Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2011-689(CPP)

ENTRE :

 

PRIORITY ONE JANITORIAL SERVICES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Priority One Janitorial Services Inc. (2011-2491(EI)),

le 15 novembre 2011, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ansar Bacchus

Avocat de l’intimé :

Me Robert Neilson

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté en application du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada à l’égard de la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 30 décembre 2010 est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de février 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

 

Dossier : 2011-2491(EI)

ENTRE :

 

PRIORITY ONE JANITORIAL SERVICES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Priority One Janitorial Services Inc. (2011-689(CPP)),

le 15 novembre 2011, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ansar Bacchus

Avocat de l’intimé :

Me Robert Neilson

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté en application du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi à l’égard de la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 30 décembre 2010 est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de février 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 1

Date : 20120109

Dossiers : 2011-689(CPP),

2011-2491(EI)

ENTRE :

 

PRIORITY ONE JANITORIAL SERVICES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au Régime de pensions du Canada (le « RPC ») de 3 928,37 $ pour l’année 2006, en ce qui concerne Ansar Bacchus (ciaprès « Ansar »), Connie Bacchus (ci‑après « Connie »), Denise McLeod (ci‑après « Denise »), Kary McLeod (ci‑après « Kary »), Manuel Mora (ci‑après « Manuel ») et Jacquelin Pierre‑Antoine (ci‑après « Jacquelin »).

 

[2]              Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 871,48 $ pour l’année 2007, en ce qui concerne Kalsoom Gillani (ci‑après « Kalsoom »), Raiz Khan (ci‑après « Raiz »), Manuel, Jacquelin et Abdul Hakim Yfate (ci‑après « Abdul Hakim »).

 

[3]              Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 1 237,50 $ pour l’année 2007, en ce qui concerne Ansar.

 

[4]              Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 300,96 $ pour l’année 2008, en ce qui concerne Jacquelin.

 

[5]              Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 33,24 $ pour l’année 2009, en ce qui concerne Jacquelin.

 

[6]              Par une lettre reçue le 19 mars 2010, l’appelante a demandé au ministre d’examiner de nouveau les évaluations relatives aux années 2006, 2007, 2008 et 2009.

 

[7]              En réponse à cette lettre, le ministre a confirmé les évaluations relatives aux années 2006, 2007, 2008 et 2009 en tenant pour acquis qu’Ansar, Connie, Denise, Kary, Manuel, Jacquelin, Raiz, Kalsoom et Abdul Hakim (ci‑après collectivement appelés « les travailleurs ») étaient engagés aux termes d’un contrat de louage de services auprès de l’appelante.

 

[8]              Les faits sur lesquels le ministre s’est appuyé pour confirmer ainsi les évaluations dans l’affaire portant sur le RPC (2011689(CPP)) sont exposés au paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel :

 

          [traduction] 

a)                  L’appelante exploitait une entreprise de nettoyage d’immeubles commerciaux; (admis)

b)                  L’appelante recrutait les clients (ci-après « le  client »); (nié)

c)                  La structure du capital‑actions de l’appelante, au mois de janvier 2006, était la suivante :

Ansar         25 %

Connie       25 %

Kary          25 %

Denise        25 % (admis)

d)                  Au milieu de l’année 2006, la structure du capital‑actions de l’appelante a changé :

Ansar         50 %

Connie       50 % (admis)

e)                  Les travailleurs étaient embauchés à titre de préposés; leurs tâches consistaient notamment à nettoyer, laver, balayer, épousseter, essuyer, passer l’aspirateur et ramasser les ordures; (nié)

f)                    Les travailleurs n’avaient pas conclu de contrat écrit avec l’appelante; (admis)

g)                  Les travailleurs fournissaient leurs services dans les locaux du client; (admis)

h)                  Les travailleurs étaient embauchés sur une base continue; (nié)

i)                    L’appelante rémunérait les travailleurs sur une base mensuelle; (nié)

j)                    L’appelante décidait des taux de rémunération des travailleurs; (nié)

k)                  Les travailleurs ne faisaient pas de soumissions pour obtenir du travail; (admis)

l)                    Les travailleurs ne présentaient pas de factures à l’appelante; (admis)

m)                L’appelante fixait les heures de travail des travailleurs; (nié)

n)                  Les travailleurs travaillaient en dehors des heures de bureau de l’entreprise du client; (admis)

o)                  Les travailleurs effectuaient le nombre d’heures nécessaires pour mener le travail à bonne fin; (admis)

p)                  L’appelante conservait le droit d’exercer un contrôle sur les travailleurs; (nié)

q)                  L’appelante assurait la formation des travailleurs; (admis)

r)                   Les travailleurs ne détenaient pas de permis ou de certificats précis ni d’accréditation se rapportant au travail; (admis)

s)                   L’appelante donnait des instructions aux travailleurs au sujet du travail à effectuer et des tâches à accomplir; (admis)

t)                    L’appelante examinait le travail des travailleurs; (nié)

u)                  Certains travailleurs travaillaient en groupe; (admis)

v)                  Au moyen de l’entente conclue avec le client, l’appelante établissait les priorités et les délais des travailleurs; (admis)

w)                Les travailleurs représentaient l’appelante pendant qu’ils fournissaient leurs services; (admis)

x)                  Les travailleurs ne pouvaient pas embaucher leurs propres assistants ou se faire remplacer; (nié)

y)                  Le client fournissait tous les instruments de travail et le matériel nécessaires; (admis)

z)                   Les travailleurs ne fournissaient pas d’instruments de travail ni de matériel; (nié)

aa)               Le client fournissait tous les produits nécessaires; (admis)

bb)              Les travailleurs ne supportaient pas de dépenses dans l’exécution de leurs tâches; (admis)

cc)               Les travailleurs ne souscrivaient pas leur propre assurance responsabilité; (admis)

dd)              Les travailleurs ne payaient pas les frais d’investissement associés à une entreprise; (admis)

ee)               Les travailleurs n’avaient pas la possibilité de faire un profit et n’étaient pas exposés à un risque de perte; (admis)

ff)                  Les travailleurs ne se présentaient pas comme exploitant leur propre entreprise; (nié)

gg)               Les services des travailleurs étaient fournis au profit de l’appelante; (nié)

hh)               Les travailleurs ne travaillaient pas pour d’autres personnes pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié)

ii)                   Certains travailleurs estimaient être des employés pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié)  

jj)                  Les travailleurs n’exploitaient pas une entreprise pour leur propre compte pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié)

kk)              L’appelante a effectué et versé les retenues à la source pendant une partie de l’année 2006; (nié)

ll)                   La déclaration de revenus de l’appelante incluait les dépenses suivantes : (nié)

 

 

2006

2007

Salaires et traitements

16 754 $

17 584 $

Salaires de la direction

44 000 $

16 000 $

 

mm)           L’appelante a versé aux travailleurs les montants suivants au titre des salaires pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 janvier 2009 : (nié)

 

 

2006

2007

2008

2009

Ansar

4 250 $

16 000 $

 

 

Connie

4 250 $

 

 

 

Denise

17 750 $

 

 

 

Kary

17 750 $

 

 

 

Manuel

4 500 $

2 837 $

 

 

Jacquelin

12 246 $

6 839 $

6 540 $

627 $

Raiz

 

458 $

 

 

Kalsoom

 

4 380 $

 

 

Abdul Hakim

 

787 $

 

 

 

[9]              Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait entre autres choses l’objet d’une évaluation à l’égard de cotisations à l’assurance-emploi de 619,34 $ pour l’année 2007, en ce qui concerne Michael Dagnew (ciaprès « Michael »), Kalsoom, Raiz, Gibran Khan (ci‑après « Gibran »), Manuel, Jacquelin et Abdul Hakim.

 

[10]         Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait entre autres choses l’objet d’une évaluation à l’égard de cotisations à l’assurance-emploi de 279,91 $ pour l’année 2008, en ce qui concerne Jacquelin et Ashley Vaughan (ci‑après « Ashley »).

 

[11]         Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait entre autres choses l’objet d’une évaluation à l’égard de cotisations à l’assurance-emploi de 34,51 $ pour l’année 2009, en ce qui concerne Jacquelin et Ashley.

 

[12]         Par une lettre reçue le 19 mars 2010, l’appelante a demandé au ministre d’examiner de nouveau les évaluations relatives aux années 2007, 2008 et 2009.

 

[13]         En réponse à cette lettre, le ministre a confirmé les évaluations relatives aux années 2007, 2008 et 2009 en tenant pour acquis que Michael, Kalsoom, Raiz, Gibran, Manuel, Jacquelin, Ashley et Abdul Hakim (collectivement appelés « les travailleurs ») étaient engagés aux termes d’un contrat de louage de services auprès de l’appelante.

 

[14]         Les faits sur lesquels le ministre s’est appuyé pour confirmer ainsi les évaluations relatives aux années 2007, 2008 et 2009 sont exposés au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel :

 

          [traduction] 

a)                  L’appelante exploitait une entreprise de nettoyage d’immeubles commerciaux; (admis)

b)                  L’appelante recrutait les clients (ci-après « le client »); (nié)

c)                  La structure du capital‑actions de l’appelante, au mois de janvier 2006, était la suivante :

Ansar Bacchus       25 %

Connie Bacchus      25 %

Kary McLeod        25 %

Denise McLeod      25 % (admis)

d)                  Au milieu de l’année 2006, la structure du capital‑actions de l’appelante a changé :

Ansar Bacchus       50 %

Connie Bacchus      50 % (admis)

e)                  Les travailleurs étaient embauchés à titre de préposés; leurs tâches consistaient notamment à nettoyer, laver, balayer, épousseter, essuyer, passer l’aspirateur et ramasser les ordures; (nié)

f)                    Les travailleurs n’avaient pas conclu de contrat écrit avec l’appelante; (admis)

g)                  Les travailleurs fournissaient leurs services dans les locaux du client; (admis)

h)                  Les travailleurs étaient embauchés sur une base continue; (nié)

i)                    L’appelante rémunérait les travailleurs sur une base mensuelle; (nié)

j)                    L’appelante décidait des taux de rémunération des travailleurs; (nié)

k)                  Les travailleurs ne faisaient pas de soumissions pour obtenir du travail; (admis)

l)                    Les travailleurs ne présentaient pas de factures à l’appelante; (admis)

m)                L’appelante fixait les heures de travail des travailleurs; (nié)

n)                  Les travailleurs travaillaient en dehors des heures de bureau de l’entreprise du client; (admis)

o)                  Les travailleurs effectuaient le nombre d’heures nécessaires pour mener le travail à bonne fin; (admis)

p)                  L’appelante conservait le droit d’exercer un contrôle sur les travailleurs; (nié)

q)                  L’appelante assurait la formation des travailleurs; (admis)

r)                   Les travailleurs ne détenaient pas de permis ou de certificats précis ni d’accréditation se rapportant au travail; (admis)

s)                   L’appelante donnait des instructions aux travailleurs au sujet du travail à effectuer et des tâches à accomplir; (admis)

t)                    L’appelante examinait le travail des travailleurs; (nié)

u)                  Certains travailleurs travaillaient en groupe; (admis)

v)                  Au moyen de l’entente conclue avec le client, l’appelante établissait les priorités et les délais des travailleurs; (admis)

w)                Les travailleurs représentaient l’appelante pendant qu’ils fournissaient leurs services; (admis)

x)                  Les travailleurs ne pouvaient pas embaucher leurs propres assistants ou se faire remplacer; (nié)

y)                  Le client fournissait tous les instruments de travail et le matériel nécessaires; (admis)

z)                   Les travailleurs ne fournissaient pas d’instruments de travail ni de matériel; (nié)

aa)               Le client fournissait tous les produits nécessaires; (admis)

bb)              Les travailleurs ne supportaient pas de dépenses dans l’exécution de leurs tâches; (admis)

cc)               Les travailleurs ne souscrivaient pas leur propre assurance responsabilité; (admis)

dd)              Les travailleurs ne payaient pas les frais d’investissement associés à une entreprise; (admis)

ee)               Les travailleurs n’avaient pas la possibilité de faire un profit et n’étaient pas exposés à un risque de perte; (admis)

ff)                  Les travailleurs ne se présentaient pas comme exploitant leur propre entreprise; (nié)

gg)               Les services des travailleurs étaient fournis au profit de l’appelante; (nié)

hh)               Les travailleurs ne travaillaient pas pour d’autres personnes pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié)

ii)                   Certains travailleurs estimaient être des employés pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié) 

jj)                  Les travailleurs n’exploitaient pas une entreprise pour leur propre compte pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié)

kk)              L’appelante a effectué et versé les retenues à la source pendant une partie de l’année 2006; (nié)

ll)                   La déclaration de revenus de l’appelante incluait les dépenses suivantes : (nié)

 

 

2006

2007

Salaires et traitements

16 754 $

17 584 $

Salaires de la direction

44 000 $

16 000 $

 

mm)           L’appelante a versé aux travailleurs les montants suivants au titre des salaires pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 janvier 2009 : (nié)

nn)                

 

2007

2008

2009

Michael

225 $

 

 

Gibran

 277 $

 

 

Manuel

 2 837 $

 

 

Jacquelin

 6 839 $

 6 540 $

 627 $

Raiz

 458 $

 

 

Kalsoom

 4 380 $

 

 

Ashley

 

 200 $

 203 $

Abdul Hakim

 787 $

 

 

 

[15]         L’appelante exploitait entre autres une entreprise de nettoyage d’immeubles commerciaux. Elle embauchait des travailleurs pour qu’ils nettoient les immeubles commerciaux de ses clients.

 

[16]         Selon la thèse de l’appelante, les travailleurs n’étaient pas engagés aux termes d’un contrat de louage de services. Autrement dit, l’appelante soutient que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants.

 

[17]         Ansar et Jacquelin ont été les deux seules personnes à témoigner.

 

[18]         Chaque affaire dans laquelle la question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant doit être tranchée selon les faits qui lui sont propres. Les quatre volets (le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte) du critère énoncé dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, et 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, doivent se voir attribuer le poids qui convient eu égard aux circonstances de l’affaire. En outre, l’intention des parties au contrat est devenue, selon certains arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, un facteur dont le poids semble varier d’un cas à l’autre (Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87; Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396; City Water International Inc. c. Canada, 2006 CAF 350; Équipe de ski Capitale nationale de l’Outaouais c. M.R.N., 2008 CAF 132).

 

[19]         En appréciant la preuve fournie par l’appelante, la Cour doit faire certaines remarques au sujet de l’omission d’appeler à témoigner certaines personnes qui auraient pu confirmer les déclarations d’Ansar. Dans la décision Huneault c. Canada, [1998] A.C.I. no 103 (QL), 98 DTC 1488 (fr.), ma collègue, la juge Lamarre, a mentionné, au paragraphe 25, QL (page 1491 DTC), certaines remarques que Sopinka et Lederman avaient faites dans l’ouvrage intitulé The Law of Evidence in Civil Cases, lesquelles ont été citées par le juge Sarchuk, de la présente cour, dans la décision Enns v. M.N.R., 87 DTC 208, à page 210 :

 

Dans l’ouvrage de Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases, les auteurs font remarquer ce qui suit au sujet des conséquences de l’omission de faire comparaître un témoin, je cite :

 

                        [traduction]

 

« Dans l’affaire Blatch v. Archer, (1774), 1 Cowp. 63, p. 65), Lord Mansfield a déclaré :

 

« Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l’une des parties était en mesure de produire et que l’autre partie était en mesure de réfuter. »

 

L’application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l’omission d’une partie ou d’un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d’élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l’omission a été attribuée.

 

Dans le cas d’un demandeur auquel il incombe d’établir un point, l’effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s’acquitter du fardeau de la preuve. (Levesque et al. c. Comeau et al., [1970] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3e) 425.) (Souligné par mes soins)

 

[20]         En l’espèce, avant d’analyser les faits pertinents, il est utile de faire certaines remarques générales au sujet de la crédibilité d’Ansar qui, je tiens à le souligner, a été la seule personne à témoigner à l’appui de l’appel. J’insiste sur le fait que l’appelante a uniquement en fait produit les lettres (pièce Al) de trois travailleurs, disant que ceuxci étaient des entrepreneurs indépendants pendant qu’ils travaillaient pour elle. Je n’ai pas accordé beaucoup de poids à ces lettres étant donné que l’appelante n’a pas appelé ces travailleurs à témoigner. À mon avis, il serait dangereux de croire le témoignage d’Ansar en l’absence d’une preuve corroborante concluante sous la forme de documents ou de témoignages présentés par des personnes crédibles.

 

[21]         Les réponses d’Ansar étaient généralement vagues, imprécises et ambiguës. Trop souvent, lors du contre-interrogatoire, Ansar n’a pas pu donner d’explications au sujet des activités de l’appelante; il répétait constamment qu’il était un [traduction] « imbécile » et que seul le comptable et Kary – qui, comme je tiens encore une fois à le souligner, n’ont pas témoigné étaient en mesure de donner des explications valables au sujet, entre autres choses, de la raison pour laquelle l’appelante avait cessé d’effectuer et de verser des retenues à la source en 2006. J’en déduis que ces témoignages n’auraient pas été favorables à l’appelante. Non seulement les réponses de l’appelante étaient généralement vagues et imprécises, elles ont été contredites sur certains points. Ainsi, Ansar a témoigné que les travailleurs et l’appelante avaient discuté de leur relation juridique lors de l’embauchage. Cependant, Jacquelin a témoigné qu’il n’avait jamais été question de la relation juridique avec l’appelante. Pour ces motifs, j’ai accordé peu de valeur probante au témoignage d’Ansar lorsqu’il n’était pas corroboré par une preuve documentaire solide ou par le témoignage de personnes crédibles.

 

[22]         Le témoignage de Jacquelin, qui semblait crédible, nous a également appris ce qui suit :

 

(i)      Il touchait un montant fixe pour les travaux de nettoyage effectués chez l’un des clients de l’appelante;

(ii)      Il n’avait pas négocié son taux de rémunération;

(iii)     Il ne fournissait pas d’instruments de travail ou de matériel;

(iv)     Il ne supportait pas de dépenses dans l’exécution de ses tâches;

          (v)     Il avait le droit de décider de ses heures de travail, dans la mesure où il travaillait en dehors des heures du bureau de l’entreprise du client;

(vi)     Il avait embauché son épouse à un moment donné pour le remplacer.

 

[23]         Quant à la question de l’intention, quelle preuve existetil au sujet de l’intention de l’appelante et des travailleurs en ce qui concerne la relation juridique qu’ils avaient établie? Premièrement, il importe de souligner qu’il n’existe aucune entente écrite à laquelle je puis me reporter. Deuxièmement, l’appelante a déclaré que, lorsqu’elle avait engagé les travailleurs, elle voulait que ceuxci agissent à titre de sous-traitants. La preuve de l’appelante sur ce point était basée sur le témoignage d’Ansar, qui, selon ce que j’ai décidé, n’était pas très crédible, ainsi que sur la preuve documentaire (pièce A-l, trois lettres de travailleurs disant qu’ils agissaient à titre d’entrepreneurs indépendants lorsqu’ils travaillaient pour l’appelante) à laquelle je n’ai pas accordé beaucoup de poids étant donné que l’appelante n’a pas appelé ces travailleurs à témoigner. En outre, un témoin crédible a déclaré qu’il n’avait même pas été question de la relation juridique qu’il établissait avec l’appelante lorsque celleci l’avait embauché. Ce témoin a également déclaré qu’il ne comprenait pas vraiment ce qu’était un travail autonome lorsqu’il avait initialement conclu verbalement le contrat avec l’appelante. Je ne puis déduire de la preuve que l’appelante et les travailleurs s’entendaient sur le fait que les travailleurs devaient être des travailleurs autonomes plutôt que des employés. Lorsque l’intention des parties ne peut pas être établie, il est tout à fait approprié, et de fait nécessaire, d’examiner tous les faits pour voir quelle relation juridique ils indiquent. Sur ce point, les quatre volets du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. sont pertinents et utiles lorsqu’il s’agit de déterminer l’intention des parties au contrat et la nature juridique du contrat.

 

[24]         L’analyse que j’ai effectuée des facteurs de l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. est énoncée ci‑dessous.

 

[25]         La possibilité de profit. La preuve révélait que les travailleurs n’avaient pas négocié leur taux de rémunération. Les travailleurs touchaient un montant fixe en vue de nettoyer les locaux des clients de l’appelante. Ainsi, Jacquelin touchait chaque mois 700 $ pour nettoyer trois fois par semaine les locaux d’un client de l’appelante. Étant donné que les clients de l’appelante fournissaient l’équipement et le matériel nécessaires pour nettoyer leurs locaux, le travailleur aurait uniquement pu augmenter son revenu en sous-traitant ses tâches à d’autres travailleurs à un taux inférieur. La preuve ne révélait pas que les travailleurs pouvaient le faire ou qu’ils l’avaient fait, ce qui milite en faveur de la conclusion selon laquelle ils agissaient à titre d’employés.

 

[26]         Le degré de responsabilité assumée par les travailleurs à l’égard des mises de fonds et de la gestion. Les travailleurs n’assumaient aucune responsabilité de ce genre, ce qui milite en faveur de la conclusion selon laquelle ils agissaient à titre d’employés.

 

[27]         Le degré de risque financier assumé par les travailleurs. Les travailleurs n’assumaient aucun risque financier quant à quelque investissement que ce soit dans l’équipement ou dans les instruments de travail, ou quant à ce qu’il en coûtait pour exploiter l’entreprise. Ils ne souscrivaient pas leur propre assurance responsabilité, ce qui milite en faveur de la conclusion selon laquelle ils agissaient à titre d’employés.

 

[28]         La question de savoir si les travailleurs fournissaient leur propre matériel et leur propre équipement. À mon avis, ce facteur est neutre. Ni les travailleurs ni l’appelante n’étaient tenus de fournir l’équipement et le matériel nécessaires pour nettoyer les locaux des clients de l’appelante étant donné que ces derniers fournissaient tout ce qu’il fallait à cette fin.

 

[29]         Le degré de contrôle que l’appelante exerçait sur les activités des travailleurs. La preuve révélait que l’appelante ne supervisait pas directement le travail des travailleurs, Compte tenu de la nature de l’emploi, il n’était pas nécessaire de superviser de près les travailleurs, et ce, que ceux‑ci agissent à titre d’employés ou à titre de travailleurs autonomes. Cela étant, j’estime que ce facteur est neutre.

 

[30]         La question de l’embauchage d’assistants par les travailleurs. Jacquelin a témoigné que l’appelante lui avait permis de se faire remplacer s’il en assumait le coût, ce qui est compatible avec un travailleur qui agit à titre de travailleur autonome. Toutefois, rien ne montre qu’un travailleur se soit prévalu de ce droit (à l’exception de Jacquelin qui s’est fait remplacer par son épouse à un moment donné), ce qui donne à penser qu’il faut accorder peu de poids à ce facteur.

 

[31]         Somme toute, les facteurs de l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. militent en faveur de la conclusion selon laquelle les travailleurs étaient des employés.

 

[32]         Pour les motifs susmentionnés, les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de février 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2012 CCI 1

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-689(CPP)

                                                          2011-249(EI)

 

INTITULÉ :                                       Priority One Janitorial Services Inc.

                                                          c.

                                                          M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 janvier 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ansar Bacchus

Avocat de l’intimé :

Me Robert Neilson

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.