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Dossier : 2011-485(EI)

ENTRE :

 

EWA KRAWCZYK,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 27 octobre 2011, à London (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Tamara Watters

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté par l’appelante en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») à l’encontre de la décision de l’intimé, selon laquelle l’emploi occupé par l’appelante à la Lake Stars Corp. pendant la période du 1er juillet 2009 au 31 juillet 2010 n’était pas un emploi assurable au sens de l’article 5 de la LAE, est rejeté sans dépens.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 3e jour de novembre 2011.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de décembre 2011.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

 

 

Référence : 2011CCI506

Date : 20111103

Dossier : 2011-485(EI)

ENTRE :

 

EWA KRAWCZYK,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]              La question dans cet appel est de savoir si la décision de l’intimé, selon laquelle l’emploi occupé par l’appelante à la Lake Stars Corp. (la « société ») pendant la période du 1er juillet 2009 au 31 juillet 2010 n’était pas un emploi assurable selon la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE »), était raisonnable.

 

[2]              Le paragraphe 5(2) de la LAE prévoit en partie ce qui suit :

 

N’est pas un emploi assurable :

 

 

[...]

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

[3]              Le paragraphe 5(3) de la LAE prévoit ce qui suit :

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[4]              Au cours de la période en cause, les actions de la société étaient détenues par l’époux de l’appelante. L’appelante et la société étaient donc liées entre elles aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, selon ce qui est prévu à l’alinéa 251(2)b), et elles sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance, selon ce qui est prévu à l’alinéa 251(1)a). En conséquence, la question dans la présente affaire est de savoir si la décision du ministre du Revenu national, selon laquelle l’appelante et la société n’auraient pas conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable pour la période en cause si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance, est raisonnable.

 

[5]              Dans l’affaire Porter c. M.R.N., 2005 CCI 364, la juge Campbell de la Cour a révisé les décisions de la Cour et de la Cour d’appel fédérale quant au rôle de la Cour dans les appels de cette nature. Au paragraphe 13 de cette décision, la juge Campbell a déclaré ce qui suit :

 

En résumé, le rôle de la Cour consiste à vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre se fonde, à examiner tous les faits mis en preuve devant elle, notamment tout nouveau fait, et à décider ensuite si la décision du ministre paraît toujours « raisonnable » à la lumière des conclusions de fait tirées par la Cour. Elle doit accorder une certaine déférence au ministre dans le cadre de cet exercice.

 

[6]              La société a exploité une station‑service, un dépanneur et, à partir de septembre 2009, un restaurant. L’entreprise est située à Tobermory, en Ontario. Selon l’appelante, Tobermory connaissait deux saisons – la haute saison, du 1er juillet jusqu’à la fin de semaine de l’Action de grâce, et la basse saison, le reste de l’année. Les entreprises attiraient de nombreux clients pendant la haute saison, mais la clientèle se faisait rare pendant la basse saison et les affaires ralentissaient. Au cours de la haute saison, les entreprises étaient ouvertes de 8 h à 20 h, sept jours sur sept. Au cours de la basse saison, le dépanneur et la station‑service ont été ouverts approximativement de quatre à cinq heures par jour pendant les cinq jours de la semaine jusqu’en janvier 2010, et par la suite, de 8 h à 18 h, sept jours sur sept. Selon l’appelante, le restaurant était également ouvert pendant la première année, mais elle ne se rappelait pas les heures d’ouverture. Il semble davantage plausible que, au cours de la première année, le restaurant était ouvert durant les mêmes périodes que celles du dépanneur et de la station‑service.

 

[7]              L’appelante accomplissait diverses tâches :

 

a)                 tenir la caisse enregistreuse;

 

b)                vendre des denrées alimentaires et des billets de loterie;

 

c)                 louer des films;

 

d)                fournir le service à la pompe et remplir les réservoirs de gaz propane;

 

e)                 nettoyer les toilettes;

 

f)                  commander et recevoir les fournitures;

 

g)                 tenir les livres;

 

h)                 préparer et cuisiner des plats pour le restaurant;

 

i)                   servir des aliments et des boissons aux clients du restaurant;

 

j)                   laver la vaisselle et assurer l’entretien des locaux du restaurant.

 

[8]              Les tâches relatives au restaurant ont été accomplies après l’ouverture de celui-ci en septembre 2009. Selon l’appelante, elle n’était pas rémunérée pour ses services de tenue de livres.

 

[9]              Selon moi, la rémunération de l’appelante est le fait le plus important indiquant que l’appelante et la société n’auraient pas conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable pour la période en cause si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance. Il semble clair que, pendant la haute saison, la société avait d’autres employés avec lesquels elle n’entretenait pas de lien de dépendance et qu’un grand nombre des tâches accomplies par l’appelante étaient exécutées par ces employés. Ces derniers étaient rémunérés entre 10,25 $ et 15,00 $ l’heure.

 

[10]         L’intimé a par ailleurs présenté un imprimé tiré d’un site Web de Ressources humaines et Développement des compétences Canada indiquant des salaires pour différents emplois en 2009. Un serveur d’aliments et de boissons dans la région de Stratford et de la péninsule Bruce pouvait alors s’attendre à gagner un salaire horaire variant de 9,00 $ (salaire le plus faible) à 12,00 $ (salaire le plus élevé), le salaire moyen étant de 10,15 $ l’heure. Le salaire le plus faible pour les caissiers en Ontario en 2009 était de 10,25 $ l’heure et le salaire le plus élevé était de 13,45 $ l’heure. Le salaire le plus faible pour les préposés de station‑service en Ontario en 2009 était de 10,25 $ l’heure et le salaire le plus élevé était de 15,00 $ l’heure.

 

[11]         Le tableau suivant montre le montant payé à l’appelante pour chaque mois de la période visée par l’appel :

 

Mois

Montant payé

Nombre d’heures travaillées

Montant payé par heure

Juillet 2009

500 $

20

25,00 $

Août 2009

1 000 $

40

25,00 $

Septembre 2009

500 $

20

25,00 $

Octobre 2009

500 $

20

25,00 $

Novembre 2009

850 $

34

25,00 $

Décembre 2009

1 000 $

66

15,15 $

Janvier 2010

2 500 $

200

12,50 $

Février 2010

2 500 $

200

12,50 $

Mars 2010

2 500 $

200

12,50 $

Avril 2010

3 000 $

120

25,00 $

Mai 2010

3 000 $

120

25,00 $

Juin 2010

4 000 $

160

25,00 $

Juillet 2010

5 000 $

200

25,00 $

 

[12]         Le salaire horaire de l’appelante a varié d’un minimum de 12,50 $ à un maximum de 25,00 $. L’explication donnée par l’appelante était que, pendant la basse saison, personne n’était disponible pour travailler et elle devait alors remplir les fonctions de plus d’une personne. Selon son raisonnement, elle était payée 25,00 $ l’heure, car elle effectuait le travail qui aurait normalement été accompli par deux employés (par exemple, faire le service à la pompe et s’occuper du magasin), que la société aurait autrement eu à payer 12,50 $ l’heure chacun. Même si j’acceptais cette explication (et ce n’est pas le cas), elle ne donne pas la raison pour laquelle l’appelante était payée 25,00 $ l’heure pendant la haute saison, alors que d’autres personnes étaient disponibles pour travailler et que d’autres employés étaient au travail. Par ailleurs, en basse saison (lorsque, selon toute vraisemblance, elle effectuait le travail de deux personnes), elle a été payée 12,50 $ l’heure pendant trois mois et 15,15 $ l’heure pendant un autre mois.

 

[13]         Selon moi, un employeur qui paie (pendant une période de moindre activité dans l’année) un employé, avec lequel il n’entretient pas de lien de dépendance, pour accomplir des tâches normalement exécutées par deux personnes pendant une période de grande activité n’additionnerait pas les taux horaires des deux postes et il ne paierait pas à cette personne un salaire cumulant ces deux taux horaires. L’employé ne peut se trouver qu’à un endroit à la fois. Si l’employé est au service à la pompe, il ne peut, en plus, au même moment, être en train de servir des clients au dépanneur. Selon moi, une entente plus raisonnable aurait été que l’employeur offre le plus élevé des deux taux de salaire en vigueur pour chacun des postes ou la moyenne des deux taux de salaire, mais pas les deux additionnés.

 

[14]         L’appelante a également mentionné qu’elle agissait à titre de gérante. Cependant, elle a aussi mentionné que son époux prenait toutes les décisions relatives à l’entreprise. En conséquence, il me semble que ses responsabilités en tant que gérante étaient minimes et ne justifient pas le fait qu’elle recevait 25 $ l’heure alors que les autres employés qui n’avaient pas de lien de dépendance avec la société étaient payés entre 10,25 $ et 15,00 $ l’heure.

 

[15]         Selon moi, les écarts considérables dans le salaire horaire payé à l’appelante, tout comme le fait que, pour la plupart des mois, elle a été payée au moins 10 $ de plus l’heure comparativement aux autres employés qui n’avaient pas de lien de dépendance avec la société et aux autres travailleurs dans des postes similaires en Ontario, donnent fortement à penser que l’appelante et la société n’auraient pas conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable pour la période en cause si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[16]         En conséquence, les faits présentés m’amènent à conclure que la décision du ministre, selon laquelle les modalités d’emploi n’auraient pas été à peu près semblables si l’appelante et la société n’avaient pas eu de lien de dépendance, était raisonnable. L’appel est donc rejeté.

 

          Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 3e jour de novembre 2011.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de décembre 2011.

 

Marie-Christine Gervais


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 506

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2011-485(EI)

 

INTITULÉ :                                       EWA KRAWCZYK c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 27 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 novembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Tamara Watters

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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