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Dossier : 2008-2778(IT)G

ENTRE :

DANIEL DOMPIERRE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 19 avril 2010, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Paul Fréchette

Avocats de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

Me Frédéric Morand

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Selon les motifs du jugement ci-joints, l’appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004 est accueilli, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que :

 

a)    le revenu de l’appelant pour l’année 2002 doit être réduit de 1 263 $,

b)    le revenu de l’appelant pour l’année 2003 doit être réduit de 2 648 $,

c)    le revenu de l’appelant pour l’année 2004 doit être réduit de 1 673 $,

d)    les pénalités en vertu du paragraphe 163(2) doivent être rajustées en conséquence.

 

          Le succès de l’appelant étant modeste, l’appelant paiera les frais de l’intimée.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 31e jour d’octobre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


 

 

Référence : 2011 CCI 509

Date : 20111031

Dossier : 2008-2778(IT)G

ENTRE :

DANIEL DOMPIERRE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

Introduction

 

[1]              L’appelant appelle de cotisations du 23 février 2007 pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004.

 

[2]              Cet appel a été entendu en vertu des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale). La version originale de ces motifs est en français.

 

[3]              Le ministre du Revenu national (ministre) a ajouté aux revenus de l’appelant des montants de 3 274 $ pour 2002, de 20 801 $ pour 2003 et de 13 862 $ pour 2004. Le ministre a également imposé des pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR).

[3]

[4]              Le ministre a estimé les revenus de l’appelant en utilisant la méthode de l’« avoir net ». Il a attribué ces revenus estimés par avoir net à trois sources différentes :

 

a)    en très grande partie à une entreprise de location de cabanes de pêche de l’appelant,

b)    en partie à des revenus de location non déclarés et

c)    en partie à un gain en capital non déclaré relatif à la vente de sa part dans un camp de chasse.

 

[5]              Au début de l’audience, l’appelant a informé la Cour qu’il contestait les aspects suivants de l’avoir net :

 

a)    les revenus de location au-delà des montants déclarés dans les déclarations de revenus de l’appelant,

b)    le gain en capital, car, selon l’appelant, bien qu’il ait vendu un camp de chasse, le coût de base rajusté était tel qu’il n’y avait pas de gain,

c)    l’inclusion de tout profit provenant de l’entreprise de location de cabanes de pêche saisonnière, car, selon l’appelant, cette entreprise appartient à ses deux fils et non à lui-même,

d)  le fait que l’avoir net ne tient pas compte d’un paiement forfaitaire d’environ 41 000 $ que l’appelant a reçu de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CSST) en 2001,

e)    le fait que les dépenses personnelles estimées par le ministre sont trop élevées et, finalement,

f)     le fait que l’intimée n’aurait pas tenu compte des dépenses de l’entreprise de cabanes de pêche totalisant 6 656 $ pour 2002, 8 953 $ pour 2003 et 15 456 $ pour 2004[1].

 

[6]              Il y a une contradiction entre les paragraphes 5c) et d). Si l’appelant n’est pas propriétaire, il ne peut déduire des dépenses de l’entreprise de ses enfants qu’il aurait payées, car il s’agirait de dons ou de prêts qu’il fait à ses enfants[2].

 

[7]              Plus tard au cours de l’audience, l’appelant a prétendu qu’il y avait une autre erreur dans l’avoir net : l’intimée n’aurait pas tenu compte du fait que l’appelant avait vendu un camion à son fils en 2004 pour 10 000 $.

 

Les faits

 

[8]              L’appelant, ses deux fils, Frédéric Dompierre et Bruno Dompierre, et Pierre Marinier de l’Agence du revenu du Canada ont témoigné.

 

[9]              Avant la période en question, l’appelant travaillait à l’usine de papier à Gatineau. Il a eu un accident de travail qui a nécessité trois chirurgies et, en conséquence, il reçoit une indemnité pour accident de travail payée par la CSST.

 

[10]         Cette indemnité était approximativement de 27 000 $ pour 2002, de 34 000 $ pour 2003 et de 32 000 $ pour 2004.

 

[11]         L’appelant a témoigné : « la Commission des lésions professionnelles du Québec m’a retiré du marché du travail »[3].

 

[12]         Il n’y a pas de désaccord qu’il y avait une entreprise saisonnière de location de cabanes de pêche. Selon l’appelant, l’entreprise appartenait à ses deux fils; selon l’intimée, l’entreprise appartenait à l’appelant.

 

[13]         Toute la preuve de l’appelant est que l’entreprise n’a jamais tenu de livres comptables[4]. Ni l’appelant ni ses fils n’ont inclus dans leurs déclarations de revenus des revenus provenant de cette entreprise.

 

[14]         Le calcul du revenu additionnel établi par l’intimée dans les cotisations s’est fait par avoir net. Il n’y a pas eu de calcul, comme tel, du revenu de l’entreprise de cabanes de pêche.

 

[15]         Le ministre a conclu qu’une partie du revenu additionnel calculé par avoir net provenait de la vente de sa part d’un camp de chasse parce qu’il a obtenu des renseignements selon lesquels l’appelant avait vendu sa part pour 5 000 $. 

 

[16]         L’effet de cette vente n’est pas d’augmenter le revenu additionnel calculé[5], mais plutôt de réduire le revenu additionnel estimé par avoir net de 2 500 $[6].

 

[17]         En ce qui concerne le revenu additionnel provenant de paiements du loyer, le ministre a conclu que certains chèques déposés dans le compte de l’appelant provenaient du locataire et représentaient le paiement du loyer. En conséquence, il a conclu que la différence entre le total de ces chèques et du loyer inclus dans le revenu de l’appelant était un revenu additionnel provenant de paiements du loyer.

 

[18]         Le montant qu’il attribue comme revenu provenant de l’entreprise de location de cabanes de pêche est simplement le montant du revenu additionnel calculé par avoir net après déduction des montants attribués aux loyers additionnels et à la vente de la part de l’appelant dans le camp de chasse.

 

À qui l’entreprise de cabanes de pêche appartient-elle? 

 

[19]         L’appelant et ses deux fils ont témoigné que l’entreprise appartenait aux fils de l’appelant. À l’appui de ce témoignage est un contrat de vente entre Roland Létang et les deux fils où ces derniers achètent 25 cabanes de pêche de M. Létang pour un montant de 6 000 $[7].

 

[20]         Toutefois, on constate qu’il y a eu des modifications quant aux dates où les acheteurs doivent faire les paiements et que ces modifications sont paraphées par « R.L. » et « D.D. », Daniel Dompierre, l’appelant[8].

 

[21]         C’est l’appelant qui a fait les paiements pour les cabanes. Au mieux, ses fils ne l’ont remboursé que très partiellement pour ces paiements[9].

 

[22]         Comme je l’ai déjà indiqué, ni l’appelant ni ses fils n’ont inclus dans leurs déclarations de revenus des revenus provenant de cette entreprise.

 

[23]         Pour assurer l’exploitation, l’entreprise devait louer un terrain de la ville de Gatineau. Le seul document à cet effet mis en preuve est un bail signé le 6 décembre 2005 entre la ville de Gatineau et l’appelant en tant que locataire[10]. Selon l’appelant, ses fils auraient signé un bail semblable avec la ville en 2002, mais il a signé des baux semblables avec la ville en 2003 et en 2004[11].

 

[24]         L’appelant gérait l’entreprise[12]. Dans la période la plus occupée, l’appelant pouvait travailler beaucoup d’heures[13].

 

[25]         Selon l’appelant, le travail qu’il faisait à l’entreprise était comme bénévole.

 

[26]         On constate que parmi les documents soumis par l’appelant[14], il y a un « Permis relatif au poisson-appât ». Ce permis a été émis au nom de l’appelant.

 

[27]         Quand les cabanes de pêche ont été vendues en 2006, c’est l’appelant qui a signé le reçu du paiement de 1 $ pour la vente approximative de 30 cabanes de pêche[15].

 

[28]         La pièce I-3[16] indique à la première page la raison sociale comme étant « Daniel Dompierre », et donne, comme adresse, l’adresse de l’appelant. La deuxième page indique que la nature du commerce est « pêche sur glace, location de cabanes de pêche, vente et location d’articles de pêche / activité saisonnière 2003/12/22 au 2004/03/22 ». Finalement, à la dernière page de ladite pièce, on peut constater que l’appelant et ses deux fils sont mentionnés comme propriétaires de l’entreprise.

 

[29]         Pour diverses raisons, je ne peux accepter la preuve de l’appelant à ce sujet[17].

 

[30]         Considérant, entre autres, l’implication de l’appelant qui fait une contribution importante de temps et d’argent à l’entreprise, qui agit comme gérant de l’entreprise, qui est mentionné plus souvent que ses fils dans les documents que je viens de décrire, qu’il est illogique pour un gérant qui n’est pas propriétaire de signer le bail avec la ville et que ses fils ont à peine contribué à l’achat des cabanes[18], je ne peux éviter de conclure qu’il est le propriétaire[19].

 

[31]         Une autre raison qui me mène à cette conclusion est que c’est l’appelant qui a reçu les bénéfices de l’entreprise de cabanes de pêche[20].

 

[32]         Toutefois, dans les circonstances de cette cause, pour des raisons que je vais expliquer ci-dessous, le résultat ne changerait pas même si l’appelant n’était pas propriétaire. Voir les paragraphes 40 à 44 ci-dessous.

 

Les dépenses de l’entreprise

 

[33]         L’appelant prétend que l’intimée aurait dû tenir compte des dépenses de l’entreprise de cabanes de pêche totalisant 6 656 $ pour 2002, 8 953 $ pour 2003 et 15 456 $ pour 2004.

 

[34]         À l’appui de cela, l’appelant a déposé une série de photocopies de reçus qui ont été groupés par année[21].

 

[35]         Pour les raisons suivantes, je ne crois pas l’appelant quand il affirme avoir fait ces dépenses pour l’entreprise.

 

[36]         Ces copies de reçus ont été déposées sans témoignage ou document expliquant la nature de chaque dépense ni lien entre la dépense et l’activité de l’entreprise. L’essentiel du témoignage de l’appelant à ce sujet est :

 

Me FRÉCHETTE :

 

            Q.  Ok. Maintenant, la pièce A-18, à l’onglet 18. Ce sont les dépenses d’entreprise de 2004, qui totalisent 15 456 dollars et 39 sous.

            Est-ce que monsieur Dompierre, ce sont des dépenses qui se rattachent à votre entreprise ou non?

            R.   Oui. Oui, oui[22].

 

[37]         En contre-interrogatoire, l’appelant admet qu’il y a peut-être une ou deux factures qui se sont glissées dans les copies et qui n’ont rien à faire avec l’entreprise.

 

[38]         De plus, l’examen des reçus déposés en preuve révèle ceci :

 

a)    Il y a de nombreux reçus pour essence et autres dépenses liées à des véhicules, mais il n’y a absolument rien dans la preuve qui permettrait de déterminer les véhicules qui ont été utilisés dans l’entreprise ou le pourcentage d’utilisation d’affaires et d’utilisation personnelle.

b)    Il y a beaucoup de reçus où

i)     il est impossible de déterminer, à partir du reçu, la nature de l’achat[23],

ii)    le reçu est peu ou non lisible[24].

c)    En l’absence d’explication, quand la nature de l’achat apparaît sur le reçu, il faut deviner le lien entre l’achat et l’entreprise[25].

d)    Il y a au moins un endroit où le même reçu apparaît deux fois[26].

e)    Dans un cas, le reçu indique un remboursement à l’appelant[27].

f)     Il y a certaines choses qui ne peuvent être liées à l’entreprise[28].

 

[39]         L’appelant ne m’a pas convaincu qu’il a encouru les sommes réclamées pour gagner un revenu.

 

[40]         Dans les circonstances de cette cause, même si l’appelant n’était pas propriétaire, cela ne changerait pas grand-chose.

 

[41]         Si l’appelant n’est pas propriétaire, même si l’appelant a payé des dépenses liées à l’entreprise de location de cabanes de pêche, ces montants ne seraient pas déductibles, car l’appelant ne les aurait pas engagés pour gagner un revenu d’entreprise. Il s’agirait de prêts ou de dons qu’il fait à ses fils.

 

[42]         Il faudrait financer de telles dépenses ou de tels dons à partir de revenus ou d’avoirs de l’appelant et il est tout à fait logique de les inclure dans les dépenses personnelles pour faire l’estimation du revenu de l’appelant en utilisant la méthode de l’« avoir net ».

 

[43]         Si l’appelant n’était pas propriétaire, pour que de telles dépenses donnent lieu à une réduction de l’estimation du revenu par avoir net, il faudrait réunir les conditions suivantes :

 

a)    Il faudrait, comme c’est le cas pour un propriétaire, démontrer qu’il s’agit bien de dépenses relatives à l’entreprise de location de cabanes de pêche.

b)    Il faudrait également démontrer qu’il s’agit de prêts et non de dons.

c)    Il faudrait démontrer qu’au cours de l’année, l’entreprise (c’est-à-dire ses fils, s’il s’agissait de l’entreprise de ses fils) a remboursé l’appelant pour les montants qu’il a payés pour les achats de l’entreprise.

 

Si ces conditions sont remplies, dans la mesure où l’appelant a été remboursé, il faudrait enlever les dépenses encourues et remboursées de l’estimation des dépenses personnelles utilisées dans le calcul de l’« avoir net ».

 

[44]         Vu que la première condition n’est pas remplie, les dépenses ne seraient pas déductibles même si l’appelant n’était pas propriétaire de l’entreprise[29].

 

Le paiement de la CSST en 2001

 

[45]         J’accepte que l’appelant a reçu un montant de plus de 41 000 $ de la CSST en 2001. Toutefois, vu que l’année 2001 n’est pas mise en cause devant la Cour, la seule chose qui importe est de savoir s’il y a des erreurs dans le calcul de l’avoir net au 31 décembre 2001.

 

[46]         L’appelant reconnaît qu’il a dépensé une bonne partie de cette somme de 41 000 $ en 2001 dont le solde au 31 décembre 2001 qui se retrouve dans l’un de ses comptes à la caisse populaire est inclus dans le calcul de l’avoir net[30].

 

[47]         Rien dans la preuve ne suggère que l’appelant avait un avoir net au 31 décembre 2001 plus important que celui calculé par le ministre.

 

[48]         En conséquence, le fait d’avoir reçu un montant de la CSST n’a aucun impact sur le calcul de l’avoir net.

 

Les dépenses personnelles

 

[49]         L’appelant conteste les dépenses personnelles que l’on retrouve à l’annexe IV de la réponse à l’avis d’appel. Selon l’appelant, ces montants (environ 19 000 $ pour 2002, 20 000 $ pour 2003 et 21 000 $ pour 2004) sont trop élevés.

 

[50]         Ces montants proviennent d’informations que le vérificateur a obtenues de l’appelant et de moyennes provenant de Statistique Canada.

 

[51]         Toutefois, le vérificateur expliquait qu’après avoir fait une analyse des dépôts au compte bancaire de l’appelant et une analyse des retraits des comptes bancaires, il a conclu que les montants à l’annexe IV étaient beaucoup trop faibles et il a utilisé l’analyse des retraits pour estimer les dépenses personnelles[31].

 

[52]         En conséquence, l’annexe IV n’a pas été utilisée dans le calcul de l’avoir net[32].

 

[53]         Les montants qui proviennent de l’analyse des retraits apparaissant sous « Dépenses personnelles » de l’annexe III de la réponse à l’avis d’appel sont 70 661 $ pour 2002, 54 315 $ pour 2003 et 61 207 $ pour 2004[33].

 

[54]         Vu que l’appelant n’a pas démontré qu’il y avait erreur dans le calcul des retraits et que je n’ai pas accepté la preuve quant aux dépenses d’entreprise que l’appelant prétend avoir encourues (voir ci-dessus), il n’y a pas lieu de changer les dépenses personnelles.

 

La vente du camion pour 10 000 $ en 2004

 

[55]         L’appelant n’a pas témoigné au sujet de la vente du camion.

 

[56]         Il a contre-interrogé le vérificateur à ce sujet. Le vérificateur a répondu qu’en l’absence de documents, il n’était pas convaincu qu’il y avait eu une telle vente et, qu’en conséquence, il n’en a pas tenu compte.

 

[57]         En répondant, le vérificateur a fait référence à l’une de ses conclusions à la dernière page de l’onglet 7 de la pièce I-1 (document daté du 9 mai 2006); en conséquence, la discussion entre le vérificateur et l’appelant à ce sujet a eu lieu avant le 9 mai 2006.

 

[58]         Il est surprenant que l’appelant n’ait pas témoigné ni déposé de documents à ce sujet, vu qu’il y a désaccord sur cette question depuis la vérification et que la vente d’un véhicule crée une certaine documentation à des fins d’assurance, entre autres.

 

[59]         Bien que l’appelant n’a pas témoigné à ce sujet, on constate dans la conclusion à laquelle je viens de faire référence que le vérificateur a noté dans le document que la position du contribuable était que la vente du camion avait été reflétée dans le dépôt de 10 000 $ du 26 avril 2004[34] dans l’un de ses comptes à la caisse populaire.

 

[60]         En contre-preuve, l’appelant a fait témoigner Frédéric Dompierre qui a affirmé qu’il a acheté un camion de son père pour un montant de 10 000 $. Il n’était pas certain de l’année, mais croyait que c’était en 2004.

 

[61]         Frédéric Dompierre a témoigné :

 

            Q.  Monsieur Dompierre. Vous avez entendu. Monsieur Marinier a parlé du 10 000 dollars de camion. Est-ce que vous avez quelque chose à dire là-dessus?

            R.   L’achat de ce camion; mon père m’a également fait un reçu. J’ai transféré les 10 000 dollars dans son compte, de mon compte. 

            Q.  Cela fait longtemps?

            R.   Oui. Cela fait -- j’ai acheté cela -- quelle année? 2004, je crois.

            Q.  2004?

            R.   Je ne suis pas certain. Mais j’ai les papiers[35].

 

[…]

 

          Q.  De quelle façon vous l’avez payé?

            R.   Par argent remis dans son compte. J’ai fait le transfert de la même caisse, de mon compte, du numéro que je ne me souviens pas par cœur; j’ai déposé l’argent dans le compte de mon père, à travers la caisse.

            Q.   De quelle façon vous l’avez payé?

            R.  Par argent remis dans son compte. J’ai fait le transfert de la même caisse, de mon compte, du numéro que je ne me souviens pas par cœur; j’ai déposé l’argent dans le compte de mon père, à travers la caisse[36].

 

[62]         À l’audience, Frédéric Dompierre n’a pas apporté de documents relatifs à l’achat du camion bien qu’il a témoigné qu’il avait à la maison un reçu que son père lui avait donné.

 

[63]         À l’annexe I de la réponse à l’avis d’appel, à la première page de la liste des actifs personnels, on constate qu’il y a quatre véhicules qui appartiennent à l’appelant : un Ford pickup 1997, un Ford F250 1979, un Ford COF 1988 et un Ford pickup 1986.

 

[64]         Selon ce bilan, l’appelant était propriétaire de ces quatre véhicules pendant toute la période.

 

[65]         L’appelant n’a pas directement contesté cela[37]. Or, à moins qu’il manque un camion aux avoirs énumérés[38], il faut qu’il s’agisse de la vente de l’un des quatre camions lequel?

 

[66]         Frédéric Dompierre n’a pas décrit le camion qu’il a acheté.

 

[67]         Or, les documents révèlent que l’appelant possédait encore le Ford COF 1988 en décembre 2004[39] et qu’il possédait encore le Ford pickup 1997 au 30 avril 2004[40].

 

[68]         Si le fils a acheté un des véhicules le 26 avril 2004, cela ne pouvait être que le Ford F250 1979 ou le Ford pickup 1986.

 

[69]         Je ne peux accepter que le fils aurait payé 10 000 $ le 26 avril 2004 pour un véhicule datant de 1979 ou de 1986 (véhicule d’environ 25 ans et 18 ans respectivement).

 

[70]         En conséquence, je conclus que l’appelant n’a pas vendu un véhicule pour 10 000 $ en 2004.

 

Le revenu de location

 

[71]          Selon l’appelant, l’intimée avait tort d’imposer les montants additionnels de revenus de location, soit 1 263 $ pour 2002, 1 398 $ pour 2003 et 1 673 $ pour 2004.

 

[72]         L’appelant a témoigné que, bien qu’il déposait le chèque de pension de vieillesse du locataire, il remettait en argent comptant au locataire la différence entre le montant du chèque de pension de vieillesse et 600 $.

 

[73]         J’accepte le témoignage de l’appelant à ce sujet. Ceci veut dire qu’une partie du montant des retraits a servi à rembourser au locataire l’excédent entre le montant du chèque et le loyer. En conséquence, le montant des dépenses personnelles doit être réduit du total des montants remboursés au locataire. La conséquence pratique est que le revenu de l’appelant sera réduit de 1 263 $ pour 2002, de 1 398 $ pour 2003 et de 1 673 $ pour 2004.  

 

Le camp de chasse

 

[74]         L’appelant a témoigné qu’à l’origine il a payé 1 250 $ pour sa part du camp de chasse; les trois autres acheteurs ont également payé 1 250 $ pour le camp. Il a aussi témoigné que par la suite deux des trois autres ont vendu leurs parts et qu’il a acheté une autre part pour 1 250 $, c’est-à-dire qu’il a payé un total de 2 500 $ pour sa part du camp de chasse.

 

[75]         Il a également témoigné qu’il avait encouru d’autres dépenses parce que les propriétaires du camp avaient agrandi le camp, mais il n’a donné aucune précision.

 

[76]         J’accepte que le coût du camp de chasse était de 2 500 $. Il faut donc faire les modifications suivantes à l’avoir net pour 2003. D’une part, il y aura une déduction de 2 500 $ pour tenir compte du coût du camp; d’autre part, il faudra réduire la déduction que le vérificateur a accordée pour la portion non imposable de 1 250 $.

 

[77]         En conséquence, le résultat pratique est une réduction de revenu de 1 250 $ pour 2003.

 

Les pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR

 

[78]         Bien que l’appelant n’a pas directement contesté les pénalités, je vais quand même brièvement examiner cette question. Le paragraphe 163(2) prévoit que :

 

(2) [t]oute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration […].

 

[79]         Le fardeau de la preuve, en ce qui concerne la pénalité, incombe au ministre et :

 

[…] [l]a « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi[41]. […]

 

[80]         Au cours des trois années en question, l’appelant a exploité une entreprise, mais il n’a jamais tenu de livres comptables et n’a jamais inclus un sou de revenu de cette entreprise dans ses déclarations de revenus.

 

[81]         Pendant les trois années en cause, l’appelant a omis de déclarer plus de 32 000 $ de son revenu, dont plus de 18 000 $ au cours de l’année 2003. Autrement dit, l’appelant a déclaré environ 36 000 $ ou 37 000 $ par an[42]; le montant total non déclaré au cours des trois années est presque égal au montant qu’il a déclaré sur une base annuelle pendant cette période.

 

[82]         Vu ces faits, je ne vois pas comment je pourrais arriver à une conclusion autre que la suivante : l’appelant savait qu’il n’avait pas inclus tous ses revenus.

 

[83]         En conséquence, il y a faute lourde et les pénalités sont justifiées.

 

[84]         Évidemment, les pénalités devront être rajustées pour tenir compte des réductions de revenus relatives au loyer et au camp de chasse.

 

Conclusion

 

[85]         En conséquence, il y a lieu de faire des modifications limitées aux cotisations.

 

[86]         L’appel est accueilli et le tout sera déféré au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que :

 

a)    le revenu de l’appelant pour l’année 2002 doit être réduit de 1 263 $,

b)    le revenu de l’appelant pour l’année 2003 doit être réduit de 2 648 $,

c)    le revenu de l’appelant pour l’année 2004 doit être réduit de 1 673 $,

d)    les pénalités en vertu du paragraphe 163(2) doivent être rajustées en conséquence.

 

[87]         Le succès de l’appelant étant assez modeste par rapport à la totalité des cotisations, l’appelant paiera les frais de l’intimée.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 31e jour d’octobre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 509

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-2778(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              DANIEL DOMPIERRE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 19 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 31 octobre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Paul Fréchette

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Sara Chaudhary

Me Frédéric Morand

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                     Nom :                            Me Paul Fréchette

 

                 Cabinet :                           Gatineau (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 



[1] Au début de l’audience, l’appelant a également prétendu que le ministre n’aurait pas dû inclure des produits d’assurance de 6 240 $ que l’on voit dans la colonne de 2004 à l’annexe III de la réponse à l’avis d’appel. Cette prétention semble avoir été abandonnée, sans doute parce qu’il s’agit d’une déduction au bénéfice de l’appelant.

[2] Si l’appelant a payé des dépenses de l’entreprise de ses enfants, il ne pourrait pas déduire ces montants parce qu’il ne les aurait pas engagés pour gagner un revenu. Par contre, dans la mesure où il peut démontrer que ses enfants auraient remboursé de telles dépenses, il y aurait lieu de modifier l’avoir net. Voir ci-dessous.

[3] Transcription, page 36, lignes 7 à 23.

[4] Le défaut de tenir des registres et des livres est contraire au paragraphe 230(1) de la LIR :

Quiconque exploite une entreprise […] doit tenir des registres et des livres de comptes (y compris un inventaire annuel, selon les modalités réglementaires) […] dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d’établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi […].

   Potentiellement, un tel défaut pourrait donner lieu à des pénalités en vertu de l’alinéa 165(5)b) ou même à une infraction en vertu du paragraphe 238(1).

[5] Le ministre a présumé que le montant de 5 000 $ était déjà reflété dans le calcul par avoir net.

[6] C’est-à-dire de 2 500 $, la portion non imposable du gain, puisque le ministre a présumé que le coût d’acquisition de sa part était de 0 $. Voir les redressements à l’annexe III de la réponse à l’avis d’appel.

[7] Pièce A-1, onglet 7.

[8] Transcription, page 29, ligne 24, à la page 30, ligne 9.

[9] Ibid., page 30, lignes 11 à 23; page 119, lignes 8 à 19; page 129, lignes 9 à 11.

[10] Pièce A-1, onglet 11.

[11] On constate également que le vérificateur a accepté la prétention de l’appelant selon laquelle il a reçu un remboursement non imposable d’une garantie de la ville en 2002 et en 2004; voir l’annexe III de la réponse à l’avis d’appel à la ligne « Remboursement garantie sur entreprise de pêche sur glace », ainsi que les deuxième et huitième pages à l’onglet 7 de la pièce I-1 et les 11e et 12e pages de l’onglet 8 de la même pièce.

[12] Transcription, page 38, ligne 24, à la page 39, ligne 2; page 86, lignes 1 à 4; page 102, lignes 14 à 19; page 130, lignes 4 à 6.

[13] Ibid., page 92, ligne 24, à la page 93, ligne 7. Ces réponses ne permettent pas de déterminer un nombre précis d’heures, mais il est clair que l’implication de l’appelant n’est pas mineure. Cette implication importante se voit aussi en comparant globalement le témoignage de l’appelant avec celui de ses fils; c’est l’appelant qui est clairement le plus impliqué et le plus au courant des activités de l’entreprise. 

[14] Pièce A-1, onglet 16, page 122.

[15] Ibid., onglet 12.

[16] Pièce que l’appelant a remise au vérificateur (transcription, page 179, lignes 23 à 25).

[17] Par exemple, j’ai de la difficulté à croire que si Bruno Dompierre était copropriétaire, il n’aurait aucun souvenir des événements qui ont mené à l’achat des cabanes (transcription, page 128, lignes 18 à 24).

[18] Particulièrement vu que c’est le locataire qui s’engage à respecter les clauses 5 à 8 du bail, dont la clause 7 qui prévoit que le locataire ne peut céder ses droits ou sous-louer.

[19] Bien que l’appelant a demandé au vérificateur s’il avait considéré la possibilité que ses deux fils et lui soient tous les trois propriétaires de l’entreprise, il n’a pas fait d’observations à cet effet.

[20] La suite de ces motifs conclut que, sauf pour quelques modifications relativement modestes, le ministre avait raison d’ajouter des montants relativement importants au revenu de l’appelant. Puisque ce dernier n’a pas témoigné qu’il avait un autre emploi ou une autre entreprise, que ses fils n’ont pas déclaré de profits provenant de l’entreprise et qu’ils n’ont pas témoigné qu’ils avaient reçu des bénéfices de l’entreprise, l’augmentation du revenu de l’appelant estimé par avoir net doit provenir de l’entreprise de location de cabanes de pêche. Vu que l’appelant a gardé ces montants et que ses fils n’ont déclaré aucun revenu d’entreprise net, je conclus que l’appelant a gardé ces montants parce qu’il était le propriétaire et que les bénéfices lui appartenaient.

[21] C’est-à-dire le total des reçus aux onglets 16, 17 et 18 de la pièce A-1. L’intimée a accepté une petite partie des dépenses (pièce I-1, onglet 10, page numérotée FT-8950-23).

[22] Voir la transcription, à la page 48, où la totalité du témoignage de l’appelant à ce sujet avant le contre-interrogatoire est (à part la question et la réponse déjà citées) :

            Q.    Ok. Pourquoi la plupart du temps, ils sont -- ils ne sont pas identifiés à une personne en particulier ou parfois à votre nom, Dompierre?

            R.    L’ignorance. À cause de l’ignorance.

            Q.    L’ignorance de quoi?

            R.    Oui.

            Q.    Pourriez-vous l’expliquer?

            R.    Bien, avoir su ce que je sais aujourd’hui, j’aurais fait cela autrement. J’aurais tenu des livres; j’aurais -- je veux dire -- j’aurais démontré à la Cour -- aujourd’hui, on n’aurait pas eu besoin de prendre la journée puis s’expliquer; passer une demi-heure sur des reçus. J’aurais démontré à la Cour que sur papier, je n’ai rien à me reprocher. Comprenez-vous? Mais là, ce n’est pas le cas.

[23] Pièce A-1, onglet 16, page 120, reçu 42, par exemple (où le premier article est décrit comme « 6X5 INC/RE »).

[24] Ibid., onglet 18, page 226, reçu 186, par exemple.

[25] Ibid., onglet 17, page 150, reçu 82, par exemple.

[26] Ibid., onglet 18, page 218, reçu 177; ce reçu est le même que le reçu 176 à la même page.

[27] Ibid., onglet 18, page 231, reçu 195.

[28] Ibid., page 100, reçu 10; page 104, reçu 14 (où il est question de « WHITE TANGO 3-PCE SHWR W/LH SEAT & ROOFCAP » et de « CHROME SHOWER DOOR FOR TANGO», entre autres); page 183, reçu 128.

[29] Il n’est pas prouvé que les deux autres conditions aient été remplies.

[30] Transcription, pages 57 et 58.

[31] Voir la pièce I-1, notamment aux onglets 7, 8 et 10. Ces documents étaient dans la liste de documents de l’intimée.

[32] Ce qui fait que l’annexe IV n’a aucun effet sur l’avoir net.

[33] Dans l’analyse des retraits, le ministre a enlevé certains montants qu’il a acceptés comme étant des dépenses encourues par l’entreprise de location des cabanes de pêche (pièce I-1, onglet 10, page numérotée FT-8950-23).

[34] Pièce I-1, onglet 7, page numérotée FT-8900-8, et onglet 24, page numérotée FT-9210-32 (où se trouve la mention « DSL »).

[35] Transcription, page 210, ligne 15, à la page 211, ligne 2.

[36] Ibid., page 212, lignes 15 à 21.

[37] Ibid., page 8, ligne 8, à la page 9, ligne 4 (où la seule observation de l’appelant quant aux avoirs est l’absence d’indication d’un montant reçu de la CSST).

[38] Prétention que l’appelant n’a pas.

[39] Dont le numéro de véhicule est 2FTHF26H3JCA29626 (pièce A-1, page 233, reçu de la SAAQ daté du « 2004‑12‑06 »).

[40] On peut conclure ceci à l’examen de la pièce A-1 : à la page 181, il y a un reçu de la SAAQ qui démontre que le numéro de véhicule du Ford F250 1979 est F265CFC60925 et que celui du Ford pickup 1986 est 2FTEF26NOGCB93062. À la page 204, il y a un reçu daté du « 2004-04-30 » pour le renouvellement des plaques du véhicule no JY4AJ02W6YA039960.

   Puisque le numéro du véhicule, dont les plaques ont été renouvelées par l’appelant le 30 avril 2004, est différent du numéro de véhicule du Ford COF 1988 (voir note précédente), du Ford F250 1979 et du Ford pickup 1986, et que l’appelant n’allègue pas avoir possédé un autre véhicule dans la période en question, le véhicule dont les plaques ont été renouvelées le 30 avril 2004 doit nécessairement être le Ford pickup 1997. Si l’appelant a renouvelé les plaques en son nom le 30 avril 2004, il ne pouvait pas avoir vendu ce véhicule le 26 avril 2004.

 

[41] Selon le juge Strayer dans Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL).

[42] 34 445 $ pour 2002, 38 732 $ pour 2003 et 37 089 $ pour 2004 (pièce I-1, onglets 1, 2 et 3, ligne 150 des déclarations de revenus de l’appelant).

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