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Dossier : 2010-626(IT)I

ENTRE :

RONALD B. GRIST,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 6 et 7 juin 2011 à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Brent Paris

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Michel D. Cote

Avocate de l’intimée :

Me Jasmeen Mann

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre de nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16jour de juin 2011.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 304

Date : 20110616

Dossier : 2010-626(IT)I

ENTRE :

RONALD B. GRIST,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

[1]     Les présents appels sont interjetés à l’encontre de nouvelles cotisations établies relativement aux années d’imposition 2001 à 2004 de l’appelant. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la demande de l’appelant à l’égard d’une perte au titre d’un placement d’entreprise de 199 999 $ dans son année d’imposition 2004, et a refusé que des reports rétrospectifs des pertes autres qu’en capital connexes soient appliqués aux années d’imposition 2001, 2002 et 2003 de l’appelant. La demande de l’appelant porte sur la perte au titre d’un placement d’entreprise relativement à la disposition de 200 000 actions de PSC Financial Services Ltd. (la « Société ») le 20 mai 2004.

[2]     Les questions en litige sont les suivantes :

i)        l’appelant a‑t‑il versé 200 000 $ pour acquérir les actions?

ii)       la Société était‑elle une « société exploitant une petite entreprise » au sens de l’article 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») dans les 12 mois précédant la disposition des actions? Les pertes au titre de placements d’entreprise ne peuvent être déduites en vertu du sous‑alinéa 39(1)c)(iii) de la Loi qu’à la suite de la disposition d’actions d’une « société exploitant une petite entreprise ».

 

Contexte factuel

[3]     Toutes les sociétés que je mentionnerai dans les présents motifs ont été constituées par M. Michael Cote (dont le nom apparaît aussi à certains endroits comme « Michel Cote »). Sauf dans le cas de la Société, la preuve ne révèle pas l’identité des actionnaires des diverses sociétés.

[4]     M. Cote est comptable. Depuis au moins 1999, il exploite un cabinet comptable par l’intermédiaire de Cote and Associates Professional Corporation (« CAPC »). M. Cote était le comptable de l’appelant, et l’a représenté à l’audience des présents appels.

[5]     La Société, PSC Financial Services Ltd., est issue d’une fusion réalisée le 13 juin 2004 entre PSC Financial Services Ltd., Cougar Financial Advisors Inc. et Commonwealth Bancorp Ltd.

[6]     Auparavant, le 7 août 2002, Commonwealth Bancorp Ltd. avait été créée par suite de la fusion entre Commonwealth Bancorp Ltd. et Commonwealth Financial Group Inc. La société initiale Commonwealth Bancorp Ltd. (« Commonwealth ») avait été constituée au milieu de l’année 1999.

[7]     Toutes les sociétés créées par M. Cote, y compris CAPC, étaient prétendument exploitées à partir d’un bureau situé à Fergus, en Ontario, et, sauf en ce qui concerne la Société et CAPC, la preuve à cet égard est mince. De même, il y avait peu d’éléments de preuve quant aux activités exercées par les sociétés autres que la Société et CAPC.

[8]     La participation de l’appelant à la Société a commencé en 1999, lorsqu’il a été d’abord incité à investir dans Commonwealth par M. Cote. Au cours de l’année suivante, voire dans les deux années, l’appelant a dit qu’il avait acheté des actions de Commonwealth ainsi que des obligations non garanties émises par Commonwealth. Il a estimé son investissement total à 285 000 $, dont 200 000 $ représentaient l’achat de 200 000 actions.

[9]     L’intimée a soutenu que l’appelant n’avait pas démontré qu’il avait versé la contrepartie de 200 000 $ pour l’achat des actions, mais il y avait une preuve documentaire suffisante combinée à une preuve orale crédible présentée par l’appelant pour me convaincre que le versement du montant en question a eu lieu. Outre un chèque de 100 000 $ daté du 17 août 2000 et libellé à l’ordre de Commonwealth, il existait des éléments de preuve selon lesquels certaines actions de Nortel et de BCE que détenaient l’épouse de l’appelant et la mère de l’épouse de ce dernier avaient été vendues pour obtenir des fonds destinés à l’achat des actions. L’appelant a déclaré que M. Cote avait été autorisé à vendre ces actions pour le compte de sa famille et que le produit avait été utilisé pour acheter des actions.

[10]    L’appelant a également produit des copies de conventions d’achat d’actions qu’il avait signées le 10 novembre 1999, le 9 février 2000 et le 17 août 2000. Ces conventions mentionnent que l’appelant a acquis un total de 200 000 actions ordinaires de Commonwealth à ces dates, au coût de 200 000 $.

[11]    Selon l’appelant, l’activité de la Société consistait à gagner un revenu d’intérêts sur des prêts à court terme qu’elle consentait à des entreprises privées ayant besoin de capital. Toutefois, la Société a perdu des sommes d’argent importantes et a cessé ses activités à la fin de l’année 2003 ou au début de l’année 2004. La Commission des services financiers de l’Ontario a mené une enquête sur les activités de la Société en 2004, et a saisi la plupart, sinon tous les dossiers de la Société. Les dossiers ont été remis à la Société quelques années plus tard. Les résultats de cette enquête n’ont pas été communiqués à la Cour.

[12]    Après la cessation des activités de la Société, l’appelant a disposé de ses actions en faveur de CAPC pour un dollar en vertu d’une convention datée du 20 mai 2004. L’appelant ne se souvenait plus très bien de cette convention, mais il a reconnu sa signature sur le document. Il est évident que M. Cote a organisé la vente des actions de l’appelant à CAPC afin de cristalliser la perte sur les actions, et que l’appelant a consenti à la vente. L’appelant a également produit un reçu portant sa signature, qu’il avait remis à CAPC pour la contrepartie d’un dollar. À la lumière de cette preuve, j’accepte que l’appelant a disposé de ses actions le 20 mai 2004 pour une contrepartie d’un dollar.

 

[13]    Pour qu’il y ait eu une perte au titre d’un placement d’entreprise par suite de la disposition des actions, l’appelant doit démontrer que, dans les douze mois précédant la disposition, la Société était une société exploitant une petite entreprise au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. La disposition pertinente de cette définition est ainsi libellée :

 

248(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi :

 

          […]

 

« société exploitant une petite entreprise » […] société privée sous contrôle canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d’actif est attribuable, à un moment donné, à des éléments qui sont :

 

a)         soit utilisés principalement dans une entreprise que la société ou une société qui lui est liée exploite activement principalement au Canada;

 

b)         […]

 

c)                  soit visés aux alinéas a) […]

 

Pour l’application de l’alinéa 39(1)c), est une société exploitant une petite entreprise la société qui était une telle société à un moment de la période de douze mois précédant le moment donné; par ailleurs, pour l’application de la présente définition, la juste valeur marchande d’un compte de stabilisation du revenu net est réputée nulle.

 

[14]    Selon cette définition, pour être considérée comme une société exploitant une petite entreprise, la Société doit avoir principalement utilisé la totalité ou presque de son actif dans une entreprise exploitée activement par elle à un moment de la période de douze mois précédant le 20 mai 2004.

[15]    Selon la définition d’« entreprise exploitée activement » donnée au paragraphe 248(1) de la Loi, une « entreprise exploitée activement » exclut, inter alia, une « entreprise de placement déterminée ». Le paragraphe 248(1) de la Loi définit une « entreprise exploitée activement » de la manière suivante :

 

« entreprise exploitée activement » Relativement à toute entreprise exploitée par un contribuable résidant au Canada, toute entreprise exploitée par le contribuable autre qu’une entreprise de placement déterminée ou une entreprise de prestation de services personnels.

[16]    Selon le paragraphe 248(1) de la Loi, le terme « entreprise de placement déterminée » s’entend au sens du paragraphe 125(7) de la Loi. Cette définition est ainsi libellée :

 

« entreprise de placement déterminée » Entreprise, sauf une entreprise exploitée par une caisse de crédit ou une entreprise de location de biens autres que des biens immeubles, dont le but principal est de tirer un revenu de biens, notamment des intérêts, des dividendes, des loyers et des redevances. Toutefois, sauf dans le cas où la société est une société à capital de risque de travailleurs visée par règlement au cours de l’année, l’entreprise exploitée par une société au cours d’une année d’imposition n’est pas une entreprise de placement déterminée si, selon le cas :

 

a)         la société emploie dans l’entreprise plus de cinq employés à plein temps tout au long de l’année;

 

b)         une autre société associée à la société lui fournit au cours de l’année, dans le cadre de l’exploitation active d’une entreprise, des services de gestion ou d’administration, des services financiers, des services d’entretien ou d’autres services semblables et il est raisonnable de considérer que la société aurait eu besoin de plus de cinq employés à plein temps si ces services ne lui avaient pas été fournis;

 

[17]    L’intimée soutient que la Société exploitait une « entreprise de placement déterminée » pendant toute la période pertinente, parce que son but principal était de tirer un revenu de biens, et qu’elle n’employait pas plus de cinq employés à plein temps.

[18]    Selon les notes ayant trait aux états financiers de la Société pour ses exercices se terminant le 30 juin 2002 et le 18 juin 2003, l’activité de la Société consistait à fournir des services de banque d’affaires pour des entreprises de l’Ontario. Cela est conforme à la preuve de l’appelant selon laquelle les activités de la Société consistaient à prêter de l’argent à des entreprises privées. Il n’a pas été démontré que la Société exerçait quelque autre activité à un moment quelconque de la période de douze mois précédant la disposition des actions.

 

[19]    L’appelant n’a pas contesté le fait que l’activité principale de la Société était de tirer un revenu de biens, mais il a soutenu que la Société tombait sous le coup des exceptions énumérées à l’alinéa b) de la définition d’« entreprise de placement déterminée ». Il a déclaré que d’autres sociétés associées à la Société lui fournissaient des services de gestion ou d’administration, des services financiers, des services d’entretien ou d’autres services semblables, et qu’il est raisonnable de considérer que la Société aurait eu besoin de plus de cinq employés à plein temps si ces services ne lui avaient pas été fournis par ces sociétés associées.

 

[20]    Malheureusement, l’appelant n’a produit aucune preuve au soutien de l’argument selon lequel, dans les douze mois précédant le 20 mai 2004, ou à tout autre moment, la Société était associée à quelque autre société visée au paragraphe 256(1) de la Loi.

 

[21]    Le paragraphe 256(1) de la Loi prévoit que, pour l’application de la Loi, deux sociétés sont associées l’une à l’autre au cours d’une année d’imposition si, à un moment donné de l’année :

 

a)         l’une contrôle l’autre, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit;

           

b)         la même personne ou le même groupe de personnes contrôle les deux sociétés, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit;

 

c)         la personne qui contrôle l’une des deux sociétés, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, est liée à la personne qui contrôle l’autre société, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, et l’une de ces personnes est propriétaire d’au moins 25 % des actions émises d’une catégorie, non exclue, du capital-actions de chaque société;

 

d)         la personne qui contrôle l’une des deux sociétés, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, est liée à chaque membre du groupe de personnes qui contrôle l’autre société, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, et cette personne est propriétaire d’au moins 25 % des actions émises d’une catégorie, non exclue, du capital-actions de l’autre société;

 

e)         chaque membre du groupe lié qui contrôle l’une des deux sociétés, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, est lié à tous les membres du groupe lié qui contrôle l’autre société, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, et une ou plusieurs des personnes membres des deux groupes liés sont propriétaires, seuls ou ensemble, d’au moins 25 % des actions émises d’une catégorie, non exclue, du capital-actions de chaque société.

 

[22]    Au vu de la preuve présentée, je ne puis déterminer, en l’espèce, s’il a été satisfait aux conditions énoncées aux alinéas a) à e) du paragraphe 256(1) de la Loi relativement à la Société et à toute autre société.

 

[23]    De même, la preuve ne démontre pas les services qu’une quelque autre société aurait fournis à la Société. La seule preuve dont je suis saisi est le témoignage de l’appelant selon lequel il a vu huit ou neuf personnes travailler au bureau de Fergus lorsqu’il s’y est rendu, et que certaines d’entre elles l’avaient aidé en attestant des documents qu’il devait signer à divers moments. Il a également déclaré qu’il avait l’impression que toutes ces personnes faisaient [traduction] « partie intégrante de l’entreprise dans son ensemble ». Plus tard lors de son témoignage, l’appelant a affirmé qu’il croyait que CAPC faisait tout le travail pour la Société, et que la Société était [traduction] « la partie investissement ». Compte tenu du fait que le témoignage de l’appelant était vague, je ne suis pas convaincu que l’appelant savait comment la Société et les autres sociétés étaient exploitées. Si le bureau de Fergus était le bureau pour toutes les sociétés créées par M. Cote, y compris CAPC et la Société, la présence d’employés sur ces lieux n’amènerait pas obligatoirement à la conclusion selon laquelle ces employés travaillaient pour la Société.

 

[24]    M. Cote n’a pas témoigné à l’audience. Au vu de sa participation apparemment très importante dans les affaires de la Société, ainsi que de sa participation dans les affaires de CAPC et de toutes les autres sociétés, j’en déduis que son témoignage n’aurait pas été favorable à l’appelant à l’égard de la relation entre la Société et les autres sociétés ou à l’égard de tout service fourni à la Société par les autres sociétés.

 

[25]    Quoi qu’il en soit, l’appelant n’a pas établi le fait que la Société était associée à l’une ou l’autre de ces autres sociétés, ni que ces sociétés avaient fourni à la Société le niveau de services de gestion ou d’administration, de services financiers, de services d’entretien ou d’autres services semblables mentionnés à l’alinéa b) de la définition d’une « entreprise de placement déterminée ».

 

[26]    En conclusion, l’appelant n’a pas démontré que la Société était une société exploitant une petite entreprise pendant la période pertinente. La perte découlant de la disposition des actions ne peut donc pas être considérée comme une perte au titre d’un placement d’entreprise.

 

[27]    Pour les motifs exposés ci‑dessus, les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2011.

 

 

 

« Brent Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

RÉFÉRENCE :                                   2011 CCI 304

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2010-626(IT)I

 

INTITULÉ :                                       RONALD B. GRIST

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 6 et 7 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Brent Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Michel D. Cote

Avocate de l’intimée :

Me Jasmeen Mann

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l’appelant :

 

                   Nom :                     Michel D. Cote

 

                   Cabinet :

 

          Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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