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Dossier : 2009-886(IT)G

ENTRE :

PAPIER DOMCO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 20 juin 2011, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Édouard Robert

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Dany Leduc

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JUGEMENT

L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2001 est accueilli, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de septembre 2011.

 

 

 

«Robert J. Hogan»

Juge Hogan

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 441

Date : 20110921

Dossier : 2009-886(IT)G

ENTRE :

PAPIER DOMCO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.             Introduction

 

[1]              Papier Domco inc. (l’« appelante ») interjette appel des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition terminées les 30 novembre 2000 et 2001. Ces cotisations furent établies suivant une vérification fiscale effectuée au cours de l’année 2001 par Revenu Québec (« Revenu Québec ») relativement à la TPS et à la TVQ pour la période du 1er décembre 1998 au 30 septembre 2001. 

 

[2]              La vérification de Revenu Québec a donné lieu à des cotisations en matière de TPS, de TVQ et de l’impôt sur le revenu provincial. À la suite d’un échange d’informations entre Revenu Québec et le ministre, ce dernier a établi les nouvelles cotisations en litige afin d’effectuer les mêmes changements que ceux apportés par Revenu Québec :

 


 

 

2000

2001

Augmentation des revenus d’entreprise

128 353 $

s.o.

Pénalité du paragraphe 163(2) LIR

10 689 $

s.o.

Refus d’un report de pertes autres que des pertes en capital

s.o.

10 964 $

 

II.      Sommaire des faits

 

[3]              L’appelante exploite une imprimerie dans la région de Blainville, au Québec. Dominic Cayer, le président et l’unique actionnaire de l’appelante, a témoigné que jusqu’au 30 novembre 2000, l’entreprise utilisait pour ses activités une presse à deux couleurs, achetée en 1997 au prix de 285 000 $. Depuis, l’industrie de l’impression a évolué rapidement, et les presses à quatre et à six couleurs sont devenues populaires.

 

[4]              M. Cayer a expliqué que les presses à quatre couleurs peuvent effectuer le même nombre d’impressions qu’une presse à deux couleurs en moins de temps, puisque, dans le cas d’impression en quatre couleurs, les documents doivent passer deux fois dans la presse à deux couleurs et une fois dans la presse à quatre couleurs.

 

[5]              À l’automne 2000, M. Cayer a contacté Jean-Jacques Charbonneau, le président de Multidick inc. (« Multidick ») pour s’informer du prix d’une presse à quatre couleurs d’occasion. M. Charbonneau lui expliqua que Multidick avait fait l’acquisition d’une presse Komori à quatre couleurs à la suite d’une reprise de possession. Multidick était prête à la revendre pour 385 000 $ plus taxes.

 

[6]              M. Cayer a témoigné qu’il a communiqué avec GE Capital Canada inc. (« GE Capital ») pour s’informer des modalités de financement. Selon lui, GE Capital était prête à financer une vente conditionnelle, à condition que l’appelante verse un acompte de 82 846 $ pour la presse et qu’elle dépose des états financiers pour l’exercice en cours afin de démontrer qu’elle pouvait rembourser le capital et les intérêts du prêt. L’état des résultats de l’appelante pour la période terminée le 30 novembre 1999 indique un bénéfice net de seulement 26 110 $. Afin d’embellir les états financiers de l’appelante à l’égard de l’exercice en cours, M. Cayer décida d’indiquer qu’elle avait vendu à Multidick sa presse Komori à deux couleurs au prix de 130 000 $. M. Cayer a admis que Multidick ne s’était pas engagée à acheter la presse, mais simplement à lui venir en aide afin de trouver un acheteur. M. Cayer expliqua que les vérificateurs ont exigé à la fin de l’exercice 2000 qu’il contrepasse la vente dans ses livres, puisque la presse n’avait pas été vendue.

 

[7]              Selon le témoin, l’écart de 128 353 $ constaté par Revenu Québec et le ministre entre les ventes indiquées à son journal des ventes et celles déclarées dans ses états financiers pour l’année d’imposition 2000 est attribuable uniquement à ce fait. Selon M. Cayer, cette vente fut contrepassée pour les raisons mentionnées ci‑dessus. Toutefois, pour s’assurer que les états financiers dudit exercice démontrent une situation financière qui justifie le maintien de la marge de crédit de la société, M. Cayer et M. Gagnon, comptable externe de la société, se sont entendus pour indiquer au bilan une créance de 130 000 $ à titre de financement, avancé d’une société privée. La créance et l’avance de 130 000 $ furent radiées dans le bilan produit pour l’exercice 2001. M. Cayer prétend que la société appelante pouvait se permettre la radiation de la créance pendant cet exercice, puisque l’autofinancement pour la période en question était de 115 829 $, presque le double de celui pour l’exercice précédent.

 

[8]              France Lalonde, maintenant vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a témoigné qu’elle a procédé à la vérification de la TPS et de la TVQ comme vérificatrice de Revenu Québec en août 2001. Sa vérification lui a permis de constater qu’il y avait un écart entre les ventes indiquées aux états financiers et celles inscrites dans les déclarations de TPS et de TVQ. Les ventes inscrites dans le grand livre et dans les déclarations de TPS et de TVQ étaient de 1 254 442 $, alors que celles inscrites à l’état des résultats étaient de 1 138 588 $, soit une différence de 128 353 $.

 

[9]              Selon Mme Lalonde, Raynald Gagnon, le comptable de l’appelante, a fourni des explications contradictoires pour expliquer l’écart. M. Gagnon l’a d’abord informée que la société avait vendu sa presse. Apparemment, M. Gagnon a abandonné cette explication lorsque Mme Lalonde a demandé à vérifier l’inscription de la vente qui figurait au journal des ventes, à examiner la facture et ensuite à aller sur place voir l’équipement en question. M. Gagnon a alors offert une deuxième explication. Selon lui, il y avait des notes de crédit correspondant à des créances irrécouvrables de 130 077 $, dont Mme Lalonde n’avait pas tenu compte. Mme Lalonde a décidé de ne pas accepter cette deuxième explication, puisque la plupart des notes de crédit avaient été faites à des entreprises appartenant à M. Gagnon ou à des entreprises dissoutes depuis fort longtemps.

 

III.     Analyse

 

[10]         Le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu se lit comme suit :

152(4) Cotisation et nouvelle cotisation [délai de prescription] — Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a.       le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

[…]

[Je souligne.]

 

[11]         En vertu de l’alinéa 152(4)a), le fardeau de la preuve incombe à l’intimée, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a omis d’inclure 128 353 $ dans son revenu pour l’année d’imposition 2000 et que cette omission est attribuable à la négligence, à l’inattention ou à l’omission volontaire de l’appelante. La preuve de l’intimée repose essentiellement sur l’écart constaté par Mme Lalonde entre les ventes indiquées au grand livre et celles consignées dans l’état des résultats de l’appelante. L’intimée m’invite à rejeter les explications offertes par M. Cayer, puisque la version donnée par M. Gagnon aux agents de Revenu Québec est contradictoire. Je ne crois pas que ceci soit suffisant pour rejeter le témoignage de M. Cayer. M. Cayer a reconnu qu’il a demandé que l’on embellisse les états financiers pour assurer le maintien du financement de son entreprise. Les états financiers corroborent en partie son témoignage. D’une part, il y a un financement de 130 000 $ qui disparaît en 2001; d’autre part, il y a la radiation d’une créance qui équivaut au même montant. L’intimée avait le fardeau de prouver que les circonstances justifient l’établissement d’une cotisation après la période normale de nouvelle cotisation. L’explication offerte par M. Cayer est crédible. Je peux comprendre qu’il ait décidé de prendre des mesures extraordinaires pour sauver son entreprise. Je peux également comprendre que M. Gagnon n’ait pas voulu insister sur le fait qu’il a participé à l’inscription d’une vente inexistante dans les états financiers de sa cliente. Il est tout à fait plausible que M. Gagnon ait abandonné cette explication lorsque la vérificatrice l’a contestée. Il ne faut pas oublier que l’institution financière et GE Capital se sont fiées aux états financiers pour maintenir leur financement. M. Charbonneau, président de Multidick, a corroboré en partie le témoignage de M. Cayer lorsqu’il a affirmé que Multidick n’avait pas acheté la presse à deux couleurs de la société appelante. Il aurait été utile d’entendre M. Gagnon comme témoin, mais comme le fardeau repose sur l’intimée, j’estime que celle-ci aurait dû appeler M. Gagnon à témoigner pour tenter de contredire les explications de M. Cayer.  La preuve de l’appelante n’est pas parfaite, mais comme le fardeau incombe à l’intimée, le bénéfice du doute joue en faveur de l’appelante.

 

[12]         Par conséquent, la cotisation pour l’année d’imposition 2000 est annulée. Comme la cotisation pour l’année d’imposition 2001 repose sur celle pour l’année d’imposition 2000, elle est également annulée. Les frais sont adjugés à l’appelante.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de septembre 2011.

 

 

 

«Robert J. Hogan»

Juge Hogan

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 441

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-886(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              PAPIER DOMCO INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 septembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de  l’appelante :

Me Édouard Robert

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Dany Leduc

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                     Nom :                            Me Édouard Robert

 

                 Cabinet :                           Laval (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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