Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2006-3802(IT)G

2006-3801(GST)I

ENTRE :

DELSO RESTORATION LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Requête entendue avec les requêtes de Domenic Eramo

(2006-3600(IT)G) et de Natalie Eramo (2006-3599(IT)I)

le 12 août 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocates de l’appelante :

Me A. Christina Tari

Me Leigh Somerville Taylor

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Bobby Sood

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          Sur requête présentée par l’appelante;

 

          Après avoir entendu les parties;

 

Conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints, la requête est rejetée. Les dépens suivront l’issue de l’affaire.

 

 

 

Signée à Ottawa (Ontario), ce 20e jour de septembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de décembre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Dossier : 2006-3600(IT)G

ENTRE :

DOMENIC ERAMO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

 

Requête entendue avec les requêtes de Delso Restoration Ltd.

(2006-3802(IT)G et 2006-3801(GST)I) et de Natalie Eramo

 (2006-3599(IT)I) le 12 août 2009, à Toronto (Ontario).  

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocates de l’appelant :

Me A. Christina Tari

Me Leigh Somerville Taylor

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Bobby Sood

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          Sur requête présentée par l’appelant;

 

          Et après avoir entendu les parties;

 

Conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints, la requête est rejetée. Les dépens suivront l’issue de l’affaire.

 

 

 

Signée à Ottawa (Ontario), ce 20e jour de septembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de décembre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Dossier : 2006-3599(IT)I

ENTRE :

NATALIE ERAMO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

 

Requête entendue avec les requêtes de Delso Restoration Ltd.

(2006-3802(IT)G et 2006-3801(GST)I) et de Domenic Eramo

(2006-3600(IT)G) le 12 août 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocates de l’appelante :

Me A. Christina Tari

Me Leigh Somerville Taylor

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Bobby Sood

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          Sur requête présentée par l’appelante;

 

          Et après avoir entendu les parties;

 

Conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints, la requête est rejetée. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

 

 

Signée à Ottawa (Ontario), ce 20e jour de septembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de décembre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2011 CCI 435

Date : 20110920

Dossiers : 2006-3802(IT)G, 2006-3801(GST)I

2006-3600(IT)G

                   2006-3599(IT)I

ENTRE :

DELSO RESTORATION LTD.,

DOMENIC ERAMO,

NATALIE ERAMO,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

MOTIFS DES ORDONNANCES

 

Le juge Jorré

 

Introduction

 

[1]             Les appelants ont demandé à la Cour de se prononcer, avant l’audience, sur des questions en vertu de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), à savoir :

 

a)    Les cotisations établies à l’égard de Domenic Eramo et de Natalie Eramo, qui font l’objet de ces appels, sont‑elles permises par le paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), dans sa version modifiée, comme l’allègue l’intimée?

b)    Les cotisations établies à l’égard de M. et Mme Eramo, qui font l’objet de ces appels, sont‑elles permises par le paragraphe 56(2) de la Loi, comme l’allègue l’intimée?

 

[2]             Aucune de ces questions n’a d’incidences sur les deux appels relatifs à Delso Restoration Ltd. (« Delso »), dont l’un a trait à l’impôt sur le revenu et l’autre, à la TPS.

 

[3]             Sauf indication contraire, dans les présents motifs, l’analyse a trait aux appels de M. et Mme Eramo.

 

Contexte

 

[4]             Selon les actes de procédure, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi des nouvelles cotisations aux appelants relativement à leur année d’imposition 1995 en se fondant notamment sur les hypothèses suivantes[1] :

 

a)    M. et Mme Eramo étaient respectivement propriétaires de 80 % et de 20 % de Nadome Investments Ltd, société qui est elle‑même la société mère de Delso.

b)    Delso a payé diverses rénovations apportées à la résidence de M. et Mme Eramo, ainsi que les travaux d’aménagement paysager faits à la résidence des parents de M. Eramo et a déduit ces coûts dans le calcul de ses dépenses.

c)    Ces dépenses d’environ 90 000 $, plus la TPS, ne visaient pas à produire un revenu.

d)    Conformément aux instructions de M. et Mme Eramo, les factures pour les travaux de rénovation ont été adressées à Delso et ont été falsifiées afin de faire passer les coûts de rénovation pour des dépenses d’entreprise véritables.

e)    Les coûts des rénovations représentaient des dépenses personnelles et des frais de subsistance de M. et Mme Eramo.

f)     Delso n’a apporté aucune correction aux comptes de prêts des actionnaires.

g)    Ni M. ni Mme Eramo n’ont inclus de montant dans le calcul de leur revenu à l’égard des avantages tirés des travaux de rénovation et d’aménagement paysager.

 

[5]             Dans les réponses à l’avis d’appel, le ministre allègue aussi que M. et Mme Eramo n’ont déclaré aucun avantage relativement aux montants que Delso leur a attribués ou conférés pour les dépenses de rénovation et autres dépenses personnelles[2].

 

[6]             Le ministre a inclus dans le revenu de M. Eramo un avantage égal à 80 % des dépenses et, dans le cas de Mme Eramo, un avantage égal à 20 % des dépenses.

 

[7]             Dans les parties des réponses comportant des observations, l’intimée fait valoir que M. et Mme Eramo on reçu [traduction] « […] des avantages que Delso leur a attribués ou conférés, mais qu’il [elle] n’a pas inclus dans son revenu pour cette année. Le ministre a établi à juste titre une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 1995 de l’appelant [de l’appelante] de manière à inclure les [...] avantages non déclarés dans son revenu, conformément aux paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi. »[3]

 

[8]             Le ministre a refusé la déduction des dépenses de rénovation et d’aménagement paysager demandée par Delso.

 

[9]             Les quatre avis d’appel soulèvent diverses autres questions, dont des violations alléguées à la Charte et la question de savoir si l’année d’imposition de 1995 est frappée de prescription.

 

Analyse

 

L’article 58

 

[10]        L’article 58 des Règles est ainsi rédigé :

 

58(1) Une partie peut demander à la Cour,

 

a) soit de se prononcer, avant l’audience, sur une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait soulevée dans une instance si la décision pourrait régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l’audience ou résulter en une économie substantielle des frais;

 

b) soit de radier un acte de procédure au motif qu’il ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel,

 

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

 

(2) Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande,

 

a) présentée en vertu de l’alinéa (1)a), sauf avec l’autorisation de la Cour ou le consentement des parties;

 

b) présentée en vertu de l’alinéa (1)b).

 

(3) L’intimée peut demander à la Cour le rejet d’un appel au motif que,

 

a) la Cour n’a pas compétence sur l’objet de l’appel;

 

b) une condition préalable pour interjeter appel n’a pas été satisfaite;

 

c) l’appelant n’a pas la capacité légale d’intenter ou de continuer l’instance,

 

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

 

[11]        Il est bien établi en droit que l’article 58 ne vise pas à accorder le droit, aisé à faire valoir, de faire régler des questions litigieuses et complexes et que l’article est de nature discrétionnaire[4].

 

[12]        Il existe une abondante jurisprudence favorable à la proposition qu’il ne doit exister aucun litige factuel[5], quoique cette jurisprudence soit en grande partie antérieure aux modifications apportées en 2004, par lesquelles les mots suivants ont été ajoutés à l’alinéa 58(1)a) : « une question de fait ou une question de droit et de fait ».

 

[13]        Compte tenu de cette modification, l’existence d’un litige factuel ne saurait constituer un obstacle absolu à ce qu’une décision soit fondée sur l’article 58[6].

 

[14]        Cependant, l’existence d’un ou de plusieurs faits contestés sera toujours pertinente relativement à la question de savoir si la décision abrégera substantiellement l’audience ou entraînera une économie substantielle.

 

[15]        En l’espèce, je suis convaincu qu’il existe des litiges factuels importants entre les parties, même si l’on exclut toutes les autres questions soulevées par M. et Mme Eramo, sauf celles relatives aux paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi. En ce qui concerne les actes de procédure, M. et Mme Eramo n’ont pas admis les hypothèses de fait et les allégations du ministre relativement aux paragraphes 15(1) et 56(2)[7].

 

[16]        Cependant, dans l’arrêt Canada c. Webster[8], le juge Rothstein, s’exprimant pour la majorité de la Cour d’appel fédérale, écrit au paragraphe 5 :

 

[5]        Dans l’arrêt Berneche, au paragraphe 7, le juge Mahoney faisait observer que le premier volet de la condition (absence d’un différend sur un fait essentiel) prend souvent la forme d’une entente ou d’un aveu sur des points de fait. Cependant, une entente n’est pas requise. Le juge des requêtes peut conclure qu’aucun fait essentiel n’est contesté, et cette conclusion peut être tirée de l’ensemble des actes de procédure de l’intimé dans la requête, à supposer que ce qui a été plaidé est véridique, cas assimilable à celui d’une requête en radiation d’une déclaration pour le motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable. […][9]

 

[17]        Bien que cela ne soit pas dit explicitement dans la requête, manifestement, il est implicite dans les moyens énoncés dans la requête[10], ainsi que dans les arguments invoqués par M. et Mme Eramo à l’appui de la requête[11], que les appelants sont disposés, aux fins de la requête, à accepter que les faits allégués dans les réponses soient considérés comme vrais.

 

[18]        Je tiendrai pour acquis que M. et Mme Eramo ont, aux fins de la requête, admis les allégations et les hypothèses énoncées dans les réponses.

 

[19]        Étant donné les commentaires extraits de l’arrêt Webster, précité, je ne vois aucune raison pour laquelle l’absence d’une entente entre les parties sur les faits pertinents ferait obstacle, à elle seule, à une décision de droit lorsqu’une partie est disposée à accepter, aux fins de la requête, les allégations faites par l’autre partie, comme c’est le cas en l’espèce.

 

[20]        Cependant, pour des raisons qui deviendront manifestes ci‑dessous, il n’est pas, en fait, nécessaire que je tranche ce point et je choisis de ne pas le faire.

 

[21]        À supposer que les allégations de l’intimée sont vraies, si la réponse aux deux questions proposées est négative, alors les réponses ne révéleront aucun moyen valable pour justifier les cotisations en cause, ce qui pourrait mettre fin aux litiges[12].

 

[22]        Une exigence majeure prévue à l’article 58 est que la décision « [puisse] régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l’audience ou résulter en une économie substantielle des frais ». (Je ferai référence à tous les mots cités ci‑dessus par « abréger l’audience »).

 

[23]        Il convient, en conséquence, à cette fin, de demander s’il est probable que la décision abrège l’audience.

 

[24]        En l’espèce, si la réponse à l’une ou l’autre question était affirmative, alors le litige ne serait pas substantiellement abrégé, car il serait nécessaire de considérer tous les éléments de preuve ayant trait aux avantages conférés ainsi que toutes les autres questions soulevées dans les avis d’appel qui ne concernent pas les paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi[13].

 

[25]        En conséquence, pour répondre à la question : « la décision abrégera-t‑elle l’audience? », il faut examiner le droit relatif aux deux questions proposées, en considérant comme vraies aux fins de la requête les allégations et les hypothèses formulées dans les réponses.

 

[26]        Je commencerai par le paragraphe 56(2) de la Loi[14].

 

[27]        Essentiellement, l’argument de M. et Mme Eramo en ce qui a trait à la question portant sur le paragraphe 56(2) est qu’il y a, outre les quatre conditions généralement admises, une cinquième condition à l’application du paragraphe 56(2).

 

[28]        Les quatre conditions généralement admises sont :

 

1)      le paiement doit être fait à une autre personne que le contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

2)      l’attribution doit être faite suivant les instructions ou avec l’accord du contribuable visé par la nouvelle cotisation;

3)      le paiement doit être fait au profit du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d’avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder à cette autre personne;

4)      le paiement aurait été inclus dans le revenu du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie si ce dernier l’avait reçu lui-même[15].

 

[29]        M. et Mme Eramo soutiennent que la cinquième condition est que le paragraphe 56(2) ne s’applique que lorsque l’avantage conféré n’est pas imposable pour le cessionnaire. Plus précisément, ils font valoir que le paragraphe 56(2) ne s’applique pas parce que les paiements sont imposables pour les entrepreneurs.

 

[30]        Il est traité de cette condition supplémentaire dans l’arrêt Smith c. M.R.N.[16], dans lequel le juge Mahoney, s’exprimant pour la Cour d’appel fédérale, écrit aux pages 262 et 263 :

 

[…] Cependant l’affaire n’est pas résolue pour autant. La décision rendue par notre Cour dans l’affaire Winter après le jugement de première instance en l’espèce, a ajouté une autre condition préalable à l’application du paragraphe 56(2), laquelle condition me paraît applicable en l’espèce.

 

Il a été juge dans Winter, en page 6684, que :

 

[…] la validité d’une cotisation établie en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi, dans le cas où le contribuable lui-même n’avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, est assujettie à une condition implicite, soit celle que le bénéficiaire ou le cessionnaire n’ait pas été assujetti à l’impôt sur l’avantage qu’il a reçu.

 

Cette conclusion, qui n’a que valeur d’observation incidente pour ce qui est de l’issue de la cause, était fondée sur l’analyse faite par le juge Marceau, J.C.A., un paragraphe plus haut:

 

Il est couramment admis que la disposition prévue au paragraphe 56(2) est fondée sur la doctrine de la « recette présumée » et qu’elle vise principalement les cas où le contribuable cherche à éviter de recevoir ce qui serait, entre ses mains, un revenu en s’arrangeant pour que le montant soit versé à quelqu’un d’autre, et ce pour son propre bénéfice (par exemple, pour éteindre une dette) ou pour le bénéfice de cette autre personne (voir les motifs du juge Thurlow dans l’arrêt Miller, précité, et ceux du juge Cattanach dans l’arrêt Murphy, précité). Il ne fait aucun doute cependant que le libellé de la disposition ne permet pas d’en limiter l’application à de tels cas patents d’évitement fiscal. L’arrêt Bronfman, qui a confirmé la cotisation, établie en vertu de la disposition de l’ancienne loi qu’a reprise le paragraphe 56(2), d’un actionnaire d’une société privée, à l’égard de dons que la société avait faits régulièrement pendant plusieurs années à des membres de sa famille, est généralement cité comme autorité pour dire que la disposition s’applique, que la personne imposée ait un droit ou non sur le versement effectué ou sur le bien transféré. Cette jurisprudence ne me semble pas tellement convaincante dans la mesure où les dons faits par une société proviennent des bénéfices sur lesquels les actionnaires ont un droit éventuel. Le fait néanmoins demeure que le libellé même de la disposition n’exige pas, comme condition d’application, que le contribuable ait initialement eu droit au montant versé ou au bien transféré au tiers; mais uniquement que le contribuable ait été lui-même imposable à cet égard si le versement ou le transfert avait été fait à lui. Il me semble cependant que lorsque la doctrine de la « recette présumée » n’est pas clairement en cause, parce que le contribuable n’avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, il n’est que juste d’inférer que le paragraphe 56(2) ne peut recevoir application que si l’avantage accordé n’est pas directement imposable entre les mains du cessionnaire. En effet, selon moi, une disposition en matière d’évitement fiscal revêt un caractère essentiellement subsidiaire, sa raison d’être est d’empêcher l’évitement de l’impôt payable sur une opération donnée, et non de doubler l’impôt normalement payable ni d’accorder aux autorités fiscales une discrétion administrative qui leur permettrait de choisir entre deux contribuables possibles.

 

                    [Non souligné dans l’original.]

 

Bien que je sois enclin à distinguer l’affaire en instance de la cause Allan Bronfman par des motifs supplémentaires ou différents, vu que les actionnaires ont clairement profité de ce que les cadeaux aient été payés par la compagnie au moyen de bénéfices avant impôt au lieu d’être payés par eux-mêmes au moyen de leur propre argent après impôt, je partage cette analyse. L’« assujettissement à l’impôt sur l’avantage reçu » signifie que celui-ci doit être inclus dans le calcul du revenu imposable du bénéficiaire.

 

[31]        Pour bien analyser l’application du paragraphe 56(2), il est important de mettre l’accent sur la troisième condition : « […] fait au profit du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d’avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder à cette autre personne » [non souligné dans l’original]. Le paragraphe 56(2) vise le fait d’accorder un avantage à une personne.

 

[32]        Il convient aussi de garder à l’esprit l’objet du paragraphe 56(2), que la Cour suprême du Canada a expliqué dans l’arrêt Canada c. McClurg[17] :

 

Le paragraphe 56(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu

 

Il est utile, pour tenter de découvrir l’objet du par. 56(2), de se reporter à la jurisprudence traitant de ce paragraphe. Une décision ancienne concernant la disposition qui a précédé le par. 56(2), l’arrêt Miller c. M.N.R., 62 D.T.C. 1139 (C. de l’É.) constitue un excellent point de départ. Dans cette affaire, le juge Thurlow, alors juge puîné, a fait lors de son examen du par. 16(1) de la Loi quelques observations générales, à la p. 1147, encore pertinentes aujourd’hui, sur l’objet de cette disposition, c.‑à‑d. empêcher l’évitement fiscal :

 

[traduction] À mon avis, l’art. 16(1) vise les cas où un contribuable cherche à éviter de recevoir ce qui, entre ses mains, serait un revenu lorsqu’il fait en sorte que le montant soit reçu par une autre personne dont il souhaite qu’elle tire un avantage ou par une autre personne pour son propre avantage. La portée de ce paragraphe n’est pas équivoque, car on ne peut prétendre qu’un contribuable qui conclut un contrat commercial à titre onéreux avec une autre personne lui accorde un avantage au sens du paragraphe.

 

Le juge Strayer fait observer, à la p. 4, relativement à l’affaire Miller :

 

Deux réserves importantes sont mises en évidence ici. En premier lieu, le contribuable doit avoir cherché « à éviter de recevoir » un revenu qui lui aurait censément été payé. En second lieu, la distinction est faite entre le concept de versement d’un « avantage » et le paiement fait pour une contrepartie suffisante.

 

À mon avis, les points de vue des juges Thurlow et Strayer constituent un bon point de départ pour l’interprétation du par. 56(2). Ce paragraphe vise manifestement à empêcher le contribuable d’éviter le paiement de l’impôt en versant à un tiers les recettes qu’il aurait autrement touchées. Je suis d’accord avec la qualification de l’objet de cette disposition faite par les juges Thurlow et Strayer et, plus particulièrement, je conviens avec eux qu’on ne peut raisonnablement croire que le législateur a voulu que cette disposition s’applique aux avantages conférés moyennant une contrepartie suffisante dans le cadre d’une relation d’affaires légitime.

 

[33]        Dans l’arrêt M.R.N. c. Neuman[18], la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il n’était pas généralement requis qu’il soit satisfait à une cinquième condition.

 

[34]        Les circonstances qui étaient en cause dans les arrêts Outerbridge Estate c. Canada[19] et Smith sont importantes.

 

[35]        Dans l’affaire Outerbridge, sir Leonard Outerbridge a fait en sorte qu’une société qu’il contrôlait vende des actions à son gendre à un prix inférieur à leur juste valeur marchande. L’appelant soutenait que son gendre devait payer l’impôt relativement à l’avantage en application du paragraphe 15(1) et que la loi ne visait pas à imposer l’avantage deux fois.

 

[36]        Quoique la Cour d’appel fédérale ait conclu que le gendre de l’appelant n’était pas assujetti à l’impôt en vertu du paragraphe 15(1) parce que l’avantage lui avait été conféré en sa qualité de gendre, elle a admis le principe selon lequel, si le gendre avait reçu l’avantage en sa qualité d’actionnaire, le paragraphe 15(1) se serait appliqué à lui et le paragraphe 56(2) ne se serait pas appliqué à sir Leonard Outerbridge. La Cour d’appel était convaincue que ce qui avait été conféré était un avantage.

 

[37]        Dans l’affaire Smith, les faits étaient un peu plus compliqués. Cependant, il ressort clairement du jugement rendu par le juge Addy au procès[20] qu’il avait été conclu, en ce qui a trait aux montants que la Cour d’appel jugeait imposables, que ces montants avaient été reçus à titre d’avantages par le cessionnaire « Holiday 77 »[21]. Cette conclusion a été confirmée en appel.

 

[38]        Dans Smith, à la page 263[22], la Cour d’appel a également conclu que les montants reçus à titre d’avantages par le cessionnaire « Holiday 77 » étaient imposables. Le cessionnaire n’avait pas gagné, à titre de contrepartie pour des services rendus ou des biens fournis, les montants qu’il avait reçus.

 

[39]        Dans les affaires Outerbridge et Smith, les paiements aux cessionnaires constituaient des avantages imposables parce que les paiements n’avaient pas été faits « moyennant une contrepartie suffisante dans le cadre d’une relation d’affaires légitime »[23].

 

[40]        Dans les affaires Outerbridge et Smith, le bénéficiaire du paiement ou du bien se trouvait être également la personne à qui un avantage était conféré[24].

 

[41]        Lorsque le bénéficiaire du paiement ou du bien transféré reçoit simplement le paiement à titre de contrepartie suffisante (pour la fourniture de biens ou de services), aucun avantage n’est conféré au bénéficiaire du paiement.

 

[42]        Ces circonstances factuelles aident à comprendre l’arrêt Smith, à la page 263[25] :

 

[…] que le paragraphe 56(2) ne peut recevoir application que si l’avantage accordé n’est pas directement imposable entre les mains du cessionnaire. En effet, selon moi, une disposition en matière d’évitement fiscal revêt un caractère essentiellement subsidiaire, sa raison d’être est d’empêcher l’évitement de l’impôt payable sur une opération donnée, et non de doubler l’impôt normalement payable ni d’accorder aux autorités fiscales une discrétion administrative qui leur permettrait de choisir entre deux contribuables possibles.

 

[…] L’« assujettissement à l’impôt sur l’avantage reçu » signifie que celui-ci doit être inclus dans le calcul du revenu imposable du bénéficiaire.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Il est clair que l’expression « celui‑ci », à l’avant-dernière ligne du passage cité, se rapporte au mot « avantage ».

                   

[43]        Comme il est dit dans McClurg : « Ce paragraphe vise manifestement à empêcher le contribuable d’éviter le paiement de l’impôt en versant à un tiers les recettes qu’il aurait autrement touchées »[26]. Si la « cinquième condition » dans Outerbridge et dans Smith était que le paragraphe 56(2) ne s’applique pas lorsque le bénéficiaire du paiement est tenu d’inclure le paiement dans son revenu, alors le paragraphe serait en grande partie sans effet.

 

[44]        Il est facile d’illustrer cette conclusion par l’exemple suivant. « A »[27] fait en sorte que la société « X » effectue un paiement à la société « Y », un magasin d’équipements électroniques, pour l’achat d’un téléviseur devant être livré à « A ». Comme « Y » vend le téléviseur dans le cours normal de ses activités, elle doit inclure le produit de la vente dans le calcul de son revenu imposable, et le paragraphe 56(2) ne s’appliquerait pas si l’interprétation correcte était que le paragraphe 56(2) ne s’applique pas lorsque le bénéficiaire doit payer l’impôt. Cela serait tout à fait contraire à l’objet de cette disposition, objet que la Cour suprême du Canada a énoncé dans l’arrêt McClurg.

 

[45]        Le paragraphe 56(2) ne se prête nullement à une telle interprétation. Dans les arrêts Outerbridge et Smith, il n’était pas nécessaire de distinguer (i) le bénéficiaire du paiement (ou le cessionnaire du bien) de (ii) la personne à qui l’avantage était destiné; ceux‑ci représentaient une seule et même personne dans chacune de ces affaires. La distinction n’était donc pas nécessaire.

 

[46]        Cependant, lorsque le bénéficiaire et la personne à qui l’avantage est destiné ne sont pas la même personne, il apparaît manifestement, à la lumière du libellé du paragraphe 56(2) et du passage de l’arrêt McClurg cité précédemment au sujet de l’objet de cette disposition, qu’il convient, dans des circonstances comme celles de la présente espèce, de reformuler de la manière suivante la condition supplémentaire, la cinquième condition :

 

1.    si les quatre premières conditions sont remplies;

2.    si le contribuable n’a aucun droit antérieur au paiement ou au bien;

3.    si un avantage est conféré à une autre personne que le contribuable;

4.    si l’avantage est imposable à titre d’avantage entre les mains de cette autre personne en application d’une autre disposition de la Loi;

 

alors, l’avantage conféré n’est imposable qu’une fois, entre les mains du bénéficiaire réel de l’avantage (cette autre personne). L’avantage ne peut être rendu imposable une deuxième fois en application du paragraphe 56(2).

 

[47]        Cela est parfaitement conforme à l’objet du paragraphe 56(2), énoncé dans l’arrêt McClurg, précité. Le contribuable qui achète un cadeau pour son enfant et le paie avec une somme provenant d’une société dont il est propriétaire doit payer l’impôt à l’égard de cette somme, malgré le fait que le fournisseur du cadeau devra payer l’impôt sur le produit de la vente du cadeau au contribuable dans le cadre des activités normales de son entreprise.

 

[48]        Dans le même ordre d’idées, en application du paragraphe 56(2), le contribuable qui donne l’instruction à une société d’acheter un cadeau à son enfant et de l’envoyer à l’enfant doit payer l’impôt sur la somme dépensée par la société; le fait que le fournisseur du cadeau doit payer l’impôt sur le produit de la vente du cadeau ne modifie nullement cette responsabilité du contribuable[28].

 

[49]        La présente affaire est très différente de l’affaire Outerbridge, dans laquelle, si le gendre avait été assujetti à l’impôt en sa qualité d’actionnaire, le même avantage aurait pu[29] être imposable deux fois[30].

 

[50]        En l’espèce, aucun avantage n’a été conféré aux entrepreneurs qui ont rénové ou amélioré la résidence de M. et Mme Eramo ou aux entrepreneurs qui ont fait les travaux d’aménagement paysager à la maison des parents de M. Eramo. Les bénéficiaires de ces avantages étaient M. et Mme Eramo ainsi que les parents de M. Eramo.

 

[51]        Les entrepreneurs ont simplement reçu des paiements pour des services fournis dans le cours normal des activités de leurs entreprises.

 

[52]        En conséquence, dans la mesure où il existe une cinquième condition, elle ne s’applique pas en l’espèce, étant donné les faits que je dois supposer.

 

[53]        En ce qui concerne le paragraphe 56(2), les appelants ont fait valoir l’argument supplémentaire que, au vu des actes de procédure de l’intimée, la quatrième condition n’était pas remplie, car l’intimée n’avait pas plaidé que les sommes en cause auraient été incluses dans le revenu de M. et Mme Eramo si elles avaient été reçues par ces derniers.

 

[54]        La difficulté découlant de cette observation est la suivante.

 

[55]        Aux présentes fins, je dois supposer qu’il ne s’agit pas d’avantages conférés à un actionnaire[31] ou à un employé[32], avantages qui seraient tous imposables si telle était leur nature. Si l’on tient les allégations de l’intimée comme acquises, M. et Mme Eramo ont tiré indirectement 90 000 $ de Delso à leur profit[33] en lui faisant payer les travaux de rénovation et d’aménagement paysager.

 

[56]        Aux fins de la quatrième condition, il convient d’analyser la situation comme si M. et Mme Eramo avaient eux‑mêmes reçu les 90 000 $ au lieu que cette somme fût payée aux entrepreneurs.

 

[57]        Si M. et Mme Eramo avaient reçu les 90 000 $, cette somme n’aurait pas pu constituer le remboursement d’un prêt ou le remboursement du capital-actions et cela n’aurait pas pu non plus être un gain provenant de la cession de quelque chose à la société[34].

 

[58]        En fait, M. et Mme Eramo se seraient purement et simplement approprié directement des actifs de la société, actifs sur lesquels ils n’avaient aucun droit.

 

[59]        Comme toute société, Delso a une personnalité juridique à part entière. Le fait que M. et Mme Eramo soient propriétaires, directement ou indirectement, de Delso ne leur confère nullement le droit de simplement s’approprier le moindre actif de la société. Pour qu’ils acquièrent validement un actif de la société, une décision valide de la société doit avoir été prise pour donner lieu au transfert de l’actif.

 

[60]        Par exemple, la société doit prendre la décision d’effectuer un remboursement de capital, le paiement de dividendes, un prêt à quelqu’un ou le paiement de primes à des employés, etc. De telles décisions sont normalement consignées de quelque manière et figurent dans les dossiers de la société. Par exemple, un prêt à un actionnaire est enregistré dans un compte de prêt de l’actionnaire.

 

[61]        En l’espèce, sur le fondement des allégations que je dois considérer comme avérées aux présentes fins, il n’y a rien de semblable. Des factures auraient été falsifiées pour camoufler l’objet des paiements. Étant donné leurs obligations en droit des sociétés envers la société, les appelants ne pouvaient pas validement agir au nom de celle‑ci, même s’ils en sont des dirigeants, en faisant des paiements justifiés par des fausses factures occultant le fait qu’ils bénéficiaient de ces paiements.

 

[62]        En conséquence, s’il est avéré que les appelants se sont approprié les 90 000 $ directement, il est impossible, dans de telles circonstances, qu’ils l’aient fait en qualité de dirigeants, d’employés ou d’actionnaires; ils l’ont fait en qualité de particuliers sans que la société n’ait validement autorisé un tel paiement dans la perspective du droit des sociétés.

 

[63]        L’actif qu’une personne s’approprie sans aucun droit légal constitue un revenu et est imposable. Le fait que M. et Mme Eramo puissent être légalement tenus de rendre compte du revenu à la société ne change rien au fait que les sommes qu’ils se sont appropriées constituent un revenu entre leurs mains[35].

 

[64]        En conséquence, des faits suffisants sont allégués dans les réponses pour satisfaire à la quatrième condition.

 

[65]        Il faut donc répondre à la deuxième question par l’affirmative : oui, le paragraphe 56(2) constitue un fondement pour les cotisations, en supposant que les allégations énoncées dans les réponses sont vraies.

 

[66]        Par conséquent, il est improbable que les décisions demandées abrègent substantiellement l’audience.

 

[67]        Dans les circonstances, étant donné cette conclusion, il n’est pas nécessaire que je tranche la première question[36].

 

Conclusion

 

[68]        En conséquence, il ne convient pas que la Cour se prononce sur la question et la requête sera rejetée.

 

[69]        Les dépens suivront l’issue de l’affaire.

 

 

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 20e jour de septembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de décembre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                               2011 CCI 435

 

No DU DOSSIER DE LA COUR : 2006-3802(IT)G, 2006-3801(GST)I

                                                       2006-3600(IT)G

                                                       2006-3599(IT)I               

 

INTITULÉ :                                    DELSO RESTORATION LTD.,

                                                       DOMENIC ERAMO,

                                                       NATALIE ERAMO

                                                       c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)  

                                                      

DATE DE L’AUDIENCE :            Le 12 août 2009

 

MOTIFS DES ORDONNANCES :   L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DES ORDONNANCES :    Le 20 septembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocates des appelants :

Me A. Christina Tari

Me Leigh Somerville Taylor

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Bobby Sood

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                          Nom :                   A. Christina Tari

 

                            Cabinet :             Richler and Tari

                                                       Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                        Myles J. Kirvan

                                                       Sous-procureur général du Canada

                                                       Ottawa (Ontario)



[1]  Voir le paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel de M. Eramo et le paragraphe correspondant de la réponse à l’avis d’appel de Mme Eramo.

[2]  Ibidem, aux paragraphes 5 et 6, respectivement.

[3] Ibidem, aux paragraphes 11 et 12, respectivement.

[4] Voir, par exemple, l’arrêt Canada c. Jurchison, 2001 CAF 126, au paragraphe 8.

[5] Voir, par exemple, les arrêts McLarty c. Canada, 2002 CAF 206, au paragraphe 7, et Canada c. Webster, 2002 CAF 205, au paragraphe 8.

[6] L’alinéa 58(2)a) prévoit la possibilité de présenter des éléments de preuve. Je n’ai pas à trancher la question de savoir si l’article modifié prévoit la possibilité (i) que la Cour se prononce sur n’importe quel fait ou (ii) que la Cour se prononce seulement sur la conclusion de fait appropriée qui doit être tirée d’autres faits qui ne sont pas contestés.

[7] D’ailleurs, les avis d’appel n’en disent que très peu au sujet des faits auxquels les paragraphes 15(1) et 56(2) s’appliqueraient.

[8] Voir la note de bas de page 5.

[9] L’arrêt Webster a été rendu le même jour et par la même formation que l’arrêt McLarty, précité.

[10] Voir, plus précisément, les paragraphes 3 et 4 à la page 2 de la requête.

[11] Voir les observations écrites des appelants à l’onglet 13 du dossier de requête ainsi que le passage allant de la ligne 20 de la page 17 à la ligne 5 de la page 18 de la transcription.

[12] Quoiqu’elle n’ait pas été formulée ainsi, la requête ressemble beaucoup à une requête qui aurait été présentée en vertu de l’alinéa 58(1)b), visant à obtenir la radiation de la réponse « au motif qu’[elle] ne révèle aucun moyen raisonnable […] de contestation de l’appel ». Étant donné mes conclusions ci‑dessous, il ne sera pas nécessaire que je considère quelles conséquences auraient le fait de formuler la requête en vertu de l’alinéa 58(1)a) au lieu de 58(1)b).

[13] Si la réponse aux deux questions était négative, alors il est probable qu’il ne serait pas nécessaire de traiter de ces éléments de preuve et que la question serait réglée; cependant, il se peut qu’il existe d’autres considérations qui, à la lumière de mes conclusions ci‑dessous, n’ont pas à être prises en compte.

[14] Le paragraphe 56(2) est rédigé comme suit :

(2) Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l’accord d’un contribuable, à une autre personne au profit du contribuable ou à titre d’avantage que le contribuable désirait voir accorder à l’autre personne […] doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

[15] Voir l’arrêt Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770, au paragraphe 32.

[16] [1993] 2 C.T.C. 257.

[17]  [1990] 3 R.C.S. 1020, à la page 1051.

[18] [1996] 3 C.T.C. 270, aux pages 292 et 293. Dans l’arrêt Neuman de la Cour suprême du Canada (voir la note de bas de page 15), ce commentaire est noté au paragraphe 29; la Cour suprême n’a fait aucun autre commentaire sur ce point.

[19] [1991] 1 C.T.C. 113 (CAF), également cité sous l’intitulé Winter c. Canada.

[20] [1986] 1 C.T.C. 418 (C.F.P.I.).

[21] « Holiday 77 » n’avait fourni ni bien ni service à « Holiday 80 » relativement aux paiements en cause.

[22] Voir la note de bas de page 16.

[23] Voir l’arrêt McClurg (note de bas de page 17).

[24] Il convient de noter que, dans l’affaire Outerbridge et, plus généralement, lorsqu’une personne souhaite conférer un avantage à un ami ou un parent en faisant effectuer un paiement ou le transfert d’un bien à cet ami ou ce parent, par exemple en donnant l’instruction à une société de verser une somme, la personne qui donne l’instruction est tout autant le bénéficiaire que l’ami ou le parent; cela est vrai tant émotionnellement que financièrement (dans la mesure où c’est la société qui paie plutôt que la personne qui donne l’instruction de faire le paiement).

[25] Voir la note de bas de page 16.

[26] Voir la note de bas de page 17.

[27] En supposant que « A » n’est pas un actionnaire, un employé, un dirigeant ou un administrateur de « X ».

[28] Lorsqu’il est fourni au profit du contribuable lui‑même, l’alinéa 248(28)a) de la Loi fait que l’avantage ne peut être imposé deux fois en l’absence d’une intention évidente du législateur.

   Comme le paragraphe 56(2) ne vise que les avantages conférés sans une contrepartie suffisante (voir l’extrait de l’arrêt McClurg, précité), il ne semble pas que la cinquième condition puisse s’appliquer dans de nombreux cas.

[29] J’utilise « aurait pu », car il y a lieu de se demander si, dans les circonstances, la troisième condition aurait été remplie si la société avait, en bonne et due forme, décidé de conférer un avantage à un actionnaire et l’avait conféré.

[30] L’arrêt de la Cour d’appel fédérale, Lambert c. Canada, 2004 CAF 389, est tout à fait compatible avec cela. Dans l’affaire Lambert, un avantage avait été conféré à « Aviation » et cet avantage n’était pas imposable. Dans le même ordre d’idées, dans Peddle c. La Reine, 2004 CCI 226, la preuve qui était établie montrait qu’un versement de 7 000 $ à « Eagle », finalement exclu du revenu par le jugement, ne découlait pas d’une contrepartie quelconque donnée par « Eagle » à « Riverside », en conséquence de quoi la question se posait de savoir si l’avantage reçu par « Eagle » était imposable entre ses mains.

[31] À l’audience, il s’est produit une controverse sur la façon dont je devais interpréter les actes de procédure et sur la question de savoir si je devais inférer des réponses que les appelants étaient des actionnaires. Cependant, je n’ai pas à trancher ce point. Je relève toutefois que, au paragraphe 6 de l’avis d’appel de Mme Eramo, il est allégué qu’elle n’est pas propriétaire d’actions dans Delso et qu’elle n’est pas une dirigeante de Delso, allégation qui est niée dans la réponse de l’intimée. Dans le cas de M. Eramo, il allègue au paragraphe 4 de l’avis d’appel qu’il est un dirigeant de Delso, allégation qui est admise par l’intimée; M. Eramo n’a pas allégué qu’il n’était pas un actionnaire de Delso.

[32] Les appelants n’allèguent pas que les montants en cause sont des avantages conférés à des employés (ou à des dirigeants), ce qu’il leur faudrait alléguer et démontrer au procès. De plus, cela serait incompatible avec l’allégation de l’intimée dans les réponses selon laquelle les factures ont été falsifiées pour donner l’impression qu’il s’agissait de véritables dépenses d’entreprise.

[33] Ou au profit des parents de M. Eramo.

[34] Non seulement ces possibilités devraient être alléguées et démontrées par les appelants, mais elles sont manifestement incompatibles avec les allégations de l’intimée, notamment celles sur la falsification des factures afin d’occulter le véritable objet des paiements.

[35] Sur le fondement des faits allégués, l’appropriation du montant de 90 000 $ par M. et Mme Eramo impliquait une activité concertée. Ceux‑ci ont fait en sorte que la société conclue un contrat pour le travail, effectue les paiements nécessaires et falsifie les factures. Une telle activité concertée constitue, à tout le moins, un projet comportant un risque de caractère commercial et est à ce titre imposable.

   Quoique le contexte soit différent, l’assujettissement à l’impôt en l’espèce n’est en principe pas différent de celui qui existe lorsqu’un employé obtient des fonds à l’égard desquels il n’a aucun droit légal d’une société comme dans The Queen v. Poyton, [1972] C.T.C. 411 (Cour d’appel de l’Ontario). Il ressort clairement de l’arrêt Poyton que, même lorsqu’il existe une obligation de rendre compte des fonds, l’appropriation des fonds a néanmoins la nature d’un revenu. Étant donné la personnalité juridique distincte de Delso, le fait que M. et Mme Eramo en sont propriétaires indirectement, comme je l’ai indiqué ci‑dessus, ne change rien.

   Je note qu’il ressort clairement de l’arrêt Poynton que l’assujettissement à l’impôt de fonds obtenus au moyen d’une tentative réfléchie d’obtenir sans fondement légal des fonds d’une société ne dépend nullement de dispositions précises ayant trait aux avantages conférés aux employés, aux dirigeants, aux administrateurs ou aux actionnaires. Voir l’arrêt Poynton, aux pages 419 et 420 :

[Traduction]

Je suis d’avis que, dans le calcul du revenu, il n’y a aucune différence entre une somme d’argent et la valeur d’une somme d’argent. Il s’agit dans les deux cas d’avantages qui sont visés par le libellé des articles 3 et 5 de la Loi, c’est‑à‑dire des avantages que la partie intimée a reçus ou dont elle a joui au titre, dans l’occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi. Je ne crois pas que ces termes ne visent que les avantages liés à la charge ou à l’emploi en ce sens qu’ils représentent une forme de rémunération pour des services rendus. S’il s’agit d’une acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l’objet d’une exemption – par exemple, un prêt ou un cadeau – elle est alors visée par la définition globale de l’article 3.

 

Compte tenu de la conclusion qui précède, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner en détail l’alinéa 8(1)b) et le paragraphe 137(2). Ces dispositions semblent viser les situations où le contribuable obtient un avantage au su et avec le consentement du donateur-employeur, et elles ne trouvent nullement à s’appliquer dans la présente situation factuelle. M. Poynton n’a pas obtenu les avantages que l’appelante cherche à imposer, ils ne lui ont pas été conférés et ils ne les a pas reçus en sa qualité d’administrateur, de dirigeant ou d’actionnaire, mais en sa qualité de voleur.

                                                                                                [Non souligné dans l’original.]

Les passages soulignés montrent que l’assujettissement à l’impôt ne découlait pas de l’emploi de M. Poyton ou du fait qu’il était un administrateur.

   Le principe ne requiert pas qu’il y ait un vol; il s’applique également si quelque chose est acquis au moyen d’un effort concerté en l’absence d’un droit légal pour le faire.

   Étant donné les faits que je dois supposer, il se peut bien que, en l’espèce, les sommes appropriées soient assujetties à l’impôt même en l’absence du paragraphe 56(2), mais comme je n’étais pas saisi de cette question, je n’ai pas à la trancher.

[36] De même, il n’est pas nécessaire que je considère un certain nombre de questions soulevées. Par exemple, la question a été soulevée au début de l’audience de savoir si les parties avaient convenu entre elles que je pouvais rendre la décision sans décider d’abord si une décision devait être rendue. Les appelants sont d’avis qu’il y a eu une telle entente; l’intimée n’est pas de cet avis. Étant donné ma conclusion, cela est sans importance.

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