Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dosssier : 2010-271(IT)I

ENTRE :

KENNETH S. GRIFFIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Patricia Baeucker (2010-270(IT)I), le 12 juillet 2010, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Dan F. White

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Paolo Torchetti

Jasmeen Mann (stagiaire)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est rejeté sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 21e jour de novembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

Dossier : 2010-270(IT)I

ENTRE :

PATRICIA BAEUCKER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Kenneth S. Griffin (2010-271(IT)I), le 12 juillet 2010, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Dan F. White

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Paolo Torchetti

Jasmeen Mann (stagiaire)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est rejeté sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 21e jour de novembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

Référence : 2011 CCI 531

Date : 20111121

Dossiers : 2010-271(IT)I

2010-270(IT)I

ENTRE :

KENNETH S. GRIFFIN,

PATRICIA BAEUCKER,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge Jorré

 

[1]              La seule question qui se pose dans les présents appels est de savoir si le ministre du Revenu national a eu raison d’imposer des pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 des appelants[1].

 

[2]              Les présents appels ont été entendus ensemble sur preuve commune[2].

 

[3]              Les deux appelants ont témoigné ainsi que Pauline Burdett, une employée de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), qui, au moment pertinent, travaillait au sein de la Section de l’examen au bureau, et Julie Gil, une employée du représentant des appelants[3].

 

[4]              Les appelants sont des conjoints de fait.

 

[5]              Les deux appelants sont des travailleurs autonomes; ils sont conseillers principaux en technologie de l’information. M. Griffin aide principalement ses clients à mettre à l’essai des logiciels; Mme Baeucker fournissait des services de formation et de consultation se rattachant à la mise à l’essai de logiciels automatisés.

 

[6]              M. Griffin a obtenu un diplôme de sciences informatiques en 1983. Il est également titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de la Richard Ivey School of Business, à l’Université Western Ontario. Mme Baeucker est titulaire d’un diplôme collégial en technologie de l’information et possède énormément d’expérience dans le domaine de l’assurance de la qualité.

 

[7]              Au cours de l’année d’imposition 2002, presque tout le revenu des appelants provenait du travail effectué pour une société américaine, XL Vianet.

 

[8]              La société XL Vianet voulait traiter avec une seule personne pour ce qui est de la facturation et du paiement des services offerts par les appelants. M. Griffin s’occupait de ces fonctions pour les appelants.

 

[9]              La société XL Vianet payait les appelants en argent américain.

 

[10]         Dans sa déclaration, M. Griffin a indiqué un revenu d’entreprise brut d’environ 166 000 $ et un revenu net d’environ 47 000 $. À part le revenu tiré de l’entreprise, le seul autre revenu que M. Griffin a déclaré était un montant d’environ 2 000 $ au titre d’un revenu en intérêts et en dividende[4].

 

[11]         Le ministre a initialement refusé un montant beaucoup plus élevé des dépenses, mais M. Griffin ayant présenté une opposition, le ministre a établi une nouvelle cotisation et le montant des dépenses refusées a été ramené à environ 30 000 $. Le ministre a refusé les dépenses compte tenu du fait qu’il s’agissait de dépenses personnelles.

 

[12]         Le ministre a également ajouté au revenu brut de M. Griffin un revenu non déclaré de 76 900 $.

 

[13]         Cela a donc eu pour effet de faire le revenu d’entreprise de M. Griffin d’un montant d’environ 47 000 $ à environ 154 000 $.

 

[14]         Dans le cas de M. Griffin, à un moment donné au cours de la vérification, M. Griffin a expliqué que certains montants payés par XL Vianet ne faisaient pas partie de son revenu parce qu’il avait constitué une société en personne morale au cours de l’année civile 2002 et que certains montants payés par XL Vianet étaient imputables au revenu de la société[5].

 

[15]         Le 11 février 2005, l’ARC a laissé à M. Griffin un message téléphonique dans lequel on demandait des copies des déclarations de la société indiquant le numéro d’entreprise, de façon à pouvoir vérifier si le revenu avait été comptabilisé par la société.

 

[16]         M. Griffin a fourni une télécopie de la déclaration T2 de la société se rapportant à l’exercice ayant pris fin le 30 octobre 2003. La déclaration de revenus de la société était datée du 15 février 2005, après que la demande téléphonique eut été faite, et elle a été produite auprès de l’ARC le 25 février 2005, bien après la date limite de production de la déclaration[6].

 

[17]         En 2002, M. Griffin a versé dans un REER une cotisation d’environ 10 000 $.

 

[18]         Des pénalités pour faute lourde ont été imposées par le ministre à l’égard du revenu non déclaré de 76 900 $. Aucune pénalité n’a été imposée pour les dépenses dont la déduction avait été refusée.

 

[19]         Quant à Mme Baeucker, celle‑ci a déclaré un revenu d’entreprise brut d’environ 127 000 $ et un revenu d’entreprise net d’environ 35 000 $. À part son revenu d’entreprise, le seul autre revenu déclaré par Mme Baeucker était un revenu d’environ 1 000 $ au titre des intérêts[7].

 

[20]         Le ministre a initialement refusé une bonne partie des dépenses qui avaient été déduites, mais, sur opposition de Mme Baeucker, une nouvelle cotisation a été établie et le montant des dépenses refusées a été ramené à environ 8 000 $. Le ministre a refusé les dépenses compte tenu du fait qu’il s’agissait de dépenses personnelles.

 

[21]         Le ministre a également ajouté au revenu de Mme Baeucker un revenu brut non déclaré de 79 352 $.

 

[22]         Par suite de ces changements, le revenu d’entreprise net de Mme Baeucker est passé d’environ 35 000 $ à environ 122 000 $.

 

[23]         Mme Baeucker a versé dans son REER une cotisation d’environ 6 000 $ pour l’année 2002.

 

[24]         Des pénalités pour faute lourde ont été imposées par le ministre à l’égard du revenu non déclaré de 79 352 $. Aucune pénalité n’a été imposée à l’égard des dépenses dont la déduction avait été refusée.

 

[25]         Entre autres choses, Mme Burdett a expliqué la raison pour laquelle des pénalités pour faute lourde avaient été établies. Les rapports concernant les pénalités imposées aux appelants ont été produits en preuve.

 

[26]         Les décisions relatives aux pénalités étaient essentiellement attribuables à l’écart fort important entre le revenu réel et le revenu déclaré ainsi qu’au fait que l’ARC croyait que le revenu était relativement peu élevé et incompatible avec certaines dépenses.

 

[27]         Les appelants ont soutenu qu’ils consignaient minutieusement leurs revenus et que lorsqu’ils avaient produit leurs déclarations, ils croyaient avoir déclaré tout leur revenu; l’erreur était attribuable à un changement de formatage d’une feuille de calcul.

 

[28]         M. Griffin tenait lui-même les livres et préparait sa propre déclaration de revenus en utilisant l’un des progiciels de préparation de l’impôt.

 

[29]         M. Griffin a témoigné qu’il préparait pour sa conjointe et pour lui-même une feuille de calcul Excel indiquant tous les montants facturés et que cette feuille de calcul était la source des revenus bruts utilisés pour déclarer leur revenu d’entreprise.

 

[30]         Une bonne partie du témoignage de M. Griffin a été consacrée aux conséquences du changement de formatage apporté à la feuille de calcul Excel. Selon M. Griffin, les deux appelants ont déclaré un montant inexact au titre de leur revenu brut par suite de ce changement.

 

[31]         M. Griffin a témoigné qu’après avoir appris, au cours de la vérification, qu’un montant inexact avait été déclaré au titre du revenu brut, il avait essayé d’en découvrir la cause étant donné qu’il préparait minutieusement la feuille de calcul dans laquelle il consignait dûment tous les montants facturés en dollars américains ainsi qu’en dollars canadiens.

 

[32]         M. Griffin a finalement conclu, après avoir procédé à certains essais, que l’erreur était attribuable à un changement de formatage qu’il avait effectué en supprimant une colonne de la feuille de calcul.

 

[33]         Selon les dispositions que les appelants avaient prises avec leur cliente, cette dernière devait leur verser une indemnité fixe pour les déplacements compte tenu de certaines règles. La cliente ne leur remboursait pas les frais de déplacement réels.

 

[34]         Les allocations de déplacement faisaient partie des sommes brutes reçues par l’entreprise et les frais réels de déplacement faisaient partie des dépenses à déduire.

 

[35]         Sur la feuille de calcul, il y avait une rangée pour chaque facture et un certain nombre de colonnes, y compris des colonnes distinctes pour les allocations de déplacement facturées à XL Vianet, pour les frais facturés à XL Vianet et pour le total des deux montants facturés à XL Vianet.

 

[36]         Il y avait également des colonnes distinctes dans lesquelles les montants facturés étaient répartis entre les deux appelants. Par conséquent, en ce qui concerne M. Griffin, il y avait des colonnes indiquant les allocations de déplacement facturées, les frais facturés et le total des deux montants. Il y avait trois colonnes similaires pour Mme Baeucker.

 

[37]         Les trois colonnes indiquant les frais facturés[8] étaient immédiatement à gauche des trois colonnes indiquant les montants globaux facturés[9].

 

[38]         M. Griffin a témoigné qu’avant que le formatage eût été changé, il y avait une cellule au bas de chacune des trois colonnes de frais, dans laquelle le logiciel Excel devait inscrire la somme des frais de chaque colonne. Je les appellerai les « trois cellules ».

 

[39]         De l’avis de M. Griffin, compte tenu de la façon dont il avait changé le formatage en enlevant une colonne et en faisant passer plus à gauche, d’une colonne, toutes les colonnes qui étaient à la droite de la colonne supprimée, les trois cellules se trouvaient sous ce qui était devenu les colonnes des montants totaux facturés plutôt que sous la colonne des frais.

 

[40]         En outre, même si elles étaient maintenant sous une colonne renfermant des chiffres différents de ceux qui y étaient auparavant, les trois cellules indiquaient encore la somme des rangées où figuraient les frais facturés plutôt que la somme des montants totaux facturés, soit la colonne où ils figuraient maintenant.

 

[41]         Par conséquent, lorsqu’ils prenaient le total figurant au bas des montants totaux facturés afin d’inscrire leurs revenus bruts dans l’état des résultats de leurs déclarations de revenus, les appelants inscrivaient sans le savoir le revenu brut erroné.

 

[42]         M. Griffin a également découvert que la façon précise dont le changement de formatage avait été effectué faisait toute la différence. Dans certains cas, le résultat était que les trois cellules indiquaient la somme des chiffres de la colonne qui était immédiatement à gauche, alors que, si le changement était effectué d’une façon différente, les trois cellules indiquaient la somme des chiffres des colonnes se trouvant immédiatement au‑dessus des cellules[10].

 

[43]         M. Griffin a également déclaré qu’il n’examinait pas régulièrement la situation financière de l’entreprise et qu’en 2002, aucun état financier n’avait été préparé pour l’entreprise.

 

[44]         Mme Baeucker a témoigné avoir préparé sa déclaration de revenus avec l’aide de M. Griffin et avoir honnêtement cru que la déclaration de revenus était exacte.

 

[45]         Mme Baeucker s’était fondée, pour son revenu brut, sur la feuille de calcul Excel que M. Griffin avait préparée, mais elle avait examiné chaque ligne de cette feuille afin de s’assurer de l’exactitude des renseignements.

 

[46]         Mme Baeucker a déclaré qu’elle n’était pas souvent restée à la maison au cours de la période pertinente. Elle était dans la région du Grand Toronto, à Montréal, au Wisconsin, au Connecticut et au Michigan.

 

[47]         Mme Baeucker a également témoigné que son revenu variait énormément d’une année à l’autre et qu’un revenu annuel de 27 000 $ lui suffisait pour vivre[11].

 

Analyse

 

[48]         L’énoncé classique de ce qui constitue une faute lourde pour l’application du paragraphe 163(2) est celui que le juge Strayer a fait dans la décision Venne c. La Reine[12] :

 

[...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. [...]

 

[49]         En examinant cette question, je dois également me demander si, en se conduisant comme ils l’ont fait, les appelants avaient fait preuve d’un aveuglement volontaire. Comme l’a dit le juge Nadon au nom de la cour dans l’arrêt Panini c. Canada[13] :

 

[...] Par conséquent, le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable.

 

[50]         J’analyserai d’abord la preuve présentée par le ministre.

 

[51]         M. Griffin a déclaré, en chiffres ronds, un revenu brut de 166 000 $ et a omis de déclarer un montant de 77 000 $. Le montant non déclaré excède de 30 p. 100 le revenu brut global, et représente environ 45 p. 100 du revenu brut déclaré.

 

[52]         Par conséquent, au lieu d’avoir un revenu d’entreprise net déclaré d’environ 47 000 $, l’appelant a en fait tiré de l’entreprise un revenu d’environ 124 000 $. Si l’on ajoute le montant d’environ 2 000 $ au titre des autres revenus déclarés par l’appelant, on constate qu’au lieu d’avoir, en chiffres ronds, un revenu déclaré de 50 000 $, l’appelant a un revenu de 125 000 $, ce qui représente une différence de 75 000 $.

 

[53]         Autrement dit, le revenu dont l’appelant disposait, avant impôt, était deux fois et demie plus élevé que ce qu’il avait déclaré[14].

 

[54]         Mme Baeucker a déclaré, en chiffres ronds, un revenu brut de 127 000 $ et elle a omis de déclarer un montant de 79 000 $. Le montant non déclaré excède de 38 p. 100 le revenu brut global et représente environ 62 p. 100 du revenu brut déclaré.

 

[55]         Par conséquent, au lieu d’avoir un revenu d’entreprise net déclaré d’environ 35 000 $, Mme Baeucker a en fait tiré de l’entreprise un revenu d’environ 114 000 $. Si l’on ajoute le montant d’environ 1 000 $ que l’appelante a déclaré au titre d’autres revenus, on constate qu’au lieu d’un revenu déclaré de 36 000 $, en chiffres ronds, Mme Baeucker a un revenu de 115 000 $, ce qui représente une différence de 79 000 $.

 

[56]         Autrement dit, le revenu dont disposait Mme Baeucker, avant impôt, était plus de trois fois plus élevé que ce qu’elle avait déclaré

 

[57]         Le revenu que les appelants ont déclaré en tant que famille était d’environ 86 000 $, alors qu’en fait, leur revenu s’élevait à 240 000 $, soit un revenu deux fois et trois quarts plus élevé que le montant déclaré.

 

[58]         Que l’on examine le cas de chaque appelant séparément ou que l’on examine les deux cas ensemble, la preuve présentée par le ministre indique un tel écart entre ce qui a été déclaré et le revenu réel qu’une conclusion selon laquelle les appelants ont agi en toute connaissance de cause ou ont fait preuve d’un aveuglement volontaire tel que celui qui a été décrit dans l’arrêt Panini est inévitable, en l’absence d’une explication convaincante.

 

[59]         Bref, la preuve des appelants est que ceux‑ci croyaient déclarer tout leur revenu et que l’erreur était attribuable au total inexact figurant au bas de la colonne indiquant le montant total facturé pour chaque appelant, par suite d’une conséquence imprévue, attribuable au fait que l’on avait changé d’une façon particulière le formatage de la feuille de calcul Excel.

 

[60]         Selon certains éléments de preuve, les appelants étaient fort occupés au cours de l’année; ils voyageaient beaucoup et le montant relativement modeste indiqué à titre de revenu déclaré leur suffisait pour vivre.

 

[61]         Il ne m’est pas difficile d’accepter que le logiciel Excel a peut-être bien fonctionné de la façon dont les appelants l’ont décrit dans certaines circonstances. De fait, je note que les montants non déclarés semblent correspondre aux totaux des allocations de déplacement.

 

[62]         Toutefois, je n’accepte pas la preuve que les appelants ont présentée au sujet de la raison pour laquelle le revenu avait été déclaré en moins et je n’accepte pas leur explication, et ce, peu importe ce que le logiciel Excel peut avoir fait[15].

 

[63]         Il y a un monde de différence entre le fait de vivre sur un montant annuel de 50 000 $ et celui de vivre sur un montant annuel de 125 000 $ (dans le cas de M. Griffin) et le fait de vivre sur un montant annuel de 36 000 $ et celui de vivre sur un montant annuel de 115 000 $ (dans le cas de Mme Baeucker), ou encore entre le fait de vivre sur un montant annuel de 86 000 $ et celui de vivre sur un montant annuel de 240 000 $ (si les deux appelants sont considérés en tant que famille).

 

[64]         Si les appelants dépensaient beaucoup plus que leur revenu déclaré, on s’attendrait à ce que la chose suscite de sérieuses questions lors du calcul de leur revenu d’entreprise net.

 

[65]         D’un autre côté, si, comme il a été soutenu, les appelants vivaient sur leur revenu déclaré, il y aurait eu une augmentation rapide de leurs actifs ou une diminution rapide de leurs dettes, ou une combinaison des deux. Ici encore, on s’attendrait à ce que les appelants se posent des questions.

 

[66]         Quel que soit le niveau de dépenses des appelants, lorsqu’il s’est agi d’examiner leur état des résultats dans leur déclaration et le chiffre du revenu d’entreprise net, on s’attendrait à ce qu’ils se posent des questions sérieuses au sujet de l’écart entre leur situation financière et leur revenu net.

 

[67]         Les deux appelants m’ont semblé être des personnes fort intelligentes; ils sont des experts en matière de technologie de l’information et ils sont dans les affaires depuis un certain temps. M. Griffin est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université Western Ontario.

 

[68]         L’écart entre les revenus dans ce cas‑ci ne comporte pas quelque aspect complexe du droit fiscal; il s’agit simplement de reconnaître que le revenu d’entreprise net est beaucoup plus élevé, deux fois et demie ou trois fois plus élevé que le revenu déclaré.

 

[69]         Aucun élément de preuve ne permet d’expliquer l’omission de remarquer un tel écart[16].

 

[70]         Les appelants faisaient face à « [...] des circonstances qui [leur] commanderaient ou [leur] imposeraient de s’enquérir de [leur] situation fiscale [...] ». De fait, la situation des appelants était telle que l’examen du calcul des profits et des pertes, dans leurs déclarations de revenus, aurait dû sonner l’alarme et les amener à réexaminer leurs états des résultats.

 

[71]         Eu égard aux circonstances, je ne vois pas comment je puis éviter de conclure qu’une faute lourde a été commise.

 

[72]         Par conséquent, les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 21e jour de novembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 468

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-271(IT)I

                                                          2010-270(IT)I

 

INTITULÉ :                                       KENNETH S. GRIFFIN et

                                                          PATRICIA BAEUCKER

                                                          c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 12 juillet 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 novembre 2011

 

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT :                                  Le 21 novembre 2011

 

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT MODIFIÉS :             Le 22 décembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

M. Dan F. White

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Paolo Torchetti

Jasmeen Mann (stagiaire)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Entre le moment où les cotisations initiales et les nouvelles cotisations finales qui font l’objet des présents appels ont été établies, le nombre de questions en litige a été réduit. Comparativement aux déclarations de revenus Tl des appelants produites, les nouvelles cotisations finales avaient pour effet d’augmenter de beaucoup le revenu brut des appelants et de refuser certaines dépenses d’entreprise qui avaient été déduites, compte tenu du fait qu’il s’agissait de dépenses personnelles; toutefois, le seul point litigieux qu’il reste à trancher se rapporte aux pénalités pour faute lourde.

   Les avis d’appel initiaux étaient fort brefs et disaient simplement : [traduction] « Le ministre a commis une erreur en établissant la nouvelle cotisation du contribuable. Les pénalités pour faute lourde ont été imposées d’une façon erronée. »

   Les appelants ont présenté des requêtes en vue de faire modifier leurs avis d’appel. Les requêtes ont été déposées une quinzaine de jours avant la date prévue de l’instruction. Elles ont été entendues à l’ouverture de l’audience qui avait été prévue pour l’instruction de l’affaire. Au début de l’audience, les appelants ont également informé la Cour qu’ils ne voulaient plus poursuivre la question des frais de téléphone cellulaire qu’ils avaient soulevée dans les avis d’appel modifiés.

   J’ai autorisé la modification, mais j’ai également décidé d’imposer certaines conditions.

   Premièrement, pour que l’affaire puisse aller de l’avant tel qu’il avait été prévu, au lieu d’être ajournée en vue de permettre à l’intimée de déposer des réponses modifiées et d’éliminer tout doute, j’ai décidé que l’intimée ne serait pas considérée comme ayant admis quelque allégation que ce soit dans les avis d’appel modifiés.

   Deuxièmement, les avis d’appel modifiés soulevaient certaines questions au sujet des intérêts. Au vu des avis d’appel modifiés, la question se rapporte à une demande d’allègement à l’égard des intérêts conformément aux dispositions d’allégement pour les contribuables – voir les paragraphes 28 à 31 des avis d’appel modifiés. Une telle demande d’allègement, présentée conformément au paragraphe 220(3.1) de la Loi, doit d’abord être faite au ministre et, une fois que le ministre a pris une décision, cette décision est assujettie au contrôle judiciaire devant la Cour fédérale plutôt que devant la présente cour. Je tiens à ajouter que, de toute façon, il n’est pas allégué, dans les avis d’appel modifiés, qu’une demande a été présentée en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables; il est allégué, au paragraphe 30, que le ministre [traduction] « a demandé que la demande soit faite en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables ».

   Par conséquent, étant donné que la présente cour ne peut pas examiner une demande d’allègement présentée par un contribuable, je ne le ferai pas.

   De plus, en ce qui concerne les intérêts, les appelants ont semblé soulever d’autres questions s’y rapportant lors de l’audition des requêtes. Bien que la chose ne soit pas tout à fait claire à mes yeux, les appelants semblent alléguer que les intérêts ont été calculés d’une façon erronée ou, subsidiairement, qu’ils devraient être supprimés parce que le ministre a tardé à s’occuper de l’affaire. Or, les avis d’appel modifiés ne soulèvent pas de questions de ce genre et j’ai en outre décidé de ne pas autoriser une modification additionnelle à cet égard.

   Je tiens à faire remarquer que, compte tenu de l’alinéa 169(1)b) de la Loi, qui permet au contribuable de faire avancer un litige, il est difficile de voir comment une allégation selon laquelle le ministre a tardé à examiner l’affaire pourrait justifier l’élimination des intérêts. En outre, bien que la présente cour puisse être saisie d’une question se rapportant à la façon dont les intérêts ont été calculés dans une cotisation ou dans une nouvelle cotisation si cette question était à juste titre présentée à la Cour, dans le cas où un litige se rapporte au calcul des intérêts en cours sur le solde à payer que le contribuable doit une fois que ces intérêts ont été établis, un tel litige relève de la compétence de la Cour fédérale plutôt que de la présente cour.

   Bien sûr, s’il ya un changement en ce qui concerne la seule question dont la Cour est saisie, à savoir la question des pénalités, les intérêts seront naturellement rajustés en conséquence.

   Par conséquent, la seule question dont la présente cour est saisie se rapporte aux pénalités pour faute lourde établies en vertu du paragraphe 163(2).

[2] La version originale des présents motifs a été rédigée en anglais.

[3] La preuve présentée par Julie Gil n’est pas utile. Mme Gil est gestionnaire de dossiers au sein du bureau du représentant des appelants et elle a tenté de comprendre ce qui s’était passé. Elle n’avait pas participé à la préparation des déclarations de revenus des appelants et elle n’avait pas personnellement connaissance des faits. Avant que je décide qu’elle ne pouvait pas poursuivre son témoignage, Mme Gil avait également commencé à témoigner au sujet de ce qui était en fait un essai effectué à l’aide du logiciel Excel par quelqu’un d’autre, au bureau du représentant des appelants.

[4] Voir les pièces R-l et R-8, à la page 2.

[5] La société appartenait aux deux appelants : voir la page 211, lignes 18 à 23 de la transcription.

[6] Voir la pièce R-8, page 5. Dans la pièce R-6, où sont énumérés les éléments payés par XL Vianet, il y a cinq lignes où figure, tout à fait à droite, la mention : [traduction] « déclaré par la société ».

[7] Voir la pièce R-9, page 2.

[8] C’est-à-dire que, pour chaque facture, il y avait i) une colonne indiquant le total des frais facturés à XL Vianet, ii) une autre colonne indiquant la partie des ces frais se rapportant à M. Griffin, et iii) une troisième colonne indiquant la partie de ces frais se rapportant à Mme Baeucker.

[9] Ici encore, une colonne où figurent le total des montants (frais et avances pour déplacements) facturés à XL Vianet, une colonne indiquant la partie de ces montants se rapportant à M. Griffin et une troisième colonne indiquant la partie de ces montants se rapportant à Mme Baeucker.

[10] Plusieurs pages de la transcription sont consacrées à la preuve se rapportant au changement de formatage; cette preuve prêtait parfois passablement à confusion. Toutefois, le présent paragraphe et les paragraphes précédents indiquent en gros quelle était cette preuve. La pièce R12 montre visuellement la reconstitution ultérieure effectuée par M. Griffin, montrant ce qui s’était passé.

[11] Voir la transcription, page 218.

[12] Venne c. La Reine, 84 DTC 6247, page  6256, [1984] A.C.F. no 314 (QL).

[13] 2006 CAF 224, paragraphe 43; voir également les paragraphes 41 et 42.

[14] Dans le calcul de ces ratios, j’ai comparé pour les deux appelants le revenu net déclaré et le revenu net tel qu’il serait si le montant exact de ce revenu était le revenu net déclaré plus le revenu brut non déclaré. Je n’ai pas inclus l’effet des dépenses qui ont été refusées. Cette méthode a pour effet de réduire la différence entre le revenu d’entreprise net déclaré et le revenu d’entreprise véritable d’environ 30 000 $ et 8 000 $ respectivement dans le cas de M. Griffin et de Mme Baeucker.

   Je le fais uniquement afin de déterminer si une faute lourde a été commise. Je l’ai fait parce que, étant donné qu’aucune pénalité n’avait été appliquée aux dépenses refusées et qu’aucune faute lourde n’avait été alléguée à l’égard des dépenses refusées, je suis convaincu qu’il ne convient pas de comparer le revenu net déclaré et le revenu net véritable une fois établie la nouvelle cotisation finale, qui tient notamment compte de l’effet des dépenses refusées.

[15] En ce qui concerne la feuille de calcul, je note qu’initialement, il n’y avait pas de total pour les colonnes où figuraient les montants totaux facturés avant le changement de formatage : voir la pièce R14 ainsi que les pages 176 et 177 de la transcription. De même, dans la démonstration que M. Griffin a effectuée, pièce R12, page 2 sur 7, il n’y avait initialement qu’un total au bas des colonnes de frais. S’il y avait eu un total au bas des colonnes où figuraient initialement les montants totaux facturés, il y aurait eu, une fois le formatage changé, un total qui n’aurait pas semblé à la bonne place, au bas de la colonne suivante, à droite, ce qui aurait probablement suscité des questions.

 

[16] Aucune autre circonstance particulière offrant une explication raisonnable n’a été établie. Cet écart est loin d’être minime, par rapport aux autres revenus des appelants.

   Enfin, je note qu’aucun élément de preuve ne donnait à penser que, compte tenu du temps qui s’était écoulé entre la décision relative aux mouvements de trésorerie et la décision relative à l’impôt, il aurait été très facile de ne pas remarquer l’écart. J’ai examiné la déduction pour amortissement, pièce Rll, page 3 sur 5 du formulaire T2032, pour voir s’il pouvait y avoir un important ajout d’actifs qui n’avait pas été amorti au cours de l’année; or, il n’y avait aucun ajout.

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