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Dossier : 2011‑16(EI)

ENTRE :

CAVALIER LAND LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

MARK HOADLEY,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Cavalier Land Ltd. dans le dossier 2011‑17(CPP)

le 25 août 2011à Calgary (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Jason P. Schlotter

 

Avocat de l’intimé :

Me Adam Gotfried

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

__________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en date du 5 octobre 2010 est par les présentes modifiée comme suit :

 

          Mark Hoadley n’exerçait pas d’emploi assurable auprès de Cavalier Land Ltd. au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 14 octobre 2009 parce qu’il n’était pas engagé aux termes d’un contrat de travail.

 

 

          Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour d’octobre 2011.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de janvier 2012

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

 

 

 

Dossier : 2011‑17(CPP)

ENTRE :

CAVALIER LAND LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

MARK HOADLEY,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Cavalier Land Ltd. dans le dossier 2011‑16(EI)

le 25 août 2011 à Calgary (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Jason P. Schlotter

 

Avocat de l’intimé :

Me Adam Gotfried

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

__________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en date du 5 octobre 2010 est par les présentes modifiée comme suit :

 

          Mark Hoadley n’exerçait pas d’emploi ouvrant droit à pension auprès de Cavalier Land Ltd. au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 14 octobre 2009 parce qu’il n’était pas engagé aux termes d’un contrat de travail.

 

 

          Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour d’octobre 2011.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de janvier 2012

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 490

Date : 20111019

Dossiers : 2011‑16(EI)

2011‑17(CPP)

ENTRE :

CAVALIER LAND LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

MARK HOADLEY,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]              L’appelante, Cavalier Land Ltd. (« Cavalier ») interjette appel de deux décisions – toutes les deux portant la date du 5 octobre 2010 –, rendues en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et le Régime de pensions du Canada (le « Régime »), par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a décidé que l’emploi que Mark Hoadley (« M. Hoadley ») avait exercé entre le 1er janvier 2009 et le 14 octobre 2009 était à la fois un emploi assurable et un emploi ouvrant droit à pension étant donné qu’il avait assuré ses services aux termes d’un contrat de travail.

 

[2]              Il n’est pas controversé entre l’avocat de l’appelante, l’avocat de l’intimé et M. Hoadley que les appels doivent être instruits ensemble.

 

[3]              Steve Sinclair‑Smith (« M. Sinclair‑Smith ») a témoigné qu’il était directeur de l’exploitation chez Cavalier et que tous les vice‑présidents relevaient de lui. Cavalier appartient à Divestco Ltd. (« Divestco »). Suivant la structure organisationnelle de Cavalier, le service foncier est chargé d’acquérir, pour le compte de sociétés pétrolières et gazières, le droit d’occuper des terres à des fins d’exploration et de mise en valeur en négociant les droits de superficie avec les propriétaires fonciers. Il est également chargé de l’acquisition et de la négociation de droits de superficie auprès de la Couronne de l’Alberta ainsi que de l’acquisition de droits francs de superficie, de la représentation cartographique des projets, de concessions d’exploitation minière franches, de la liaison avec les organismes de réglementation et d’autres activités connexes. Cavalier dispose d’une équipe d’agents fonciers (les « agents »), situés dans divers centres un peu partout dans l’Ouest du Canada, dont elle retient les services en concluant avec eux des contrats écrits, pratique qui existait à l’époque en cause. M. Hoadley était l’agent de la région de Medicine Hat, au sud‑est de l’Alberta. M. Sinclair‑Smith ne traitait pas directement avec M. Hoadley, mais il connaissait bien la politique et la procédure de l’entreprise en ce qui concerne la façon de traiter avec la douzaine ou la quinzaine d’agents qui offraient leurs services à Cavalier. En 2007, Cavalier a acheté Canadian Landmasters Resource Services Ltd. (« Landmasters ») et l’a intégrée dans sa structure organisationnelle. Suivant M. Sinclair‑Smith, la norme, dans l’industrie, est de retenir les services d’entrepreneurs indépendants pour remplir les fonctions d’agent. M. Sinclair‑Smith a été renvoyé à un relevé d’emploi daté du 6 février 2008 – pièce A‑1 –, qui indiquait que Landmasters avait été acquise par Divestco le 28 novembre 2007 et que la dernière période de paye de M. Hoadley chez Landmasters avait pris fin le 30 novembre 2007. M. Sinclair‑Smith a déclaré que M. Hoadley avait signé avec Cavalier une entente écrite – dont une copie a été déposée sous la cote A‑2 – couvrant la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, sous réserve de toute éventuelle prorogation. Bien qu’on ne trouve la signature d’aucun des représentants de Cavalier sur cette copie, il est constant que ce formulaire de contrat avait été signé au nom de Cavalier et par M. Hoadley. Le volume de travail qui serait offert n’était pas garanti aux termes de ce contrat – voir l’article 1.2 – parce que Cavalier n’avait besoin des services de M. Hoadley et des autres agents que pour répondre à la demande des entreprises qui exploitaient des ressources. Selon M. Sinclair‑Smith, il ressort de l’article 2.1 que M. Hoadley offrait ses services à titre d’entrepreneur indépendant et – ainsi qu’il était précisé à l’article 2.2 – et qu’il pouvait entrer au service de tiers à condition que ce travail n’entre pas en conflit avec les obligations qu’il avait contractées envers Cavalier. Aux termes de l’article 3.4, M. Hoadley ne pouvait participer à aucun des régimes d’avantages sociaux de Cavalier et il n’avait droit à aucun congé de maladie, paye de vacances de Divestco ou toute autre forme de rémunération de congé férié. Il devait assumer le paiement des frais de stationnement et de transport et d’autres dépenses (téléphone cellulaire, cotisations, frais d’adhésion, etc.). M. Sinclair‑Smith a déclaré que les agents avaient coutume d’aviser le service foncier si un agent prenait un congé prolongé, ajoutant qu’ils ne donnaient cet avis que par courtoisie professionnelle. Si aucun avis n’était donné, on communiquait avec un autre agent pour s’occuper du dossier. Une entente modificative – pièce A‑3 – a été signée le 23 septembre 2009 par M. Hoadley et Peter Zyla (« M. Zyla ») – pour le compte de Divestco –, aux termes de laquelle l’article 3.1 a été modifié en date du 1er octobre 2009 de sorte qu’était réduite de 5 p. 100 la rémunération de M. Hoadley, dorénavant fixée à 38 $ l’heure. L’article 3.2 a été supprimé et remplacé par une autre clause selon laquelle était réduit à 25 le nombre d’heures que M. Hoadley pouvait facturer par semaine pour le [traduction] « temps passé au bureau ». M. Hoadley pouvait toutefois travailler jusqu’à concurrence 40 heures par semaine lorsqu’il exécutait une combinaison de travail sur le terrain et de travail de bureau, mais le maximum d’heures de bureau était toujours fixé à 25. M. Hoadley devait également présenter une facture à la fin de chaque période de deux semaines pour indiquer le nombre d’heures travaillées au cours du mois et décrire le travail effectué. M. Sinclair‑Smith a déclaré qu’à la fin de septembre 2009, les recettes générées dans la région de Medicine Hat avaient connu un déclin appréciable et qu’un nombre moins élevé de dossiers était confié à ce bureau, de sorte qu’il fallait conclure une entente modificative pour fixer des limites aux heures facturables de M. Hoadley. M. Sinclair‑Smith a été renvoyé à un courriel de M. Zyla – pièce A‑4 – adressé à M. Hoadley dans lequel on trouvait une liste d’employés, dont l’épouse de M. Hoadley – Cherith Hoadley (« Cherith ») –, qui travaillaient au bureau de Medicine Hat. M. Hoadley ne faisait pas partie des employés assujettis à des évaluations de rendement, mais il devait remplir la partie du rapport de rendement de Cherith réservée au superviseur. Une liasse de factures – pièce A‑5 – a été soumise par M. Hoadley à Cavalier pour la période comprise entre le 12 avril 2009 et le 20 juillet 2009. Était joint à ces factures un tableau qui donnait des détails sur chaque dossier, les heures effectuées, les distances parcourues et autres renseignements se rapportant aux dépenses.

 

[4]              Contre‑interrogé par l’avocat de l’intimé, M. Sinclair‑Smith a expliqué que le siège social de Divestco se trouvait à Calgary. L’entreprise assure des services de logiciels à des entreprises qui font de l’exploration pétrolière et gazière et des services d’agents chargés d’acquérir les droits nécessaires pour pouvoir accéder aux terres. Divestco compte 240 employés ainsi que 30 personnes qui offrent leurs services à titre d’entrepreneurs indépendants. Cavalier compte 28 employés et 15 personnes engagées comme entrepreneurs indépendants. Au cours de la période pertinente, M. Zyla était le vice‑président de Cavalier; il traitait directement avec les agents, dont M. Hoadley. Cavalier comptait trois coordonnateurs principaux, Ryan Dallyn (« M. Dallyn »), John Lanaras (« M. Lanaras ») et Terry Henkleman (« M. Henkleman »), qui avait été coordonnateur chez Landmasters et l’un de ses propriétaires. Cavalier a conservé l’ancien bureau de Medicine Hat. M. Sinclair‑Smith a déclaré qu’il n’avait jamais rencontré M. Hoadley au cours de la période en cause et qu’il ignorait tout des activités quotidiennes de Cavalier. Il savait qu’un relevé d’emploi – pièce A‑1 – avait été remis par Landmasters le 6 février 2008. Il croyait comprendre que M. Hoadley avait été agent chez Landmasters avant que cette entreprise ne soit acquise par Cavalier. Il était d’usage courant chez Cavalier d’offrir un contrat aux agents (voir la pièce A‑2). Avant l’acquisition, Landmasters était l’un des concurrents de Cavalier. M. Sinclair‑Smith a reconnu que dans le tableau annexé au courriel – pièce A‑4 –, le nom de M. Hoadley figure dans la catégorie des personnes chargées de la coordination et des évaluations. M. Lanaras, un des coordonnateurs principaux, figure sous le nom de John L., sous la rubrique [traduction] « Autres personnes qui procèdent à des évaluations ». M. Sinclair‑Smith a reconnu que, normalement, un entrepreneur indépendant ne supervisait pas des employés. M. Sinclair‑Smith a été renvoyé à un document intitulé [traduction] « Répertoire des employés de Divestco » et plus particulièrement à l’inscription qu’on y trouve à la dernière page : le nom de M. Hoadley avec la mention [traduction] « Coordonnateur de Medicine Hat » suivie du nom de M. Lanaras comme superviseur. L’adresse électronique de M. Hoadley qui y est indiquée est la suivante : « divestco.com ». M. Sinclair‑Smith a déclaré que M. Hoadley représentait Cavalier lorsqu’il traitait avec les propriétaires fonciers.

 

[5]              En réinterrogatoire, M. Sinclair‑Smith a déclaré qu’il ignorait qui avait dressé la liste des employés – pièce R‑1, mais qu’il supposait qu’il s’agissait d’une personne qui travaillait au service de l’infotechnologie et qui n’était probablement pas au courant de la situation de certaines des personnes qui y étaient nommées, étant donné qu’il s’agissait surtout de dresser la liste des personnes qui participaient de façon générale aux activités de Cavalier. Le bureau de Medicine Hat que Landmasters avait acquis avait été fermé par souci d’économie et les seules personnes qui travaillaient encore à ce bureau étaient M. Hoadley et son épouse – Cherith –, qui était une employée de Divestco/Cavalier.

 

[6]              Lorsqu’il a été contre‑interrogé par M. Hoadley – en qualité d’intervenant –, M. Sinclair‑Smith a déclaré qu’il ne savait pas que Cavalier avait acquis un bureau à Carlyle, en Saskatchewan. Suivant ce qu’il croyait comprendre des politiques de l’entreprise, les agents géraient leurs propres dossiers, mais ne participaient pas à l’administration quotidienne d’un bureau. En toute bonne foi, Cavalier a tenu pour acquis que les heures facturées par M. Hoadley étaient exactes et étaient inscrites dans le bon dossier, dans la mesure du possible. M. Sinclair‑Smith n’était pas au courant des détails précis des factures déposées sous la cote A‑5. Selon lui, il était inexact de dire que M. Hoadley – ou tout autre agent – avait l’obligation d’aviser un superviseur ou une autre personne de chez Cavalier lorsqu’il prévoyait s’absenter. L’usage voulait que le coordonnateur principal communique avec un agent d’une autre région pour faire faire les tâches nécessaires. Il croyait comprendre que l’agente d’Edmonton avait fini par devenir employée et qu’elle avait rempli certaines tâches administratives en plus de celles qu’elle avait assumées comme agente. M. Sinclair‑Smith a déclaré qu’il croyait comprendre qu’il était normal qu’un agent traite directement avec les représentants des sociétés pétrolières et gazières dans le cadre des négociations avec les propriétaires fonciers.

 

[7]              L’appelante a clos sa preuve.

 

[8]              Mark Hoadley a été appelé à la barre par l’avocat de l’intimé. M. Hoadley avait déjà travaillé chez Landmasters comme coordonnateur et agent au bureau de Medicine Hat. Landmasters avait également des bureaux dans trois autres villes, à savoir Carlyle, Edmonton et Calgary. M. Hoadley a commencé à travailler en 2001 pour une société qui appartenait à ses parents et à M. Henkleman. Il était en fonction dans les bureaux, où il effectuait des tâches administratives, jusqu’à l’obtention de son permis d’agent en 2006. Il a alors étoffé ses tâches. À la mort de son père, les autres actionnaires ont décidé de vendre l’entreprise. Avant le décès de son père, M. Hoadley avait dirigé le bureau de Medicine Hat et son épouse, Cherith, travaillait également dans ce bureau. Lorsqu’il était au service de Landmasters, il était rémunéré pour ses heures supplémentaires à raison de 1,5 fois son salaire régulier. Il comptabilisait le temps qu’il consacrait à son travail d’agent de façon distincte de celui consacré aux fonctions administratives pour le bureau. M. Hoadley a déclaré que lorsque Divestco/Cavalier a acquis Landmasters, il croyait comprendre que tous les membres du personnel de Landmasters seraient réengagés. La transition a été immédiate et il n’a pas eu à attendre pour être payé pour son travail. L’opération a eu lieu le 28 novembre 2007 et ses fonctions n’ont connu aucune autre modification. M. Hoadley a déclaré qu’il remplissait trois rôles distincts. Premièrement, en tant qu’agent, il était chargé de négocier les droits fonciers et ses services étaient facturés à ce titre au dossier concerné. Deuxièmement, en qualité de coordinateur, il était chargé du personnel et coordonnait les activités d’autres agents au besoin. En cette qualité, il traitait directement avec les représentants des entreprises exploitant des ressources et coordonnait au besoin des activités d’autres agents. Troisièmement, il intervenait comme gestionnaire du bureau de Medicine Hat, qui était ouvert de 8 h 30 à 17 h, et il relevait de M. Dallyn ou de M. Lanaras. M. Hoadley a déclaré : [traduction] « Il n’y a aucun doute qu’il y avait un chevauchement entre mes diverses fonctions ». Landmasters avait sa propre clientèle avant son acquisition par Cavalier. En ce qui concerne l’entente – pièce A‑2 –, M. Hoadley a déclaré qu’il croyait comprendre qu’elle ne concernait que son rôle en tant qu’agent et qu’il prévoyait qu’une entente distincte serait signée relativement à ses autres fonctions et tâches connexes. M. Hoadley a déclaré qu’il ne croyait pas qu’il aurait pu être au service d’autres entreprises parce qu’il y aurait alors eu conflit d’intérêts et également parce que, lorsqu’il ne travaillait pas à l’extérieur comme agent, il passait toutes ses journées au bureau. M. Hoadley a déclaré qu’il avait signé une entente – pièce A‑2 – parce qu’il voulait être protégé par le régime d’indemnisation des accidents du travail, surtout lorsqu’il était sur le terrain et qu’il travaillait comme agent. M. Hoadley a reconnu qu’il avait signé l’entente modificative – pièce A‑3 – le 11 septembre 2009, mais qu’il avait informé M. Zyla qu’il ne produirait pas de déclaration de revenus étant donné qu’il était employé et qu’il avait demandé à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) de rendre une décision au sujet de sa situation professionnelle, de sorte que l’entente modificative deviendrait caduque dès qu’il aurait reçu la décision de l’Agence du revenu du Canada déclarant qu’il était un employé. Le 16 octobre 2009, un agent des décisions a avisé Cavalier et M. Hoadley que ce dernier avait exercé un emploi assurable et ouvrant droit à pension chez Cavalier au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 14 octobre 2009. M. Hoadley a déclaré qu’avant de signer l’entente modificative – pièce A‑3 –, il avait refusé de signer une version antérieure qui avait fixé à zéro son nombre d’heures de travail garanties par semaine. En conséquence, la version suivante prévoyait une garantie de 25 heures maximum de travail de bureau par semaine et un total de 40 heures de tâches de bureau et de travail d’agent combinés. M. Hoadley a déclaré qu’il relevait de M. Zyla, de M. Dallyn ou de M. Lanaras – le coordonnateur principal – lorsqu’un autre agent devait s’occuper d’un dossier dans la région de Medicine Hat. Les dossiers provenaient de Calgary, d’Edmonton ou de Medicine Hat et il arrivait parfois que des conflits de personnalités éclatent, à la suite de quoi il fallait confier le dossier à un agent d’un autre bureau. M. Dallyn et M. Lanaras répartissaient le travail provenant des bureaux d’Edmonton et de Calgary. Toutefois, il y avait aussi du travail qui provenait directement du bureau de Medicine Hat, étant donné que le père de M. Hoadley avait œuvré dans le domaine des agents fonciers pendant 30 ans. M. Hoadley se servait de la base de données de Cavalier pour traiter le travail à effectuer. Il était nécessaire de communiquer avec d’autres agents pour répartir le travail entre eux. M. Hoadley soumettait des factures à Cavalier et était payé aux deux semaines. Jusqu’en avril 2009, il était rémunéré pour les jours fériés, mais M. Zyla l’avait informé qu’il ne serait plus payé pour les jours fériés à moins d’avoir effectivement travaillé ces jours‑là. M. Hoadley a déclaré qu’il avait besoin d’un permis en Saskatchewan pour exécuter ses fonctions d’agent étant donné que la loi habilitante dans cette province est différente de celle de l’Alberta. Cavalier lui a remis des cartes professionnelles et une photocopie d’une de ces cartes a été déposée – sous la cote R‑2 – sur une feuille sur laquelle se trouvaient également des notes écrites à la main par M. Hoadley. Sur cette carte, il était précisé que Cavalier faisait partie du groupe Divestco et M. Hoadley était identifié comme étant un [traduction] « directeur de bureau/agent foncier, bureaux de Medicine Hat et de Carlyle ». M. Hoadley utilisait sa propre voiture et son propre téléphone cellulaire et il était remboursé par Cavalier. Le contrat signé avec le fournisseur était au nom de Landmasters. M. Hoadley payait donc les factures mensuelles directement pour ensuite facturer Cavalier en même temps qu’il soumettait ses factures. À un certain moment, un nouveau contrat téléphonique a été signé avec Cavalier. Toutes les dépenses associées à l’exploitation du bureau de Medicine Hat étaient payées par Cavalier. Lorsque ce bureau était occupé par Landmasters, il comprenait cinq bureaux et une réception et sept employés pouvaient y travailler. À l’époque en cause, les locaux étaient loués au mois et toutes les dispositions prises à cet égard avaient été négociées entre le propriétaire et un représentant de Cavalier.

 

[9]              En contre‑interrogatoire, M. Hoadley a été invité par l’avocat de l’appelante à expliquer la différence constatée entre le format des factures déposées sous la cote A‑5 et celles qui avaient été déposées sous la cote A‑6. M. Hoadley a expliqué que la première page de la facture de la pièce A‑5 – tout comme celle de la pièce A‑6 – était un formulaire produit à l’interne par Cavalier qui lui avait été envoyé pour son usage personnel. Il a préparé la deuxième page, qui était un tableau contenant le détail des travaux précis effectués à des dates déterminées avec toute autre précision ou observation pertinente. Une autre liasse de factures – déposées sous la cote A‑7 – a été utilisée à l’audience. M. Hoadley a déclaré que lorsque Landmasters avait été acquise par Cavalier, on ne l’avait informé d’aucun changement dans son statut de travailleur, sauf pour lui dire qu’il ne serait plus l’employé de Landmasters. Lorsque le contrat – pièce A‑2 – lui a été présenté pour examen, il a estimé qu’il ne concernait que son rôle d’agent étant donné qu’il ne traitait d’aucune autre des fonctions qu’il avait exécutées chez Landmasters. Concernant la première facture datée du 12 avril 2009 que l’on trouve dans la liasse déposée sous la cote A‑5, M. Hoadley a déclaré qu’il n’avait pas de numéro de taxe sur les produits et services (« TPS ») et que le montant indiqué en vue du calcul de la TPS avait été ajouté par Cavalier au montant qu’il avait facturé à celle‑ci pour 97,5 heures de travail, à 40 $ de l’heure, avec des dépenses découlant de l’utilisation de son véhicule et de son téléphone. M. Hoadley a reconnu qu’il avait été informé que Cavalier souhaitait que tous les agents assurent leurs services en qualité d’entrepreneurs indépendants. On a renvoyé M. Hoadley à une liasse de documents portant la mention [traduction] « Feuille de temps, Cavalier Land, Mark Hoadley » déposés sous la cote I‑1. En date du 1er avril 2008, M. Hoadley a soumis des feuilles de temps à Cavalier pour lesquelles il a facturé huit heures par jour à raison de cinq jours par semaine, c’est‑à‑dire les mêmes heures de travail que celles qu’il avait effectuées chez Landmasters. À ce moment‑là, le travail effectué n’était pas décrit et les mentions [traduction] « heure d’arrivée » et [traduction] « heure de départ » ainsi que le total d’heures travaillées par semaine étaient identiques sur chaque facture. Dans la facture se trouvant dans la liasse couvrant la période comprise entre le 1er et le 30 juin 2008, M. Hoadley a facturé quatre heures de temps supplémentaire à son taux normal majoré de moitié et il a été rémunéré pour ce travail supplémentaire. Il a également facturé – et a été payé pour – les quatre heures supplémentaires indiquées sur la facture visant la période comprise entre le 1er et le 15 juillet 2008. Comme il en avait l’habitude lorsqu’il travaillait pour Landmasters, M. Hoadley a déclaré qu’il avait demandé à Cavalier d’être payé pour les jours fériés, qu’il avait soumis des factures en ce sens et qu’il avait été payé jusqu’à ce que M. Zyla l’informe qu’il ne serait rémunéré que s’il avait effectivement effectué du travail ces jours‑là et que, même alors, il serait rémunéré à son taux habituel sans majoration de 50 p. 100. M. Hoadley a déclaré qu’il avait discuté avec M. Lanaras ou quelqu’un d’autre de chez Cavalier de la possibilité de signer une entente portant sur les autres fonctions qu’il remplissait au bureau de Medicine Hat, mais qu’aucune entente n’avait finalement été signée. Quant à la possibilité pour lui d’accepter du travail d’autres clients, M. Hoadley a déclaré que sa position, si quelqu’un lui demandait de travailler comme agent, était qu’il acceptait l’offre, mais uniquement à condition que les services de Cavalier soient retenus. Suivant l’expérience qu’il avait acquise dans l’industrie, un concurrent n’aurait pas communiqué avec un agent qui assurait ses services à une autre entreprise offrant des services fonciers. M. Hoadley a déclaré qu’on lui avait dit d’aviser Cavalier en cas d’absence du bureau. On a renvoyé M. Hoadley à une série de courriels – avec une feuille annexée intitulée [traduction] « Analyse 2009 Medicine Hat – pièce A‑8 –, échangés entre le 11 mai et le 31 août 2009. M. Hoadley a reconnu qu’en date de mars 2009, les recettes générées par le bureau de Medicine Hat avaient chuté au point où les frais d’exploitation dépassaient les revenus. M. Hoadley a expliqué qu’il avait laissé entendre qu’il accepterait un salaire fixe de 78 000 $ par année, ce qui aurait permis à Cavalier d’épargner environ 10 000 $. Il a estimé qu’il serait approprié d’annuler la location des bureaux et de travailler désormais chez lui, et il pourrait facturer à Cavalier environ 500 $ par mois pour l’espace de bureau. Cavalier a exigé de M. Hoadley qu’il réduise ses heures rémunérées – comme agent – à 25 heures par semaine et qu’il signe une entente modificative en date du 23 septembre 2009. En réponse à un courriel daté du 14 mai 2009 provenant de M. Zyla, M. Hoadley a, le 31 août 2009, envoyé un courriel  – on trouve une copie de ces deux courriels sur une feuille déposée sous la cote A‑9  – dans lequel il expliquait que sa femme, Cherith, bénéficiait de l’assurance maladie en tant qu’Indienne inscrite et que Cavalier pouvait supprimer la protection dont sa femme bénéficiait en tant qu’employée pour épargner de l’argent. Il a également mentionné d’autres mesures d’économie qui se chiffraient selon lui à 34 546 $. Le 26 août 2009, M. Hoadley a répondu au courriel que M. Zyla lui avait envoyé – pièce A‑10 –, qui portait principalement sur le déficit d’exploitation du bureau de Medicine Hat. M. Hoadley a répondu qu’il était [traduction] « conscient de la nécessité de disposer d’un bureau viable, mais que cela ne doit pas se faire aux dépens des employés ». M. Hoadley a souligné le passage suivant dans son courriel : [traduction] « J’exerce un emploi rémunéré comme employé à temps plein de ce bureau depuis 2001 et je n’ai jamais été "un simple agent foncier", sinon cela serait considéré comme un congédiement déguisé ». Il a été soutenu que M. Hoadley avait depuis regretté avoir signé le contrat – pièce A‑2 – et que la réduction des heures facturables par semaine l’avait amené à considérer cette réduction comme un congédiement déguisé, concept qui s’applique à la situation d’un employé. Citant l’entente modificative – pièce A‑3 –, M. Hoadley a déclaré qu’au‑dessus de sa signature et de la date du 23 septembre 2009, il avait ajouté la mention manuscrite suivante : [traduction] « [...] et devient caduque une fois que Revenu Canada aura rendu une décision au sujet de l’emploi ». Il a affirmé que ces mots se trouvaient sur l’entente modificative qu’il avait retournée à M. Zyla. M. Hoadley a déclaré qu’il avait décidé de demander à l’ARC de se prononcer au sujet de sa situation professionnelle lorsqu’en avril 2009, M. Zyla l’avait informé qu’il ne serait plus rémunéré pour les jours fériés à moins d’avoir travaillé ces jours‑là. On a renvoyé M. Hoadley à l’article 10.1 de l’entente écrite – pièce A‑2 –, dont voici le libellé :

 

[traduction] La présente entente, ainsi que toute politique applicable établie par Cavalier Land, à son entière discrétion, constitue la seule et unique convention entre les parties. Aucune des parties n’aura de réclamation contre l’autre partie en ce qui concerne toute entente conclue oralement ou par écrit avant la date des présentes.

 

[10]         M. Hoadley a déclaré qu’il était au courant de ce libellé, mais qu’il [traduction] « supposait qu’il faisait partie des aléas de la vente », faisant allusion à l’intégration de Landmasters aux services fonciers de Cavalier. M. Hoadley a affirmé que, lorsqu’il facturait Cavalier pour l’utilisation de son téléphone cellulaire – qu’il payait à Telus Mobility–, Cavalier facturait au client concerné les minutes ayant servi à l’usage précisé.

 

[11]         L’intimé a clos sa preuve.

 

[12]         M. Hoadley a témoigné en qualité d’intervenant. Il a répété que Cavalier avait un bureau à Carlyle, en Saskatchewan. Il croyait comprendre que M. Dallyn, qui était à la fois agent et coordonnateur, était l’employé de Cavalier. En réponse à un courriel daté du 26 mai 2009 que lui avait adressé M. Zyla – pièce I‑2 –, M. Hoadley a déclaré qu’il avait rempli un formulaire d’évaluation d’employé au sujet de Cherith – que l’on trouve dans la même pièce –, qu’il avait signé et remis à M. Zyla le 15 juillet 2009. Les mêmes renseignements avaient été communiqués plus tôt au téléphone à M. Zyla étant donné que ce dernier avait fixé au 1er juin la date limite de remise des évaluations. M. Hoadley a déclaré que, comme la plus grande partie du travail était effectuée par voie électronique, beaucoup d’évaluations pouvaient être effectuées à distance, mais qu’il devait remplir le rapport concernant le bureau de Medicine Hat. Suivant son expérience, les agents n’assurent pas de soutien administratif et n’exécutent pas de fonctions administratives.

 

[13]         Contre‑interrogé par l’avocat de l’appelante, M. Hoadley a déclaré que l’agent travaillant à Carlyle, M. Faber, remplissait les tâches administratives nécessaires et que les heures de cet employé étaient facturées et comptabilisées dans un dossier précis. M. Hoadley a déclaré qu’il ajoutait les heures applicables à sa facture lorsqu’il exécutait des fonctions associées à son rôle de coordonnateur.

 

[14]         L’avocat de l’intimé n’a eu aucune question à poser.

 

[15]         M. Hoadley a clos sa preuve en tant qu’intervenant.

 

[16]         L’avocat de l’appelante a fait valoir que malgré les mésententes qui avaient pu surgir à l’occasion entre M. Hoadley et les différents représentants de Cavalier au sein du service foncier, le contrat écrit – pièce A‑2 – était clair. Comme le contrat le précisait clairement, M. Hoadley acceptait de fournir ses services en qualité d’entrepreneur indépendant. De plus, l’article 10.1 déclarait que l’entente écrite représentait l’entente intégrale conclue entre les parties. Il a souligné que M. Hoadley avait travaillé pour Landmasters – une entreprise familiale – et qu’il semblait ne pas avoir apprécié ou accepté que cette entreprise soit acquise par Cavalier, laquelle, à son tour, faisait partie du groupe Divestco. Il a été relevé, s’agissant du degré de contrôle, que M. Hoadley pouvait prendre des congés et que rien dans le contrat ne l’empêchait de le faire, et ce, malgré le fait qu’il était évident que M. Hoadley s’estimait tenu de continuer à s’occuper du bureau de Landmasters à Medicine Hat, comme il l’avait fait pendant les trois années au cours desquelles son père avait été malade. M. Hoadley a choisi de ne pas offrir ses services à des tiers malgré le fait qu’il lui était loisible de le faire aux termes de son contrat. M. Hoadley était un agent professionnel expérimenté qui établissait son propre horaire et ses propres méthodes de travail pour remplir les tâches que lui confiaient les entreprises pétrolières et gazières clientes de Cavalier. L’avocat de l’appelante a reconnu que M. Hoadley n’était exposé à aucun risque de perte, mais a soutenu qu’aux termes de l’article 1.3 de l’entente, Cavalier ne lui avait offert aucune garantie de travail et que le contrat venait à expiration le 31 décembre 2008. Les principaux outils utilisés par M. Hoadley pour remplir ses tâches en qualité d’agent étaient son véhicule et son téléphone cellulaire, et les dépenses y afférentes étaient facturées et remboursées par Cavalier. L’avocat a expliqué que les courriels échangés par MM. Hoadley et Zyla en août 2009 indiquaient le désir de M. Hoadley de transformer son statut d’entrepreneur indépendant en celui d’employé comme en fait foi son affirmation selon laquelle il recevait un salaire fixe annuel, par opposition à une facturation à l’heure. L’avocat de l’appelante a soutenu qu’il ressortait des éléments de preuve que les décisions du ministre étaient incorrectes et que les appels devaient être accueillis.

 

[17]         L’avocat de l’intimé soutient qu’il ressort des éléments de preuve que M. Hoadley n’exploitait pas une entreprise à son compte. Bien que le contrat – pièce A‑2 – mentionne le rôle de M. Hoadley comme agent, il ne dit rien de ses autres fonctions en qualité de directeur du bureau de Medicine Hat et de l’exécution des fonctions associées à ce rôle. M. Hoadley a témoigné qu’il prévoyait que les fonctions supplémentaires en question feraient l’objet d’un autre contrat ou d’autres pourparlers, mais que rien de tout cela ne s’était finalement concrétisé. L’avocat de l’intimé a souligné que la jurisprudence enseigne clairement que les parties ne peuvent se soustraire au régime d’assurance‑emploi prévu par la Loi ou à leur participation au Régime. Il a expliqué que tous les clients en cause étaient des clients de l’appelante. M. Hoadley n’était pas inscrit aux fins de la TPS et les fonctions de gestion qu’il remplissait, notamment en évaluant le rendement de son épouse, qui était l’employée de Cavalier, étaient effectuées au profit de Cavalier. M. Hoadley n’a pas engagé d’assistant mais, en sa qualité d’agent, il a participé à l’affectation d’autres agents à l’exécution de fonctions dans la région de Medicine Hat au besoin. Le bureau et le matériel appartenaient à Cavalier et M. Hoadley était remboursé pour les dépenses découlant de l’utilisation de son véhicule et de son téléphone cellulaire. L’avocat de l’intimé a expliqué que M. Hoadley ne pouvait espérer réaliser des profits ni craindre d’essuyer des pertes. Après avoir examiné les éléments de preuve et l’ensemble des facteurs applicables, l’avocat de l’intimé a fait valoir qu’il était évident que l’appelante n’avait pas démontré que M. Hoadley exploitait une entreprise à son compte lorsqu’il assurait ses divers services au cours de la période en cause.

 

[18]         M. Hoadley a, en tant qu’intervenant, mentionné les éléments de preuve suivant lesquels pendant une certaine période, il avait été rémunéré à un taux horaire fixe de huit heures par jour, cinq jours par semaine, et qu’il était alors chargé de diriger non seulement le bureau de Medicine Hat, mais également celui de Carlyle. Lorsqu’il fournissait des détails au sujet de son travail en soumettant des factures à Cavalier, il aurait dû être évident qu’il remplissait des fonctions de gestion qui n’étaient pas prévues par le contrat initial ou par l’entente modificative du 23 septembre 2009. M. Hoadley a cité son propre témoignage concernant l’acquisition de Landmasters, laquelle était survenue soudainement sans période de transition, en signalant que le bureau devait continuer à exercer ses activités comme à l’accoutumée pour répondre aux besoins des clients de Landmasters qui étaient devenus des clients de Cavalier.

 

[19]         Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (« Sagaz »), la Cour suprême du Canada a examiné une affaire de responsabilité du fait d’autrui et a également été appelée à définir ce qu’est un entrepreneur indépendant à l’occasion de l’examen de diverses questions. Le jugement de la Cour a été rédigé par le juge Major, qui a retracé l’évolution de la jurisprudence dans le contexte de l’importance que revêt la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant, étant donné que cette qualification avait une incidence sur la question de la responsabilité du fait d’autrui. Après avoir cité les motifs du juge MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1986] 2 C.T.C. 200, ainsi que le critère de l’organisation formulée par Lord Denning et la synthèse proposée par le juge Cooke dans l’arrêt Market Investigations Ltd. c. Minister of Social Security [1968] 3 All E.R. 732, cités par le juge MacGuigan, le juge Major a fait les observations suivantes, aux paragraphes 47 et 48 de son jugement :

 

47        Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

 

[20]         Je vais examiner les faits des présents appels en fonction des critères formulés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

Degré de contrôle

 

[21]         M. Hoadley était un agent expérimenté et, avant d’obtenir son permis, il avait travaillé au bureau de Landmasters à Medicine Hat, où il avait exécuté diverses fonctions administratives, notamment comme directeur pour une période de trois ans avant que l’entreprise ne soit vendue à Cavalier par le truchement du groupe Divestco. Il communiquait au besoin avec le coordonnateur principal de Cavalier à Calgary, mais il faisait également le nécessaire pour obtenir les services d’un autre agent dans la région de Medicine Hat au besoin en fonction de la demande de la clientèle. Il était en mesure de négocier directement avec les propriétaires fonciers et d’assurer le suivi auprès d’un représentant de l’entreprise cliente qui exploitait des ressources. Pour ce qui est de l’obligation de demander une autorisation de M. Zyla ou d’un autre superviseur de Cavalier, M. Hoadley a expliqué que, s’il était absent, il fallait obtenir cette autorisation, ajoutant qu’il était toutefois possible qu’il le fasse par courtoisie et pour des raisons d’ordre pratique, étant donné qu’il était nécessaire d’assurer un suivi sur un dossier déterminé ou un groupe de dossiers. Dans le monde des affaires contemporain, la supervision et le contrôle peuvent être réalisés par une foule de moyens électroniques. La capacité de contrôler la qualité du travail plutôt que de contrôler le rendement d’un travailleur est une distinction importante qu’il convient d’opérer. En l’espèce, il y a peu d’éléments de preuve tendant à démontrer que M. Zyla ou M. Dallyn ou d’autres personnes de chez Cavalier exerçaient un contrôle sur les activités de M. Hoadley au cours de la période en cause. M. Hoadley se faisait confier une tâche ou obtenait un client directement et utilisait ses propres méthodes, son expérience et son instinct en tant que personne expérimentée dans le domaine qui connaissait bien la région pour obtenir les résultats souhaités. L’expérience qu’il avait acquise chez Landmasters lui permettait de compter sur une connaissance approfondie de la région et de certains clients par rapport aux autres membres du personnel du bureau de Cavalier à Calgary. M. Hoadley pouvait établir son propre horaire de travail et répartir son temps entre ses tâches effectuées à l’extérieur du bureau et la partie de son travail qu’il devait exécuter au bureau ou qu’il était plus facile d’effectuer au bureau. Sauf lorsqu’il discutait de certaines questions avec M. Zyla ou d’autres personnes du bureau de Calgary par téléphone cellulaire ou par courriel, la nature exacte de ses activités n’était connue qu’une fois que le dossier était terminé, même s’il fournissait certains détails de ses tâches quotidiennes sur la feuille qui accompagnait ses factures. Bien que le contrat permette expressément à M. Hoadley d’assurer ses services à des tiers, lorsque cela ne créait pas de conflit avec ses obligations envers Cavalier, je retiens l’explication de M. Hoadley suivant laquelle pendant la plus grande partie de la période en cause, il n’était pas pratique pour lui d’offrir ses services à des tiers parce qu’il était pris et que le fait d’agir ainsi aurait été à l’encontre de ses propres normes professionnelles comme agent lorsqu’il assurait ses services à des entreprises faisant de l’exploration pétrolière et gazière.

 

Outillage et/ou assistants

 

[22]         Les bureaux et l’équipement de Medicine Hat appartenaient à Landmasters et ils avaient été acquis par Cavalier. Cherith travaillait dans ce bureau, où elle avait le statut d’employée. M. Hoadley a été appelé à procéder à l’évaluation du rendement de Cherith et d’en soumettre les résultats à Cavalier, à Calgary. Il a procédé par téléphone et a ensuite rempli le formulaire qui lui avait été fourni. M. Hoadley utilisait son propre véhicule et son propre téléphone cellulaire, et il était remboursé à un taux fixe au kilomètre ainsi que pour la portion de sa facture de téléphone associée au travail qu’il exécutait pour les clients de Cavalier. Bien qu’aucun élément de preuve direct n’ait été produit à ce sujet, il est raisonnable de conclure que Cavalier avait conservé ce bureau pour d’autres raisons que de répondre aux besoins de M. Hoadley dans son rôle d’agent et que Cherith exécutait d’autres fonctions sous la direction des dirigeants de Calgary.

 

Étendue des risques financiers et responsabilité des mises de fonds et de la gestion

 

[23]         M. Hoadley n’était exposé à aucun risque financier lorsqu’il exécutait ses fonctions. Il n’a rien investi dans le bureau de Medicine Hat. Il est toutefois évident qu’il assumait la responsabilité de la gestion de ce bureau lorsqu’il s’acquittait de ses fonctions d’agent. On ne sait pas avec certitude jusqu’à quel point Cavalier exigeait qu’il soit présent au bureau. On doit tenir compte du fait que M. Hoadley avait dirigé ce bureau lorsqu’il était au service de Landmasters et du fait que son épouse, Cherith, y travaillait comme employée de Cavalier. Le bureau était équipé de l’ameublement, de l’équipement et des fournitures nécessaires pour lui permettre de s’acquitter de ses fonctions d’agent de façon efficace et il agissait comme représentant de Cavalier lorsqu’il traitait avec des propriétaires fonciers et des entreprises pétrolières et gazières en vue d’obtenir des droits d’accès ou d’autres droits fonciers. Il ressort de l’examen des notes inscrites par M. Hoadley sur les feuilles jointes à ses factures – pièce A‑5 – pour la période comprise entre le 30 mars et le 17 juillet 2009 qu’il exécutait diverses tâches, qu’il avait inscrites sous les rubriques [traduction] « heures de bureau » et « temps passé au bureau », mais que les inscriptions sous la rubrique [traduction] « Détails/Observations » avaient souvent trait aux rapports qu’il entretenait avec des propriétaires fonciers et/ou diverses personnes – y compris des clients – dans le cadre des tâches qu’il exécutait dans un dossier donné ou un groupe de dossiers. Ce n’est pas parce que M. Hoadley utilisait le bureau et l’équipement de Medicine Hat qu’il faut nécessairement conclure qu’il le faisait pour le compte de Cavalier directement; en fait, il était autorisé à le faire pour remplir son rôle d’agent. Certaines des tâches se rapportaient au bureau de la Saskatchewan, dont la préparation des documents associés à l’obtention de droits de baux de surface ou d’autres droits. Le 14 mai 2009, suivant la feuille jointe à sa facture – en date du 26 mai –, il a consacré huit heures à la préparation d’une évaluation de coûts en plus de faire le ménage dans le bureau, de passer l’aspirateur, de sortir les ordures, de nettoyer les fenêtres, de répondre aux courriels et au téléphone. Le détail des factures visées par la période en question indique qu’une grande partie des activités semble présenter des liens directs avec le rôle que jouait M. Hoadley comme agent, et le fait qu’il a noté avoir consacré huit heures par jour à certaines dates à répondre au téléphone, à envoyer et à recevoir des courriels n’exclut pas l’existence d’un lien avec ses fonctions d’agent. Il semble que ses fonctions étaient interreliées et que, comme M. Hoadley l’a lui‑même déclaré dans son témoignage, qu’[traduction] « il y avait un chevauchement entre [s]es diverses fonctions ».

 

Possibilité de tirer profit de l’exécution de ses tâches

 

[24]         Suivant le contrat, il n’existait aucune garantie de travail et l’entente modificative fixait à 40 le nombre maximal d’heures facturables par semaine dont un maximum de 25 pouvait être attribué à des fonctions qualifiées de [traduction] « temps passé au bureau ». Lorsque les responsables du bureau de Calgary ont appris que M. Hoadley était payé pour les congés fériés, M. Zyla l’a informé qu’il ne pourrait plus être rémunéré à moins d’avoir effectivement travaillé et qu’il ne serait rémunéré qu’à son taux horaire habituel. La jurisprudence enseigne clairement que le fait de travailler un plus grand nombre d’heures ne constitue pas une possibilité de réaliser un profit.

 

La question de l’intention

 

[25]         Dans plusieurs affaires récentes, y compris les affaires Wolf c. La Reine, 2002 DTC 6853, The Royal Winnipeg Ballet c. Le Ministre du Revenu national – M.R.N., 2006 DTC 6323, Vida Wellness Corp. (f.a.s. Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570, et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, les parties avaient clairement exprimé leur intention que la personne qui assurait les services le ferait en qualité d’entrepreneur indépendant et non à titre d’employé. Dans d’autres affaires, les parties divergeaient d’opinion sur la question de savoir si elles s’étaient entendues dès le départ, ou par la suite au cours de leurs rapports de travail, pour fournir les services dans le contexte d’un statut déterminé.

 

[26]         Dans l’affaire Winnipeg Ballet, il n’y avait nulle controverse entre les parties au sujet de leur intention et de leur souhait de qualifier la relation de travail avec le payeur comme étant une relation d’entrepreneur indépendant. Aux paragraphes 61 à 64 inclusivement de son jugement, la juge Sharlow a fait les observations suivantes :

 

[61]      Je souligne, une fois de plus, que cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes. Cela ne veut pas dire non plus que les déclarations que font les parties quant à leurs intentions doivent nécessairement amener le tribunal à conclure que leurs intentions ont été concrétisées. Pour paraphraser la juge Desjardins (au paragraphe 71 des motifs principaux de l’arrêt Wolf), lorsqu’il est prouvé que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, ne reflètent pas la relation juridique que les parties affirment avoir souhaité établir, alors il ne faut pas tenir compte de leur intention déclarée.

 

[62]      La question de savoir si l’intention contractuelle qu’une des parties déclare avoir eue coïncide avec celle de l’autre partie donne fréquemment lieu à des différends. En particulier, dans les appels intentés aux termes du RPC et de la LAE, il arrive que les parties présentent des preuves contradictoires au sujet de la nature de la relation juridique qu’elles souhaitaient créer. Ce genre de différend prend habituellement naissance dans le cas où une personne est embauchée pour fournir des services et signe un formulaire de contrat présenté par l’employeur dans lequel la personne en question est qualifiée d’entrepreneur indépendant. L’employeur insère parfois une telle clause dans le contrat dans le but d’éviter de créer une relation employeur‑employé. Il arrive que la personne en question affirme par la suite qu’elle était une employée. Elle pourrait déclarer qu’elle s’est sentie obligée d’indiquer son consentement sur le formulaire de contrat pour des raisons financières ou autres. Elle pourrait également déclarer qu’elle pensait, malgré le fait qu’elle a signé un contrat contenant ces termes, qu’elle serait traitée comme les autres travailleurs qui étaient manifestement des employés. Dans ce genre d’affaires, le tribunal pourrait fort bien conclure, en se fondant sur les facteurs exposés dans l’arrêt Wiebe Door, que la personne en question est une employée, mais cela ne veut pas dire que l’intention des parties n’est pas pertinente. En fait, les parties sont généralement d’accord sur le sens à donner à la plupart des modalités énoncées dans leur contrat. Cela veut simplement dire qu’une stipulation du contrat portant sur la nature juridique de la relation créée par celui‑ci n’est pas déterminante.

 

[63]      Ce qui est inhabituel en l’espèce, c’est qu’il n’y a pas d’accord écrit qui vise à qualifier la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB, et que, parallèlement, les parties s’entendent sur ce qu’elles croient être la nature de leur relation. La preuve révèle que le RWB, la CAEA et les danseurs pensaient tous que les danseurs étaient des travailleurs indépendants et qu’ils avaient agi en conséquence. Le litige portant sur la nature de la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB vient du fait qu’un tiers (le ministre), qui a un intérêt légitime à ce que la relation juridique soit correctement qualifiée, souhaite faire écarter le témoignage des parties au sujet de leur intention commune parce que ce témoignage n’est pas compatible avec les faits objectifs.

 

[64]      Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

 

[27]         Dans l’affaire Dempsey c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2007] A.C.I. no 353; 2007 CCI 362, le juge Hershfield était saisi de l’appel d’un prestataire de services qui, en sa qualité de comptable agréé, avait signé avec le payeur un contrat écrit par lequel il s’engageait à exécuter des services de vérification et d’autres services professionnels en rapport avec des prêts et des subventions consentis par le payeur en tant qu’entrepreneur indépendant, lequel soumettrait des factures calculées en fonction d’un taux quotidien prévu, sous réserve d’un montant contractuel maximal fondé sur un nombre de jours maximal. Aux termes du contrat en question, les parties avaient convenu que le travailleur serait un entrepreneur indépendant. Le travailleur soumettait des factures chaque mois pour le nombre d’heures travaillées chaque jour du mois et il facturait la TPS sur le montant pertinent. Voici les observations du juge Hershfield dans son analyse, au paragraphe 39 :

 

Analyse

 

[39]     Si l’intention permettait à elle seule de décider de la situation dans laquelle se trouvait l’appelant, il ne fait aucun doute que ses activités auraient été celles d’un entrepreneur indépendant. L’appelant a non seulement accepté la situation que lui imposaient les circonstances et la structure organisationnelle en place, il a en outre joué le rôle d’entrepreneur indépendant jusqu’à ce que ce ne soit plus dans son intérêt de le faire. Par ses actes – il s’est inscrit aux fins de la TPS, il a présenté des factures montrant les heures travaillées et la TPS exigible et il a soumissionné pour de nouveaux contrats lorsque les contrats existants venaient à échéance –, il a honoré le contrat qui définissait sa situation. Il déduisait des dépenses d’entreprise dans ses déclarations de revenus et il ne payait aucune cotisation syndicale à titre de fonctionnaire. Il n’avait pas d’avantages sociaux et ne participait pas au régime de pension de retraite de la fonction publique. Toutes ces modalités étaient établies par contrat; l’appelant les avait comprises et acceptées. En définitive, il a préféré la situation d’entrepreneur indépendant découlant de cette entente contractuelle, mais, lorsqu’il a perdu l’avantage qu’elle lui procurait, il s’est empressé de nier ce qu’il avait accepté pendant presque 13 ans.

 

[28]         Le juge Hershfield a ainsi poursuivi, aux paragraphes 41 à 44 inclusivement :

 

[41]    À la lumière des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, l’appelant est manifestement un employé. Il a été engagé pour occuper un poste entièrement subalterne et il avait l’obligation, comme n’importe quel autre employé professionnel, de faire ce que son supérieur lui disait de faire. Il n’avait aucune latitude pour décider quand, comment et où il fournissait ses services. Sur presque tous les plans, il était assujetti au contrôle de son gestionnaire à DEO. Il était traité à presque tous les égards comme un employé et il était présenté à ce titre. Il faisait ce qu’on lui disait de faire dans le cadre de son poste. Il devait corriger des rapports conformément aux instructions que lui donnaient des supérieurs hiérarchiques et il devait respecter des délais. La liste précise des fonctions que l’appelant devait remplir pour DEO, aux termes de son contrat, ne cessait de s’allonger pour englober toutes les tâches que DEO pouvait demander d’accomplir à un employé occupant le poste de l’appelant. Qui plus est, à la demande de son gestionnaire, l’appelant assumait d’autres fonctions que celles pour lesquelles on avait précisément retenu ses services par contrat et il était rémunéré dans le cours normal des activités pour ces services supplémentaires. Cette situation était attribuable au fait qu’il était sous le plein contrôle de son gestionnaire à DEO, comme n’importe quel autre employé. Si le contrôle exercé sur le travailleur est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[42] L’appelant ne fournissait aucun instrument de travail pour remplir ses fonctions. Tous les instruments étaient fournis par DEO. Si la fourniture des instruments de travail est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[43] L’appelant travaillait à un taux fixe, selon un horaire fixe, et il n’engageait aucune dépense dans l’exercice de ses fonctions. Il ne courait pas un risque plus grand de perte et il n’avait pas de possibilité plus grande de profit que les autres employés travaillant dans le cadre d’un contrat de durée déterminée. Le fait qu’il n’avait aucune sécurité d’emploi à l’échéance de chaque contrat et qu’il devait soumissionner pour chaque contrat est compatible avec l’existence d’une série de contrats de travail à durée négociée. Pendant la durée de chaque contrat, le travail était effectué contre rémunération. S’il s’agit du critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[44] Tous les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door portent à croire que l’appelant était un employé. Il ne s’agit pas d’une issue serrée où l’intention des parties peut influer sur la situation du travailleur.

 

 

[29]         Plus tôt, au paragraphe 31 de ses motifs, le juge Hershfield avait fait observer qu’« il ne faisait aucun doute que le contrat de l’appelant serait reconduit tant et aussi longtemps que l’emploi existerait ». En l’espèce, le contrat prévoyait une date d’expiration, en l’occurrence le 31 décembre 2009, et il n’était pas prévu qu’il serait reconduit. La différence, s’agissant des indices de contrôle, entre l’affaire Dempsey et les présents appels est importante, d’autant plus que, dans l’affaire Dempsey, l’intention des parties au contrat contredisait les véritables conditions de travail.

 

[30]         Dans bon nombre de ces affaires, on constate que le pouvoir de négociation des parties était inégal et que, pour obtenir du travail, l’intéressé acceptait de signer un contrat qui lui était imposé et acceptait avec réticence le statut d’entrepreneur indépendant qui lui était imposé unilatéralement alors qu’il aurait souhaité assurer ses services aux termes d’un contrat de travail et de voir son nom inscrit sur la liste de paye à titre d’employé régulier faisant l’objet des retenues habituelles au titre de l’assurance‑emploi, du Régime de pensions du Canada et de l’impôt sur le revenu. En l’espèce, tel n’est pas le cas. M. Hoadley était un agent expérimenté comptant huit années d’expérience dans l’industrie. Il avait travaillé au sein de l’entreprise familiale, Landmasters, où il avait exécuté diverses fonctions administratives avant d’obtenir son permis d’agent. Un examen de l’exposé détaillé des tâches effectuées, que M. Hoadley fournissait lorsqu’il soumettait ses factures – pièce A‑5 – révèle qu’il était chargé de diverses questions qui appelaient une compréhension des questions juridiques et des obligations contractuelles. Il a préparé divers documents, y compris des ordres de paiement, des offres, des décharges se rapportant à des règlements de réclamation de dommages‑intérêts négociés avec des municipalités au sujet d’ententes de passage, et il traitait avec les arpenteurs et d’autres personnes dans le cadre de son travail, lequel exigeait qu’il comprenne les droits et les obligations juridiques ainsi que les obligations contractuelles. M. Hoadley a reconnu qu’il était conscient du fait que Cavalier voulait qu’il assure ses services – d’agent – en tant qu’entrepreneur indépendant et il a admis qu’il comprenait le libellé des articles de l’entente en question. Sa qualification de ses autres obligations, par ailleurs légalement obligatoires, d’[traduction] « aléas de la vente » n’est pas vraisemblable. M. Hoadley a signé l’entente modificative du 23 septembre 2009, mais il ne l’a fait qu’après avoir informé Cavalier qu’une décision était sur le point d’être rendue au sujet de son statut de travailleur et que cette décision rendrait selon lui l’entente caduque.

 

[31]         Il ressort des faits qu’il y a eu rupture dans les communications ou mésentente entre M. Hoadley, l’ancien directeur du bureau de Landmasters à Medicine Hat et la nouvelle entité plus large – Cavalier –, qui faisait elle‑même partie du groupe d’entreprises de Divestco. Il n’est pas étonnant que M. Hoadley ait continué à exécuter des tâches qu’il n’était pas contractuellement tenu d’exécuter. Son épouse était la seule autre personne qui travaillait dans ce bureau et elle était l’employée de Cavalier. Il s’est servi du bureau et de l’équipement qui s’y trouvait – avec le consentement de Cavalier – pour exécuter les tâches nécessaires pour s’acquitter de son rôle d’agent. M. Hoadley facturait Cavalier pour les heures qu’il effectuait en réclamant son taux habituel, mais il a été contrarié que Cavalier refuse de continuer à le payer pour les congés fériés même s’il n’avait pas travaillé ces jours‑là. M. Hoadley était au courant que Cavalier ajoutait le montant approprié de TPS à ses factures et qu’elle lui remettait ce montant révisé pour chaque période de paye bimensuelle. Il savait qu’aucune des retenues à la source habituelles n’était effectuée comme c’était le cas lorsqu’il était au service de Landmasters. Landmasters lui avait remis un relevé d’emploi qui indiquait que sa dernière période d’emploi s’était terminée le 28 novembre 2007, date à laquelle cette société avait été acquise par Divestco. Il était évident pour M. Hoadley qu’une transition s’était produite et qu’il ne serait pas un employé de Cavalier, mais qu’il aurait l’occasion d’offrir ses services comme agent, ainsi qu’il était précisé au contrat, à compter du 1er janvier 2008. Lorsque les revenus générés dans la région de Medicine Hat ont chuté à la fin de mars 2009, M. Hoadley a fait plusieurs suggestions à M. Zyla dans des courriels pour compenser ce manque à gagner, en lui proposant notamment d’exercer désormais ses activités commerciales chez lui. Dans un courriel daté du 19 mai, M. Hoadley a suggéré à Cavalier de lui verser à compter du 1er juin un salaire de 78 000 $, ce qui devait selon ses estimations permettre à Cavalier d’épargner 10 000 $ par année. Son désir d’obtenir le statut d’employé faisait suite à la réduction de temps facturable par semaine et de la limite imposée au temps passé au bureau qu’il pouvait facturer. Avant de signer l’entente modificative le 23 septembre, M. Hoadley avait refusé de signer une version antérieure qui risquait de ramener à zéro ses heures facturables par semaine. Dans un courriel adressé à M. Zyla – pièce A‑10 – M. Hoadley a déclaré : [traduction] « J’exerce un emploi rémunéré comme employé à temps plein de ce bureau depuis 2001 et je n’ai jamais été "un simple agent foncier" ». Là encore, cela démontre que M. Hoadley agissait comme s’il était encore un employé de Landmasters et que l’acquisition de cette entreprise par Cavalier par le truchement de Divestco n’était qu’une simple formalité sans aucune conséquence juridique. Il n’en demeure pas moins qu’il ne travaillait pas pour Cavalier depuis 2001 et qu’il était pour Cavalier uniquement un entrepreneur indépendant, conformément aux modalités de leur entente écrite.

 

[32]         M. Hoadley et Cavalier sont intervenus conformément à leur entente écrite malgré leurs problèmes de communication et d’autres divergences découlant de l’intégration de Landmasters à une entité plus grande basée à Calgary. Le problème qui se présente lorsqu’une personne cherche à qualifier rétroactivement une relation de travail est que les perceptions sont faussées – inconsciemment ou volontairement – pour les rendre conformes à ce qu’on aurait souhaité qu’elles fussent dès le départ. C’est une sorte de regret de l’acheteur alimenté par l’espoir que ce sentiment combiné à la déception ressentie au sujet de la suite des événements au cours de la relation de travail permette de refaire l’histoire et de rendre caduque une entente par ailleurs parfaitement légale et exécutoire.

 

[33]         Sans les ententes écrites et la conduite constante des parties à la suite de leur signature, certains des facteurs mentionnés dans l’arrêt Sagaz auraient vraisemblablement permis de qualifier la relation de travail de M. Hoadley avec Cavalier de relation de travailleur indépendant, en particulier en ce qui concerne le critère du contrôle. De plus, M. Hoadley utilisait son véhicule et son téléphone cellulaire, qui constituaient des outils importants pour l’exécution de ses fonctions. Lorsqu’il était tenu d’agir comme coordonnateur pour obtenir ou diriger les services d’un autre agent dans la région de Medicine Hat, il le faisait parfois en se fondant sur son expérience sans recevoir de directives de Calgary et il facturait Cavalier pour les services en question à son taux horaire applicable.

 

[34]         Compte tenu de l’analyse des facteurs pertinents pris dans leur ensemble, il est important d’attribuer la valeur qu’il convient à l’intention des parties au moment de l’entente initiale conclue par M. Hoadley. J’estime que cette intention était évidente dès le départ, malgré les tentatives faites par M. Hoadley pour revenir sur l’entente écrite en raison de son désir subséquent de se voir reconnaître le statut d’employé, ce qui lui aurait permis d’étayer un éventuel argument fondé sur un congédiement déguisé en se fondant sur les effets de l’entente modificative du 23 septembre qui avait eu pour effet de réduire le montant d’honoraires que Cavalier lui payait par la suite en raison de la baisse de revenu – et du déficit en résultant – imputable au bureau de Medicine Hat.

 

[35]         Vu l’ensemble des éléments de preuve et suivant la jurisprudence pertinente, je conclus que l’appelante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait. Les deux appels sont accueillis et les décisions du ministre – toutes les deux datées du 5 octobre 2010 – sont par les présentes modifiées de la manière suivante :

 

          Mark Hoadley n’exerçait ni un emploi assurable ni un emploi ouvrant droit à pension auprès de Cavalier Land Ltd. au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 14 octobre 2009 parce qu’il n’était pas engagé aux termes d’un contrat de travail.

 

           

          Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour d’octobre 2011.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de janvier 2012

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 490

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011‑16(EI) et 2011‑17(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              CAVALIER LAND LTD. et M.R.N. et MARK HOADLEY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 25 août 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 19 octobre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Jason P. Schlotter

Avocat de l’intimé :

Me Adam Gotfried

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Me Jason P. Schlotter

 

                          Cabinet :                  400 The Lougheed Building

                                                          604 – 1st St. S.W.

                                                          Calgary (Alberta) T2P 1M7

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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