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Dossier : 2006-3312(IT)G

 

ENTRE :

ROY WALSH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Devant : L'honorable juge G. A. Sheridan

(Conformément aux directives de la Cour, la requête de l'appelant a été tranchée sur le fondement des observations écrites des parties.)

 

Avocat de l'appelant :

Me D. Andrew Rouse

Avocat de l'intimée :

Me David Besler

________________________________________________________________

 

ORDONNANCE D'ADJUDICATION DES DÉPENS

 

          Vu la requête présentée par l'appelant en vue d'obtenir une ordonnance en vertu de l'article 147 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles ») visant l'obtention de directives concernant l'adjudication à l'appelant de dépens supérieurs à ceux prévus au tarif des Règles;

 

          Et vu les observations des parties, y compris l'affidavit de MD. Andrew Rouse;

 

          Conformément aux motifs de l'ordonnance ci‑joints, la requête de l'appelant est accueillie et la Cour adjuge à l'appelant des dépens forfaitaires correspondant à 80 p. 100 des honoraires lui ayant été facturés après l'offre de règlement du 30 mars 2007 et aux débours effectués.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de mars 2010.

 

 

« G. A. Sheridan »

Le juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d'octobre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 125

Date : 20100303

Dossier : 2006-3312(IT)G

 

ENTRE :

ROY WALSH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE D'ADJUDICATION DES DÉPENS

 

 

Le juge Sheridan

 

[1]     L'appelant, Roy Walsh, demande à la Cour de rendre une ordonnance en vertu de l'article 147 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles ») concernant l'adjudication à l'appelant de dépens plus élevés que ceux prévus au tarif des Règles. Plus précisément, il demande l'adjudication de dépens correspondant à 80 p. 100 des honoraires lui ayant été facturés après la présentation de l'offre de règlement et aux débours effectués.

 

Le contexte

 

[2]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l'égard de l'appelant concernant les retenues à la source n'ayant pas été versées par Jardine Security Ltd. en tenant pour acquis qu'il était un administrateur de la société pendant la période de deux ans précédant l'établissement de la cotisation à son égard. L'appelant a interjeté appel de la cotisation le 16 novembre 2006. Il a envoyé deux lettres à l'intimée, datées du 30 mars 2007[1] et du 11 juin 2007[2] respectivement : dans la première lettre, il demandait à l'intimée d'admettre le bien‑fondé de l'appel et, dans la deuxième, il présentait une offre de règlement en bonne et due forme. L'intimée a rejeté les deux demandes[3]. L'intimée n'a jamais présenté d'offre de règlement à l'appelant. L'appel a été entendu le 1er mai 2009. Dans un jugement du 4 novembre 2009, j'ai accueilli l'appel et annulé la cotisation compte tenu de ce qui suit :

 

1.       le ministre n'avait pas prouvé qu'il y avait eu défaut d'exécution à l'égard du bref de saisie‑exécution ainsi que l'exige l'alinéa 227.1(2)a);

 

2.       l'appelant avait cessé d'être un administrateur de Jardine Security Ltd. le 31 mai 2002 et est par conséquent dégagé de responsabilité en vertu du paragraphe 227.1(4) de la Loi.

 

Les critères d'adjudication de dépens plus élevés que ceux prévus au tarif

 

[3]     Le paragraphe 147(3) des Règles énonce les critères permettant de déterminer si la Cour doit exercer les pouvoirs discrétionnaires que lui confère le paragraphe 147(1) :

 

147(3) En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir compte :

 

adu résultat de l'instance;

 

bdes sommes en cause;

 

cde l'importance des questions en litige;

 

dde toute offre de règlement présentée par écrit;

 

ede la charge de travail;

 

fde la complexité des questions en litige;

 

gde la conduite d'une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l'instance;

 

hde la dénégation d'un fait par une partie ou de sa négligence ou de son refus de l'admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis;

 

ide la question de savoir si une étape de l'instance,

 

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

 

(ii) a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

 

jde toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens.

 

[4]     En l'absence de circonstances exceptionnelles, les dépens doivent être adjugés conformément au tarif[4]. En l'espèce, je suis convaincue qu'une adjudication de dépens plus élevés que ceux prévus au tarif est tout à fait justifiée.

 

Alinéas 147(3)a) et e) : le résultat de l'instance; la charge de travail

 

[5]     À mon avis, ces deux facteurs sont neutres. Le fait que l'appelant a eu entièrement gain de cause dans l'appel ne justifie pas en soi l'adjudication de dépens supplémentaires. De même, la charge de travail relative à l'appel n'était pas plus importante que celle que nécessiterait un appel comportant des questions semblables.

 

Alinéas 147(3)b), c) et f) : les sommes en cause; l'importance des questions en litige; la complexité des questions en litige

 

[6]     L'intimée a fait valoir que la Cour ne devrait pas adjuger à l'appelant des dépens supérieurs à ceux prévus au tarif, étant donné que les sommes en cause ne sont pas importantes si on les compare à bien d'autres cotisations établies par le ministre. Les questions soulevées ne comportaient également pas d'éléments nouveaux ou complexes : les principes permettant de déterminer la responsabilité d'un administrateur à l'égard de l'impôt à payer par une société en défaut de paiement sont bien établis; l'issue de l'appel dépend des faits de chaque affaire.

 

[7]     Même si je souscris à la description des facteurs fournie par l'intimée, je ne crois pas qu'une telle description justifie le refus de la demande par l'appelant de dépens supplémentaires. Je suis d'accord avec l'avocat de l'appelant lorsqu'il soutient que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de la présente affaire, les sommes relativement faibles qui sont en cause et le caractère simple de l'appel auraient dû inciter le ministre à se pencher sur l'offre de règlement de l'appelant, du moins dans une certaine mesure. À l'exception du fait que le ministre n'a pas établi qu'il avait respecté l'alinéa 227.1(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, les faits essentiels sur lesquels le ministre s'est fondé pour établir la cotisation et ceux sur lesquels la Cour s'est fondée pour rendre sa décision étaient connus du ministre, ou pouvaient être confirmés par celui‑ci, et ce, bien avant l'instruction de l'affaire. Si les fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada avaient accordé davantage d'attention à leurs propres directives en matière de politique sur la responsabilité des administrateurs, aux informations recueillies au cours de leurs enquêtes et aux documents corroborants fournis par l'appelant à leur demande, il n'aurait peut‑être bien pas été nécessaire d'interjeter appel.

 

[8]     Je souscris à l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel cette affaire entre dans la même catégorie que la décision Langille c. La Reine[5], une affaire entendue par le juge Boyle où celui‑ci a adjugé des dépens plus élevés que ceux prévus au tarif et où le ministre avait rejeté une offre de règlement :

 

Le 30 avril, l'intimée a rejeté l'offre de règlement de l'appelant. Dans sa lettre de refus, l'intimée n'énumère pas de raisons de décliner cette offre, si ce n'est en réaffirmant sa position à l'égard des faits et du droit relatifs à la liquidation de la ferme laitière. Elle ne dit pas, par exemple, qu'il est nécessaire qu'elle entende l'ensemble des faits faire l'objet de déclarations sous serment et qu'elle les éprouve pendant le contre‑interrogatoire, etc., et elle ne dit pas non plus que le doute persiste sur certains faits. La Couronne a déjà entendu l'appelant témoigner sous serment au cours de l'interrogatoire préalable, ayant été le seul témoin à déposer au sujet des faits relatifs aux activités de sa ferme laitière. De même, rien ne laisse entendre que l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») se soit inquiétée du fait qu'un principe juridique important ait été en jeu, ce qui serait susceptible d'avoir des répercussions sur les appels interjetés par d'autres contribuables ou sur ses pratiques administratives.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

Alinéa 147(3)d) : toute offre de règlement présentée par écrit

 

[9]     Selon la thèse de l'intimée, les lettres de l'appelant du 30 mars 2007 et du 11 juin 2007 n'étaient pas des [TRADUCTION] « offres de règlement présentées par écrit ou autrement »; il s'agissait plutôt, suivant le paragraphe 7 de l'énoncé des faits du mémoire de l'intimée, de [TRADUCTION] « deux lettres dans lesquelles l'appelant demandait à l'intimée d'admettre le bien‑fondé de l'appel et de lui payer des dépens ». Ces lettres ne comportaient donc pas [TRADUCTION] d'« élément de compromis », une condition nécessaire à la présentation d'une offre de règlement valide. À l'appui de cette prétention, l'avocat de l'intimée a cité le paragraphe 10 de la décision Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite[6].

 

[10]    À mon humble avis, il s'agit d'une exagération quant aux principes découlant de la décision Association olympique canadienne. Il ressort très clairement des observations formulées au début du paragraphe 10 que le juge Lemieux s'est donné la peine de restreindre la portée de sa décision :

 

10        À tout le moins pour la présente adjudication des dépens, qui ne se présente pas dans le cadre d'une action, mais dans le contexte de l'appel d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce a permis à Olymel d'enregistrer deux marques de commerce, j'estime que llément de compromis (ou d'incitation à accepter l'offre) constitue un élément essentiel de toute offre de règlement. D'autres considérations peuvent entrer en ligne de compte lors de l'examen d'une offre de règlement portant sur des dommages‑intérêts liquidés ou non liquidés dans une action.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[11]    En outre, dans les paragraphes précédents, la Cour a examiné deux arrêts de la Cour d'appel de l'Ontario dans lesquels l'« élément de compromis » n'était, selon les règles ontariennes, qu'un facteur dont il fallait tenir compte plutôt qu'un élément essentiel d'une offre de règlement légitime. Comme l'intimée s'est fondée sur la décision Association olympique canadienne, il est peut‑être utile de reproduire le texte intégral des passages pertinents décrivant la décision à laquelle le juge Lemieux est finalement arrivé :

 

4          Le 29 septembre 1997, l'avocat d'Olymel a écrit la lettre suivante aux procureurs de l'AOC :

 

[TRADUCTION]

 

Au nom de notre cliente, la société en commandite Olymel, nous confirmons par la présente l'offre de règlement relative aux deux appels en question à la condition que l'appelante se désiste des deux appels en acceptant que soient confirmées les deux décisions du Tribunal des oppositions par lesquelles les deux oppositions de l'appelante [sic] ont été rejetées avec dépens. La présente offre est valable jusqu l'audition de la présente affaire, à moins que la société en commandite Olymel ne la retire avant cette date.

 

L'intimée se réserve le droit de se référer à son offre de règlement lors de l'examen de la question des dépens.

 

5          L'avocat de l'AOC affirme que l'offre du 29 septembre 1997 ne constitue pas une offre de règlement au sens des Règles parce qu'elle ne contient aucun élément de compromis ou, à titre subsidiaire, qu'elle est vague et imprécise et qu'elle n'est pas susceptible d'acceptation. En outre, à titre plus subsidiaire encore, l'AOC soutient que les mots « sauf ordonnance contraire de la Cour » que l'on trouve à l'article 420 des Règles habilitent la Cour à adjuger moins que le double des dépens.

 

6          La question de savoir si une offre de règlement doit contenir un élément de compromis a été examinée par la Cour d'appel de l'Ontario, qui se penchait sur une disposition quelque peu semblable des Règles de procédure civile de l'Ontario dans l'affaire Data General (Canada) Ltd. v. Molnar Systems Group Inc. et al., (1991), 6 O.R. (3d) 409, et, plus récemment, dans l'affaire Walker Estate et al. v. York Finch General Hospital et al., 169 D.L.R. (4th) 689. Ces deux arrêts appuient le principe que, sous le régime des règles ontariennes, llément de compromis ne constitue pas un trait essentiel de l'offre de règlement, mais que son absence peut être un facteur pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour rendre une ordonnance contraire en vertu de la règle 49 des règles ontariennes, où l'on trouve les mots « sauf ordonnance contraire du tribunal ».

 

7          Dans le jugement Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., Mme le juge Reed ne s'est pas expressément prononcée sur la question de savoir si un élément de compromis constitue un élément essentiel de toute offre de règlement, mais il semble qu'elle ait tenu pour acquis que ctait effectivement le cas.

 

8          Dans le jugement Apotex, précité, Apotex avait, en sa qualité de demanderesse, présenté une offre de règlement dans le cadre d'une action en jugement déclaratoire de non-contrefaçon et d'invalidation de brevet en s'engageant à se désister de son action sans frais et à la condition que les défenderesses reconnaissent que la formulation des comprimés d'Apotex ne contrefaisait pas leur brevet et à ce qu'elles consentent à ce que le ministre délivre un avis de conformité à Apotex.

 

9          À la page 376 du recueil précité, le juge Reed déclare ce qui suit (au paragraphe 17 de sa décision) :

 

[TRADUCTION]

 

Par ailleurs, l'offre renferme un compromis. La formulation de la demanderesse aurait été reconnue comme ne contrefaisant pas le brevet des défenderesses, mais il y aurait eu désistement de la contestation de la validité du brevet. Le rejet de l'action se serait soldé par la non-contestation du brevet des défenderesses. Ainsi que l'avocat de la demanderesse le fait remarquer, il y avait également de la place pour une contre‑offre; les défenderesses auraient pu offrir de concéder une licence à la demanderesse.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[12]    C'est dans ce contexte que le juge Lemieux a alors examiné le bien‑fondé de la demande présentée par l'Association olympique canadienne pour l'adjudication de dépens plus élevés que ceux prévus au tarif. Comme on peut le constater dans le passage ci‑dessous, pour arriver à sa décision finale, la Cour a été influencée par bien plus que l'absence d'un « élément de compromis » :

 

11        Ainsi que le juge Morden l'a souligné dans l'arrêt Data General, précité, l'offre de règlement a pour objet d'inciter les parties à mettre fin au litige en concluant une entente, ce qui est plus rapide et moins coûteux qu'un jugement rendu par le tribunal à l'issue du procès. Il a ajouté que l'incitation à transiger constitue un mécanisme qui permet au demandeur de faire une offre sérieuse au sujet de son estimation de la valeur de la demande, obligeant ainsi le défendeur à procéder dès le début à un examen attentif du fond de l'affaire.

 

12        Ainsi que l'avocat de l'AOC l'a soutenu, l'offre d'Olymel ne contenait aucun élément de compromis, malgré le fait qu'Olymel l'ait faite après avoir déposé son mémoire des faits et du droit qui, à mon sens, ntait pas persuasif et convaincant au point de ne plus justifier la poursuite de l'appel de l'AOC. Dans ces conditions, Olymel demandait effectivement à l'AOC de se désister d'un appel défendable. L'offre d'Olymel ne favorisait pas, selon moi, les objectifs des dispositions des Règles relatives aux offres de règlement.

 

13        Dans des situations analogues, faute dlément de compromis, une offre de règlement pourrait devenir un mécanisme très facile permettant au défendeur d'obtenir le double des dépens, ce qui, de toute évidence, ne saurait être ce que visent les Règles.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[13]    À mon avis, les faits en l'espèce ne sont pas semblables à ceux dans l'affaire Association olympique canadienne. Tout d'abord, compte tenu du passé de l'appelant et des difficultés financières et personnelles qu'il a eues avant de présenter ses offres de règlement, il est peu probable que ses offres faisaient partie d'un stratagème complexe visant l'obtention de dépens plus élevés. On peut également établir une distinction entre la présente affaire et l'affaire Association olympique canadienne sous d'autres aspects importants. Dans cette affaire, les parties principales étaient sur un pied d'égalité, un élément clairement absent en l'espèce. En outre, de par sa nature même, la question en litige, qui était l'enregistrement de marques de commerce, se prêtait mieux à un certain degré de concessions mutuelles, ce qui correspond davantage à la notion de compromis. Dans le contexte de la présente affaire, on ne peut pas dire que dans ses offres de règlement, l'appelant demandait simplement à l'intimée « de se désister d'un appel défendable ». Je suis d'accord avec l'avocat de l'appelant lorsqu'il soutient que, puisque l'appel était fondé sur la question de savoir si, dans les faits, l'appelant était un administrateur pendant la période pertinente, la possibilité de faire des compromis dans une offre de règlement était beaucoup moins grande. En rejetant les offres de l'appelant sans faire de contre‑offre (une possibilité mentionnée par le juge Reed dans la décision Apotex, précitée) ou, à tout le moins, sans en discuter plus à fond, l'intimée semble avoir été du même avis. Malgré le genre d'information dont il disposait à ce moment‑là, le ministre a choisi de tenter sa chance devant la Cour. Enfin, contrairement à l'offre faite dans l'affaire Association olympique canadienne, les offres de règlement de l'appelant ont été faites bien avant l'instruction. Même si les lettres de l'appelant du 30 mars 2007 et du 11 juin 2007 étaient brèves, de par leur libellé et les documents à l'appui joints à celles‑ci, ces lettres indiquaient clairement l'intention de l'appelant d'obtenir un règlement extrajudiciaire de l'affaire. Que ce soit par indifférence ou à dessein, l'intimée a plutôt choisi de braver la tempête (relativement petite) que constituait l'appel de l'appelant. Elle doit donc maintenant accepter les conséquences de son choix.

 

Alinéas 147(3)g), h) et i) : la conduite d'une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l'instance; la dénégation d'un fait par une partie ou sa négligence ou son refus de l'admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis; la question de savoir si une étape de l'instance était inappropriée, vexatoire ou inutile, ou a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection

 

[14]    Mis à part les préoccupations générales énoncées ci‑dessus, la conduite de l'intimée n'est pas visée par ces critères. Elle n'a pas eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l'instance; elle n'était pas non plus comparable au comportement des fonctionnaires critiqué par le juge en chef Bowman dans la décision Scavuzzo c. La Reine, 2005 CCI 772.

 

Alinéa 147(3)j) : toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens

 

[15]    À l'égard de ce critère, je ne peux que citer un passage de la décision Jolly Farmer Products Inc. c. La Reine[7], dans laquelle le juge Boyle rappelle de façon éloquente le contexte unique des appels en matière fiscale, l'inégalité inhérente des pouvoirs entre les parties et le rôle que joue l'adjudication des dépens, soit assurer que, dans l'exécution de ses obligations légales, la Couronne n'abuse pas de son autorité :

 

26        Il y a peut‑être des arguments et des cas que l'Agence du revenu du Canada devrait tout simplement abandonner. La Couronne n'est pas une partie privée. Lorsqu'elle établit une nouvelle cotisation à l'égard d'un contribuable et qu'elle ne réussit pas à régler l'opposition de celui‑ci, la Couronne oblige son citoyen/contribuable à s'adresser aux tribunaux. Lorsque la thèse de la Couronne est dénuée d'un certain fondement raisonnable et qu'elle est, dans les faits, entièrement rejetée, il est tout naturel que la Couronne soit consciente qu'elle poursuit l'instance au risque d'être condamnée à des dépens plus élevés que ceux prévus au tarif, si elle est déboutée. La Couronne n'est pas une partie privée et les affaires fiscales ne sont pas des différends similaires à ceux qui opposent deux Canadiens entre eux. En effet, il s'agit du gouvernement qui poursuit l'un de ses citoyens. Bien souvent, la Couronne perdra sa cause parce qu'elle n'avait pas entièrement connaissance, avant l'audience, de la preuve présentée par le contribuable ou n'était pas en mesure d'en apprécier sa crédibilité, ou parce qu'elle ne pouvait entièrement saisir la thèse qu'il avançait. Il arrivera que la Couronne fasse valoir, sans succès, des arguments nouveaux. Aucune de ces situations ne paraît exister en l'espèce. Les faits essentiels ne semblent pas avoir été contestés et un des administrateurs de la contribuable a fait l'objet d'un interrogatoire approfondi. Comme il a été mentionné précédemment, la première lettre d'offre de règlement envoyée par la contribuable comprenait une analyse détaillée de sa thèse juridique.

 

[16]    Même si la présente instance n'était pas aussi complexe que l'affaire Jolly Farmer Products Inc., les principes qui précèdent n'en sont pas moins applicables. L'appelant a fait connaître clairement sa position dès le départ en fournissant des documents à l'appui et la preuve corroborante de son comptable. Les mêmes documents ont été fournis à l'appui des offres de règlement de l'appelant. En exerçant les pouvoirs non négligeables que lui confère la loi, le ministre a fait ses propres enquêtes à l'étape de la vérification et de l'opposition. Des interrogatoires préalables ont eu lieu. À l'instruction, l'intimée n'a pas mis en doute la crédibilité de l'appelant ou du comptable; aucun nouveau fait surprenant n'a été constaté; aucun nouvel argument n'a été soulevé. En pareilles circonstances, si le ministre n'avait accordé qu'un tout petit peu plus d'attention au dossier de l'appelant en général, et à son appel en particulier, une grande partie de l'instance aurait pu être évitée.

 

Conclusion

 

[17]    Pour les motifs exposés ci-dessus, la requête de l'appelant est accueillie. La Cour adjuge à l'appelant des dépens forfaitaires correspondant à 80 p. 100 des honoraires lui ayant été facturés après l'offre de règlement du 30 mars 2007 et aux débours effectués.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de mars 2010.

 

 

« G. A. Sheridan »

Le juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d'octobre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 125

 

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2006-3312(IT)G

 

 

INTITULÉ :                                       ROY WALSH c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

D'ADJUDICATION DES DÉPENS :  L'honorable juge G. A. Sheridan

 

 

DATE DE L'ORDONNANCE :          Le 3 mars 2010

 

 

Avocat de l'appelant :

Me D. Andrew Rouse

Avocat de l'intimée :

Me David Besler

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :           D. Andrew Rouse

                    Cabinet :      Mockler Peters Oley Rouse

                                       Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 



[1] Pièce « C » de l'affidavit de Me D. Andrew Rouse.

 

[2] Pièce « E » de l'affidavit de Me D. Andrew Rouse.

 

[3] Pièces « D » et « F » de l'affidavit de Me D. Andrew Rouse.

 

[4] McGorman c. La Reine, no 86‑355(IT)G, 21 avril 1999, [1999] A.C.I. no 219 (QL) (C.C.I.), au paragraphe 13.

 

[5] 2009 CCI 540, au paragraphe 9.

 

[6] no T‑1564‑97, 19 octobre 2000, [2000] A.C.F. no 1725 (QL) (C.F. 1re inst.).

 

[7] 2008 CCI 693.

 

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