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Dossier : 2010‑3152(EI)

 

ENTRE :

SHIRLEY ROY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu, le 15 avril 2011, à Québec (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Ilinca Ghibu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel de la décision du ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi concernant l’assurabilité de l’emploi de l’appelante auprès de Tentes et Chapiteaux S.P. inc. pour la période du 23 novembre 2008 au 24 novembre 2009, est accueilli et la détermination du ministre est infirmée selon les motifs du jugement ci-joints

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d’août 2011.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 384

Date : 20110823

Dossier : 2010‑3152(EI)

 

ENTRE :

SHIRLEY ROY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, telle que modifiée (la « Loi ») concernant l’assurabilité de l’emploi de l’appelante auprès de Tentes et Chapiteaux S.P. inc. (le « payeur ») pour la période du 23 novembre 2008 au 24 novembre 2009 (la « période »).

 

[2]              L’appelante et le payeur sont des personnes liées au sens du paragraphe 251(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « LIR ») car l’appelante est unie par les liens du mariage à Simon Pelchat depuis le 19 septembre 2009, lequel contrôle le payeur, étant l'actionnaire unique du payeur. L'appelante, étant liée à une personne qui contrôle le payeur, devient par le fait même, liée au payeur. Comme, en vertu de l’alinéa 251(1)a) de la LIR, des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance, l’appelante a un lien de dépendance avec le payeur.

 

[3]              Pour la partie de la période antérieure au 19 septembre 2009, l'appelante avait également un lien de dépendance avec le payeur du fait qu'elle était conjointe de fait de Simon Pelchat depuis novembre 2007. Elle était donc liée à une personne qui contrôlait le payeur et est devenue par le fait même liée au payeur. Comme des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance, l'appelante avait un lien de dépendance avec le payeur au cours de toute la période.

 

[4]              Par une lettre datée du 6 avril 2010, le ministre a informé l’appelante que son emploi auprès du payeur pour la période n’était pas un emploi assurable parce que le ministre était convaincu qu’il n’était pas raisonnable de conclure que l’appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. En rendant sa décision, le ministre s’est appuyé sur l’alinéa 5(2)i) et le paragraphe 5(3) de la Loi en tenant compte des faits et des hypothèses suivants énoncés au paragraphe 8 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

a)            le payeur a été constitué en société le 28 décembre 2001; (admis)

 

b)            le payeur exploitait une entreprise spécialisée dans le domaine de la location et installation de tentes et chapiteaux pour des événements corporatifs et spéciaux comme des mariages et des festivals; (admis)

 

c)            l’entreprise était ouverte à l’année longue, mais l’intensité des activités du payeur se situait de juin à septembre; (nié tel que rédigé)

 

d)            les heures d’ouverture du payeur étaient de 8 h 30 à 16 h 30 du lundi au vendredi; (admis)

 

e)            l’actionnaire du payeur est l’unique signataire des chèques du payeur; (admis)

 

f)              les revenus déclarés par le payeur sont pour les exercices se terminant le 31 octobre 2008 : 711 150 $

31 octobre 2009 : 223 611 $; (ignoré)

 

g)            le 23 novembre 2009 le payeur déposait son bilan auprès d’un syndic; (admis)

 

h)            le payeur embauchait 3 employés du bureau à temps plein et à longueur d’année, soit l’actionnaire, une secrétaire réceptionniste et l’appelante, en hiver, le payeur embauchait 2 employés à temps plein et 2 autres à temps partiel pour s’occuper exclusivement du lavage des toiles et en été il embauchait 15 travailleurs à plein temps comme manœuvre; (admis)

 

i)              l’appelante n’était pas impliquée financièrement dans les affaires du payeur, bien qu’elle avait prêté de l’argent à son conjoint à titre personnel pour une valeur approximative entre 8 000 $ et 10 000 $; (nié)

 

j)              l’appelante et l’actionnaire du payeur possède conjointement une résidence qu’ils ont payée 336 000 $ et vendue 380 000 $ dans les proportions suivantes, soit 75 % pour l’actionnaire et 25 % à l’appelante; (admis)

 

k)            avant l’engagement de l’appelante, l’actionnaire s’occupait de la vente et il a essayé la secrétaire à ce poste, mais cela n’a pas fonctionné, il a donc engagé l’appelante; (nié tel que rédigé)

 

l)              l’appelante a été engagée par le payeur le 1er avril 2007 à titre de représentante; (admis)

 

m)          les tâches de l’appelante consistait principalement, de l’automne au printemps, à faire la promotion du payeur auprès des clients, de leur faire signer des contrats et d’assurer un suivi auprès d’eux durant l’événement, qui avait lieu généralement en été, et ce qui s’ajoutait en été était les prises de commandes de dernière minute; (admis)

 

n)            l’appelante travaillait durant les heures d’ouverture du payeur, soit 35 heures semaine, et 15 heures de plus les soirs et fins de semaine pour un total de 50 heures semaine et ce peu importe la période de l’année; (admis mais les heures faites les soirs et les fins de semaine variaient selon les saisons)

 

o)            l’appelante n’avait pas à consigner ses heures travaillées, puisqu’elle était payée sur une base hebdomadaire, alors que les autres employés complétaient une feuille de temps, puisqu’ils étaient payés à l’heure; (nié tel que rédigé)

 

p)            contrairement à l’affirmation des parties, la rémunération de l’appelante ne correspondait pas à 10 % des ventes du payeur puisque l’appelante recevait un montant fixe de 900 $ par semaine, soit 46 800 $ pour 52 semaines; (nié tel que rédigé)

 

q)            les revenus déclarés par le payeur pour les exercices se terminant le 31 octobre sont les suivants :

 

2008 :  711 150 $

2009 :  223 611 $;

 

r)             durant la période estivale, l’appelante a travaillé entre 30 et 40 heures par semaine à des tâches autres que celles pour lesquelles elle avait été engagée; (nié)

 

s)             une employée non liée n’aurait pas accepté de travailler des heures sans rémunération peu importe les tâches à accomplir; (nié)

 

t)              le payeur fournissait à l’appelante l’équipement de bureau, le portable et le téléphone cellulaire; (admis)

 

u)            de plus, l’appelante utilisait une voiture Yaris appartenant au payeur pour ses déplacements dans le cadre de son emploi; (admis)

 

v)            l’appelante assumait les frais d’essence de la voiture Yaris et était remboursée sur présentation de factures, alors qu’il avait été déclaré à l’agent d’admissibilité que l’appelante assumait les frais d’essence des 4 véhicules appartenant au payeur à cause des difficultés financières du payeur; (nié tel que rédigé)

 

w)          certaines des factures de l’appelante n’ont pas été remboursées par le payeur, alors que les autres employés ont été remboursés intégralement pour des dépenses encourus dans le cadre de leur emploi; (admis mais les autres employés qui détenaient des cartes de crédit ne s’en servaient que très occasionnellement)

 

x)            selon l’appelante, certaines factures de frais de représentation et de papeterie d’environ 2 000 $ ne lui avait pas été remboursées; (admis mais le chiffre exact est 1 684,72 $)

 

y)            suite à la faillite du payeur le 24 novembre 2009, l’appelante a fait la réclamation suivante au syndic en vertu du Programme de protection des salariés

compte de dépenses du 31 juillet 2009      1 135,24 $

compte de dépenses du 31 août 2009           377,43 $

4 % de vacances                                    2 008,16 $

paye du 14 au 21 novembre 2000 (sic)        643,79 $

total                                                      4 336,67 $

(admis mais comprend la dernière réclamation du compte de dépenses du 19 novembre 2009 au montant de 172,05 $)

 

z)             l’analyse des pièces justificatives de la réclamation de l’appelante démontre que les dépenses encourues par l’appelante réfèrent à des frais d’essence, de bureau, d’entretien de camion, de télécommunication, de repas, de poste, de publicité, d’entretien de local, de bureau, de tentes et de chapiteaux; (admis pour le nettoyage des camions, l’achat du papier hygiénique pour le bureau et des rubans à coller pour les tentes et les chapiteaux)

 

aa)         une employée non liée ne se serait pas impliquée financièrement au delà des dépenses habituelles reliées à l’exercice de ses fonctions; (nié)

 

[5]              L’alinéa 8 c) de la réponse à l’avis d’appel a été nié tel que rédigé parce que les activités du payeur étaient plus intenses d’avril à octobre alors que la plus forte saison était de juin à octobre.

 

[6]              L’alinéa 8 i) de la réponse à l’avis d’appel a été nié parce que l’appelante a consenti des prêts d’argent à son conjoint totalisant 11 724,82 $ dont 5 142 $ ont été remboursés.

 

[7]              L’alinéa 8 k) de la réponse à l’avis d’appel a été nié tel que rédigé parce que l’actionnaire du payeur a essayé plusieurs personnes dont une secrétaire pour s’occuper de la vente, mais cela n’a pas fonctionné et il a donc décidé d’engager l’appelante.

 

[8]              L’alinéa 8 o) de la réponse à l’avis d’appel a été nié tel que rédigé parce que l’appelante était présente au bureau pendant les heures d’ouverture et parce que son salaire correspondait à 10 % des ventes qu’elle avait effectuées pour le payeur.

 

[9]              L’alinéa 8 p) de la réponse à l’avis d’appel a été nié tel que rédigé parce que la rémunération de l’appelante était basée sur un objectif de 400 000 $ de vente.

 

[10]         L’alinéa 8 r) de la réponse à l’avis d’appel a été nié parce que l’appelante n’a pas travaillé entre 30 et 40 heures par semaine à des tâches autres que celles pour lesquelles elle avait été engagée. Dans une autre version de la réponse à l’avis d’appel, l’intimé a allégué que ces heures supplémentaires étaient exécutées « afin d’aider le payeur aux prises avec des absences répétées de la part des employés et ce sans être payée ».

 

[11]         L’alinéa 8 s) de la réponse à l’avis d’appel a été nié parce qu’il s’agit d’une question hypothétique.

 

[12]         L’alinéa 8 v) de la réponse à l’avis d’appel a été nié tel que rédigé parce que le conjoint de l’appelante utilisait également la voiture Yaris et pouvait faire le plein d’essence.

 

[13]         L’alinéa 8 aa) de la réponse à l’avis d’appel a été nié parce que l’appelante s’est impliquée financièrement au‑delà des dépenses habituelles reliées à l’exercice de ses fonctions non pas en tant qu’employée du payeur mais plutôt en tant que conjointe du propriétaire du payeur.

 

[14]         Madame Shirley Roy a témoigné à l’audience et elle a confirmé avoir produit une preuve de réclamation en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, au montant de 4 336,67 $ dans l’affaire de la cession de Tentes et Chapiteaux S.P. inc. de St‑Romuald (Québec). À l’appui de sa réclamation, elle a reconnu avoir préparé des rapports du compte de dépenses encourues pour le bénéfice du payeur et payées au moyen d’une carte de crédit à son nom. Elle a aussi préparé une liste des prêts consentis à son conjoint pour un montant totalisant 11 724,82 $ et une liste des remboursements effectués par son conjoint pour un montant totalisant 5 142 $. Les prêts étaient consentis par des virements dans le compte conjoint qu’elle avait avec son conjoint ou au comptant.

 

[15]         Madame Roy a confirmé qu’elle n’avait pas de carte de crédit au nom du payeur mais que deux autres employés du payeur avaient de telles cartes de crédit. Selon son témoignage, l’objectif de ventes de 400 000 $ pour l’exercice financier débutant le 1er novembre 2008 et se terminant au 31 octobre 2009 était très réaliste puisque pour l’exercice financier terminé le 31 octobre 2008, elle avait réalisé des ventes de 500 000 $ et avait même reçu des payes en double.

 

[16]         Concernant les heures supplémentaires effectuées les soirs et les fins de semaine en période estivale, Madame Roy a précisé qu’elle n’était pas obligée de les faire et qu’elle les faisait sur une base volontaire pour accompagner son conjoint. Elle n’avait pas ses cartes de compétence pour la conduite des camions et autres véhicules de transport. Son travail en était un de support seulement et de relations avec les clients. Elle faisait beaucoup moins d’heures que les 30 à 40 heures mentionnées à l’alinéa 8(r) de la réponse à l’avis d’appel sauf pour les longues fins de semaine comme la fête de la St-Jean-Baptiste et la fête du Canada. Elle a reconnu ne pas avoir comptabilisé les heures supplémentaires et ne pas avoir été rémunérée pour ces heures.

 

[17]         Monsieur Simon Pelchat, le conjoint de l’appelante, a également témoigné à l’audience. Il a confirmé qu’il était l’unique actionnaire du payeur. L’entreprise était ouverte à l’année, sauf pour une période de deux semaines à Noël. Les heures d’ouverture du bureau était de 8 h 30 à 16 h 30. Il passait environ 75 % de son temps au bureau et 25 % de son temps sur la route. L’entreprise desservait tout le Québec. Il a de plus confirmé que Madame Roy était rémunérée seulement sur une base de commissions et qu’elle recevait des avances de 900 $ par semaine pour 35 heures de travail. Les ajustements au niveau de sa rémunération étaient effectués à la fin du mois de septembre. C’est pour cette raison que Madame Roy a reçu une double paye au mois de septembre 2008. Il a précisé que Madame Roy n’était pas payée pour les heures supplémentaires et qu’elle était la seule représentante des ventes mais qu’elle n’était pas la seule personne à pouvoir signer des contrats; il lui arrivait d’en signer également. Selon lui, le chiffre d’affaire du payeur pour 2008 a bel et bien été de 711 000 $ mais que pour 2009, il a été de l’ordre de 430 000 $ à 450 000 $ plutôt que de 223 611 $, tel qu’indiqué à l’alinéa 8(q) de la réponse à l’avis d’appel.

 

[18]         Au niveau opérationnel, Monsieur Pelchat a expliqué qu’en période estivale, il utilisait de quatre à cinq équipes, composées de cinq personnes chacune. Sa main d’œuvre était surtout composée d’étudiants universitaires masculins. L’entreprise était en opération sept jours sur sept. Le montage des tentes et chapiteaux était effectué de jour les mercredis, jeudis, vendredis et samedis, alors que le démontage était normalement effectué en fin de journée jusqu’à 21 h 00 les dimanches, lundis et mardis. Le payeur pouvait louer jusqu’à 67 tentes et chapiteaux à la fois. En période estivale, Monsieur Pelchat travaillait de 80 à 100 heures par semaine, y compris les fins de semaine.

 

[19]         Monsieur Pelchat a confirmé que Madame Roy n’avait pas de carte de crédit au nom du payeur et que seul le gérant d’entrepôt avait une telle carte de crédit. Lors de la faillite en 2009, tous les employés ont été payés, sauf pour la dernière paye, et ils n’ont pas reçu le 4 % de vacances. Selon lui, Madame Roy était la seule employée qui avait le droit de se faire rembourser des dépenses encourues pour le compte du payeur.

 

[20]         Monsieur Pelchat a de plus expliqué que les tâches confiées à l’appelante lors de son embauche comprenaient les tâches suivantes :

 

·        les communications et rencontres avec les clients;

·        la détermination de leurs besoins et la préparation des soumissions;

·        la finalisation des contrats ;

·        la préparation des plans d’aménagement de l’intérieur des tentes et des chapiteaux ;

·        le suivi avec les clients.

 

En pratique, l’appelante s’occupait surtout des mariages (maximum de trois par semaine). Sa présence sur les lieux d’installation lui permettait de s’assurer que tout était conforme et à la satisfaction des clients. Cette partie de ses fonctions était surtout réalisée les soirs de semaine.

 

[21]         Madame Johanne Potvin, agente des appels pour l'Agence du revenu du Canada, a également témoigné à l'audience. Elle a d'abord confirmé qu'elle avait préparé le rapport CPT 110 (pièce I-4) après avoir rencontré à tour de rôle l'appelante et son conjoint le 9 mars 2010. Lors de son témoignage, l'agente des appels a fait ressortir une contradiction dans le témoignage de l'appelante concernant les heures travaillées. Lors de l'audience, l'appelante a soutenu qu'elle faisait beaucoup moins d'heures que les 30 à 40 heures mentionnées à l'alinéa 8(r) de la réponse à l'avis d'appel. Selon les paragraphes 16 et 22 du rapport, les faits obtenus de monsieur Simon Pelchat sont les suivants :

 

16.    La travailleuse travaillait 35 heures durant les heures d'affaires de la compagnie qui étaient de 8:30 h à 16:30 h du lundi au vendredi, et une quinzaine d'heures durant le soir et les fins de semaine pour un maximum de 50 heures par semaine peu importe la période de l'année.

 

22.    En plus de ses tâches, la travailleuse a travaillé entre 30 et 40 heures par semaine durant la période estivale sans être payée pour l'aider parce qu'il y avait des employés qui s'absentaient du travail quotidiennement.

 

[22]         Dans son rapport, l'agente des appels a fait référence au fait suivant tiré du rapport de l'agent des décisions :

 

47.    Simon Pelchat a déclaré à l'agent de décision que la travailleuse n'avait pas d'horaire, car elle travaillait 6 à 7 jours par semaine et qu'elle effectuait de 80 à 90 heures de travail par semaine, car ils faisaient pratiquement seulement travailler et qu'elle faisait autant d'heures que lui.  Il ajoute que pendant la période hivernale, lorsqu'ils effectuaient une semaine de 50 heures, ils étaient contents car ils se croyaient en vacances.

 

[23]         Par la suite, l'agente des appels a rappelé les trois raisons pour lesquelles il n'était pas raisonnable de croire que les parties auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable sans lien de dépendance entre eux, à savoir :

 

1.  les 30 à 40 heures travaillées pendant la période estivale sans rémunération à des tâches reliées à toutes les étapes d'installation et de démontage de tentes et de chapiteaux en replacement d'employés absents;

2.  les prêts de 8,000 $ à 10,000 $ consentis à titre personnel au conjoint de l'appelante dans le but d'aider le payeur qui était en difficulté financière (le conjoint ne se prenait pas de salaire);

3.  les comptes de dépenses non remboursés à la travailleuse alors que les autres employés qui ont encouru des dépenses dans le cadre de leur emploi ont été remboursés (comptes de dépenses du 31 juillet et du 31 août 2009 présentés au syndic de faillite).

 

 

Dispositions législatives

 

[24]         L'alinéa 5(2)(i) et le paragraphe 5(3) de la Loi prévoient ce qui suit :

 

5(2) N'est pas un emploi assurable :

 

(i) l'emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

5(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

b) l'employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

 

Analyse

 

[25]         Le juge en chef Richard de la Cour d'appel fédérale a expliqué dans l'arrêt Francine Denis c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2004 CAF 26, le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt dans un appel d'une détermination du ministre sur les dispositions d'exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et (3) de la Loi :

 

[5] Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt dans un appel d'une détermination du ministre sur les dispositions d'exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et (3) de la Loi est de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et les témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable. Toutefois, le juge ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu'il n'y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus (voir Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2000] A.C.F. no 310, 10 mars 2000).

 

[26]         À la lumière de la preuve testimoniale et documentaire concernant notamment la rétribution versée, les modalités de l'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli pendant la période d'emploi en litige, il m'apparaît raisonnable de conclure que la détermination du ministre n'était pas raisonnable dans les circonstances. Les faits supposés ou retenus par le ministre n'ont pas été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils survenus.

 

[27]         Les prêts de l'appelante totalisant 8 000 $ à 10 000 $ ont été consentis à son conjoint pour lui permettre de vivre et de payer ses dépenses personnelles compte tenu du fait qu'il ne prenait pas de salaire de l'entreprise. Ces prêts n'ont pas été consentis au payeur ni à l'entreprise exploitée par le payeur. Ce n'est qu'indirectement que ces prêts ont pu bénéficier au payeur. Aucun élément de preuve n'a établi que l'argent provenant des prêts de l'appelante a été utilisé dans l'entreprise du payeur.

 

[28]         Les comptes de dépenses de l'appelante pour les mois de juillet, d'août et de novembre 2009 n'ont pas été remboursés par le payeur parce que dans les trois mois précédant une faillite, il n'est pas permis de verser des sommes d'argent aux personnes liées au payeur ou ayant un lien de dépendance avec le payeur. La faillite du payeur n'est survenue que le 23 novembre 2009. Comme le payeur avait déjà, à l'été 2009, de sérieuses difficultés financières et comme il n'était pas possible de prévoir la date exacte de la faillite, le payeur a vraisemblablement préféré ne pas rembourser immédiatement les comptes de dépenses de l'appelante pour les mois de juillet et août 2009 pour s'assurer de respecter les exigences de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

 

[29]         L'allégation retenue par le ministre à l'effet que les autres employés du payeur qui ont encouru des dépenses dans le cadre de leur emploi ont été remboursés ne semble pas être exacte car, selon le témoignage de monsieur Pelchat, aucun autre employé n'avait le droit de se faire rembourser les dépenses encourues dans le cadre de son emploi.

 

[30]         Exception faite des comptes de dépenses non remboursés, l'appelante a été traitée comme les autres employés en ce sens que sa dernière semaine de travail avant la faillite n'a pas été payée et qu'elle n'a pas reçu son 4%.

 

[31]         L'analyse des comptes de dépenses de l'appelante produits auprès du syndic de faillite a démontré que les dépenses encourues par l'appelante étaient variées mais n'étaient généralement pas incompatibles avec les fonctions exercées par l'appelante auprès du payeur. Au surplus, les montants de ces dépenses m'apparaissent être raisonnables dans les circonstances.

 

[32]         Le troisième motif invoqué par le ministre pour justifier sa décision est que l'appelante a travaillé entre 30 et 40 heures par semaine durant la période estivale sans être payée à effectuer des tâches normalement effectuées par les manœuvres ou les contremaîtres, soit les tâches reliées à toutes les étapes d'installation et de démontage de chapiteaux.  Selon le rapport de l'agente des appels, l'appelante remplaçait des employés absents de façon quotidienne et qu'elle le faisait dans le but d'aider l'actionnaire qui était aux prises avec des absences répétées de la part de ses employés.

 

[33]         Concernant le nombre d'heures effectuées par l'appelante sans rémunération, l'agente des appels a fait référence au fait que le nombre exact d'heures effectuées par l'appelante n'était pas connu et qu'il y avait des contradictions dans les informations fournies par les parties. De plus, le payeur ne retenait aucun registre pour les heures effectuées par l'appelante. À l'audience, l'appelante a soutenu qu'elle travaillait un soir par semaine et un jour la fin de semaine et ce, aux deux semaines seulement.

 

[34]         Concernant les tâches exécutées, l'appelante a minimisé son rôle lors de l'audience en invoquant le fait qu'elle n'avait pas les cartes de compétence requises pour conduire les camions et la machinerie utilisée pour monter et démonter les chapiteaux et qu'elle n'avait pas la capacité physique pour remplacer les employés du payeur qui étaient tous de sexe masculin. De plus, les tâches exécutées par l'appelante dans le cadre des heures supplémentaires n'étaient d'aucune façon reliées à ses fonctions en tant que représentante des ventes du payeur.

 

[35]         Selon la preuve, les heures supplémentaires exécutées par l'appelante ont été faites sur une base volontaire et de façon bénévole dans le but d'accompagner et d'aider son conjoint. Ces services ont été rendus par l'appelante en sa qualité de conjointe de fait et d'épouse de l'actionnaire du payeur et non pas en tant qu'employée du payeur.

 

[36]         Sur la base de ce qui précède, la conclusion du ministre ne m'apparaît pas raisonnable. Les faits retenus par le ministre n'ont pas été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus.

 

[37]         Pour ces motifs, l'appel est accueilli et la détermination du ministre est infirmée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d’août 2011.

 

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                2011 CCI 384

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :   2010-3152(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :           Shirley Roy c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :              Le 15 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :    L’honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 23 août 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

 

L’appelante elle‑même

Avocate de l’intimé :

Me Ilinca Ghibu

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

      

      

       Pour l’intimé :                         Myles J. Kirvan

                                                     Sous-procureur général du Canada

                                                     Ottawa, Canada

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