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Dossier : 2016-3153(IT)I

ENTRE :

TIMOTHY OKAFOR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 5 septembre et le 22 novembre 2017

à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Stephanie Hodge

 

JUGEMENT MODIFIÉ

  L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011 est accueilli, sans dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre pour réexamen et nouvelle cotisation conformément au motif que :

a.  l’appelant a le droit de déclarer les pertes de location nettes pour l’année d’imposition qui s’élèvent à 1 842 $;

b.  l’intimée reconnaît qu’il ne s’agit pas d’une affaire appropriée pour l’imposition de pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi et l’appelant n’a donc pas à payer ces pénalités.

  À tous les autres égards, l’appel est rejeté conformément aux motifs du jugement et à l’ajout ci‑joints.

  L’appelant n’a droit à aucune autre mesure de redressement.

  Le présent jugement remplace le jugement du 16 février 2018.

Signé à Kingston (Ontario), ce 20e jour de mars 2018.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse


Référence : 2018 CCI 31

Date : 20180216

Dossier : 2016-3153(IT)I

ENTRE :

TIMOTHY OKAFOR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le juge suppléant Masse

  • [1] L’appelant interjette appel de sa nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 2011 dans laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé des pertes de location, des dons de bienfaisance et des pertes d’entreprise qu’il a déclaré pour cette année-là. Le ministre a également imposé une pénalité pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée (la « Loi ») en ce qui concerne les dons de bienfaisance déclarés.

  • [2] M. Okafor vit à Mississauga. Il est comptable de son métier. Pendant toute la période de 2011, il travaillait pour SCM Supply Chain Management Inc. Il était marié et avait un enfant à charge, mais il est maintenant divorcé.

  • [3] Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2011, l’appelant a déclaré un revenu de location brut de 4 800 $ et a déclaré une perte de location nette de 3 726,15 $.

  • [4] L’appelant a également demandé un crédit d’impôt non remboursable en ce qui concerne une partie des dons de bienfaisance qui s’élevaient à 3 349,35 $ qu’il aurait faits à Power Zone Outreach Ministries (« Power Zone ») ainsi qu’un report prospectif de dons de bienfaisance non déclarés de 3 312,46 $ qu’il aurait faits à Power Zone en 2010. Le montant total des dons de bienfaisance demandés en 2011 était donc de 6 661,81 $.

  • [5] Enfin, l’appelant a déclaré un revenu d’entreprise brut de 67 588 $. Le coût déclaré des biens vendus s’élevait à 48 317,33 $, pour un bénéfice brut de 19 270,67 $. Il a également déclaré des dépenses d’entreprise totales de 65 972,21 $, ce qui a entraîné la déclaration d’une perte d’entreprise de 46 234,52 $.

  • [6] Au départ, le ministre a établi une cotisation à l’égard de la déclaration de revenus de l’appelant ainsi qu’elle avait été produite au moyen d’un avis de cotisation en date du 11 juin 2012. Cependant, le ministre a plus tard établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant au moyen d’un avis de nouvelle cotisation en date du 11 juin 2015 pour rejeter l’ensemble des sommes déclarées au titre des pertes de location, des dons de bienfaisance et des pertes d’entreprise. Le ministre a également imposé une pénalité pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi en ce qui concerne le crédit d’impôt non remboursable pour don de bienfaisance demandé pour l’année d’imposition 2011.

  • [7] L’appelant a déposé un avis d’opposition à cette nouvelle cotisation. Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation au moyen d’un avis de ratification en date du 12 mai 2016. De là l’appel devant la Cour.

  • [8] M. Okafor possédait un bien situé au 100, croissant Sand Cherry, à Brampton, en Ontario. Il s’agit d’une résidence jumelée de quatre chambres sur trois étages et dont le sous-sol est aménagé. Le sous-sol est une unité d’habitation autonome qui a une entrée distincte. Chaque étage a la même superficie, qui représente 33 % de la surface habitable disponible par étage. L’appelant, son ancienne épouse et son fils habitaient les étages principaux et supérieurs. L’appartement du sous-sol était loué à une locataire appelée Meaghan Corbett‑Dickson. Cette location est attestée par un contrat de location écrit d’un an. Une copie du bail figure à la pièce A-1. Le loyer de l’appartement au sous‑sol était de 800 $ par mois, comme l’indique le bail. Mme Corbett-Dickson a déménagé à la fin de mars 2011.

  • [9] L’appelant a déclaré que, pendant les trois premiers mois de 2011, son beau-frère, Jason (ou Jesse) McKain, a occupé deux chambres de l’étage principal de la résidence pour son usage exclusif. L’appelant et son épouse occupaient la chambre principale de l’étage supérieur et leur fils occupait l’autre chambre. Ils partageaient le reste de la surface habitable de l’étage supérieur et de l’étage principal. M. McKain y a vécu pendant trois mois. Il payait 800 $ par mois, pour un total de 2 400 $. Par conséquent, selon l’appelant, le total de son revenu de location brut pour 2011 était de 4 800 $. Les dépenses de l’appelant en ce qui concerne ce bien pour ce qui est de l’assurance, des intérêts, de l’entretien et des réparations, des impôts fonciers et des services publics s’élevaient à 12 725,60 $. L’appelant a attribué 33 % de ses frais à son usage personnel, soit une somme de 4 199,45 $. Il a attribué le reste, 67 %, de ses dépenses aux frais de location, soit la somme de 8 526,16 $. Cela a entraîné une perte de location nette de 3 726,15 $ qu’il a indiquée dans sa déclaration de revenus de 2011. Le taux d’attribution est fondé sur le pourcentage de la surface utile occupée par les locataires.

  • [10] Au départ, l’intimée était d’avis que l’appelant n’avait pas loué un bien dont il était propriétaire à une personne à aucun moment de l’année d’imposition 2011 et, s’il l’a fait, il ne le faisait pas d’une manière suffisamment commerciale pour constituer un revenu de bien. Toutefois, au début de l’audience, l’intimée a reconnu que l’appelant avait subi une perte de location pour cette année, mais uniquement de 1 842 $ et non le montant déclaré par l’appelant. L’intimée est d’avis que le pourcentage approprié des dépenses liées au bien attribué à l’usage personnel est de 67 %, non de 33 %, comme l’a déclaré l’appelant.

  • [11] Combien de locataires avait l’appelant dans sa maison? Dans son avis d’opposition en date du 13 août 2015, l’appelant n’a pas indiqué qui étaient ses locataires ou combien il y en avait. L’appelant a également indiqué que tous ses locataires faisaient leur paiement par chèque. L’appelant a produit des copies de chèques de Meaghan Corbett-Dickson qui prouvent qu’il a reçu des loyers de sa part. Toutefois, il n’a pas produit de chèque provenant de son beau-frère. L’appelant a annoncé que l’appartement du sous-sol était à louer. Il n’a pas annoncé que d’autres chambres de sa maison étaient également à louer. Il déclare qu’il n’aurait pas loué ces chambres à des étrangers, seulement à des membres de la famille ou à des amis. L’appelant a produit un contrat de location écrit pour la location de l’appartement du sous-sol. Il n’a pas produit de contrat de location écrit conclu avec son beau-frère. Dans son avis d’appel, l’appelant indique que lorsqu’il s’est séparé de son épouse et qu’il a déménagé, cette dernière a invité ses deux frères à utiliser les chambres à l’étage, mais qu’ils n’ont jamais payé de loyer. S’ils ont payé un loyer, ils l’ont fait directement à son ex-épouse. Il affirme que son épouse a volé l’argent du loyer que ses beaux-frères ont payé en déposant le loyer dans leur compte bancaire conjoint puis en retirant tout l’argent.

  • [12] J’accepte que l’appartement du sous-sol, ou 33 % de la surface habitable disponible de la maison de l’appelant, était loué à Meaghan Corbett-Dickson. Ce fait est totalement appuyé par des documents, comme un contrat de location écrit et des copies de chèques oblitérés. Toutefois, aucun document n’appuie la prétention de l’appelant qu’un beau-frère a vécu avec lui à titre de locataire. L’appelant ne peut fournir de documentation pour confirmer l’existence d’un contrat de location conclu entre lui-même et son beau-frère. Il n’y a pas de contrat de location écrit, il n’y a pas de chèques oblitérés, il n’y a pas de reçus attestant le paiement de montants en espèces et l’appelant ne peut indiquer d’entrées dans ses registres bancaires qui porteraient sur des paiements faits par son beau-frère. Le fait que ni son épouse ni son beau-frère ne sont venus témoigner et expliquer leur participation est significatif. Je suis en droit de tirer une inférence défavorable de leur omission de témoigner et je le fais. Il faut se rappeler que l’appelant a le fardeau de prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il ait vraiment conclu un contrat de location conclu avec son beau-frère. Bref, il n’y a aucun élément de preuve convaincant en dehors de l’affirmation verbale de l’appelant à cet égard.

  • [13] Si l’appelant permettait à son beau-frère de vivre dans la résidence familiale, il s’agissait alors d’un arrangement familial en vertu duquel le loyer devait être payé pour aider à assumer les dépenses de l’entretien de la résidence familiale et non pour gagner un revenu (voir par exemple Greig c. Canada, [2003] 2 C.T.C. 2475).

  • [14] Par conséquent, pour ce qui est des dépenses de location, l’appel est accueilli en partie et l’affaire est déférée au ministre pour réévaluation et nouvelle cotisation au motif que l’appelant a le droit de demander une perte de location nette de 1 842 $.

  • [15] Dans le calcul de l’impôt à payer pour l’année d’imposition 2011, l’appelant a demandé un crédit d’impôt non remboursable relativement aux dons de bienfaisance qu’il aurait faits à Power Zone. Il a déclaré la somme de 3 349,35 $ pour des dons faits en 2011 ainsi qu’un report prospectif de 3 312,46 $ pour des dons de bienfaisance non déclarés qu’il a faits en 2010. Le montant total des dons de bienfaisance demandés pour 2011 s’élevait donc à 6 661,81 $.

  • [16] L’appelant a produit une copie d’un reçu (pièce R-6) délivré le 17 février 2011 d’une somme de 15 220 $ et qui représente des dons de bienfaisance qu’il a faits à Power Zone en 2010. L’appelant a également produit une copie d’un reçu (partie de la pièce A-2) délivré le 27 février 2011 d’une somme de 16 450 $ qui représente des dons de bienfaisance qu’il a faits à Power Zone en 2011. Il a aussi produit des copies de sept chèques oblitérés tirés de son compte bancaire personnel (également partie de la pièce A-2). Ces chèques totalisaient 15 000 $.

  • [17] Le statut d’œuvre de bienfaisance de Power Zone a été révoqué pour un motif valable le 5 mai 2012 (voir la pièce R-7, extrait de la Gazette du Canada).

  • [18] Le paragraphe 118.1(3) de la Loi permet la déduction de l’impôt à payer pour des dons faits à un organisme de bienfaisance enregistré. Le paragraphe 118.1(2) de la Loi porte que la fourniture d’un don doit être prouvée par la présentation au ministre d’un reçu contenant les renseignements prescrits. Les renseignements prescrits qui doivent être inclus dans un reçu officiel sont énumérés au paragraphe 3501(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., c. 945 (le « Règlement »), qui indique ce qui suit :

Pertes de location

Dons de bienfaisance

(1) Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

a) le nom et l’adresse au Canada de l’organisation ainsi qu’ils sont enregistrés auprès du ministre;

b) le numéro d’enregistrement attribué par le ministre à l’organisation;

c) le numéro de série du reçu;

d) le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré;

e) lorsque le don est un don en espèces, la date ou l’année où il a été reçu;

e.1) [...]

f) la date de délivrance du reçu;

g) le nom et l’adresse du donateur, y compris, dans le cas d’un particulier, son prénom et son initiale;

h) celle des sommes ci-après qui est applicable :

(i) le montant du don en espèces,

(ii) [...]

h.1) [...]

h.2) [...]

i) la signature, ainsi qu’il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d’un particulier compétent qui a été autorisé par l’organisation à accuser réception des dons;

j) le nom de l’Agence du revenu du Canada et l’adresse de son site Internet.

  • [19] L’intimée soutient que les reçus fournis par l’appelant pour 2010 et 2011 comportent des lacunes puisqu’aucun n’indique le lieu ou l’endroit de délivrance du reçu comme l’exige l’alinéa 3501(1)d) du Règlement. Les exigences du Règlement sont obligatoires et elles doivent être observées de façon rigoureuse. Si elles ne sont pas respectées, un reçu est incomplet et le crédit doit être refusé.

  • [20] Dans Plante c. R., [1999] 2 C.T.C. 2631, le juge Tardif de notre Cour a fait observer ce qui suit aux paragraphes 46 à 48 :

[46]  Il ne s’agit pas là d’exigences futiles et sans importance; bien au contraire, ce sont là des renseignements tout à fait fondamentaux et absolument nécessaires pour permettre la vérification d’une part de la justesse de la valeur indiquée et d’autre part, de la réalité même du don.

[47]  De telles exigences visent à éviter les abus de toute nature et constituent un minimum pour qualifier la qualité d’un don pouvant générer un crédit d’impôt à l’avantage du contribuable donateur.

[48]  À défaut de rencontrer les exigences prévues quant au contenu des renseignements que doit contenir un reçu, il devra être écarté faisant ainsi perdre les bénéfices fiscaux à son détenteur. [...]

  • [21] Dans Sowah c. R., [2014] 1 C.T.C. 2072, monsieur le juge Campbell Miller de notre Cour a conclu que les reçus pour dons de bienfaisance délivrés par le Jesus Healing Centre et qui avaient été déposés à la Cour comportaient plusieurs lacunes. En particulier, l’adresse de l’œuvre de bienfaisance a été fournie, mais rien n’indiquait l’endroit où le reçu avait été délivré. Le juge Campbell Miller était d’avis que l’adresse de l’organisme de bienfaisance indiquée sur le reçu officiel ne pouvait être considérée comme le lieu de délivrance. Il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 19 et 20 :

[19] [...] [L]e reçu doit indiquer le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré. Il s’agit d’une exigence distincte de celle de l’adresse de l’organisation ainsi qu’elle est enregistrée auprès du ministre. Dans la présente affaire, bien que nous puissions supposer que l’adresse de l’organisation est la même que celle du lieu où le reçu a été délivré, on ne devrait pas avoir à faire de suppositions. Il y a peut‑être plusieurs organisations appelées Jesus Healing Center un peu partout à Toronto. Le reçu doit indiquer clairement le lieu où il a été délivré. Ici, cela n’est pas le cas. Encore une fois, une exigence n’a pas été satisfaite.

[20] L’appelante n’a donc pas fourni un reçu renfermant les renseignements prescrits et n’a donc pas rempli la deuxième exigence nécessaire pour avoir droit à un crédit pour don de bienfaisance. Par conséquent, l’appel peut être rejeté pour cette raison.

Un appel interjeté devant la Cour d’appel fédérale a été rejeté (voir Sowa c. R., 2015 D.T.C. 5052. [Il convient de noter que l’orthographe du nom de l’appelante devant la Cour d’appel fédérale est différente de celle devant la Cour canadienne de l’impôt]. Je suis moi-même arrivé à la même conclusion dans la décision Bope c. R., 2015 CCI 120. Dans Bope, j’étais d’accord avec le juge Miller dans Sowah pour dire que l’exigence concernant l’endroit ou le lieu de délivrance du reçu était une exigence distincte de l’adresse de l’organisme consignée auprès du ministre. Le reçu devrait clairement indiquer l’endroit où il a été délivré, puisque l’adresse de l’organisme peut être différente du lieu de délivrance du reçu.

  • [22] Je souscris à la position du ministre. Les reçus examinés en l’espèce doivent indiquer non seulement l’adresse de l’organisme consignée auprès du ministre, comme l’exige l’alinéa 3501(1)a) du Règlement, mais également le lieu ou l’endroit où les reçus ont été délivrés, comme l’exige l’alinéa 3501(1)d) du Règlement). Ces exigences peuvent être techniques, mais elles sont obligatoires. Conformément à ce que j’ai dit dans Bope, le reçu devrait clairement indiquer le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré en plus de l’adresse de l’organisme. Les reçus en l’espèce ne le font pas. L’appelant allègue que l’adresse de l’organisme est identique au lieu où les reçus ont été délivrés. Peut-être que c’est vrai, mais nous ne pouvons pas présumer que c’est le cas – s’ils sont identiques, cela devrait alors être indiqué sur les reçus. Cet élément seul suffit pour rejeter l’appel de l’appelant en ce qui concerne les dons de bienfaisance.

  • [23] Une partie des dons de bienfaisance que l’appelant prétend avoir faits en 2011 ont été reportés de l’année d’imposition 2010. Selon l’appelant, le ministre ne pouvait plus établir de nouvelle cotisation à l’égard de cette déclaration de revenus de 2010. Cet argument est mal fondé. Le ministre a établi une nouvelle cotisation uniquement pour l’année d’imposition 2011, qui n’est pas prescrite. Ce faisant, le ministre avait tout à fait le droit de tenir compte de la validité de toutes les déductions demandées pour cette année-là, même celles qui ont été reportées d’années précédentes.

  • [24] Mis à part ce qui précède, beaucoup d’éléments donnent lieu à des soupçons ce qui concerne la validité des dons de bienfaisance. Tout d’abord, les chèques que l’appelant a produits dans le cadre de la pièce A-2 portent tous une date durant les trois derniers mois de 2011. L’appelant a éprouvé d’importantes difficultés financières en 2011, ayant vécu une séparation acrimonieuse, ayant supposément subi d’importantes pertes d’entreprise d’environ 46 000 $, mais il a réussi à faire d’importants dons au cours du dernier trimestre de l’année. Le total des dons de bienfaisance pour cette année‑là représente environ 25 % de son revenu brut annuel d’emploi de 66 965 $. Il est peu probable qu’un contribuable dans la situation personnelle de l’appelant ferait des dons de bienfaisance de cette ampleur. Ensuite, les sept chèques produits par l’appelant ont été traités par la banque entre un mois et demi et deux mois après la date où ils ont été libellés. Il est très inhabituel qu’un organisme de bienfaisance détienne des chèques aussi longtemps avant de les déposer. C’est suspect. Troisièmement, à première vue, le reçu de 2011 est suspect. Le logo de Power Zone sur la pièce R-6 pour 2010 est apposé entre les parties imprimées du reçu et il ne chevauche aucune de ces parties. Toutefois, le reçu de 2011 dans la pièce A-2 est décentré et il empiète sur les parties imprimées du reçu qui sont situées dans le coin supérieur gauche du document, ce qui amène à conclure que ce document a simplement été imprimé à partir d’un ordinateur. Enfin, les deux reçus indiquent [traduction] « Reçu officiel numéro 90327 ». Je trouve que le fait que deux reçus délivrés à une année d’intervalle exactement au même donateur et portant le même numéro de reçu officiel est une coïncidence étonnante.

  • [25] Enfin, le ministre a également imposé une pénalité pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi en ce qui concerne le crédit d’impôt non remboursable pour don de bienfaisance demandé pour l’année d’imposition 2011. L’intimée reconnaît maintenant qu’il ne s’agit pas d’une affaire appropriée pour l’imposition d’une pénalité pour faute lourde. Par conséquent, en ce qui concerne les dons de bienfaisance, l’appel est accueilli en partie et l’affaire est déférée au ministre pour réévaluation et nouvelle cotisation au motif que l’appelant n’aurait pas dû se voir imposer une pénalité pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Tous les autres aspects de l’appel relatif aux dons de bienfaisance sont rejetés.

  • [26] Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2011, l’appelant a déclaré revenu d’entreprise brut de 67 588 $. Le coût déclaré des biens vendus s’élevait à 48 317,33 $, pour un bénéfice brut de 19 270,67 $. Il a également déclaré des dépenses d’entreprise totales de 65 972,21 $, ce qui a entraîné la déclaration d’une perte d’entreprise de 46 234,52 $.

  • [27] L’appelant et un collègue, M. Chris Nsoedo, ont décidé de démarrer une entreprise ensemble. Leur plan était d’acheter des vêtements usagés en vrac, de les trier et de les exporter en Afrique où il y a un grand besoin de vêtements qui pourraient être vendus pour un bénéfice considérable. Toutefois, c’était un projet à risque très élevé.

  • [28] Au départ, l’appelant et M. Nsoedo devaient investir chacun 9 000 $ et ils étaient des associés à parts égales. M. Nsoedo éprouvait des difficultés à trouver les fonds d’investissement et leur relation d’affaires est passée d’associés à parts égales à celle où l’appelant détenait un intérêt de 99 % et M. Nsoedo seulement un intérêt de 1 %. Toutefois, M. Nsoedo est resté parce qu’il savait comment les choses fonctionnaire au Nigéria, le marché cible.

  • [29] L’entreprise a été enregistrée en Ontario en tant que société en nom collectif enregistrée sous la dénomination sociale de Christim Associates (« Christim »). Des comptes bancaires de la société en nom collectif ont été ouverts à la Banque Royale du Canada au nom de Christim, tant pour des devises américaines que canadiennes. Christim a décidé de commercialiser son produit par l’entremise d’un consignataire qui se trouvait au Nigéria. L’appelant et M. Nsoedo se sont rendus au Nigéria pour y étudier le marché potentiel. La somme de 9 000 $ a été utilisée pour acheter un conteneur de vêtements usagés. Toutefois, le fournisseur de ce conteneur a dû cesser ses activités, et Christim risquait de perdre son investissement. Plutôt que de perdre son investissement initial, Christim a doublé la mise et a investi une somme supplémentaire de 7 000 $ afin d’obtenir l’inventaire restant sur les lieux de ce fournisseur. Christim a également acheté un autre conteneur de vêtements usagés auprès d’un autre fournisseur pour 32 000 $. Cependant, l’inventaire de vêtements n’a pas pu être vendu au complet au Nigéria puisqu’une partie des vêtements ne convenaient pas pour le climat de ce pays. Par conséquent, Christim a obtenu les services d’un autre consignataire pour vendre une partie des vêtements au Malawi où les vêtements convenaient mieux au climat de ce pays. Pour ce qui était des deux conteneurs, la qualité et la quantité des vêtements achetés par Christim ne correspondaient pas aux attentes et ne valaient simplement pas le prix payé par Christim. Deux conteneurs de vêtements usagés ont été expédiés à l’étranger pour être vendus au Nigéria et au Malawi. À l’arrivée en Afrique, d’autres dépenses ont dû être payées à des fonctionnaires du gouvernement et à d’autres personnes non nommées pour le dédouanement, l’entreposage, les surestaries et pour transporter le produit sur le marché.

  • [30] L’entreprise commerciale n’a jamais été rentable. Elle a fermé en 2012.

  • [31] L’appelant a déposé un certain nombre de documents au soutien de sa prétention selon laquelle il exploitait réellement une entreprise et que cette dernière a subi des pertes financières. La pièce A-3 est composée des éléments suivants :

Pertes d’entreprise

  • 1) Permis principal d’entreprise en date du 7 décembre 2010 délivré par le gouvernement de l’Ontario pour enregistrer la dénomination sociale de Christim Associates.

  • 2) Procès‑verbal de la réunion des associés qui s’est tenue le 2 janvier 2011.

  • 3) Entente de société en nom collectif en date du 3 janvier 2011 conclue par Christim en tant que consignateur et M. Nwose Ambrose Chukwualuka du Nigéria en tant que mandataire et consignataire.

  • 4) Entente de société en nom collectif en date du 3 janvier 2011 conclue par Christim en tant que consignateur et M. Peter Chkwu du Malawi en tant que mandataire et consignataire.

  • 5) Bordereau de marchandises en date du 13 décembre 2010 indiquant en détail le contenu du conteneur d’expédition.

  • 6) Formulaire T2125, État des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale, indiquant les bénéfices et les pertes pour l’année d’imposition 2011.

  • 7) Facture du 24 février 2012 de Comet May Industrial Ltd. (« Comet ») du Nigéria en ce qui concerne l’envoi et la vente d’un conteneur de vêtements usagés qui indique des dépenses comptabilisées de 34 213,13 $.

  • 8) Facture du 28 février 2012 de Trinity Holdings (« Trinity ») du Malawi en ce qui concerne l’envoi et la vente d’un conteneur de vêtements usagés qui indique des dépenses comptabilisées de 24 138,26 $.

  • 9) Facture du 1er mars 2011 d’ABN Exports Inc. de Mississauga en Ontario en ce qui concerne l’achat de vêtements usagés pour 16 209,78 $.

  • 10) Facture d’ACMS Export Inc. du 1er mars 2011 en ce qui concerne l’achat de 450 ballots de vêtements usagés pour 32 000 $.

  • 11) Facture d’Alphatec Business Operations Inc. (« Alphatec ») du 22 mars 2011 de 6 500 $ qui représente le coût de l’envoi d’un conteneur au Nigéria.

  • 12) Facture d’Alphatec du 3 mai 2011 de 5 725 $ qui représente le coût de l’envoi d’un conteneur au Malawi.

  • 13) Relevés de comptes d’entreprise en devises américaines de la Banque Royale du Canada qui concerne Christim ainsi que des copies de chèques oblitérés du 4 mars 2011 au 6 juillet 2011.

  • 14) Relevés de comptes d’entreprise en devises canadiennes de la Banque Royale du Canada qui concernent Christim ainsi que des copies de chèques oblitérés du 17 février 2011 au 6 juillet 2011.

  • [32] L’appelant a également fourni ses relevés bancaires personnels, les relevés de sa marge de crédit personnelle et ses relevés de carte de crédit.

  • [33] L’intimée allègue que l’appelant n’a pas le droit de déduire l’une des pertes d’entreprise déclarées de 46 234 $ de son revenu personnel pour l’année d’imposition 2011. Selon elle, l’appelant n’avait pas une source de revenu d’entreprise en 2011 puisqu’il n’a pas démontré qu’il exploitait son entreprise avec une commercialité suffisante. Si je conclus que l’appelant exploitait une entreprise, l’intimée soutient alors qu’il n’a pas démontré que les dépenses déclarées étaient des dépenses d’entreprise légitimes et qu’il n’y avait pas suffisamment de documents sources pour justifier ces dépenses.

  • [34] L’appelant exploitait-il une entreprise?Il faut consulter l’arrêt de principe de la Cour suprême du Canada dans Stewart c. Canada, 2002 CSC 46 (CanLII), pour obtenir une orientation.Dans cet arrêt, la Cour a avancé un critère en deux étapes pour déterminer si une activité est celle d’une entreprise commerciale. La Cour suprême a déclaré ce qui suit :

50.  Il est manifeste que, pour que l’art. 9 s’applique [lequel porte sur le revenu et les pertes d’une entreprise ou d’un bien], le contribuable doit d’abord déterminer s’il a une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien. Comme nous l’avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d’un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d’un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l’existence d’une source :

(i) L’activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?

(ii) S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s’il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d’entreprise ou de bien.

51.  Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [TRADUCTION] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : [...] De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : [...] Il est donc logique de conclure qu’une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d’activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien.

52.  Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles [...]. [L]orsque la nature de l’entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu’elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, mais que l’entreprise est exploitée d’une manière suffisamment commerciale, cette entreprise sera considérée comme une source de revenu aux fins d’application de la Loi. 

53.  [...] [Ce] critère de l’existence d’une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l’objet d’une analyse que dans les situations où l’activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. [...] Lorsqu’une activité est clairement de nature commerciale, il n’est pas nécessaire d’analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d’un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.

54.  [...] Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

  • [35] Après avoir entendu le témoignage de l’appelant et examiné tous les documents qu’il a fournis ainsi que l’activité des comptes bancaires de la société en nom collectif, j’en viens à la conclusion que l’activité exercée par l’appelant n’était pas une démarche personnelle.Je suis convaincu que l’intention prédominante de l’appelant était de tirer profit de cette activité et qu’il a fait des efforts pour mener à bien son intention conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.Avec le recul, il peut ne pas avoir démontré un sens aigu des affaires et il peut ne pas avoir pris la meilleure décision commerciale, mais il ne revient pas à notre Cour de mettre en doute son jugement commercial.

  • [36] Après avoir décidé que Christim menait une activité commerciale, je dois maintenant décider si les dépenses demandées peuvent être déduites aux fins de l’impôt.

  • [37] Avant d’analyser la déductibilité des dépenses qui sont en litige, il serait utile d’examiner certains des principes juridiques qui peuvent limiter la déductibilité des dépenses.Il est bien connu que dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré d’une entreprise :

a)  l’alinéa 18(1)a) de la Loi empêche la déduction des dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise;

b)  l’alinéa 18(1)h) de la Loi empêche la déduction de nombreux frais personnels ou de subsistance du contribuable;

c)  l’article 67 de la Loi empêche la déduction d’une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

  • [38] De plus, le fardeau de prouver que des dépenses contestées sont déductibles repose sur l’appelant. Dans un système d’autodéclaration et d’auto‑cotisation comme celui qui existe au Canada, le contribuable doit fournir la preuve nécessaire pour justifier toute dépense déductible demandée selon la prépondérance des probabilités. La preuve doit être plus qu’une simple affirmation. Il doit y avoir une preuve documentaire crédible et fiable qui corrobore les dépenses demandées. À cette fin, la tenue adéquate de registres est essentielle. La Loi reconnaît cette obligation puisque l’article 230 porte qu’une personne qui exploite une entreprise doit tenir les registres et des livres de comptes requis. L’article 230 de la Loi porte en partie que :

Livres de comptes et registres

230 (1) Quiconque exploite une entreprise et quiconque est obligé, par ou selon la présente loi, de payer ou de percevoir des impôts ou autres montants doit tenir des registres et des livres de comptes (y compris un inventaire annuel, selon les modalités réglementaires) à son lieu d’affaires ou de résidence au Canada ou à tout autre lieu que le ministre peut désigner, dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d’établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi, ou des impôts ou autres sommes qui auraient dû être déduites, retenues ou perçues.

[…]

Durée de conservation

(4) Quiconque est requis, sous le régime du présent article, de tenir des registres et livres de comptes doit conserver :

a) les registres et livres de comptes, de même que les comptes et pièces justificatives nécessaires à la vérification des renseignements contenus dans ces registres et livres de comptes, dont les règlements prévoient la conservation pour une période déterminée;

b) tous les autres registres et livres de comptes mentionnés au présent article de même que les comptes et pièces justificatives nécessaires à la vérification des renseignements contenus dans ces registres et livres de comptes pendant les six ans qui suivent la fin de la dernière année d’imposition à laquelle les documents se rapportent.

  • [39] Par conséquent, le contribuable a l’obligation formelle de tenir tous les registres et livres de comptes, et je suggérerais également tous les contrats, grands livres comptables, relevés bancaires, chèques, pièces justificatives, factures, reçus, lettres et courriels d’explication et tout autre document qui contient des renseignements qui permettront l’établissement de l’impôt à payer.L’absence de documents adéquats sera interprétée en la défaveur du contribuable.

  • [40] Dans la décision Njenga c. Canada, [1996] A.C.F. no 1218, le juge McDonald de la Cour d’appel fédérale l’a énoncé de manière succincte au paragraphe 3 :

Le système fiscal est fondé sur l’autocontrôle. Il est d’intérêt public que la charge de prouver le fondement des déductions et des réclamations repose sur le contribuable. Le juge de la Cour de l’impôt a statué que les personnes comme la requérante doivent être en mesure de produire toutes les informations et justifications permettant d’appuyer les réclamations qu’elles font. Nous sommes d’accord avec cette conclusion. Mme Njenga, à titre de contribuable, a la responsabilité de justifier ses affaires personnelles d’une manière raisonnable. Des reçus écrits par elle-même et des allégations sans preuve ne sont pas suffisants.

  • [41] Selon l’appelant, les documents qu’il a produits dans la pièce A-3 constituent pratiquement l’intégralité des registres d’entreprise qu’il a présentés à la Cour au soutien des dépenses d’entreprise qu’il a déclarées. Selon son témoignage, les renseignements qu’il a utilisés pour remplir son État des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale (formulaire T2125) proviennent principalement de deux documents, la facture de Comet concernant le Nigéria et la facture de Trinity concernant le Malawi. Il n’y a pas de document source de tiers pour indiquer comment les montants qui y sont indiqués ont été établis ou à qui ils ont été versés.

  • [42] L’appelant soutient que des copies des documents sources contenant tous les renseignements du Nigéria et du Malawi étaient stockées sur une clé USB qui a été détruite par son fils alors que l’appelant travaillait à son ordinateur et que son fils était assis sur lui. Toutefois, l’appelant n’a pas obtenu ou demandé de documents de remplacement auprès de sources indépendantes, comme ses mandataires ou consignataires au Nigéria et au Malawi. L’appelant indique que les documents sources ne sont pas les siens, mais qu’ils appartiennent plutôt à ses mandataires ou consignataires en Afrique. Avec respect, cette opinion sert d’excuse pour éviter la responsabilité de tenir des registres adéquats. Ces documents étaient nécessaires pour prouver l’existence des dépenses déclarées ainsi que leur montant et leur caractère raisonnable. L’appelant est d’avis que tous les renseignements nécessaires peuvent être obtenus uniquement en communiquant avec des personnes au Nigéria. C’est peut-être vrai, mais le fardeau de le faire ne repose pas sur l’ARC, la Cour ou toute personne autre que l’appelant.

  • [43] On pourrait s’attendre en général à ce qu’une entreprise d’exportation produise considérablement plus de registres papier que ce qu’a fourni l’appelant à notre Cour, en particulier lorsqu’elle est exploitée par une personne qui comprend la nécessité de produire des documents pour présenter des demandes fiscales au Canada. Ce qui est frappant en l’espèce c’est que nous n’avons pas de grand livre général pour l’entreprise, rien dans la preuve n’indique qu’il y a eu un effort de comptabilisation continue de l’argent que recevait et versait l’entreprise. L’appelant renvoie constamment aux relevés bancaires qu’il a fournis à la Cour; cependant, ils sont incomplets et portent uniquement sur la première moitié de 2011. Même si les relevés bancaires indiquent une certaine activité, il ne s’agit pas d’indication claire de la provenance et de la destination de l’argent. Interrogé sur la source des dépenses qu’il a déclarées, l’appelant renvoie à ses relevés bancaires et invite essentiellement la Cour à trouver les réponses dans ces documents. Il ne revient pas à la Cour d’agir comme juricomptable. C’est l’appelant qui doit convaincre la Cour que les dépenses ont été engagées et comptabilisées.

  • [44] Néanmoins, l’appelant exploitait une entreprise et il a engagé certaines dépenses qui peuvent être déduites. L’intimée reconnaît que si je conclus que l’appelant exploitait une entreprise, le coût d’expédition totalisant 12 225 $ (voir la pièce A‑3 : facture d’Alphatec en date du 22 mars 2011 de 6 500 $ et facture d’Alphatec en date du 3 mai 2011 de 5 725 $) serait alors une déduction d’entreprise appropriée.

  • [45] Je suis également disposé à permettre les autres déductions examinées ci‑dessous.

  • [46] L’État des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale (formulaire T2125) de l’appelant qu’il a produit en même temps que sa déclaration de revenus de 2011 indique un total de dépenses d’entreprise de 65 972,21 $, pour une perte d’entreprise nette de 46 701,54 $. Voici les détails du total des dépenses entreprises :

Intérêts

4 502,63 $

Frais de gestion et d’administration

1 351,76 $

Loyer

3 510,00 $

Traitements, salaires et avantages

1 798,69 $

Déplacements

3 118,19 $

Dédouanement, surestaries, perte d’entreprise nette, déchargement, clés, tri et éléments divers

 

51 690,94 $

Total

65 972,21 $

Intérêts

  • [47] L’appelant demande des frais d’intérêts de 4 502,63 $. Il devrait être simple, à l’examen des registres bancaires, d’établir comment et quand les frais d’intérêts ont été engagés. L’examen des registres bancaires de Christim ne divulgue pas combien d’argent Christim a emprunté, auprès de qui, le taux d’intérêt facturé, le calendrier des paiements ou le moment où les frais d’intérêts ont été payés. L’appelant allègue qu’il a emprunté de l’argent sur sa marge de crédit personnelle. Un examen de ses registres bancaires personnels révèle qu’il a payé des intérêts de 2 295,19 $ sur sa marge de crédit en 2011.

  • [48] Sur la question des frais d’intérêts, je suis disposé à accorder à l’appelant le bénéfice du doute et j’accepte les frais d’intérêts demandés de 2 295,19 $.

  • [49] L’appelant déclare des dépenses de 1 351,76 $ dans la catégorie des frais de gestion et d’administration. Ces frais de gestion et d’administration sont en fait des commissions au taux de 2 % sur les ventes payées à Trinity et à Comet. Elles ont été payées conformément aux ententes de société en nom collectif qui ont été conclues avec les consignataires. Ces commissions sont clairement indiquées sur les factures de Comet May et de Trinity qui font partie de la pièce A-3.

  • [50] J’accepte les frais de gestion et d’administration déclarés de 1 351,76 $.

  • [51] L’appelant déclare des dépenses de location de 3 510 $. Il n’a pas été établi à ma satisfaction quels lieux ont été loués, leur emplacement et leur but. Il n’y a aucune preuve de contrat de location. Un examen des relevés bancaires n’appuie pas la prétention selon laquelle ce montant des dépenses de location a réellement été payé. Le montant total demandé pour le loyer sur les factures de Trinity et de Comet ne correspond pas au montant demandé. L’appelant soutient que d’autres sommes ont dû être ajoutées, mais il ne peut dire de quoi s’agit. Ses réponses concernant les détails de cette somme supplémentaire non comptabilisée étaient vagues, incertaines et non justifiées par des documents.

  • [52] Je rejette les dépenses de location demandées.

  • [53] L’appelant déclare des dépenses au titre des salaires, traitements et avantages au montant de 1 798,69 $. En ce qui concerne le Nigéria, ces dépenses figurent sur la facture de Comet pour deux éléments : dépenses pour la vente de vêtements pour garçons s’élevant à 342,44 $ et une deuxième dépense pour la vente de vêtements pour garçons s’élevant à 406,25 $. Au Malawi, la facture de Trinity indique un élément au titre du traitement pour des ventes de vêtements pour femmes au montant de 1 050 $ pour un total de 1 798,69 $. Bien entendu, nous n’avons aucune idée de la personne qui était embauchée pour faire ce travail au Nigéria et au Malawi. Toutefois, je ne doute pas que des employés ont été embauchés et que dans ces pays la main-d’œuvre temporaire est très probablement payée en espèces et je peux comprendre qu’il pourrait être inhabituel de demander un reçu dans de telles circonstances.

  • [54] J’accepte les dépenses déclarées de 1 798,69 $ comme activités commerciales valides.

  • [55] L’appelant déclare des frais de déplacement de 3 118,19 $. Selon ma compréhension, ces dépenses concernent des frais de véhicule à moteur pour l’essence, l’entretien et les réparations et l’assurance. L’appelant a fourni des copies de factures pour ses frais d’entretien et de réparation (voir la pièce A-5) du 29 janvier au 27 août 2011, pour un total de 2 338,38 $, mais non pour l’assurance ou l’essence. Il n’a pas de livre de bord du véhicule indiquant la distance parcourue pour l’entreprise plutôt que pour des raisons personnelles. Nous ne savons donc pas quelle partie des dépenses demandées peut être déduite aux fins de l’impôt. Il revient à l’appelant de l’établir. L’appelant a également indiqué que les frais auraient très bien pu comprendre le coût du déplacement vers le Nigéria, mais il n’a fourni aucun document justificatif, comme des billets d’avion ou des factures.

  • [56] Je rejette les dépenses déclarées de 3 118,19 $ au titre des frais de déplacement.

  • [57] L’appelant déclare des dépenses d’entreprise s’élevant à 51 690,94 $ dans cette catégorie. Les documents sources qui sont invoqués au soutien des dépenses déclarées sont les deux factures de Comet et de Trinity. La facture de Trinity montre un élément de 20 000 $ pour des frais de nettoyage. La facture de Comet montre une somme de 29 375 $ pour le nettoyage, de 687,50 $ pour les surestaries, de 625 $ pour les pertes d’entreprise nettes, de 237,50 $ pour le déchargement, de 12,50 $ pour la clé, de 188,44 $ pour le tri et de 235 $ pour le solde du premier dépôt. Aucune de ces dépenses n’est appuyée par un document source. En effet, pour ce qui est des documents sources des gouvernements du Nigéria et du Malawi pour le dédouanement, j’ai la nette impression qu’il n’en existe aucun, puisque les marchandises commercialisées par l’appelant en Afrique étaient considérées comme de la contrebande.

  • [58] Cette dépense déclarée de 51 690,94 $ pour le dédouanement, les surestaries, la perte d’entreprise nette, le déchargement, les clés, le tri et les éléments divers est rejetée.

  • [59] Bref, pour ce qui est des déductions d’entreprise demandées, l’appel est accueilli en partie et l’affaire est déférée au ministre pour réévaluation et nouvelle cotisation au motif que les dépenses suivantes peuvent être déduites du revenu :

Frais de gestion et d’administration

Loyer

Traitements, salaires et avantages

Déplacements

Dédouanement, surestaries, perte d’entreprise nette, déchargement, clés, tri et éléments divers

Expédition

12 225,00 $

Intérêts

2 295,19 $

Frais de gestion et d’administration

1 351,76 $

Traitements, salaires et avantages

1 798,69 $

Total

17 670,64 $

  • [60] À tous autres égards, l’appel est rejeté.

  • [61] En conclusion, l’appel est accueilli en partie et l’affaire est déférée au ministre pour réévaluation et nouvelle cotisation au motif que :

    1. Pour ce qui est de l’appel concernant les pertes de location nettes, l’appelant a le droit de déclarer des pertes de location nettes pour l’année d’imposition qui s’élèvent à 1 842 $.

    2. Pour ce qui est de l’appel concernant les dons de bienfaisance, l’intimée reconnaît qu’il ne s’agit pas d’une affaire appropriée pour l’imposition de pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi et l’appelant n’a donc pas à payer ces pénalités.

    3. Pour ce qui est de l’appel concernant les pertes d’entreprise déclarées, la Cour conclut que l’appelant exploitait une entreprise pendant l’année d’imposition 2011. Elle conclut également que le revenu d’entreprise gagné cette année-là était un bénéfice brut de 19 270,67 $, moins le coût des ventes. L’appelant a établi l’existence de dépenses d’entreprise admissibles de 17 670,64 $. Comme elles entraîneraient une cotisation accrue pour l’appelant, l’appel est rejeté sans dépens.

  • [63] Les présents motifs du jugement remplacent les motifs du jugement du 16 février 2018.

Conclusion

[62]  À tous autres égards, l’appel est rejeté, sans frais.

Signé à Kingston (Ontario), ce 20e jour de mars 2018.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse



AJOUT AUX MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1]  Les motifs du jugement ont été rendus en l’espèce le 16 février 2018. L’appel a été accueilli en partie et a été renvoyé au ministre pour réévaluation et nouvelle cotisation : voir Timothy Okafor c. La Reine, 2018 CCI 31.

[2]  L’intimée a déposé une requête en vertu des articles 168 et 172 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) pour demander à la Cour un nouvel examen des termes du prononcé du jugement au motif qu’on a négligé ou accidentellement omis de traiter une question dont on aurait dû traiter. On recourt aux Règles sur la procédure générale puisque les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle) ne contiennent pas de dispositions semblables.

[3]  Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2011, l’appelant a déclaré des pertes d’entreprise nettes totalisant 46 234,52 $. L’intimée sollicite la modification du jugement et demande à la Cour de formuler une conclusion sur la question de savoir si l’appelant a gagné un revenu d’entreprise pendant l’année d’imposition 2011 et, le cas échéant, d’établir le montant de ce revenu.

[4]  À l’audition de cette question, l’intimée a allégué que l’appelant n’exploitait pas une entreprise et qu’il n’avait donc pas tiré de revenu d’entreprise. Ainsi, les pertes d’entreprise déclarées de l’appelant ont été rejetées à juste titre. L’appelant a allégué qu’il a réellement exploité une entreprise d’exportation de vêtements usagés vers l’Afrique. Il soutient avoir tiré un revenu de l’entreprise et subi des pertes d’entreprise importantes. Le paragraphe 26 des motifs du jugement résume le revenu et les pertes déclarés par l’appelant pour l’année d’imposition. Il est ainsi rédigé :

[26] Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2011, l’appelant a déclaré revenu d’entreprise brut de 67 588 $. Le coût déclaré des biens vendus s’élevait à 48 317,33 $, pour un bénéfice brut de 19 270,67 $. Il a également déclaré des dépenses d’entreprise totales de 65 972,21 $, ce qui a entraîné la déclaration d’une perte d’entreprise de 46 234,52 $.

[5]  L’intimée était d’avis qu’il n’y avait pas d’entreprise et donc pas de revenu d’entreprise. La Cour a conclu qu’il y avait bien une entreprise. Même si la Cour n’a pas précisément établi le montant du revenu gagné, elle n’avait pas de raison de rejeter la position de l’appelant selon laquelle il a véritablement tiré un revenu d’entreprise brut de 67 588 $ ou réalisé un bénéfice brut de 19 270,67 $, moins le coût des biens vendus, comme il l’a indiqué dans sa déclaration de revenus, et telle est ma conclusion. 

[6]  L’appelant a déclaré des dépenses d’entreprise totalisant 65 972,21 $, ce qui entraînerait des pertes d’entreprise de 46 234,52 $ si elles étaient accueillies. Après avoir examiné la totalité de la preuve, la Cour a conclu que l’appelant avait uniquement établi l’existence de dépenses d’entreprise de 17 670,64 $ (et non des pertes d’entreprise).

[7]  Dans le calcul normal du revenu, les pertes d’entreprise de 17 670,67 $ seraient déduites des bénéfices bruts déclarés de 19 270,67 $, ce qui entraînerait un montant de revenu d’entreprise net positif et ainsi une augmentation du montant de l’impôt à payer. Je souscris aux observations de l’intimée selon laquelle l’appel d’un contribuable ne peut pas entraîner une cotisation accrue. Par conséquent, même si l’appelant a partiellement obtenu gain de cause, l’affaire ne devrait pas être renvoyée au ministre pour réévaluation et nouvelle cotisation puisque l’appelant aurait ainsi une dette fiscale plus importante que celle qui a été établie. L’appel aurait simplement dû être rejeté.

Conclusion

[8]  En conclusion, le paragraphe [61] c des motifs et du jugement rendu le 16 février 2018 en l’espèce est modifié ainsi :

Pour ce qui est de l’appel concernant les pertes d’entreprise déclarées, la Cour conclut que l’appelant exploitait une entreprise pendant l’année d’imposition 2011. Elle conclut également que le revenu d’entreprise gagné cette année-là était un bénéfice brut de 19 270,67 $, moins le coût des ventes. L’appelant a établi l’existence de dépenses d’entreprise admissibles de 17 670,64 $. Comme elles entraîneraient une cotisation accrue pour l’appelant, l’appel est rejeté sans dépens.

[9]  Un jugement sera prononcé en conséquence.


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 31

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-3153(IT)I

INTITULÉ :

TIMOTHY OKAFOR ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU ET DATES DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

Le 5 septembre et le 22 novembre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

Le 20 mars 2018

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Stephanie Hodge

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom

S.O.

Cabinet :

S.O.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada 

Ottawa (Ontario)

 

 

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