Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2009-695(IT)I

 

ENTRE :

ARTHUR LUCAS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de 1112114 Ontario Inc., 2008‑3659(GST)I, et de Myra Lucas, 2008‑3079(GST)I et 2009‑696(IT)I, les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 et les 21, 22 et 23 juin 2011, à Belleville (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

Me George Boyd Aiken (les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 seulement)

 

 

JUGEMENT

 

         Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement pour donner effet aux concessions de l'intimée mentionnées dans la pièce R‑20 et pour annuler les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2011.

 

 

« C. H. McArthur »

Le juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2008-3659(GST)I

 

ENTRE :

1112114 ONTARIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels d'Arthur Lucas, 2009‑695(IT)I, et de Myra Lucas, 2008‑3079(GST)I et 2009‑696(IT)I, les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 et les 21, 22 et 23 juin 2011, à Belleville (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

M. Arthur Lucas

Avocats de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

Me George Boyd Aiken (les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 seulement)

 

 

JUGEMENT

 

         L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 31 août 2008 et porte sur la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999 est accueilli et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation uniquement pour donner effet aux concessions de l'intimée mentionnées dans la pièce R‑20 et pour annuler les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2011.

 

 

« C. H. McArthur »

Le juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2008-3079(GST)I

 

ENTRE :

MYRA LUCAS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels d'Arthur Lucas, 2009‑695(IT)I, de 1112114 Ontario Inc., 2008‑3659(GST)I, et de Myra Lucas, 2009‑696(IT)I, les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 et les 21, 22 et 23 juin 2011, à Belleville (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

M. Arthur Lucas

Avocats de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

Me George Boyd Aiken (les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 seulement)

 

 

JUGEMENT

 

         Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement pour donner effet aux concessions de l'intimée mentionnées dans la pièce R‑20 et pour annuler les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2011.

 

 

« C. H. McArthur »

Le juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-696(IT)I

 

ENTRE :

MYRA LUCAS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels d'Arthur Lucas, 2009‑695(IT)I, de 1112114 Ontario Inc., 2008‑3659(GST)I, et de Myra Lucas, 2008‑3079(GST)I, les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 et les 21, 22 et 23 juin 2011, à Belleville (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

M. Arthur Lucas

Avocats de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

Me George Boyd Aiken (les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 seulement)

 

 

JUGEMENT

 

         Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement pour donner effet aux concessions de l'intimée mentionnées dans la pièce R‑20 et pour annuler les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2011.

 

 

« C. H. McArthur »

Le juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 527

Date : 20111117

Dossiers : 2009-695(IT)I

2008-3659(GST)I

2008-3079(GST)I

2009-696(IT)I

 

ENTRE :

ARTHUR LUCAS, 1112114 ONTARIO INC. et MYRA LUCAS,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur

 

[1]             Les présents appels visent des cotisations selon l'avoir net établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») pour les années 1996, 1997, 1998 et 1999 et des cotisations de taxe sur les produits et services (« TPS ») établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA ») pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999. Les appels de Myra Lucas et de la société, qui portent sur la TPS, sont liés. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a soutenu qu'Arthur et Myra Lucas et la société 1112114 Ontario Inc. (la « société »), dont M. Lucas est l'unique actionnaire, avaient omis de déclarer 19 700 $, 67 100 $, 78 300 $ et 70 000 $ au titre du revenu pour les quatre années visées par les appels.

 

[2]             M. et Mme Lucas sont mariés. Ils exploitaient depuis leur domicile une entreprise de tenue des comptes et de production de déclarations de revenus. M. Lucas exerçait ses activités par l'intermédiaire de la société, dont il est l'unique actionnaire. Mme Lucas exerçait ses activités en exploitant une entreprise individuelle, A‑1 Accounting. La plupart des clients de Mme Lucas n'étaient pas inscrits aux fins de la TPS tandis que la plupart des clients de la société de M. Lucas l'étaient.

 

[3]             Il s'agit d'une affaire épineuse qui n'aurait jamais dû être instruite. L'affaire ayant été instruite, l'instruction n'aurait pas dû durer près de deux semaines. Toutes les parties, M. Lucas en particulier, étaient campées sur leurs positions, et les tentatives de règlement à l'amiable ont échoué. M. Lucas était convaincu que la méthode employée par le ministre pour établir l'avoir net était incorrecte. Il a entrepris d'établir que sa méthode était la bonne, ne laissant ainsi aucune place à un règlement. Mme Lucas semblait plus conciliante, mais, en fin de compte, elle a appuyé son époux.

 

[4]             Au moins trois des vérificateurs du ministre ont procédé à des examens de l'avoir net, aux termes desquels ils ont fait différentes concessions et ont corrigé plusieurs erreurs. Dans leurs témoignages, les vérificateurs ont passé en revue avec force détails leurs relevés de l'avoir net, notamment les pièces A‑12, A‑14, A‑42 et R‑20.

 

[5]             Dans son résumé, l'avocate du ministre a passé en revue ligne par ligne le relevé final de l'avoir net du ministre. Les montants ne sont pas des estimations et ne sont pas non plus fondés sur des renseignements provenant de Statistique Canada. Ils sont établis à partir de documents bancaires, de documents comptables, des livres de la société et des livres de l'entreprise individuelle de Mme Lucas.

 

[6]             M. Lucas croit que l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») l'a ciblé à des fins de vérification. Dans l'exploitation de son entreprise, il avait représenté avec succès quelque 80 clients à l'étape de l'opposition et de l'appel devant la Cour de l'impôt. Le ministre a répondu que bon nombre des clients de M. Lucas avaient pu faire l'objet de vérifications en raison des montants et des types des déductions demandées. Je n'ai relevé aucune preuve de partialité. Quoi qu'il en soit, je n'accorde aucun poids à ces éléments de preuve.

 

[7]             Cinq témoins de moralité sont venus affirmer que les appelants étaient des gens généreux et animés de compassion. Malheureusement, le comportement humain admirable des appelants n'apporte rien à leurs causes dans les présents appels. Des témoins qui auraient corroboré les témoignages de M. et Mme Lucas concernant des dons en argent qu'ils prétendaient avoir reçus de leur fille Lyanna et de Sheila, la soeur de M. Lucas, auraient été plus pertinents. Les lettres de Lyanna et de Sheila, produites sans faire comparaître leurs auteurs, ont été de peu d'utilité.

 

L'historique de la cotisation

 

[8]             En 1999, les appelants ont avisé la vérificatrice de l'ARC, Kristine Davis, que leurs documents de comptabilité personnels avaient été envoyés par erreur à un dépotoir et qu'un virus avait effacé leurs documents informatiques. Ne disposant d'aucun document, Mme Davis a réalisé une vérification selon l'avoir net. En examinant certains documents bancaires, elle a constaté un écart important entre les montants établis à la suite de la vérification et les revenus déclarés des appelants. Elle a ensuite transféré le dossier à la section des enquêtes spéciales (criminelles).

 

[9]             Munie de mandats, la section des enquêtes spéciales a perquisitionné au domicile des appelants en 2002 et a emporté 10 à 12 boîtes de registres, documents et relevés bancaires liés aussi bien à l'entreprise individuelle qu'à la société. À partir des nouveaux renseignements, l'ARC a procédé à l'établissement d'une nouvelle cotisation et a porté des accusations pénales contre les appelants pour évasion fiscale. Après que M. Lucas eut eu une grave crise cardiaque, l'ARC a retiré les accusations et a plutôt intenté des recours civils.

 

[10]         L'instruction de tous les appels a eu lieu pendant une semaine en janvier 2010, puis a été ajournée. Un mois avant la date de reprise prévue en mai 2010, M. Lucas a eu une autre crise cardiaque, ce qui a causé de nouveaux retards. En juin 2011, l'instruction a finalement pris fin après trois jours d'audience au domicile des appelants.

 

[11]         Durant l'audience, trois fonctionnaires de l'ARC ont témoigné. L'intimée a également présenté une cotisation révisée selon l'avoir net, qui tenait compte de certaines concessions faites par l'intimée, mais faisait toujours état d'un revenu non déclaré considérable. Les appelants ont présenté leur version de la cotisation selon l'avoir net dans l'espoir d'annuler celle du ministre.

 

Les thèses des parties

 

[12]         Les appelants contestent l'exactitude de la pièce R‑20[1] et la méthode employée dans celle‑ci. Ils soutiennent que leurs biens sont comptabilisés en double lorsqu'ils sont inclus dans la section de la cotisation relative aux dépenses personnelles, que des dettes de la société envers l'entreprise individuelle n'ont pas été incluses dans la cotisation, que des fenêtres et de la viande obtenues de clients dans une opération de troc devraient être incluses dans l'année d'imposition 2000 au lieu de l'année d'imposition 1999, et que des revenus non imposables n'ont pas été inclus dans la pièce.

 

[13]         Dans un document intitulé [TRADUCTION] « Jugement », à la page 4, les appelants ont écrit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Pourquoi la justice devrait faire justice à Arthur et Myra Lucas

 

Un agent des appels de l'ARC a dit dans son témoignage que si l'écart constaté à la suite du calcul de l'avoir net était négatif, nous ne devrions aucun argent, que ce soit au titre de l'impôt, de la tps, des pénalités ou de l'intérêt. Nous avons présenté notre calcul de l'avoir net corrigé indiquant un écart négatif en 1996. Notre calcul de l'avoir net faisait état d'un écart de (40 790,01). En 1997, un écart de (76 257,31). Lors de son contre‑interrogatoire, la Couronne n'a posé aucune question concernant l'avoir net et s'est plutôt concentrée sur les Fenêtres, la viande et le loyer de Lyanna. La feuille de calcul Lotus d'A‑1 Accounting en mars 2000 fait état d'un montant de 3 000 $ comptabilisé à titre de Revenu pour les fenêtres. Dans la feuille de calcul Lotus de 1112114 Ontario Inc., une écriture de correction portant sur de la viande a été passée le 31 mai 2000 pour fait état d'un revenu de 1 256,69 $. Le TEF était une allocation familiale pour Arthur Lucas Junior qui était versée dans ces années jusqu'à l'âge de 21 ans tant qu'il était aux études. Mon fils fréquentait encore l'université en 1999. Comme la Couronne n'a posé aucune question au sujet de notre avoir net révisé lors de son contre‑interrogatoire de la défense, le nouvel avoir net est vraisemblablement correct, et nous avons affiché un écart négatif dans toutes ces années. Cela devrait indiquer que nous ne devons pas d'argent, que ce soit au titre de l'impôt, de la tps, des pénalités ou de l'intérêt.

 

[14]         Les appelants se sont opposés au fait qu'ils avaient reçu 788 documents du ministre seulement trois jours avant l'audience en invoquant qu'ils n'avaient pas pu se préparer en vue de l'audience. Les présents appels sont interjetés sous le régime de la procédure informelle de la Cour de l'impôt, qui n'impose aucune obligation de communiquer des documents. Le ministre ne devrait pas être pénalisé pour avoir été trop diligent. Quoi qu'il en soit, je crois que les appelants ont eu accès à la plupart des documents, sinon tous, à un moment ou un autre au cours des 10 dernières années.

 

[15]         Le ministre a établi une cotisation à l'égard de Mme Lucas en tenant pour acquis qu'elle avait omis de déclarer certains revenus, et il a ajouté qu'elle avait délibérément omis de déclarer des revenus pour éviter d'avoir à déclarer et à verser de la TPS en vertu de l'alinéa 240(1)a) de la LTA. L'inscription est obligatoire lorsque les revenus du fournisseur dépassent 30 000 $.

 

[16]         Lorsque le ministre a établi des cotisations à l'égard des appelants, le délai de prescription de trois ans prévu par la loi était déjà écoulé. Je n'ai aucun mal à conclure que le ministre avait des motifs valables d'établir des cotisations à l'égard des appelants au-delà de ce délai. Les appelants ont fait des présentations erronées des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, au sens du sous‑alinéa 152(4)a)(i), en produisant leurs déclarations de revenus, en omettant de déclarer des revenus et des fournitures taxables. À l'époque où le ministre a entrepris ses vérifications, les appelants ont miné ses tentatives d'obtenir des documents. Il y avait des preuves claires de trocs non déclarés et de tentatives de dissimuler des ventes qui excédaient 30 000 $. En dernier recours, le ministre a appliqué la méthode de l'avoir net.

 

[17]         Le ministre a passé des mois, voire des années, à vérifier, puis à corriger et à réviser sa vérification. Il en est résulté la pièce A‑14, qui a ensuite été modifiée par suite des concessions exposées dans la pièce R‑20. De même, les appelants ont, de toute évidence, déployé des efforts importants pour démontrer en quoi le ministre faisait erreur, notamment en produisant les pièces A‑1 à A‑44.

 

[18]         La méthode de l'avoir net est fondée sur l'hypothèse selon laquelle si l'on déduit l'avoir net d'un contribuable au début de l'année de son avoir net à la fin de l'année, l'on ajoute les dépenses du contribuable dans l'année et l'on déduit les recettes non imposables, le résultat net, après déduction de tout montant déclaré par le contribuable, doit être attribuable à des revenus non déclarés, à moins que le contribuable puisse faire la preuve du contraire. Évidemment, une cotisation selon l'avoir net comporte une part d'arbitraire et d'inexactitude, mais elle constitue actuellement la meilleure façon de déterminer les revenus approximatifs des appelants.

 

Analyse

 

[19]         Les appelants ont le fardeau de prouver que les cotisations du ministre sont erronées. L'avocate du ministre a soigneusement passé en revue la pièce R‑20, ligne par ligne, en expliquant les différences entre la thèse du ministre et celle des appelants.

 

[20]         Le principal désaccord entre les parties tient à ce que les appelants ont réduit à zéro toutes les dépenses personnelles. Le ministre a ajouté leurs dépenses personnelles pendant les années visées par les appels, comme l'explique la décision Bigayan c. La Reine[2].

 

[21]         Pour obtenir gain de cause, les appelants doivent établir que les cotisations du ministre sont erronées et expliquer pourquoi elles le sont. Les appelants n'ont pas saisi le concept de l'avoir net. En n'incluant pas leurs dépenses personnelles, ils ne tiennent pas compte de la définition que le juge Bowman a donnée de l'avoir net dans la décision Bigayan. Le juge Bowman a expliqué comment un contribuable peut avoir gain de cause lorsqu'il fait appel d'une cotisation selon l'avoir net en affirmant ce qui suit aux paragraphes 2, 3 et 4 :

 

[2]       La méthode de la valeur nette est, comme on le faisait observer dans l'affaire Ramey v. The Queen, 93 D.T.C. 791, une solution de dernier recours que l'on emploie lorsque tout le reste a échoué. On l'utilise souvent lorsqu'un contribuable a omis de produire des déclarations de revenus ou n'a pas conservé de documents. C'est un instrument imprécis, exact à l'intérieur d'un registre dont le champ est indéterminé. Elle repose sur le postulat selon lequel, si l'on soustrait la valeur nette d'un contribuable en début d'année à sa valeur nette en fin d'année, si l'on ajoute les dépenses du contribuable durant l'année et si l'on soustrait les encaissements non imposables et les plus-values d'actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l'année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C'est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c'est le seul moyen d'arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d'un contribuable.

 

[3]       Le meilleur moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est de produire la preuve de ce qu'est véritablement le revenu du contribuable. Un moyen moins satisfaisant, mais néanmoins acceptable, est décrit par le juge Cameron dans l'affaire Chernenkoff v. Minister of National Revenue, 49 D.T.C. 680, à la page 683 :

 

[TRADUCTION]

 

En l'absence de documents, l'autre moyen offert à l'appelant consistait à prouver que, même après une application en règle de la formule de la valeur nette, les cotisations étaient erronées.

 

[4]       Ce moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est reconnu, mais, même après que l'on a procédé aux rajustements, on reste avec le sentiment trouble que la vérité n'a pas été pleinement découverte. Il est peu probable que l'on rende parfait en le modifiant un instrument qui, par nature, est imparfait. L'appelant a choisi d'utiliser le deuxième moyen.

 

[22]         Pour les dépenses personnelles, le ministre a utilisé les documents des appelants eux‑mêmes, obtenus lors de la perquisition de 2002. Il a inclus à juste titre certaines dépenses supportées par la société, notamment celles pour la nourriture. Les appelants ont soutenu que la nourriture avait été achetée principalement pour des clients et non pour eux‑mêmes et que, par conséquent, elle ne devrait pas être incluse dans la cotisation selon l'avoir net. Je n'admets pas cet argument. Aucun client n'est venu témoigner pour dire que les appelants lui avaient offert de la nourriture lorsqu'il était venu chez eux pour affaires. Certains clients se sont peut‑être vu offrir une boisson non alcoolique ou un biscuit, mais cela n'a pas été corroboré.

 

[23]         Les appelants prétendent qu'ils ont touché des revenus non imposables de leur famille et d'amis. Les principales sources étaient Lyanna, Sheila, et la mère de M. Lucas. Bien que la mère de M. Lucas soit décédée, Lyanna et Sheila sont en vie et, je crois, disponibles. Au lieu de les faire témoigner, les appelants ont présenté à titre de preuve des revenus des lettres des deux femmes. Il est difficile d'accorder quelque poids que ce soit à ces lettres, puisqu'elles constituent du ouï‑dire et sont par ailleurs non corroborées. Je crois que les membres de la famille auraient pu témoigner lors de l'instruction, étant donné que les dates d'instruction ont été fixées longtemps après la date des lettres. Le ministre a concédé des dons de 1 200 $ par année de la mère de M. Lucas, mais il n'a concédé ni le prêt de 8 000 $ de la mère de M. Lucas ni les paiements de Lyanna et de Sheila. Les appelants ont produit un reçu qu'ils avaient établi pour le prêt de 8 000 $, mais il est difficile de le prouver en l'absence d'autres éléments de preuve, surtout lorsque l'on considère que les appelants ont eu 10 ans pour produire ces éléments de preuve.

 

[24]         La pièce A‑42 comprend des visites faites par M. et Mme Lucas à trois banques alimentaires. La valeur pécuniaire de ces visites ne peut pas être incluse dans une cotisation selon l'avoir net à moins que de l'argent comptant ait été reçu de la banque alimentaire. L'argent épargné en allant à la banque alimentaire pour y obtenir des aliments est pris en compte ailleurs dans les cotisations selon l'avoir net. Il n'a aucune incidence sur l'écart imposé. Une conclusion similaire est tirée des postes [TRADUCTION] « panier de Noël » et « Armée du Salut ». Quoi qu'il en soit, ces montants sont plutôt négligeables par rapport au montant global, mais ils font ressortir l'effet que la vérification a eu sur les entreprises des appelants.

 

[25]         Les appelants ont présenté un élément appelé [TRADUCTION] « Retraits de Mme Lucas (A‑1 Accounting) ». Cet élément semble correspondre à de l'argent que Mme Lucas aurait retiré des comptes de son entreprise individuelle. Si je comprends bien, ces renseignements sont déjà pris en compte au chapitre des dépenses personnelles et des biens dans les cotisations selon l'avoir net. Je ne prétends pas posséder les compétences d'un expert en comptabilité mais, après avoir entendu les observations de part et d'autre, j'admets celles du ministre dans la plupart des cas.

 

[26]         Un autre point en litige concerne la prestation fiscale pour enfant que les appelants ont reçue jusqu'en 1999. Elle n'était pas payable en 1998 et en 1999, étant donné qu'Arthur Lucas Junior a eu 18 ans en 1997 et que la prestation fiscale pour enfant n'est pas versée l'année qui suit celle pendant laquelle un enfant a atteint l'âge de 18 ans.

 

[27]         Les appelants ont inclus les intérêts provenant de leurs comptes bancaires dans la section des revenus non imposables de leurs cotisations selon l'avoir net. Il s'agit de revenus imposables, qui ne devraient donc pas être inclus dans la section des revenus non imposables. Dans les cotisations selon l'avoir net du ministre, les paiements sont pris en compte dans le solde de l'actif en fin d'année et dans les dépenses personnelles. Les appelants ont également ajouté des dettes de cartes de crédit à la section des revenus non imposables, comptabilisant ainsi en double les dettes en question. Cela a pour effet de réduire artificiellement l'écart. Le ministre a omis à juste titre les paiements d'intérêts de ses cotisations selon l'avoir net.

 

[28]         Les appelants ont calculé incorrectement les remboursements d'impôt sur le revenu. Par exemple, pour l'année d'imposition 1996, les appelants ont reçu un remboursement d'impôt en 1997. Ils l'ont inclus dans leurs revenus non imposables de 1996. Lorsque des revenus non imposables sont pris en compte dans une cotisation selon l'avoir net, les paiements réels en argent comptant doivent être repérés. La méthode employée par le ministre pour ajouter les remboursements d'impôt sur le revenu est correcte.

 

[29]         En outre, les appelants soutiennent qu'ils ont inclus à juste titre dans l'année d'imposition 2000 la valeur pécuniaire de la viande et des fenêtres reçues dans une opération de troc. Cependant, les appelants ont reçu la viande et l'ont consommée en 1998 et en 1999. L'alinéa 12(1)a) exige que toutes les recettes soient incluses dans le revenu pour une année d'imposition. Le ministre l'a incluse à juste titre dans les cotisations pour les années d'imposition 1998 et 1999. L'installateur de fenêtres a facturé ses services en 1999. La valeur des fenêtres aurait dû être incluse dans l'année d'imposition 1999, comme l'a fait le ministre en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la LIR.

 

[30]         Le point de discorde suivant concerne un écart relatif à des frais de financement de 30,16 $ à la fin de 1998. Le ministre a eu raison de ne pas tenir compte de ces frais pour établir sa cotisation, étant donné que les frais n'ont été passés en charge qu'en janvier 1999.

 

[31]         Dans la pièce A‑42, les appelants ont inclus un prêt de la société à M. Lucas, l'unique actionnaire de la société. M. Lucas n'était pas responsable de la dette de la société. Par conséquent, le prêt ne peut pas être inclus dans la cotisation.

 

[32]          Relativement à la rubrique [TRADUCTION] « Immobilisations corporelles à long terme » dans la pièce A‑20, le ministre a inclus un montant au titre du matériel non mentionné ailleurs. Les appelants ont soutenu que ce matériel ne devrait pas être inclus parce qu'il était sans valeur. Cette affirmation à elle seule est insuffisante pour réfuter l'hypothèse du ministre quant à la valeur du matériel en question.

 

[33]         Enfin, les appelants ont contesté les [TRADUCTION] « Immobilisations corporelles de la société 114 », mais sans présenter de preuve du contraire. L'hypothèse du ministre est confirmée.

 

Inscription aux fins de la TPS

 

[34]         Après l'ajout des revenus non déclarés déterminés dans le présent appel, les revenus bruts de Mme Lucas pour 1998 et 1999 dépassent 30 000 $. En vertu des articles 123 et 165 de la LTA, Mme Lucas est réputée être inscrite aux fins de la TPS et est tenue de verser de la TPS au ministre.

 

Conclusion

 

[35]         Comme les appelants n'ont pas réussi à réfuter adéquatement les hypothèses formulées par le ministre dans ses cotisations selon l'avoir net, les appels sont accueillis uniquement dans la mesure où le ministre a concédé certains éléments lors de l'instruction. M. et Mme Lucas doivent ensemble les montants suivants d'impôt sur le revenu : 16 468,55 $ pour l'année d'imposition 1996, 65 374,69 $ pour 1997, 73 825,57 $ pour 1998, et 59 541,20 $ pour 1999. Mme Lucas doit 576,40 $, 2 288,11 $, 2 583,89 $ et 2 083,94 $ de TPS pour les mêmes années d'imposition.

 

[36]         La thèse des appelants sur bien des questions, principalement les dépenses personnelles, est incorrecte. Dans le cas de bon nombre d'éléments, les appelants n'ont pas réussi à présenter d'éléments de preuve ou d'explications suffisants ou ont tout simplement mal compris le droit.

 

[37]         De manière générale, j'ai trouvé que M. et Mme Lucas étaient des gens très respectables. Il n'y a pas lieu d'imposer des pénalités pour faute lourde. Évidemment, leurs déclarations — leurs propres déclarations aussi bien, peut‑être, que celles produites pour le compte de leurs clients — étaient excessivement audacieuses et complaisantes.

 

[38]         Ils ont payé très cher pour ces actes. Je ne jette pas le blâme sur le ministre. Avec une plus grande coopération de la part des appelants, les présents appels auraient dû être réglés. Avec l'assentiment des avocats du ministre, après les deux ou trois premiers jours d'instruction, j'ai exhorté les parties à tenir une conférence avec un autre juge en vue d'un règlement. M. Lucas voulait à tout prix que l'affaire soit instruite jusqu'au bout en faisant valoir qu'il n'y avait aucune place au compromis parce que sa méthode était la seule méthode correcte.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2011.

 

 

« C. H. McArthur »

Le juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                            2011 CCI 527

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2009-695(IT)I

                                                                   2008-3659(GST)I

                                                                   2008-3079(GST)I

                                                                   2009-696(IT)I

 

INTITULÉS :                                              ARTHUR LUCAS, 1112114 ONTARIO INC. et MYRA LUCAS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Belleville (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :                         Les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 et les 21, 22 et 23 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                         L'honorable juge C. H. McArthur

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 17 novembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

M. Arthur Lucas

Avocats de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

Me George Boyd Aiken (les 18, 19, 20 et 21 janvier 2010 seulement)

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

 

         Pour les appelants :

 

                   Nom :                   S/O

                   Cabinet :               S/O

 

         Pour l'intimée :               Myles J. Kirvan

                                              Sous-procureur général du Canada

                                              Ottawa, Canada

 



[1]           La pièce R‑20 est le relevé comparatif de l'avoir net sur lequel le ministre s'est appuyé.

 

[2]           Bigayan c. La Reine, no 97‑2699(IT)G, 10 novembre 1999, 2000 D.T.C. 1619 (C.C.I.).

 

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