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Dossier : 2010-2824(IT)APP

ENTRE :

LARRY E GAMBLE,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Demande entendue le 21 avril 2011, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge C.H. McArthur

 

Comparutions :

 

Avocate du requérant :

Me Judith Sheppard

Avocate de l’intimée :

Me Jasmeen Mann

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la demande faite par l’avocate du requérant en vue d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai dans lequel peuvent être interjetés les appels des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997;

 

          Et après avoir entendu les parties et lu les documents qui ont été déposés;

 

          La demande est accueillie et le requérant a jusqu’au 15 juin 2011 pour déposer un avis d’appel. L’intimée devra déposer une réponse au plus tard le 5 août 2011. Des dépens de 1 000 $ sont adjugés au requérant.


Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mai 2011.

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2011.

 

S. Tasset


 

 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 244

Date : 20110504

Dossier : 2010-2824(IT)APP

ENTRE :

LARRY E GAMBLE,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge McArthur

 

[1]              Il s’agit d’une demande présentée par M. Gamble en vue de proroger le délai dans lequel il peut déposer ses appels visant les années d’imposition 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997. Le montant d’impôt en litige dépasse 13 000 000 $. Le rejet de l’appel du requérant ou de la présente demande forcerait ce dernier à déclarer faillite. La cotisation découle d’un investissement dans un logiciel effectué par l’intermédiaire d’une société des Caraïbes. Il faut déterminer si le requérant a démontré qu’il respectait les conditions énoncées au sous-alinéa 167(5)b)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]              Le ministre du Revenu national a pris environ dix ans après les avis d’opposition du requérant pour délivrer un avis de ratification. Ce document renferme notamment ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

Le prix d’acquisition et la dette prise en charge ne sont qu’un artifice ou un trompe l’œil, et la dette prise en charge doit être déduite du prix d’acquisition, car elle ne représente pas un coût qui est supporté.

 

[3]              De toute évidence, le requérant se demande comment le ministre peut en toute impunité attendre dix ans après avoir reçu les avis d’opposition pour déposer une ratification.

 

[4]              Le requérant était représenté par une avocate. Durant l’interrogatoire principal, il a livré un long témoignage expliquant qu’à la date à laquelle il a reçu la ratification du ministre (après dix ans), il se trouvait presque à la fin des 90 jours prévus au paragraphe 169(1). Ce fait n’est pas contesté par le ministre. Le requérant a immédiatement téléphoné à l’Agence du revenu du Canada (ARC) ou à la Cour canadienne de l’impôt (CCI), qui l’ont informé qu’il disposait d’un délai supplémentaire d’un an pour faire appel à la CCI, conformément au paragraphe 167(1), qui inclut le sous-alinéa 167(5)b)(i).

 

[5]              Le paragraphe 167(1) autorise le dépôt d’une demande à la Cour dans l’année suivant l’expiration des 90 jours prévus au paragraphe 169(1) en vue de proroger le délai pour interjeter appel. M. Gamble a présenté sa demande juste avant l’expiration de ce délai d’un an. Le paragraphe 167(5) énonce ce qui suit :

 

167(5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel

 

            b) le contribuable démontre ce qui suit :

 

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

 

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

 

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

 

(iv) l’appel est raisonnablement fondé.

 

[6]              L’intimée fait valoir que le requérant ne satisfait pas à deux de ces conditions, celles que renferme le sous-alinéa b)(i), mais ne conteste pas le fait que l’appel de M. Gamble soit raisonnablement fondé ni que la demande ait été déposée dans le délai imparti en vertu de l’article 169 de la Loi.

 

[7]              Je constate sans difficulté que le requérant avait véritablement l’intention d’interjeter appel. L’intimée n’a convoqué aucun témoin. Le requérant a témoigné pour son propre compte.

 

[8]              Après s’être séparé de sa conjointe et avoir quitté la résidence familiale, le requérant n’a pas reçu ni ouvert l’avis de ratification du 2 juin 2009 avant le 20 août 2009. C’était beaucoup trop complexe pour lui de préparer un avis d’appel. Comme il lui restait quelques jours pour respecter le délai de 90 jours mentionné au paragraphe 169(1), il a appelé son avocat, qui lui a recommandé de consulter un avocat fiscaliste, lequel se trouvait à l’extérieur de la ville jusqu’au milieu de septembre 2009. Le requérant a ensuite parlé au téléphone à un fonctionnaire de la Cour en l’informant qu’il voulait interjeter appel. On lui a fait parvenir par courriel une trousse qui lui a permis de savoir qu’il disposait de 365 jours de plus pour introduire un appel. Je suis d’accord pour dire que ces mesures satisfont à la deuxième condition énoncée au sous-alinéa 167(5)b)(i).

 

[9]              Pour ce qui est maintenant de la première condition du sous‑alinéa 167(5)(b)(i), le requérant a précisé qu’entre la fin d’août 2009 et la fin d’août 2010, il était préoccupé par plusieurs choses. Premièrement, en septembre et en octobre 2009, il avait consacré tout son temps et ses émotions à se défendre avec succès contre des accusations criminelles dont il était l’objet pour avoir échoué à un alcootest. Par la suite, il a éprouvé des ennuis de santé, notamment des problèmes de cœur et aux yeux ainsi que du stress.

 

[10]         Il a déclaré qu’il pouvait à peine marcher de sa cuisine à sa salle de bain. Il n’a pas retenu les services d’un avocat fiscaliste parce qu’il n’en avait pas les moyens et qu’il croyait recouvrer suffisamment la santé pour être capable de déposer la présente demande lui-même à l’intérieur du délai d’un an suivant la fin du mois d’août 2009, ce qu’il a fait le 25 août 2010, soit quelques jours avant l’expiration de la période prévue par le législateur.

 

[11]         Les deux parties ont cité de la jurisprudence. La décision du juge Hershfield dans Meer c. Canada[1], est celle qui ressemble le plus à la présente affaire. Il était question ce qui suit dans la décision Meer :

 

[TRADUCTION]

M. Meer cherche à obtenir une ordonnance prorogeant le délai dans lequel il peut interjeter appel. La Couronne fait valoir que, même si la demande de M. Meer a été déposée à l’intérieur de la période d’un an prévue dans la Loi, elle ne l’a pas été dès que les circonstances le permettaient […] La Couronne estimait aussi contestable le temps qui s’est écoulé entre le moment où M. Meer a engagé un avocat et celui où il a demandé la prorogation. M. Meer a expliqué que ce délai lui avait servi à obtenir de l’information de Revenu Canada et à recueillir les éléments de preuve requis par ses avocats.

 

 

[12]         Le juge Hershfield est arrivé à la conclusion suivante :

 

[TRADUCTION]

La preuve a montré qu’il s’agissait d’une période extrêmement difficile pour M. Meer et ses entreprises. Il luttait pour sa survie économique et, dans ces circonstances, on ne pouvait raisonnablement pas s’attendre à ce qu’il fasse autre chose que ce qu’il a fait […]  Les raisons et les circonstances en l’espèce ne donnent lieu à aucune injustice, et il n’y a eu aucune preuve de mauvaise foi ou de préjudice. La nouvelle cotisation n’a pas été compromise par le fait d’accueillir l’appel, et il aurait été inéquitable de ne pas proroger le délai d’appel et de ne pas permettre l’examen du bien-fondé de la cotisation.

 

[13]         Aux paragraphes 19 et 20, il s’est exprimé en ces termes :

 

[19] […] L’expression « dès que les circonstances le permettent » n’exclut pas qu’il soit possible d’établir des priorités en ce qui concerne ce qui peut raisonnablement être fait dans un délai précis. La question qui a été formulée dans l’affaire Pennington c. M.R.N. revient à se demander ce à quoi on peut raisonnablement s’attendre dans les circonstances. Il n’est pas nécessaire de se fonder sur une inondation, un emprisonnement ou une hospitalisation pour soutenir que les circonstances ne permettaient pas la présentation de la demande. Il s’agit d’un domaine où la discrétion est grande. Il est raisonnable d’empêcher que l’œuvre de toute une vie, qu’un intérêt financier ou que des entreprises ne s’effondrent et de remédier à la situation avant de pouvoir dire à juste titre que les circonstances permettent la présentation d’une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. En conséquence, pour ce qui est du retard durant cette période, je conclus que la demande a été présentée dès que les circonstances l’ont permis.

 

[20] […] Les raisons et les circonstances en l’espèce ne donnent lieu à aucune prétendue injustice. On n’a pas soutenu en l’espèce qu’il y avait eu un acte criminel, que l’on avait fait preuve de mauvaise foi ou qu’un préjudice avait été causé. Je ne peux trouver aucune affaire - et l’avocate de l’intimée ne m’en a pas présenté - à l’appui de sa thèse ou montrant une situation où toutes les autres conditions qui doivent être remplies avant de faire droit à la demande sont respectées et où il a été décidé qu’il n’est toujours pas juste et équitable d’y faire droit. Le fait de faire droit à la demande ne compromettra pas la nouvelle cotisation, mais son bien-fondé sera examiné. Dans ces circonstances, il m’apparaît inéquitable de ne pas appliquer le principe établi dans l’affaire Seater c. R., C.C.I., no APP-280-96(IT), [21 octobre 1996] ([1997] 1 C.T.C. 2204), où le juge McArthur conclut qu’il vaut mieux faire en sorte que la cause d’un contribuable soit jugée sur le fond que de faire en sorte qu’elle soit rejetée parce que des délais prévus dans la Loi n’ont pas été respectés.

 

[14]         Pour ces motifs, y compris les propos du juge Hershfield cités précédemment, je fais droit à la demande du requérant. Ce dernier a jusqu’au 15 juin 2011 pour déposer un avis d’appel et l’intimée devra déposer une réponse au plus tard le 5 août 2011. Les dépens adjugés au requérant sont établis à 1 000 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mai 2011.

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2011.

 

S. Tasset


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 244

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-2824(IT)APP

 

INTITULÉ :                                       LARRY E GAMBLE c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

                                                                      

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 avril 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :     L’honorable juge C.H. McArthur

 

DATE DE L’ORDONNANCE :          Le 4 mai 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate du requérant :

Me Judith Sheppard

Avocate de l’intimée :

Me Jasmeen Mann

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour le requérant :

 

                           Nom :                      Me Judith Sheppard

 

                       Cabinet :                     

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2001 D.T.C. 648

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