                                          2007-3098(IT)I

                                                          2007-486(IT)I

 

INTITULÉ :                                       BARBARA NAHWEGAHBOW c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                          THERESA SHILLING c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                          CONNIE HANSENBERGER c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE LAUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE LAUDIENCE :                 Le 1er février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               Lhonorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelantes :

Me Scott Robertson

Avocat de lintimée :

Me Laurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelantes :

 

                          Nom :                      Me Scott Robertson

 

                          Cabinet :                  Gowling Lafleur Henderson LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour lintimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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