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Dossier : 2008-2700(IT)G

ENTRE :

STÉPHANE GAGNON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appels entendus les 11, 12 et 13 avril 2011, à Québec (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelant :

 

Me Guylaine Gauthier

Avocat de l'intimée :

Me Simon-Nicolas Crépin

____________________________________________________________________

JUGEMENT MODIFIÉ

 

Les appels à l’encontre de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu  à l’égard des années d’imposition 2003 et 2004 sont accueillis sans frais et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour examen et nouvelles cotisations sur la base que les revenus d’entreprise non déclarés par avoir net sont de 28 561,69 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 22 478,24 $ pour l’année d’imposition 2004 et que les écarts révisés du revenu total selon l’avoir net sont de 44 484,82 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 92 597,00 $ pour l’année d’imposition 2004. Les pénalités doivent être ajustées en conséquence selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2011.

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

Référence : 2011 CCI 480

Date : 20111202

Dossier : 2008-2700(IT)G

ENTRE :

STÉPHANE GAGNON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge Favreau

 

[1]              L'appelant interjette appel à l'encontre de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 ch. 1 (5e Suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), datées du 17 avril 2007 concernant les années d'imposition 2003 et 2004.

 

[2]              Par ces nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ajouté aux revenus de l'appelant des revenus d'entreprise au montant de 45 293 $ pour 2003 et de 97 296 $ pour 2004. De plus, le ministre a imposé la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sur les revenus d'entreprise ajoutés aux revenus de l'appelant, soit un montant de 4 225,57 $ pour l'année 2003 et de 10 241,33 $ pour l'année 2004.

 

[3]              En établissant les nouvelles cotisations pour les années en litige, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants énoncés au paragraphe 22 de la réponse modifiée à l'avis d'appel :

 

a)      Au cours des années d'imposition en litige, l'appelant exploitait une entreprise à propriétaire unique dans le domaine de la construction et la rénovation sous la raison sociale de « Construction Stéphane Gagnon »;

 

b)      Cette entreprise était la seule source de revenus de l'appelant, sauf pour un montant de 428 $ en revenu de location net pour l'année 2004;

 

c)      L'appelant s'occupait de tous les aspects du fonctionnement de cette entreprise;

 

d)      L'appelant calculait ses revenus d'entreprise selon la méthode de comptabilité de caisse; il ne faisait aucune conciliation bancaire de ses revenus mensuels; il ne tenait pas d'inventaire des matériaux, et il ne gardait pas de copies des soumissions de l'entreprise;

 

e)      L'appelant a fait des dépôts dans ses comptes bancaires pour un montant supérieur au moment des ventes qu'il a déclarées;

 

f)       L'appelant fournissait lui-même les montants des ventes et des dépenses d'entreprise à son comptable pour comptabilisation;

 

g)      Dans ses déclarations de revenus, l'appelant a indiqué un revenu total de 32 305 $ pour l'année 2003 et de 44 749 $ pour l'année 2004;

 

h)      Dans ses déclarations de revenus, la conjointe de l'appelant a indiqué un revenu total de 14 382$ pour l'année 2003 et de 12 816 $ pour l'année 2004;

 

i)       La conjointe de l'appelant n'a pas d'autres revenus que ceux déclarés à ses déclarations de revenus pour les années 2003 et 2004;

j)       L'appelant et sa conjointe ont encouru des dépenses personnelles de 36 047,20 $ pour l'année 2003 et de 32 586,90 $ pour l'année 2004 (voir l'Annexe 4 de l'Annexe A ci-jointe);

 

k)      Suite à une vérification par méthode de l'écart par avoir net, le ministre a établi que l'appelant a omis de déclarer des revenus imposables pour les années d'imposition 2003 et 2004 de 45 293 $ et 97 296 $ respectivement, le tout tel qu'il appert des tableaux établis selon la méthode de l'écart par avoir net, que l'on retrouve à l'Annexe A ci-jointe, pour faire partie intégrante de la présente réponse à l'avis d'appel;

 

l)       Ces écarts sont notamment composés de revenus d'entreprise non déclarés de 29 369,89 $ pour l'année 2003 et de 27 177,65 $ pour l'année 2004;

 

m)     La balance de chaque écart par avoir net, soit le montant de 15 923,13 $ pour l'année 2003 et de 70 118,76 $ pour l'année 2004, s'explique par des redressements spécifiques tel qu'étayé à l'Annexe 6 de l'Annexe A ci-jointe :

 

i)              L'appelant lui-même a identifié parmi des dépôts à ses comptes bancaires un montant de revenus non déclarés de 25 200 $ pour l'année 2004;

ii)             Pour l'année 2003, l'appelant a réclamé en réduction de ses revenus déclarés un montant de 1 024,93 $ à titre d'honoraires professionnels d'un notaire; ce montant a été refusé puisqu'il devait être capitalisé;

iii)           En conséquence, la déduction pour amortissement de l'appelant à l'égard de la catégorie 1 a été augmentée par un montant de 1 024,93 $ pour l'année 2003;

iv)           Pour l'année 2004, l'appelant a réclamé en double des dépenses d'entreprise en réduction de ses revenus déclarés au montant de 4 663 $; ce montant a été refusé;

v)            Toujours pour l'année 2004, l'appelant a réclamé des dépenses d'entreprise en réduction de ses revenus déclarés au montant de 15 444 $; ce montant a été refusé parce qu'il était appuyé par des écritures de régularisation non justifiées;

vi)           L'appelant a réclamé des dépenses d'entreprise en réduction de ses revenus déclarés, aux montants de 14 898,20 $ pour l'année 2003 et de 24 812,16 $ pour l'année 2004, ces dépenses ont été effectuées à des fins personnelles et ont été refusées.

 

n)      Quant au montant de 33 000 $, la vérificatrice de l'Agence du revenu du Canada a accordé une augmentation de la valeur de la résidence de l'appelant d'un montant de 13 000 $ pour l'année 2003 et de 20 000 $ pour l'année 2004, selon les représentations de l'appelant dont des rénovations ont été faites à sa résidence. Ces montants ont été soustraits du calcul de l'avoir net de l'appelant (voir Annexe 1 et Annexe 5 de l'Annexe A);

 

o)      En 2004, la conjointe de l’appelant a acquis un véhicule Subaru Impreza 2.5 RS 2005 pour un montant de 39 328,28 $. Les paiements pour cet actif proviennent d’un compte conjoint du couple auprès de la Caisse populaire de Saint-Gabriel (compte #4767), et l’appelant n’a pas démontré qu’une partie de ces paiements a été effectuée par le fils de sa conjointe.

 

[4]              Pour imposer à l’appelant la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi, le ministre s’est appuyé sur les faits suivants énoncés au paragraphe 23 de la réponse modifiée à l’avis d’appel :

 

a)   Les faits énoncés au paragraphe 22 de la présente;

 

b)   Les revenus non déclarés établis par la méthode de l’écart par avoir net sont importants par rapport aux revenus déclarés pour chacune des années d’imposition en litige, le tout tel qu’étayé ci-dessous :

 

Année d’imposition

2003

2004

Revenus totaux déclarés

32 305 $

44 749 $

Revenus totaux non déclarés

45 293 $

97 296 $

Pourcentage du redressement

140%

217%

 

c)   L’appelant connaissait très bien son revenu d’entreprise puisqu’il prenait les commandes, faisait les soumissions, effectuait les travaux, recevait les paiements et faisait les dépôts pour son entreprise;

 

d)   Les revenus déclarés par l’appelant pour les années d’imposition en litige ne sont pas compatibles avec l’augmentation de son avoir net et de ses dépenses personnelles.

 

[5]              À l’ouverture de l’audience, l’intimée a admis que : a) les écarts mentionnés au paragraphe 22(l) de la réponse modifiée à l’avis d’appel devaient se lire comme étant 28 561,69 $ pour l’année 2003 et 22 478,24 $ pour l’année 2004; b) les écarts révisés du revenu total selon l’avoir net devaient être de 44 484,82 $ plutôt que de 45 386,48 $ pour 2003 et de 92 597 $ plutôt que de 98 483,66 $ pour 2004; c) les retraits bancaires non identifiés devaient être de 25 709,83 $ plutôt que de 26 342,50 $ pour 2003 et de 63 980 $ plutôt que de 66 383,43 $ pour 2004.

 

[6]              La vérificatrice de l’Agence du Revenu du Canada (l’ « ARC »), Madame Mélanie Lévesque, a témoigné à l’audience à la demande de l’appelant. Ses notes pour le dossier (T-2020), son rapport de vérification (T-20) et le rapport recommandant une pénalité ont été déposés. La vérification a débuté le 8 février 2006 et s’est échelonnée sur 413 jours. Le projet de la cotisation a été transmis à l’appelant le 27 juillet 2006 alors que les redressements finaux ont été transmis à l’appelant par la poste le 26 mars 2007.

 

[7]              Le contexte de la vérification est décrit de la façon suivante au rapport de vérification :

 

Les dépenses et les revenus étaient comptabilisés selon les factures. Cependant, le compte de caisse n’était pas suivi. Il n’y avait pas de conciliation bancaire à la fin de chaque mois et plusieurs transactions ne se trouvaient pas dans la comptabilité. Il est à noter que le contrôle interne est inexistant, car le c/t et sa conjointe contrôlent tout de la prise de la commande à l’encaissement du paiement.

 

Nous avons fait une analyse sommaire des dépôts. Nous avons constaté qu’il y avait plus de dépôts que de ventes déclarées. Nous avons sélectionné les plus gros dépôts que nous avons demandés au c/t d’identifier. Des revenus non déclarés ont été retracés. Nous avons donc fait une esquisse d’avoir net. Des écarts ont été retracés. Nous avons donc opté pour cette méthode afin de procéder à la cotisation.

 

[8]              Selon la vérificatrice de l’ARC, l’entreprise de l’appelant a été sélectionnée pour une vérification générale suite à l’examen des déclarations de revenus de l’appelant et des états financiers (avis aux lecteurs) de Construction Stéphane Gagnon pour les années d’imposition 2003 et 2004 et suite à l’acquisition par l’appelant de deux immeubles locatifs en 2004. Selon les déclarations de revenus pour les années d’imposition 2003 et 2004, l’appelant a déclaré les montants suivants à titre de revenus d’entreprise bruts et nets :

 

 

2003

2004

 

Revenus d’entreprise bruts

 

376 232 $

718 102 $

Revenus d’entreprise nets

32 305 $

44 321 $

 

[9]              La vérificatrice de l’ARC a constaté que le revenu brut déclaré par l’appelant augmentait chaque année alors que la marge bénéficiaire nette diminuait, ce qui l’a amenée à conclure que l’appelant minimisait ses revenus et exagérait ses dépenses.

 

[10]         Lors de son témoignage, la vérificatrice de l’ARC a confirmé avoir eu accès à tout ce qu'elle avait besoin pour effectuer sa vérification. Même si les autorisations bancaires ne lui ont pas été fournies, elle a eu accès aux relevés bancaires suivants de la Caisse Populaire Desjardins de St-Gabriel pour les années 2003 et 2004 :

 

-compte portant le folio 6413 (compte de l’entreprise);

-compte portant le folio 4767 (compte personnel conjoint);

-compte portant le folio 4986 (compte personnel conjoint);

-compte portant le folio 6404 (compte d’entreprise, équipements d’érablière MJD; et

-compte portant le folio 5795 (compte personnel).

 

[11]         La vérificatrice de l’ARC a, de plus, eu accès aux factures des fournisseurs, aux relevés de cartes de crédit et aux informations relatives aux emprunts de même qu’aux personnes qui ont préparé les déclarations de revenu et les rapports de régularisation et à la personne qui a effectué la tenue de livres, soit Madame Christine Gagnon, qui est la sœur de l’appelant.

 

[12]         Selon la vérificatrice de l’ARC, ce qui était déposé dans le compte de banque de l’entreprise était déclaré dans les déclarations de revenus de l'appelant. Son analyse des comptes bancaires lui a permis de constater que des transactions ne figuraient pas dans le compte bancaire de l’entreprise d’où l’admission par l’appelant de l’existence de revenus non déclarés d’un montant de 25 200 $ pour l’année 2004.

 

[13]         Monsieur Jean-Jacques Landry, c.g.a, a témoigné à l’audience. Il a préparé les états financiers (avis aux lecteurs) de l’entreprise de l’appelant pour l’année 2004 de même que les déclarations de revenus personnelles de l’appelant et de sa conjointe pour l’année d’imposition 2004. Il n’a pas effectué de vérification; il n’a pas examiné la déductibilité des dépenses réclamées; il a considéré uniquement le compte bancaire de l’entreprise et il n’a pas tenu compte des transactions effectuées au comptant. Il a supposé que les revenus de l’entreprise étaient corrects d’après la facturation de l’entreprise. Selon lui, il n’y avait aucun élément lui permettant de croire que l’appelant avait des revenus non déclarés. Lors de son témoignage, il a indiqué qu’il avait identifié des dédoublements de dépenses dans l’avoir net et que, si la vérificatrice de l’ARC avait effectué une réconciliation des dépenses selon le mode de paiement, il en aurait résulté des écarts substantiellement moindres, soit 19 500 $ pour 2003 et 20 714 $ pour 2004.

 

[14]         Madame Christine Gagnon, commis comptable, a témoigné à l’audience. Elle a déclaré qu’elle effectuait des saisies de données comptables à l’ordinateur et du classement de factures pour l’appelant qui était aussi son frère. Elle effectuait ce travail à la résidence familiale de l’appelant à une fréquence d'une journée aux 15 jours. À sa connaissance, une seule carte de crédit était utilisée par l’entreprise et deux véhicules servaient aux activités de l’entreprise. Selon elle, la conjointe de l’appelant effectuait tous les dépôts bancaires et elle lui indiquait les dépenses qui étaient personnelles et celles qui étaient encourues pour fins d’affaires. À sa connaissance, tous les clients de l’entreprise payaient par chèques. Elle a également confirmé n’avoir jamais vu de soumissions aux clients, ni de matériaux en inventaire.

 

[15]         Madame Marie-Josée Deschenes, la conjointe de l’appelant, a également témoigné. Elle a expliqué que, durant les années 2003 et 2004, elle s’occupait de la facturation des clients, du paiement des comptes des fournisseurs, des dépôts bancaires et du transport d’outils de l’entreprise de son conjoint. Elle était également impliquée dans une entreprise de commercialisation d’agneaux avec sa mère. Elle passait environ 20 heures par semaine à l’élevage d’agneaux et de 30 à 40 heures par semaine à l’entreprise de construction de son conjoint. De plus, elle était propriétaire d’une entreprise de vente d’équipements d’érablière qu’elle a fermée en juillet 2004.

 

[16]         Elle a expliqué que l’entreprise de son conjoint comptait une centaine de clients à qui environ 130 factures par année étaient émises. L’entreprise comptait beaucoup d’agriculteurs comme clients qui payaient tous par chèques parce qu’ils pouvaient récupérer les taxes. En haute saison, sept employés travaillaient pour l’entreprise alors qu’il n’y avait que deux ou trois employés en basse saison.

 

[17]         Madame Deschenes a de plus expliqué que son conjoint préparait les soumissions pour les travaux demandés par les clients et qu’elle se servait de ces soumissions pour préparer les factures en tenant compte des heures travaillées par les employés et du coût des matériaux des fournisseurs. Lorsque les travaux étaient terminés, les soumissions étaient détruites.

 

[18]         Lors de son témoignage, Madame Deschenes a confirmé qu’elle et son conjoint ont fait en 2003 un premier voyage dans le sud d’une durée de deux semaines, qu’en 2004, elle a fait un voyage seule dans le sud d’une durée d’une semaine et, qu’en 2005, elle et son conjoint n’ont pas fait de voyage.

 

[19]         Le dernier témoin a été Monsieur Stéphane Gagnon. En 2006, il a constitué son entreprise en société sous la raison sociale « Stéphane Gagnon (2000) Inc. ». Son entreprise s’occupe de la construction résidentielle et de rénovations agricoles. Selon lui, les revenus non déclarés de 25 200 $ ne constituent que deux simples erreurs découlant du fait que ces sommes n’ont pas été déposées dans le bon compte de banque. Il a affirmé que tous ses clients payaient par chèques et il a reconnu que, parfois, ses fournisseurs étaient payés en argent comptant ou par cartes de crédit.

 

[20]         L’appelant a expliqué qu’il ne signait pas de contrats avec ses clients et que les soumissions n’étaient pas habituellement signées par les clients. À l’occasion, une copie des soumissions était remise aux clients.

 

[21]         L’appelant a également expliqué qu’il ne tenait pas d’inventaire de matériaux; les matériaux non-utilisés des chantiers étaient retournés aux fournisseurs en retour de l’octroi d’un crédit.

 

[22]         L’appelant a affirmé ne pas avoir discuté de quelque question que ce soit avec les comptables chargés de préparer ses déclarations de revenus pour les années  d’imposition 2003 et 2004, ne pas avoir examiné lesdites déclarations de revenus et ne pas avoir reçu d’explications ou de recommandations de la part des comptables.

 

[23]         L’appelant a reconnu qu’il était possible que le compte de banque de l’entreprise ait pu servir à payer des dépenses personnelles.

 

[24]         L’appelant a également reconnu qu’il faisait au moins un voyage par année en motoneige avec ses clients et amis et qu’il était membre du Club Populaire de la Métis pour avoir accès aux sentiers.

 

Position de l’appelant

 

[25]         L’avocate de l’appelant a allégué les points suivants :

 

a)    l’utilisation de la méthode de l’avoir net n’était pas justifiée dans ce cas pour les raisons suivantes :

 

i)             l’appelant était de bonne foi et a collaboré à la vérification en permettant l’accès à tous les documents exigés par la vérificatrice de l’ARC;

ii)           les données exactes étaient disponibles;

iii)         le système comptable était en place même si imparfait;

iv)         toutes les transactions passaient par les comptes de banque;

v)           il n’y a pas eu d’acquisition de biens payés en argent comptant;

vi)         l’appelant et sa conjointe avaient un train de vie non exorbitant et aucune augmentation substantielle de la valeur de leurs actifs n’a été identifiée;

vii)       le couple avait beaucoup de dettes par emprunt ou cartes de crédit et des biens financés à 100%;

viii)     les nombreux transferts bancaires et paiements par cartes de crédit ont créé de la distorsion et des dédoublements qui ont eu pour effet de gonfler l’avoir net;

ix)         il s’agit d’une méthode de dernier recours qui est à la fois arbitraire et imprécise;

x)           la conciliation des dépenses selon le mode des paiements effectué par le comptable de l’appelant à titre d’aide mémoire a démontré que les données de la vérificatrice de l’ARC ont engendré des dédoublements de dépenses.

 

       b)    la pénalité doit être rejetée pour les raisons suivantes :

 

i)             les revenus d’entreprise non déclarés de 25 200 $ en 2004 ne sont attribuables qu’à deux clients qui n’ont pas demandé de factures et ne représentent que 2% du chiffre d’affaires de l’entreprise;

ii)           il s’agit d’une erreur pure et simple découlant du fait que l’argent a été déposé dans le mauvais compte de banque. Madame Christine Gagnon n’a pu s’apercevoir de l’erreur parce qu’elle ne gérait pas la conciliation des comptes de banque personnels du couple;

iii)         l’appelant et sa conjointe sont crédibles et ne sont pas de mauvaise foi; ils ont retenu les services de personnes compétentes pour s’occuper de leurs affaires et ont pleinement collaboré à la vérification;

iv)         le camouflage de revenus ne transite généralement pas par les comptes de banque.

 

Position de l’intimé

 

[26]         L’avocat de l’intimée a fait valoir les points suivants :

a)    l’utilisation de la méthode de l’avoir net était justifiée pour les raisons suivantes :

 

       i)     il n’était pas possible qu’il n’y ait pas de revenus non déclarés puisque les dépôts bancaires étaient supérieurs aux revenus déclarés et que les dépenses étaient trop élevées compte tenu des revenus déclarés;

       ii)    les revenus étaient calculés en fonction des factures; en l’absence de factures, les revenus n’étaient pas comptabilisés;

       iii)    l'appelant utilisait une comptabilité sans contrôle interne et sans vérification par un comptable externe;

       iv)   le témoignage de l’appelant est non crédible lorsqu’il a affirmé que ses clients ne payaient jamais en argent comptant, puisque des dépenses étaient payées en argent comptant provenant de sommes non déposées dans les comptes de banque;

 

b)    l’imposition de la pénalité était justifiée pour les raisons suivantes :

 

i)             l’appelant n’a pas examiné ses déclarations de revenus pour s’assurer qu’elles étaient correctes;

ii)           les revenus non déclarés de 25 200 $ ont été admis par l’appelant;

iii) la vérification par la méthode de l’avoir net a démontré l’existence d’écarts importants entre les revenus réels et les revenus déclarés.

 

Analyse

 

[27]         Le paragraphe 152(7) de la Loi prévoit que le ministre n’est pas lié par les déclarations de revenus ou les renseignements fournis par un contribuable et que le ministre peut fixer l’impôt à payer. Le paragraphe 152(7) se lit comme suit :

 

(7) Cotisation indépendante de la déclaration ou des renseignements fournis – Le ministre n’est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et, lors de l’établissement d’une cotisation, il peut, indépendamment de la déclaration ou des renseignements ainsi fournis ou de l’absence de déclaration, fixer l’impôt à payer en vertu de la présente partie.

 

[28]         Sous réserve du droit d’appel, une cotisation d’impôt établie par le ministre est réputée être valide et exécutoire en vertu du paragraphe 152(8) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

 

(8) Présomption de validité de la cotisation – sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

 

[29]         Lorsqu’une cotisation arbitraire est établie par le ministre, il incombe au contribuable de réfuter le bien-fondé de la cotisation et de « démolir » les hypothèses de fait retenues par le ministre pour appuyer la cotisation. Dans le présent cas, les hypothèses retenues par le ministre sont celles énumérées au paragraphe 22 de la réponse à l’avis d’appel.

 

[30]         Selon la preuve qui m’a été présentée, l’appelant n’a pas « démoli » les hypothèses de fait retenues par le ministre et n’a donc pas rencontré son fardeau de la preuve.

 

[31]         La vérification par la méthode de l’écart par avoir net a démontré que l’appelant a gagné des revenus d’entreprise non déclarés de 28 561,69 $ en 2003 et de 22 478,24 $ en 2004 en plus des revenus non déclarés en 2004 qui ont été identifiés par l’appelant lui-même.

 

[32]         Le travail de vérification m’apparaît avoir été bien fait et toutes les représentations de l’appelant et de ses conseillers ont été sérieusement considérées. Toutes les erreurs identifiées dans le cadre de la vérification ont fait l’objet de corrections. Les dédoublements ont été évités par la soustraction des retraits non identifiés des comptes bancaires pour chacune des années en litige : i) des dépenses personnelles refusées; et ii) des dépenses personnelles estimées par l’appelant. La conciliation des dépenses d’entreprise selon le mode de paiement suggérée par le comptable Landry ne m’apparaît pas être pertinente et n’a de toute façon aucune valeur probante.

 

[33]         L’appelant ne m’a pas convaincu que toutes ses ventes étaient déposées dans ses comptes bancaires et que tous ses clients payaient par chèques. La preuve aurait pu en être faite cependant s’il avait conservé les soumissions des travaux qu’il a réalisés.

 

La pénalité

 

[34]         La pénalité imposée à l’appelant est celle du paragraphe 163(2) de la Loi dont le libellé est comme suit :

 

(2) Faux énoncés ou omissions – Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50% du total des montants suivants :

 

[. . .]

 

[35]         Dans l’arrêt Venne c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) (C.F. 1re inst.) (1984) A.C.F. no 314, 84 D.T.C. 6247, le juge Strayer a donné l’interprétation suivante de la notion de « faute lourde » :

 

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. [. . .]

 

[36]         Le commentaire suivant formulé par le juge Pelletier de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lacroix c. Sa Majesté la Reine, 2008 CAF 241, 2008 D.T.C. 6551 est pertinent aux fins du présent litige :

 

30     Les faits en preuve, dans un tel cas, sont que la déclaration de revenu du contribuable fait une présentation erronée des faits et que la seule explication offerte par le contribuable est jugée non crédible. Évidemment, il doit y avoir une autre explication pour ce revenu. Il faut donc conclure que le contribuable a une source de revenu qu'il n'a pas déclarée, qu'il est au courant de cette source et qu'il refuse de la divulguer puisque les explications qu'il a offertes n'ont pas été jugées crédibles. En de telles circonstances, la conclusion que la fausse déclaration de revenu a été produite sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde me semble inéluctable. Cela justifie non seulement l'imposition d'une pénalité mais aussi l'établissement de la nouvelle cotisation hors de la période statutaire.

 

[37]         À partir du moment où, selon des données fiables, le ministre a établi un écart substantiel entre le revenu total selon la méthode de l’avoir net et le revenu déclaré par le contribuable, la Couronne a assumé son fardeau de la preuve et il appartient alors au contribuable d’identifier la source et d’établir la nature non imposable de ses revenus (voir le commentaire du juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Molenaar c. R., 2004 CAF 349, 2004 D.T.C. 6688(F.C.A.) au paragraphe 4).

 

[38]         Dans le présent cas, des revenus d’entreprise non déclarés ont été identifiés selon l’analyse de l’avoir net et l’appelant lui-même en a identifié pour 25 200 $ en 2004. Ces revenus supplémentaires ne peuvent que provenir de l’entreprise de l’appelant puisqu’il s’agit de sa seule source de revenus.

 

[39]         Pour ce qui est des dépenses, l’appelant a réclamé des dépenses personnelles pour un total de 14 898 $ en 2003 et de 24 812 $ en 2004 et des dépenses d’entreprise en 2004 qui ont été réclamées en double pour un montant de 4 663 $ de même que des dépenses d'entreprise suite à des écritures de régularisation non justifiées pour un montant de 15 444 $.

 

[40]         Les déclarations de revenus de l’appelant sont uniquement basées sur les informations fournies par l’appelant. Madame Christine Gagnon a inscrit toutes les dépenses de l’appelant sans effectuer de tri pour identifier les dépenses déductibles et celles qui ne le sont pas. De plus, aucune vérification des données comptables n’a été effectuée par les comptables qui ont préparé les déclarations de revenus. Seules les informations fournies par l’appelant étaient utilisées.

 

[41]         L’appelant connaissait très bien les revenus de son entreprise et savait très bien quelles dépenses étaient réclamées. Il savait ou aurait dû savoir que ses revenus étaient minimisés et que ses dépenses étaient exagérées. À mon avis, l’appelant a commis une faute lourde en ne déclarant pas la totalité de ses revenus en 2003 et 2004 et en réclamant la déduction de dépenses personnelles et des dépenses d’entreprise non déductibles dans le calcul de son revenu pour ces mêmes années.

 

[42]         La vérificatrice de l’ARC a recommandé dans son rapport l’application de la pénalité et, lors des rencontres avec le représentant de l’appelant, qui ont suivi l’envoi du projet de la cotisation, aucun argument n’a été présenté pour faire annuler l’application de la pénalité.

 

[43]         Pour ces raisons, les appels à l’encontre des nouvelles cotisations concernant les années d’imposition 2003 et 2004 sont accueillis sans frais et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour examen et nouvelles cotisations sur la base que les revenus d’entreprise non déclarés par avoir net sont de 28 561,69 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 22 478,24 $ pour l’année d’imposition 2004 et que les écarts révisés du revenu total selon l’avoir net sont de 44 484,82 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 92 597,00 $ pour l’année d’imposition 2004.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2011.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 480

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-2700(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Stéphane Gagnon c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 les 11, 12 et 13 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :   le 2 décembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelant :

Me Guylaine Gauthier

Avocat de l'intimée :

Me Simon-Nicolas Crépin

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me Guylaine Gauthier

 

                 Cabinet :                           Gauthier Avocats

                                                          Québec (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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