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Dossier : 2008-4090(IT)G

ENTRE :

PÊCHERIES YVON SAVAGE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 13 décembre 2010, à Rimouski (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Denis Tremblay

Avocat de l'intimée :

Me Vlad Zolia

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

        L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant l'année d'imposition 2004 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 2011.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 477

Date : 20111012

Dossier : 2008-4090(IT)G

ENTRE :

PÊCHERIES YVON SAVAGE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              L'appelante interjette appel à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), datée du 12 mars 2008 concernant l'année d'imposition 2004.

 

[2]              La question en litige concerne l'admissibilité de l'appelante aux crédits d'impôt à l'investissement de 6 581 $ pour son année d'imposition 2004, soit 1 913 $ appliqués à l'impôt de la Partie I et 4 650 $ lui ayant été remboursés, pour des travaux de remise à neuf d'un bateau de pêche, le « Marie‑Ève II ». Les travaux ont débuté en 2002 et se sont poursuivis par intervalles jusqu'en 2005.

 

[3]              Les faits pertinents aux fins du présent litige ont été énoncés par le ministre du Revenu national (le « Ministre ») au paragraphe 8 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces faits sont :

 

a)         L'appelante est une société qui exploite une entreprise de pêche aux crevettes en haute mer.

 

b)         L'appelante a été créée le 21 décembre 1990.

 

c)         Les actionnaires de l'appelante sont monsieur Yvon Savage, qui possède 51% des actions et sa conjointe, madame Marie‑France Curadeau, qui possède 49% des actions.

 

d)         L'appelante possède un seul bateau de pêche, le « Marie‑Ève II ».

 

e)         Le bateau de pêche de l'appelante a été construit en 1962 et mis en usage dès la fin de sa construction.

 

f)          Ni l'appelante, ni monsieur Yvon Savage, ni madame Marie‑France Curadeau n'étaient les premiers propriétaires du bateau.

 

g)         Ce bateau a été acheté usagé par l'appelante.

 

h)         Des travaux de rénovation, de modification ainsi que des vérifications ont été effectués sur le bateau de l'appelante durant les années 2002, 2003, 2004 et 2005.

 

i)          Pendant les années 2002 à 2005 le bateau était utilisé entre les périodes des rénovations.

 

j)          Les travaux de rénovation, de modification ainsi que les vérifications s'imposaient, puisque le bateau n'était plus conforme aux exigences de Transport Canada.

 

k)         Les travaux consistaient en des travaux de réparation à la coque du bateau, d'une valeur de 512 204,00 $, et en l'acquisition et l'installation d'équipements, parfois usagés, d'une valeur de 107 020,00 $, pour un total de 619 224,00 $.

 

l)          Les rénovations n'ont pas constitué une « remise à neuf » du bateau.

 

m)        Par exemple, seules certaines parties de la coque du bateau ont été remplacées.

 

n)         D'autre part, certains travaux n'ont été destinés qu'à vérifier l'état de certains éléments constitutifs du bateau, tels que le moteur, qui n'a été changé qu'en 2004 au coût de 116 260,00 $.

 

o)         D'autres travaux n'ont apporté que de simples modifications à des éléments déjà existants, qui ont été maintenus, tels que le système hydraulique et le réservoir hydraulique.

 

p)         Parfois les travaux n'impliquaient que le simple déménagement d'un équipement déjà existant, comme dans le cas du panneau électrique.

 

q)         Finalement, l'équipement installé sur le bateau était parfois déjà usagé, tel que la pompe hydraulique.

 

r)          Les rénovations, modifications et vérifications n'ont pas porté sur l'ensemble des éléments constitutifs du bateau : la transmission par exemple n'a pas été changée, l'ensemble de la coque non plus.

 

s)         Un bateau neuf, du même type que celui de l'appelante, coûterait entre 1 700 000,00 $ et 2 000 000,00 $ à construire.

 

t)          Monsieur Yvon Savage a estimé les coûts de construction d'un bateau neuf entre 2 000 000,00 $ et 2 300 000,00 $ dollars (sic).

 

u)         Le bateau de l'appelante n'est pas assuré comme un bateau qui serait neuf.

 

v)         Un bateau neuf, du même type que celui de l'appelante, aurait une durée de vie estimée à cinquante (50) ans, alors que la durée de vie du bateau de l'appelante, suite aux rénovations, modifications et vérifications, n'est estimée qu'à vingt (20) ans.

 

w)        un bateau neuf, du même type que celui de l'appelante, comporterait des équipements électroniques estimés entre 80 000,00 $ et 100 000,00 $, alors que l'appelante n'a installé sur son bateau que des équipements d'environ 20 000,00 $.

 

x)         Lorsqu'interrogé par le vérificateur de l'Agence du revenu du Canada, l'inspecteur de Transport Canada qui a inspecté le bateau de l'appelante suite à la complétion (sic) des travaux, a mentionné qu'il était impossible de qualifier les travaux comme des travaux de remise à neuf du bateau.

 

y)         De manière générale, des changements majeurs au bateau de l'appelante n'ont été apportés que dans sa partie supérieure, c'est‑à‑dire au‑dessus du pont supérieur.

 

z)         La partie située en dessous du pont supérieur, c'est‑à‑dire les cales à poisson, les moteurs secondaires, les génératrices, la transmission, la ventilation, les conduits, les circuits hydrauliques, les réservoirs, les gouvernails et l'hélice, n'ont subi que des retouches.

 

Position de l'appelante

 

[4]              L'appelante soutient que les travaux effectués sur le bateau constituaient une remise à neuf du bateau et que, par conséquent, les crédits d'impôt à l'investissement n'auraient pas dû être refusés.

 

[5]              Selon l'appelante, le bateau répond aux critères énoncés à la définition de « bien admissible » au paragraphe 127(9) de la Loi puisque les rénovations apportées au bateau sont telles que le bateau, après les rénovations, peut être considéré comme remis à neuf.

 

[6]              Les prétentions de l'appelante sont supportées par les documents suivants :

 

a)       une lettre datée du 18 janvier 2008 de M. Simon Pelletier, Inspecteur de la sécurité maritime de Transport Canada, confirmant la remise à neuf du bâtiment de pêche;

 

b)      une offre de garantie de prêt maritime du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec d'un montant maximal de 658 077 $ pour des réparations à la coque du bateau (512 204 $), l'acquisition et l'installation d'une tuyère, d'une unité de puissance hydraulique, d'un treuil, de stabilisateurs et d'équipements électroniques (107 020 $) et pour le refinancement du solde hypothécaire (100 775 $);

 

c)       une description des travaux de transformation majeurs effectués par le chantier naval Forillon de même qu'une ventilation des coûts (pièces et main d'œuvre) et des photos du bateau avant et après les transformations;

 

d)      deux factures datées de novembre 2004 relatives à l'enlèvement du moteur et à son remplacement par un nouveau moteur acheté auprès de Hewitt Équipement Limitée et des factures de Electro‑Marine Inc. pour des équipements électroniques.

 

[7]              A l'appui de ses prétentions, l'appelante invoque également les faits suivants :

 

a)       le bateau de pêche en question a été construit en 1962 et a été acquis par l'appelante le 6 janvier 1995. Depuis son acquisition, il a été utilisé par l'appelante pour la pêche commerciale à l'année longue. Suite à une inspection des mesures d'épaisseur des plaques métalliques effectuée le 6 novembre 2000, le bateau a été mis au rencart parce qu'il était non sécuritaire;

 

b)      dans le cadre des travaux: (i) 50% des plaques métalliques de la coque ont été remplacées; (ii) 100% de ce qui était sur le pont supérieur a été remplacé (la timonerie a été déplacée, agrandie et modernisée, les équipements de pêche ont été déplacés de l'arrière sur le côté, des réservoirs anti‑roulis ont été installés); (iii) les systèmes électriques, hydrauliques et de pompage ont été rénovés; (iv) la cale à poissons a été remise à neuf, l'hélice a été remplacée et 30 000 livres de béton ont été coulées dans le fond du bateau pour améliorer la stabilité;

 

c)       suite à ces travaux: (i) le bateau a été allongé de trois pieds; (ii) sa jauge brute est passée de 128 à 149 tonneaux; (iii) le niveau de flottaison du bateau a baissé de 16 pouces; (iv) la durée de vie utile du bateau est passée à 20 ans; (v) le bateau a été assuré pour une valeur de 1 250 000 $;

 

d)      avant de prendre la mer pour la pêche, le bateau a dû passer des essais de stabilisation en mer comme pour un bateau neuf. Un certificat d'inspection a été émis en 2002 pour une durée d'une année et, en 2003, il a été prolongé jusqu'en 2006;

 

e)       le nom du bateau a été changé, passant de « Reine de la Mer » à celui de « Marie‑Ève II ».

 

Position de l'intimée

 

[8]              L'intimée soutient que le bateau de l'appelante n'est pas un « bien admissible » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi et que, par conséquent, l'appelante ne pouvait réclamer un crédit d'impôt à l'investissement pour son année d'imposition 2004, ni pour le bateau, ni pour les travaux de rénovation du bateau.

 

[9]              L'intimée soutient également que, pour les fins de ce litige, le bateau de pêche de l'appelante n'a pas été remis à neuf et, qu'en tout état de cause, la remise à neuf du bateau n'est pas un élément pertinent.

 

Analyse

 

[10]         Les termes « crédit d'impôt à l'investissement » et « bien admissible » sont définis au paragraphe 127(9) de la Loi de la façon suivante :

 

« crédit d'impôt à l'investissement » — Le crédit d'impôt à l'investissement d'un contribuable à la fin d'une année d'imposition correspond à l'excédent éventuel du total des montants suivants :

 

a)   l'ensemble des montants représentant chacun le pourcentage déterminé du coût en capital, pour le contribuable, d'un bien admissible ou d'un bien certifié qu'il a acquis au cours de l'année;

 

[…]

 

« bien admissible » — Relativement à un contribuable, bien (à l'exclusion d'un bien d'un ouvrage approuvé et d'un bien certifié) qui est :

 

a)   soit un bâtiment visé par règlement, dans la mesure où le contribuable l'a acquis après le 23 juin 1975;

b)   soit une machine ou du matériel visés par règlement et que le contribuable a acquis après le 23 juin 1975,

qui, avant l'acquisition, n'a été utilisé à aucune fin ni acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit, et:

c)   soit qu'il compte utiliser au Canada principalement à l'une des fins suivantes :

(i)   la fabrication ou la transformation de marchandises à vendre ou à louer,

(ii)  l'exploitation agricole ou la pêche,

 

[…]

 

[11]         Les machines ou le matériel visés par règlement sont décrits au paragraphe 4600(2) de la Partie XLVI du Règlement de l'impôt sur le revenu :

 

(2)        Sont des machines ou constituent du matériel prescrit pour l'application de la définition de « biens admissibles » au paragraphe 127(9) de la Loi, les biens amortissables suivants du contribuable qui ne sont pas déjà visés au paragraphe (1) :

 

[…]

 

d)   un navire, y compris le mobilier, les accessoires et l'équipement qui y sont fixés;

 

[…]

 

[12]         L'insertion de l'exigence à la fin des alinéas a) et b) de la définition de « bien admissible », à l'effet que le bien ne doit pas avoir été utilisé à aucune fin avant son acquisition indique bien que l'objet de la Loi est d'encourager l'achat de machinerie et de matériel neufs.

 

[13]         L'avocat de l'appelante a porté à l'attention de la Cour les pratiques administratives énoncées aux paragraphes 18 et 24 du Bulletin d'interprétation IT‑331R concernant les biens déjà utilisés et les rénovations majeures apportées aux biens. Lesdits paragraphes se lisaient comme suit à la date de la publication du Bulletin, soit le 25 octobre 1985 :

 

Biens « déjà utilisés »

 

18.       Comme l'indiquent les numéros 9, 10, 12 et 13 ci‑dessus, les biens admissibles, le matériel de transport admissible, le matériel de construction admissible et les biens certifiés doivent être des biens qui n'ont pas été utilisés pour quelque fin que ce soit avant leur acquisition par le contribuable. Non seulement ils doivent être neufs lorsque le contribuable les acquiert, mais ils doivent aussi ne pas avoir été acquis en vue d'une utilisation ou d'une location, ni pour quelque fin que ce soit, par un propriétaire antérieur. En conséquence de cette exigence, si un bien qui a été utilisé ou a été acquis en vue d'une utilisation (même s'il n'a pas été utilisé) est cédé à un nouveau propriétaire, l'admissibilité au crédit d'impôt à l'investissement ne peut être transférée avec le bien. Dans une situation de ce genre, l'ancien propriétaire continue d'avoir droit au crédit si les autres conditions sont remplies. Un élément de matériel qui sert ordinairement à des fins de démonstration (un « article de démonstration ») n'est pas admissible; toutefois, le matériel neuf que l'on montre à un acheteur éventuel ou que ce dernier conduit pour essai en vue de la vente de ce matériel n'est normalement pas considéré comme « déjà utilisé ».

 

24.       Les rénovations importantes qui sont apportées aux machines ou au matériel admissibles, (…) qui, de nature sont une immobilisation, seront normalement des investissements qui donnent droit au crédit, pourvu que le matériel, une fois rénové, continue de remplir les autres conditions d'admissibilité. Lorsque du matériel déjà utilisé est rénové par un vendeur et que les rénovations sont si importantes que le matériel, au moment de son acquisition par un autre contribuable, peut être considéré comme neuf, il constitue également un investissement donnant droit au crédit, si les autres conditions d'admissibilité sont remplies. Cependant, si un contribuable après l'acquisition de matériel déjà utilisé, apporte à ce dernier des rénovations importantes, seul le coût des rénovations peut donner droit au crédit.

 

[14]         L'avocat de l'appelante a également soumis deux interprétations techniques traitant de l'admissibilité au crédit d'impôt à l'investissement des coûts de rénovation d'un bateau de pêche, l'une datée du 22 juin 1995 et l'autre datée du 13 novembre 1997. Celle du 13 novembre 1997 est clairement postérieure à l'annulation du Bulletin d'interprétation IT‑331R survenue à une date non précisée en 1994 ou 1995 puisque l'auteur fait spécifiquement référence à l'ancien Bulletin d'interprétation IT‑331R.

 

[15]         Les extraits suivants de l'interprétation technique du 22 juin 1995 sont particulièrement intéressants :

 

6.   Pour que les dépenses puissent donner lieu au CII, il faut que le chalutier soit un « bien admissible » au sens de cette expression au paragraphe 127(9) de la Loi. Un bien sera un bien admissible si, notamment, avant son acquisition, il n'a pas été utilisé à aucune fin ni acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit. De toute évidence le chalutier n'est pas un bien qui satisfait ce critère. Il ne serait donc pas un bien admissible.

 

7.   Toutefois, le paragraphe 24 du Bulletin d'interprétation IT‑331R précise la position du Ministère à l'égard des rénovations majeures:

 

Les rénovations importantes qui sont apportées aux machines ou au matériel admissibles, (…) qui, de nature sont une immobilisation, seront normalement des investissements qui donnent droit au crédit, pourvu que le matériel, une fois rénové, continue de remplir les autres conditions d'admissibilité. Lorsque du matériel déjà utilisé est rénové par un vendeur et que les rénovations sont si importantes que le matériel, au moment de son acquisition par un autre contribuable, peut être considéré comme neuf, il constitue également un investissement donnant droit au crédit, si les autres conditions d'admissibilité sont remplies. Cependant, si un contribuable, après l'acquisition de matériel déjà utilisé, apporte à ce dernier des rénovations importantes, seul le coût des rénovations peut donner droit au crédit.

 

C'est la première phrase de ce paragraphe qui s'applique à la situation sous étude. Le Ministère est prêt à accorder un CII si

 

a) des rénovations importantes sont apportées à du matériel admissible,

 

b) les rénovations constituent une dépense en immobilisation,

 

c) le matériel, une fois rénové, continue de remplir les autres conditions d'admissibilité.

 

À notre avis, par « autres conditions d'admissibilité » on entend toutes les conditions d'applications sauf celle qui exige que le bien n'ait pas été utilisé à aucune fin ni acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit avant son acquisition.

 

[…]

 

9.   Il est possible qu'un tribunal maintiendrait une cotisation qui aurait pour effet de refuser le CII sur la base que le bien n'est pas un bien qui n'a jamais été utilisé. (La Loi ne parle jamais d'un bien neuf, mais d'un bien qui n'a jamais été utilisé.) Bien que le chalutier ait subit des transformations majeures, il n'en demeure pas moins que c'est le même chalutier.

 

10. A notre avis, refuser le CII réclamé irait à l'encontre d'une position énoncée dans un bulletin d'interprétation et qui est favorable au contribuable. Une telle situation ne nous apparaît pas souhaitable.

 

[16]         L'interprétation technique du 13 novembre 1997 va dans le même sens que celle du 22 juin 1995 et ce, malgré le fait que le bulletin d'interprétation ait été aboli quelques années auparavant. En voici quelques extraits :

 

De façon générale, le Ministère est prêt à accorder un CII sur le coût des rénovations effectuées par un contribuable lorsque les conditions suivantes sont réunies :

 

a) les rénovations sont importantes et sont apportées à un bien admissible,

 

b) les rénovations constituent une dépense en immobilisation,

 

c) le bien, une fois rénové, continue de remplir les autres conditions d'admissibilité relativement au CII.

 

La question de savoir si des rénovations importantes sont apportées à un bien admissible repose sur une question de fait qui doit être résolue en tenant compte de toutes les circonstances et particularités de chaque cas.

 

Par conséquent, nous sommes d'avis que si un contribuable acquiert un nouveau moteur afin de l'installer dans son bateau qui est un bien admissible, le coût du moteur neuf pourrait donner droit au CII si l'installation de ce moteur constitue une rénovation importante et qu'une fois le nouveau moteur installé, le bateau continue de remplir les autres conditions d'admissibilité relativement au CII. Le fait que le moteur neuf soit installé dans l'année d'acquisition du bateau ou quelques années plus tard n'est pas pertinent pour les fins du CII pourvu que le bateau soit un bien admissible.

 

Par ailleurs, le Ministère est également prêt à accorder un CII pour le coût des rénovations importantes effectuées par un contribuable après l'acquisition d'un bien qui a déjà été utilisé pourvu que les rénovations soient assez importantes pour l'on puisse conclure que le bien a été remis à neuf. La question de savoir si l'installation d'un moteur neuf dans un bateau usagé constitue une rénovation qui est assez importante pour que l'on puisse conclure que le bateau a été remis à neuf, repose sur une question de fait qui doit être résolue en tenant compte de toutes les circonstances et particularités de chaque cas.

 

Concernant votre dernière question, nous tenons à vous rappeler que pour être admissible au CII le bateau doit être un bien qui n'a pas été utilisé pour quelque fin que ce soit avant d'être acquis par le contribuable. Ainsi, il ne faut pas que le bateau ait été acquis en vue d'une utilisation ou d'une location, ni pour quelque fin que ce soit, par un propriétaire antérieur. Par conséquent, si un bien a été utilisé ou a été acquis en vue d'une utilisation (même s'il n'a pas été utilisé) est cédé à un nouveau propriétaire, l'admissibilité au CII ne peut être transférée avec le bien. Cependant, si la société apporte des rénovations importantes au bateau, il est possible que le coût des rénovations donne droit au CII pourvu que les rénovations soient assez importantes pour que l'on puisse conclure que le bien a été remis à neuf.

 

[17]         Les interprétations techniques précitées et le Bulletin d'interprétation IT‑331R sont plus larges et plus généreuses que les dispositions de la Loi mais elles ne peuvent d'aucune façon lier la Cour, pas plus que le Ministre d'ailleurs. La réserve formulée par l'auteur de l'interprétation technique du 22 juin 1995 au paragraphe 9 comme quoi un tribunal maintiendrait une cotisation qui aurait pour effet de refuser le crédit d'impôt à l'investissement sur la base que ce n'est pas un bien qui n'a jamais été utilisé, était tout à fait exacte et justifiée dans les circonstances.

 

[18]         Les autorités fiscales ne sont pas liées par leur propre position administrative et elles peuvent à tout moment décider de cotiser à l'encontre de leur position administrative. Dans un tel cas, le contribuable n'a aucun recours devant les tribunaux. Dans Redclay Holdings Ltd. v. R., [1996] 2 C.T.C. 2347, la Cour canadienne de l'impôt a confirmé la cotisation émise par le Ministre à l'encontre de sa propre politique administrative.

 

[19]         Les tribunaux réfèrent généralement aux bulletins d'interprétation même s'ils n'ont pas force de loi, dans les cas où la Loi est ambiguë ou est susceptible d'interprétations différentes. Les bulletins d'interprétation et les documents budgétaires peuvent également être utiles pour déceler l'intention du législateur. Cependant, je doute fort que les tribunaux acceptent de référer à un bulletin d'interprétation qui, comme dans le cas présent, a été annulé et n'a pas été remplacé par aucun autre bulletin.

 

[20]         À mon avis, l'appelante ne peut faire valoir ici un argument d'équité parce qu'au moment où l'appelante a fait effectuer les travaux, le Bulletin d'interprétation IT‑331R avait été annulé plusieurs années auparavant et les interprétations techniques, pour autant que l'appelante les ait alors connues, dataient déjà de plusieurs années. Je ne crois pas que l'appelante se soit fiée à la position administrative énoncée au Bulletin d'interprétation IT‑331R afin de planifier les rénovations à son bateau de pêche.

 

[21]         Quoiqu'il en soit, l'avocat de l'intimée a cherché à démontrer lors de l'audience que les rénovations effectuées au bateau ne constituaient pas une remise à neuf parce que seulement 50% de la coque était neuve et que des équipements usagés ayant une valeur de plus de 300 000 $ ont été gardés. De plus, il a invoqué le fait qu'un bateau de pêche neuf semblable à celui de l'appelante aurait coûté entre 1,9 millions et deux millions alors que le coût total des rénovations n'a été que de l'ordre de 722 505 $.

 

[22]         Enfin, l'avocat de l'intimée a fait valoir que l'appelante pourrait vraisemblablement se prévaloir des dispositions relatives à l'amortissement accéléré pour les frais de conversion du navire en vertu du paragraphe 13(14) de la Loi et de l'alinéa 1100(1)v) de la partie XI du Règlement de l'impôt sur le revenu.

 

[23]         Pour toutes ces raisons, l'appel est rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 2011.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 477

 

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-4090(IT)G

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              PÊCHERIES YVON SAVAGE INC. c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Rimouski (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 13 décembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 12 octobre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Denis Tremblay

Avocat de l'intimée :

Me Vlad Zolia

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Denis Tremblay

                                                         

                 Cabinet :                           Tremblay et Tremblay, Matane (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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