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Dossier : 2009-1193(IT)G

 

ENTRE :

HOWARD LIPSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Harriet Lipson (2009‑1196(IT)G), le 30 août 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me David Sohmer

Me Julie Gaudreault-Martel

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Pascal Tétrault

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont les avis sont datés du 7 janvier 2008 et portent les numéros 1‑071231‑103544, 1‑071231‑103356 et 1‑071231‑103141, est accueilli avec dépens, et les cotisations sont annulées.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de janvier 2012.

 

 

« Gaston Jorré »

Le juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mars 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-1196(IT)G

 

ENTRE :

HARRIET LIPSON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Howard Lipson (2009‑1193(IT)G), le 30 août 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me David Sohmer

Me Julie Gaudreault‑Martel

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Pascal Tétrault

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont les avis sont datés du 7 janvier 2008 et portent les numéros 1‑071231‑104022, 1‑071231‑103936 et 1‑071231‑103805, est accueilli avec dépens, et les cotisations sont annulées.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de janvier 2012.

 

 

« Gaston Jorré »

Le juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mars 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 20

Date : 20120113

Dossiers : 2009-1193(IT)G

2009-1196(IT)G

 

ENTRE :

HOWARD LIPSON,

HARRIET LIPSON,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

Introduction

 

[1]              Madame Esther Crelinsten avait prévu dans son testament des legs particuliers et une distribution du reliquat de sa succession entre ses trois enfants dont deux, les appelants, sont des non‑résidents.

 

[2]              Après le décès de Mme Crelinsten en 2006, sa succession a procédé à cinq distributions de capital à chacun des enfants de la défunte.

 

[3]              Ces distributions n'ont donné lieu à aucune obligation fiscale[1].

 

[4]              À la cinquième distribution, les appelants ont envoyé un avis au ministre du Revenu national (le « ministre ») en application du paragraphe 116(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Les appelants n'ont envoyé aucun avis relativement aux autres distributions.

 

[5]              Par la suite, le ministre a imposé des pénalités à chacun des appelants en application du paragraphe 162(7) de la Loi au motif que ces derniers avaient omis d'envoyer un avis à l'égard de trois distributions.

 

[6]              Chacune des pénalités représentait la somme maximale prévue audit paragraphe.

 

[7]              Ces pénalités représentaient une somme totale de 15 000 $, et il y avait aussi un montant total de plus de 3 900 $ d'intérêts au moment de l'établissement des cotisations.

 

Exposé conjoint des faits

 

[8]              Les faits ne sont pas contestés en l'espèce. La preuve a été présentée au moyen d'un exposé conjoint des faits et de documents produits d'un commun accord.

 

[9]              Le contenu de l'exposé conjoint des faits est le suivant :

 

[TRADUCTION]

 

1.         Le 18 juin 1940, Esther Crelinsten a épousé Julius Lipson.

 

2.         Pendant toute la période pertinente, Esther Crelinsten résidait au Canada.

 

3.         Le 15 septembre 1995, Julius Lipson est décédé.

 

4.         Le 24 septembre 1996, Esther Crelinsten a signé son testament (le « testament »).

 

5.         Le testament prévoyait des legs particuliers, et les trois enfants d'Esther Crelinsten, à savoir Howard Lipson, Harriet Lipson et Joan Lipson‑Bloomberg, étaient désignés comme légataires du reliquat de la succession.

 

6.         Le 16 juin 2003, Esther Crelinsten est décédée, et son dernier domicile était au Québec.

 

7.         Harriet Lipson a refusé d'être la liquidatrice de la succession d'Esther Crelinsten (la « succession »), et Howard Lipson et Joan Lipson‑Bloomberg ont donc agi en qualité de liquidateurs.

 

8.         Les biens de la succession étaient situés au Canada et l'administration de la succession se faisait également au Canada. Pendant toute la période pertinente, la succession était un résident du Canada.

 

9.         [...] les trois légataires à titre universel : Howard Lipson, Harriet Lipson et Joan Lipson‑Bloomberg.

 

10.       La succession a procédé à des distributions de capital à chacun des trois légataires à titre universel de la manière suivante :

 

12 décembre 2003

56 000 $

23 janvier 2004

125 000 $

29 octobre 2004

108 000 $

22 juillet 2005

30 667 $

12 juin 2007

18 862 $

 

11.       Le 22 juin 2007 ou aux environs de cette date, Howard Lipson et Harriet Lipson ont envoyé au ministre du Revenu national (le « ministre ») l'avis prévu au paragraphe 116(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») relativement à la distribution faite le 12 juin 2007.

 

12.       Le 29 novembre 2007, le ministre a délivré à Howard Lipson et à Harriet Lipson un certificat en vertu du paragraphe 116(4) de la Loi relativement à la distribution faite le 12 juin 2007.

 

13.       Ni Howard Lipson ni Harriet Lipson n'ont envoyé d'avis au ministre concernant les distributions faites le 12 décembre 2003, le 23 janvier 2004, le 29 octobre 2004 et le 22 juillet 2005.

 

14.       Pendant toute la période pertinente, Howard Lipson et Harriet Lipson étaient des non‑résidents.

 

15.       Le 7 janvier 2008, le ministre a établi des cotisations à l'égard de Howard Lipson et de Harriet Lipson en vertu du paragraphe 162(7) de la Loi pour non‑respect du paragraphe 116(3) de la Loi en ce qui concerne les distributions faites le 23 janvier 2004, le 29 octobre 2004 et le 22 juillet 2005.

Analyse

 

[10]         La succession de Mme Crelinsten est régie par le droit québécois.

 

[11]         Le paragraphe 162(7) de la Loi impose une pénalité à toute personne qui ne remplit pas une déclaration de renseignements selon les modalités prévues par la Loi ou qui ne se conforme pas à une obligation imposée par la Loi.

 

[12]         Le ministre a établi des cotisations à l'égard des appelants en se fondant sur le fait qu'ils ne s'étaient pas conformés au paragraphe 116(3) de la Loi. Cette disposition est ainsi libellée :

 

La personne non‑résidente qui dispose de son bien canadien imposable [...] est tenue d'envoyer au ministre, dans les dix jours suivant la disposition, sous pli recommandé, un avis contenant les renseignements suivants [...]

 

[13]         Le paragraphe 248(1) de la Loi définit en partie l'expression « bien canadien imposable » de la manière suivante :

 

« bien canadien imposable » À un moment donné d'une année d'imposition, les biens suivants d'un contribuable :

 

[...]

 

h) les participations au capital d'une fiducie (sauf une fiducie d'investissement à participation unitaire) résidant au Canada;

 

[...]

 

[14]         Le même paragraphe de la Loi définit le terme « disposition » comme étant notamment :

 

dsi le bien est la participation d'un contribuable au capital d'une fiducie, ou une partie d'une telle participation, [...] un paiement de la fiducie effectué au contribuable après 1999 qu'il est raisonnable de considérer comme ayant été effectué en raison de la participation du contribuable au capital de la fiducie.

 

[15]         L'intimée soutient que les appelants ont disposé de la participation qu'ils avaient au capital d'une fiducie, et que, par conséquent, ils avaient l'obligation d'envoyer des avis au ministre en application du paragraphe 116(3) de la Loi.

 

[16]         L'intimée ne peut avoir raison que si une succession québécoise est une fiducie pour l'application de la définition de l'expression « bien canadien imposable ».

 

[17]         Selon le Code civil du Québec, il ne fait aucun doute qu'une succession n'est pas une fiducie[2].

 

[18]         L'intimée fait valoir que la Loi traite une succession comme une fiducie. Elle invoque le paragraphe 248(1) de la Loi, qui dispose ceci :

 

« fiducie » S'entend au sens du paragraphe 104(1).

 

Elle invoque aussi le paragraphe 104(1) de la Loi, qui est ainsi libellé :

 

Dans la présente loi, la mention d'une fiducie ou d'une succession (appelées « fiducie » à la présente sous‑section) vaut également mention, sauf indication contraire du contexte, du fiduciaire, de l'exécuteur testamentaire, de l'administrateur successoral, du liquidateur de succession, de l'héritier ou d'un autre représentant légal ayant la propriété ou le contrôle des biens de la fiducie. Toutefois, [...]

 

La version anglaise du paragraphe 104(1) de la Loi est libellée de la manière suivante :

 

In this Act, a reference to a trust or estate (in this subdivision referred to as a “trust”) shall, unless the context otherwise requires, be read to include a reference to the trustee, executor, administrator, liquidator of a succession, heir or other legal representative having ownership or control of the trust property, but, except for [...]

 

[19]         Les appelants ne sont pas d'accord avec l'intimée, et soutiennent que le paragraphe 104(1) de la Loi ne définit pas le terme « fiducie » et que le fait de prévoir qu'une fiducie ou une succession est appelée « fiducie » est une question de formulation plutôt que de définition. Il est donc erroné de conclure qu'une succession doit toujours être considérée comme une fiducie aux fins de l'application de la Loi.

 

[20]         Je souscris à la conclusion des appelants. Je pense qu'il est utile de pousser l'analyse plus loin.

 

[21]         L'expression « au sens de » est utilisée dans de nombreuses lois, et le paragraphe 248(1) de la Loi dispose aussi que :

 

« succession » S'entend au sens du paragraphe 104(1).

 

[22]         Lorsque j'ai examiné pour la première fois l'argument des appelants sur ce point, j'ai été préoccupé par la question suivante : quel est l'effet de la définition du terme « fiducie » au paragraphe 248(1) de la Loi? Le législateur utilise des termes particuliers pour une raison et, s'il est possible d'attribuer un sens raisonnable aux termes de la loi, c'est ce sens qu'on doit retenir.

 

[23]         Au départ, je ne voyais pas trop quel était l'objet de la définition au paragraphe 248(1) de la Loi compte tenu du paragraphe 104(1). Serait‑il possible que les deux paragraphes aient constitué une formulation étonnante visant à traiter les successions comme des fiducies et les fiducies comme des successions[3]?

 

[24]         Ce n'est manifestement pas le cas. Non seulement le paragraphe 104(1) de la Loi est‑il libellé d'une manière qui ne se prête pas à une telle fin, mais aussi le législateur aurait formulé la disposition concernée beaucoup plus clairement s'il avait voulu que la loi considère les fiducies et les successions comme équivalentes.

 

[25]         Le fait d'affirmer que le terme fiducie « s'entend au sens du paragraphe 104(1) » doit être interprété comme voulant dire que, dans l'ensemble de la Loi, la mention de « fiducie » vaut également mention « du fiduciaire, de l'exécuteur testamentaire, de l'administrateur successoral, du liquidateur [...] », selon le cas.

 

[26]         Le libellé n'intègre pas dans la Loi dans son ensemble une règle selon laquelle le terme « fiducie » signifie « fiducie ou succession »[4]. Cela ressort clairement lorsqu'on examine l'objet de la disposition.

 

[27]         Lorsqu'on examine le libellé du paragraphe 104(1) de la Loi et le fait que les successions et les fiducies ne sont pas des personnes morales, il devient évident que l'objet de la disposition est de simplifier la formulation.

 

[28]         En l'absence de cette disposition, parfois, lorsqu'il faut expliquer comment calculer le revenu, il faudrait que la Loi mentionne la fiducie ou la succession, qui n'est pas une personne morale, mais ailleurs, lorsqu'une obligation d'accomplir un acte est imposée, comme la production d'une déclaration de revenus, il faudrait mentionner la personne responsable de l'exécution de cette obligation, par exemple le fiduciaire.

 

[29]         La technique de rédaction utilisée vise à éviter de devoir faire une distinction entre la fiducie ou la succession et la personne tenue d'accomplir un acte; lorsqu'une disposition utilise le libellé « fiducie ou succession », il faut comprendre qu'il s'agit soit de la fiducie ou de la succession, soit de la personne tenue d'exécuter une obligation à l'égard de la fiducie ou de la succession. La technique permet aussi d'éviter d'avoir à répéter un ensemble d'autres personnes qui peuvent être celles à qui incombe l'obligation.

 

[30]         C'est là l'effet du renvoi à la définition qui est fait au paragraphe 248(1) de la Loi; il ne s'agit pas de traiter une succession comme une fiducie.

 

[31]         Il n'y a donc pas eu de disposition d'un bien visé à l'alinéa h) de la définition de l'expression « bien canadien imposable » et, par conséquent, il n'y avait aucune obligation pour les appelants d'envoyer un avis en application du paragraphe 116(3) de la Loi.

 

[32]         En conséquence, c'est à tort que les pénalités ont été imposées.

 

[33]         Compte tenu de la conclusion qui précède, il n'est pas nécessaire pour la Cour de se pencher sur les autres arguments soulevés à l'audience.

 

Conclusion

 

[34]         Pour les motifs exposés ci‑dessus, les appels sont accueillis avec dépens.

 

[35]         Avant de conclure, je me sens dans l'obligation de poser la question suivante : dans les circonstances, comment ces affaires ont‑elles pu en arriver jusqu'ici avec les pénalités en question, même si les cotisations avaient été fondées en droit?

 

[36]         Des pénalités et des intérêts totalisant presque 19 000 $ ont été imposés à deux non‑résidents vivant en Californie, à cause de distributions faites dans des circonstances telles que, apparemment, ces distributions n'avaient donné lieu à aucune obligation fiscale.

 

[37]         De telles pénalités semblent déraisonnablement élevées compte tenu des circonstances de l'affaire dont j'ai connaissance, et il est difficile de concevoir comment des pénalités aussi élevées renforcent le respect de la Loi[5].

 

[38]         Bien qu'il ne fasse aucun doute, depuis au moins l'époque du Bill of Rights anglais de 1688, que l'exécutif n'a pas le pouvoir de suspendre l'application de la loi[6], le paragraphe 220(1) de la Loi dispose que :

 

Le ministre assure l'application et l'exécution de la présente loi. Le commissaire du revenu peut exercer les pouvoirs et fonctions conférés au ministre en vertu de la présente loi.

 

[39]         Le pouvoir d'appliquer la loi permet au ministre d'utiliser les ressources de façon efficace et de manière à renforcer le respect de la Loi. En conséquence, lorsqu'il applique la Loi, le ministre n'est pas tenu d'imposer une pénalité chaque fois que les conditions préalables à l'imposition de cette pénalité sont remplies; il peut faire appel au bon sens pour imposer une pénalité ou non[7]. Plus précisément, en l'espèce, le ministre n'aurait pas été tenu, si le paragraphe 116(3) de la Loi avait été applicable, d'imposer des pénalités pour chaque manquement de chacun des appelants; en fait, il n'aurait pas été nécessairement tenu d'imposer quelque pénalité que ce soit.

 

[40]         En outre, le paragraphe 220(3.1) de la Loi prévoit explicitement ce qui suit :

 

Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l'année d'imposition d'un contribuable [...] ou sur demande du contribuable [...] faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d'un montant de pénalité ou d'intérêts payable par ailleurs par le contribuable [...] en application de la présente loi [...]

 

[41]         Je tiens à souligner que, selon le paragraphe 220(3.1) de la Loi, le ministre peut renoncer à des pénalités ou à des intérêts après coup ou il peut les annuler; cette disposition autorise également le ministre à renoncer à une partie des pénalités ou des intérêts, ou à les annuler en partie[8].

 

[42]         Compte tenu de ce qui précède, à moins qu'il n'y ait d'autres faits surprenants qui ne soient pas liés directement aux questions à trancher et qui n'aient pas été présentés à l'audience, je comprends difficilement pourquoi, à un moment ou à un autre, au stade de l'établissement de la cotisation ou après, et bien avant la tenue de l'audience, le ministre n'a pas exercé le pouvoir que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi pour exiger des pénalités beaucoup moins importantes que celles qu'il a imposées — ou pour ramener ces pénalités à un niveau beaucoup moins élevé. Quant au renforcement du respect de la Loi, n'aurait‑il pas été suffisant d'imposer les pénalités une seule fois?

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de janvier 2012.

 

 

« Gaston Jorré »

Le juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mars 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                            2012 CCI 20

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2009-1193(IT)G

                                                                   2009-1196(IT)G

 

INTITULÉS :                                              HOWARD LIPSON et HARRIET LIPSON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 30 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                         L'honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 13 janvier 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

 

Me David Sohmer

Me Julie Gaudreault‑Martel

Avocat de l'intimée :

Me Pascal Tétrault

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour les appelants :

 

                    Noms :                  David Sohmer

                                                 Julie Gaudreault-Martel

 

                    Cabinet :                Spiegel Sohmer

                                                 Montréal (Québec)

 

          Pour l'intimée :                 Myles J. Kirvan

                                                 Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

 



[1]           Rien dans les éléments de preuve produits d'un commun accord n'indique que les distributions ont donné lieu à une obligation fiscale à l'égard de qui que ce soit.

 

[2]           Le livre troisième du Code civil du Québec (articles 613 à 898) porte sur les successions. Les fiducies sont manifestement très différentes des successions; les articles 1260 à 1265 du Code civil du Québec traitent de la nature d'une fiducie. Bien entendu, un testament peut établir une fiducie, mais la succession en soi n'est pas une fiducie.

 

            Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'examiner la situation d'une succession dans les provinces de common law, je tiens à préciser que, même si les administrateurs de successions ont souvent des obligations qui s'apparentent à celles qui existent dans le cas d'une fiducie et que ces administrateurs sont parfois assimilés à des fiduciaires à certaines fins (voir par exemple la définition de « fiducie » à l'article 1 de la Loi sur les fiduciaires, L.R.O. 1990, ch. T.23), il ne me semble pas que la succession qui est ouverte au décès d'une personne établit en soi et automatiquement une fiducie.

 

[3]           Je relève que le libellé français utilise le terme « succession » pour le terme anglais « estate ». Il ressort clairement d'une lecture combinée des versions française et anglaise que la mention de « estate » inclut également une « succession » au Québec.

 

[4]           Même si la formulation pouvait donner lieu à ce résultat, ce qui n'est pas le cas, elle ne s'appliquerait pas à la Loi dans son ensemble. Cela est indiqué par le fait même que le libellé du paragraphe 104(1) de la Loi commence par la formule « Dans la présente loi [...] », alors que le passage entre parenthèses au début du paragraphe utilise les mots « à la présente sous‑section ». Compte tenu du fait que le rédacteur savait, et avait clairement déclaré, qu'une grande partie du paragraphe 104(1) serait applicable à l'ensemble de la Loi, il n'aurait pas limité les termes entre parenthèses « appelées “fiducie” » en ajoutant les mots « à la présente sous‑section » si son intention avait été que ces mots s'appliquent à l'ensemble de la Loi.

 

            Une autre indication selon laquelle les paragraphes 104(1) et 248(1) de la Loi n'ont pas pour effet d'inclure les successions parmi les fiducies est le fait que la Loi utilise les expressions « succession ou fiducie » ou « fiducie ou succession » dans de nombreuses dispositions. Voir, par exemple, les alinéas 13(7.3)b), 150(1)c), 212(1)c) et 256(4)b), les paragraphes 19(6), 44(3), 70(3) et 212(11), le sous‑alinéa 60a)(ii), et la définition de « frais personnels ou de subsistance » au paragraphe 248(1) de la version actuelle de la Loi.

[5]           Il est bien reconnu, dans l'administration de diverses lois et de divers programmes, que la plus grande conformité à la loi est obtenue au moyen d'un ensemble de mesures appropriées et progressives, y compris l'information et la sensibilisation, le contrôle quant à la conformité par des moyens tels que la vérification dans le cas de l'impôt, l'application de diverses dispositions civiles qui imposent des pénalités et, finalement, s'il y a lieu, l'application de dispositions pénales. Un tel ensemble de mesures d'application est souvent appelé le « continuum de conformité » ou le « continuum d'observation de la loi ».

 

[6]           Voir Vestey v. Inland Revenue Commissioners, [1980] A.C. 1148 (Ch. des lords), à la page 1195.

 

[7]           Bien sûr, il y a des contraintes juridiques qui se posent pour le ministre lorsqu'il agit de la sorte; il n'est pas nécessaire de les examiner en l'espèce.

 

[8]           Encore une fois, le ministre est soumis à des contraintes juridiques lorsqu'il applique le paragraphe 220(3.1) de la Loi; ces contraintes n'ont pas besoin d'être examinées en l'espèce.

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