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Dossier : 2010-959(IT)I

 

ENTRE :

USHA KRIPLANI,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 13 juillet 2010, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

M. Chandru Kriplani

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Ernesto Caceres

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2005 est rejeté sans frais.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 28e jour de novembre 2011.

 

 

« Gaston Jorré »

Le juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de janvier 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 542

Date : 20111128

Dossier : 2010-959(IT)I

 

ENTRE :

USHA KRIPLANI,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

[1]              La seule question à trancher dans le présent appel est de savoir si une perte de 5 951 $ subie lors de la vente d'actions au cours de l'année d'imposition 2005 était une perte imputable au revenu, comme le soutient l'appelante, ou une perte en capital, comme l'a établi l'intimée[1].

 

[2]              Pour des raisons de santé, l'appelante n'a pas été en mesure d'assister à l'audience. Elle était représentée par son époux, qui a aussi témoigné[2].

 

[3]              Pendant une partie de l'année 2005, l'appelante était employée contractuelle chez IBM Canada ltée à titre de coordonnatrice de la formation à temps plein, cinq jours par semaine. Il lui fallait environ une heure pour aller au travail et une heure pour en revenir.

 

[4]              L'appelante savait qu'il serait bientôt mis fin à son contrat. Bien que ce ne soit pas tout à fait clair, il semble que l'emploi contractuel ait duré environ quatre à cinq mois.

 

[5]              L'époux de l'appelante a témoigné que, pendant l'année 2005, elle exploitait à temps partiel et à son propre compte une entreprise d'achat et de vente d'actions de sociétés américaines et qu'elle avait subi une perte qu'elle avait déduite de son revenu. Elle n'avait pas cherché à acheter et à vendre des actions pour d'autres personnes.

 

[6]              Les activités exercées par l'appelante relativement aux actions n'ont aucun lien avec son emploi.

 

[7]              En 2005, il y a eu 19 opérations sur valeurs composées de 17 ventes d'actions et de deux ventes d'option. L'appelante a également acheté des actions 16 fois et a acheté une option[3].

 

[8]              Au moins 12 ventes d'actions visaient des actions ayant été détenues pendant des périodes de temps relativement brèves allant de huit jours à un peu moins de quatre mois[4]. On ne sait pas combien de temps les autres actions ont été détenues; des actions de deux sociétés semblent avoir été détenues tout au long de l'année sans être vendues[5].

 

[9]              Bon nombre des actions, mais pas la totalité, étaient des actions de grandes sociétés bien établies. Parmi les actions de 18 sociétés détenues au cours de l'année, il y avait des actions des sociétés Coca‑Cola, Disney, Johnson & Johnson, Eli Lilly, McDonald's, Microsoft, Motorola, Pfizer, Symantec, Tiffany, Time Warner et Walmart.

 

[10]         L'époux de l'appelante a également témoigné que l'appelante lisait diverses publications et consultait différents sites Web pour obtenir de l'information sur des entreprises et sur le marché. L'appelante regardait également des chaînes de télévision sur ces sujets et parlait à des personnes compétentes dans le domaine pour obtenir des conseils personnels. L'appelante ne possédait pas de formation officielle dans le domaine de la bourse.

 

[11]         On ne sait pas combien de temps l'appelante consacrait à ses activités boursières.

 

[12]         Le compte utilisé pour les opérations sur valeurs était un compte sur marge et la preuve ne révèle pas si l'appelante a en fait eu recours au crédit de la maison de courtage[6]. L'appelante a déduit des frais d'intérêt de 568 $ à l'égard des actions. Ces frais d'intérêts ont été payés relativement à une marge de crédit[7].

 

[13]         L'appelante a acquis des actions pour la première fois en 1999. De 1999 à 2005, elle a effectué les nombres suivants d'opérations sur valeurs et a déclaré les résultats nets mentionnés ci‑dessous :

 

Année

Nombre d'opérations

Résultat déclaré

1999

16

Gain en capital de 14 651 $

2000

34

Perte en capital de 17 034 $

2001

30

Gain en capital de 372 $

2002

1

Gain en capital de 1 405 $

2003

0

2004

7

Perte en capital de 5 382 $

2005

19

Autre déduction au titre du revenu de 5 951 $

 

[14]         L'appelante fait valoir qu'elle exploitait à temps partiel une entreprise d'achat et de vente d'actions en 2005.

 

[15]         Le ministre soutient que les actions étaient un placement et que la perte était une perte en capital.

 

[16]         Il est clair que l'importance de l'activité est modeste en ce qui concerne le nombre d'opérations effectuées. La preuve ne révèle pas que l'appelante en connaissait davantage qu'un grand nombre d'investisseurs, ni qu'elle consacrait plus de temps à ses activités boursières que bien des investisseurs.

 

[17]         Une partie des fonds utilisés pour les opérations étaient des fonds empruntés et il y a donc un certain degré de recours au crédit, mais nous ne savons pas dans quelle mesure. Rien dans la preuve ne donne à penser que le recours au crédit fût assez important pour faire des achats d'actions des opérations clairement de nature spéculative.

 

[18]         Il est clair que l'appelante n'exploite pas une entreprise d'opérations sur valeurs comme le ferait un investisseur professionnel.

 

[19]         Il faut toutefois se demander si les activités de l'appelante constituent un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[20]         Pour répondre à une telle question, ce qui importe, c'est de connaître l'intention de la personne. L'intention déclarée a une certaine importance, mais l'intention est principalement évaluée par l'examen de la conduite de l'appelante en fonction de divers facteurs.

 

[21]         En ce qui concerne cette question, la réponse est moins bien définie. Les facteurs que je viens de décrire[8] tendent à confirmer qu'il s'agit d'un placement, mais il y a trois autres facteurs à considérer.

 

[22]         Tout d'abord, la majeure partie des actions achetées étaient de sociétés importantes qui versaient des dividendes. Ces biens ont tendance à être davantage considérés comme des biens détenus à titre de placement[9].

 

[23]         Ensuite, la majorité des ventes visaient des actions détenues pendant des périodes de temps relativement brèves allant de quelques jours à quatre mois. En soi, cette façon de procéder donne fortement à penser qu'il s'agissait d'opérations imputables au revenu, étant donné que lorsque des actions sont détenues pendant de courtes périodes, la seule façon d'obtenir un rendement important est de tirer un profit des actions et de les vendre[10].

 

[24]         Il n'en va cependant pas ainsi pour toutes les actions.

 

[25]         Dans l'ensemble, la preuve relative à l'année 2005 est relativement près de la ligne de démarcation.

 

[26]         À l'exception du tableau ci‑dessus, la preuve ne fournit pas de renseignements concrets concernant les achats et les ventes d'actions de 1999 à 2004. Plus particulièrement, on ne m'a pas fourni de renseignements concernant ce qui pouvait ou non avoir changé en 2005 comparativement aux années précédentes[11].

 

[27]         Cela m'amène au troisième et dernier facteur dont il faut tenir compte.

 

[28]         Dans la décision Rajchgot c. La Reine[12], le juge Rip (tel était alors son titre) a mentionné ce qui suit :

 

37        [...] Si les déclarations d'impôt antérieures ne sont pas forcément déterminantes, elles peuvent donner des indications quant à l'intention du contribuable. Il doit y avoir une certaine cohérence dans les déclarations concernant les opérations boursières. Si un contribuable, qui déclarait des opérations en capital, se met tout à coup à les requalifier d'opérations en revenu d'exploitation, ou vice‑versa, on peut y voir une indication du changement de la nature des actions. [...]

 

[29]         La Cour d'appel fédérale a ensuite confirmé la décision. Le juge Noël a fait les observations suivantes :

 

5          Le fardeau qui incombe au contribuable qui veut changer la nature de ses déclarations dans des circonstances où il devient plus avantageux sur le plan fiscal de le faire est très lourd. En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a conclu que le contribuable n'avait pas réussi à s'acquitter de ce fardeau[13]. [...]

 

[30]         En l'espèce, l'appelante a produit les déclarations pour les années 1999 à 2004 en tenant pour acquis que les opérations sur valeurs étaient imputables au capital. Cela révèle son intention et rien dans la preuve ne me permet de conclure que les circonstances avaient changé de façon à ce que les opérations sur valeurs en 2005 soient considérées comme des opérations imputables au revenu.

 

[31]         Ce dernier facteur fait clairement pencher la balance et m'amène à conclure que les opérations étaient imputables au capital.

 

[32]         C'est avec regret que je me vois dans l'obligation de rejeter l'appel.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 28e jour de novembre 2011.

 

 

« Gaston Jorré »

Le juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de janvier 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 542

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2010-959(IT)I

 

INTITULÉ :                                       USHA KRIPLANI c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 13 juillet 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 28 novembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

M. Chandru Kriplani

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Ernesto Caceres

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

                   Nom :

                   Cabinet :

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa (Ontario)

 



[1] La version originale des présents motifs est en anglais.

 

[2] J'ai avisé l'époux de l'appelante que le fait de procéder sans le témoignage de l'appelante comportait des risques. Compte tenu des circonstances, l'appelante souhaitait quand même aller de l'avant avec l'audience.

 

[3] À une occasion, des actions d'une même société ont été achetées deux fois la même journée lors de deux opérations différentes. J'ai traité ces opérations comme un seul achat.

 

[4] Voir la pièce R‑1, onglet 10, pages 21 et 22; dans un cas, la moitié des actions de Tiffany ont été détenues pendant trois mois, alors que l'autre moitié des actions avaient été achetées avant le début de l'année.

 

[5] Voir la pièce R‑1, onglet 10, page 25; on peut voir que l'appelante détenait les actions de Cisco et d'Intel au début de l'année. Aucune des deux sociétés ne figure sur la liste des achats et des ventes aux pages 21 et 22.

 

[6] Les seuls renseignements dont je dispose à ce sujet figurent à la pièce R‑1, onglet 10, pages 25 et 29, où l'on peut voir que l'appelante a des soldes créditeurs à la fin du mois de janvier 2005 et à la fin du mois de décembre 2005; à la page 24, on peut voir que le 31 décembre 2004, l'appelante devait 170 $ à la maison de courtage.

 

[7] Voir la pièce R‑1, onglet 10, pages 16 et 23. Nous ignorons dans quelle mesure la marge de crédit a été utilisée pendant l'année; les seuls renseignements dont nous disposons sont que le solde impayé le 1er janvier 2006 était de 12 952 $.

 

[8] Le nombre peu élevé d'opérations, le fait que l'appelante ne possédait pas davantage de connaissances dans le domaine que bien d'autres investisseurs et l'absence de preuve quant à un recours important au crédit.

 

[9] Voir, par exemple, la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Irrigation Industries Ltd. c. M.R.N., [1962] R.C.S. 346, où les juges majoritaires semblent considérer les actions comme un placement de par leur nature. Toutefois, la jurisprudence ultérieure est plus prudente. À ce sujet, et de façon plus générale au sujet de la qualification des opérations en les imputant soit au revenu soit au capital, voir Vern Krishna, « Income vs. Capital Gains », The Fundamentals of Income Tax Law, chapitre 7, partie II, no 1, Carswell (2009) (Tax Partner Main, 2011 — version 9).

 

[10] Le rendement qu'il est possible de tirer d'actions détenues pendant une courte période de temps autrement que par la vente est très faible, même s'il s'agit d'actions pour lesquelles des dividendes sont régulièrement versés. Les frais de transaction réduiront tout revenu de dividende tiré des actions détenues pendant une courte période de temps.

 

[11] Je remarque, par exemple, que pour l'année 2003, nous savons seulement qu'aucune vente n'a eu lieu. Nous ne savons pas si l'appelante détenait au début de l'année des actions qu'elle a continué à détenir tout au long de l'année, ou si elle a acheté des actions au cours de l'année.

 

[12] 2004 CCI 548.

 

[13] 2005 CAF 289.

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