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Dossier : 2010-2091(IT)G

ENTRE :

SAMIPAL DHALIWAL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 14 février 2012, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Matthew W. Turnell

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 de l’appelant est accueilli, avec dépens, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Edmonton (Alberta), ce 16e jour de mars 2012.

 

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2012.


 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2012 CCI 84

Date : 20120316

Dossier : 2010-2091(IT)G

ENTRE :

SAMIPAL DHALIWAL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Boyle

 

[1]             La seule question qu’il restait à trancher à l’audition du présent appel était de savoir si le contribuable avait choisi, dans la déclaration de revenus de 2007 qu’il avait produite par voie électronique, de se prévaloir de la règle de la disposition réputée énoncée au paragraphe 50(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard d’une créance irrécouvrable.

 

 

I. Les faits

 

[2]             Sur une période de plusieurs mois, en 2005, M. Dhaliwal a prêté 156 000 $ à son employeur, Mainland Sound and Communication Inc. (« Mainland »). La plupart des fonds ont été avancés au moyen de chèques émis en faveur de Mainland. Une partie des fonds ont été avancés au moyen de chèques émis en faveur de l’un des dirigeants particuliers de l’entreprise, à  la demande de celui‑ci. M. Dhaliwal croyait comprendre que le prêt était néanmoins consenti en faveur de Maindland et, à l’instruction, l’intimée n’a pas contesté la chose.

 

[3]             Les dirigeants de Mainland, les patrons de M. Dhaliwal, ont fait savoir à celui‑ci que l’entreprise éprouvait à court terme des problèmes de flux de trésorerie parce que les fournisseurs, pour des travaux précis, devaient être payés avant que les acomptes prévus dans les contrats des clients deviennent exigibles. Les prêts consentis par M. Dhaliwal devaient être remboursés à bref délai, lorsque les clients paieraient Mainland. À ce stade, il s’agissait d’une entente à l’amiable. Après qu’il eut consenti une série d’avances sur une période de quelques mois, dont aucune n’avait encore été remboursée, M. Dhaliwal a commencé à s’inquiéter fortement, au mois de juillet 2005, lorsqu’un fournisseur a refusé d’effectuer des livraisons pour un travail parce qu’il n’avait pas été payé. M. Dhaliwal avait déjà avancé de l’argent à Mainland pour que celle‑ci paie ce fournisseur particulier.

 

[4]             M. Dhaliwal a demandé conseil à un avocat. Conformément aux conseils de son avocat, il a demandé à Mainland et aux deux dirigeants de Mainland de signer, le 18 août 2005, un billet portant intérêt que son avocat avait préparé. Le billet stipulait que le prêt devait être remboursé au complet en trois versements hebdomadaires, à compter de la semaine suivante. Selon le billet, les deux dirigeants étaient solidairement responsables, avec Mainland, du paiement de la créance. Malheureusement, Mainland n’a jamais remboursé ce prêt à M. Dhaliwal et, comme il en sera ci‑dessous fait mention, M. Dhaliwal a uniquement pu recouvrer un montant fort modeste par suite de la faillite d’un des dirigeants, de sorte qu’il a perdu plus de 154 000 $.

 

[5]             Le 2 septembre 2005, la Vancity Credit Union a désigné un séquestre-gérant à l’égard de Mainland. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé une ordonnance de séquestre le 14 septembre 2005. Mainland a ensuite fait faillite. M. Dhaliwal a sans délai déposé une preuve de réclamation datée du 30 septembre 2005, à titre de créancier privilégié à l’égard des gages qui ne lui avaient pas été payés en sa qualité d’employé. Il a également déposé, dans le cadre de la faillite, une preuve de réclamation à l’égard de la créance de 156 000 $, plus les intérêts courus, à titre de créancier non garanti. Au mois de décembre 2005, l’état des recettes et des débours du syndic a été signé; il indiquait que Mainland ne possédait pas d’actifs non grevés et qu’il ne resterait aucun montant à distribuer. Au mois d’avril 2006, le syndic a déposé un avis de dividende définitif, indiquant qu’aucun montant ne serait payé, et une libération du syndic a été délivrée.

 

[6]             En 2006, M. Dhaliwal a retenu les services d’un autre avocat afin de recouvrer le montant du billet des deux dirigeants particuliers de Mainland, étant donné que ceux‑ci avaient convenu, dans le billet, d’être tenus solidairement responsables avec Mainland du montant qui était dû. Des procédures ont été engagées devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique au mois de janvier 2006. Une demande en jugement sommaire a été présentée contre les deux dirigeants. À la demande des défendeurs, la demande a été ajournée lorsqu’elle devait être entendue, au mois de mars 2006. Peu de temps après, M. Dhaliwal a reçu un avis de faillite de l’un des dirigeants, David Blom.

 

[7]             Un peu plus tard en 2006, après que M. Dhaliwal eut encore une fois consulté son avocat et ce dernier lui ayant conseillé de cesser de jeter de l’argent par les fenêtres, la décision a été prise de ne pas poursuivre l’autre dirigeant, Oscar Correa. Il a été conclu que M. Correa avait d’importants créanciers qui prenaient rang avant M. Dhaliwal, notamment des institutions financières et l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »).

 

[8]             Il a été décidé de poursuivre la réclamation que M. Dhaliwal avait présentée dans la faillite de M. Blom. M. Dhaliwal a déposé une preuve de réclamation pour la créance de 156 000 $ et il a finalement reçu un dividende s’élevant en tout à 1 670,85 $ par suite de la réclamation. Le certificat de libération (conditions remplies) concernant la faillite de M. Blom était daté du 5 février 2007.

 

[9]             M. Dhaliwal a produit sa déclaration de revenus de 2007 par voie électronique en temps opportun, à la fin du mois d’avril 2008. Dans cette déclaration, il a rempli l’annexe relative à la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (la « PDTPE »), indiquant qu’en 2007, il avait subi une perte de 154 329,15 $, (soit les 156 000 $ avancés à Mainland, moins le dividende de 1 670,85 $ provenant des actifs de la faillite de M. Blom) à l’égard du prêt consenti en 2005. La PDTPE a été calculée comme représentant la moitié de cette perte et M. Dhaliwal a déduit ce montant à titre de PDTPE dans la partie principale de sa déclaration de revenus électronique. Selon l’annexe relative à la PDTPE jointe à la déclaration de revenus, il y avait eu disposition de la créance en 2007, à la date de la libération du failli, M. Blom. Après cette date, il n’était pas raisonnable de s’attendre à recouvrer d’autres sommes à l’égard du prêt que M. Dhaliwal avait consenti à Mainland.

 

[10]        Au début du mois de mai 2008, l’ARC a envoyé à M. Dhaliwal une lettre en vue de lui demander des renseignements additionnels au sujet de la PDTPE, de façon qu’une cotisation puisse être établie à l’égard de la déclaration de revenus. Le questionnaire préimprimé de l’ARC ne prévoit même pas qu’une créance puisse réellement faire l’objet d’une disposition au moyen d’une vente en faveur d’un tiers.

 

[11]        Au mois de septembre 2008, l’ARC a envoyé à M. Dhaliwal une lettre disant que la PDTPE était refusée au complet pour la seule et unique raison que Mainland n’avait pas produit ses déclarations de revenus et que l’Agence ne pouvait donc pas établir si Mainland étant une société admissible exploitant une petite entreprise (« SEPE ») pour l’application des dispositions de la Loi concernant les PDTPE. Il est à noter que la PDTPE ne dépend pas du fait que la société emprunteuse a produit ses déclarations de revenus en vertu de la Loi. Il est également à noter que M. Dhaliwal a de fait répondu aux questions du questionnaire de l’ARC, et qu’il a décrit l’entreprise de Mainland et indiqué le nombre d’employés de Mainland, soit des renseignements nécessaires pour qu’il puisse être déterminé si une société est une SEPE admissible.

 

[12]        Par la suite, M. Dhaliwal a rencontré un représentant de l’ARC, au mois de septembre 2008, en vue d’essayer de régler la question du refus de la PDTPE. Lors de cette rencontre, il a rempli une demande de rajustement Tl dans laquelle il demandait à l’ARC d’établir, pour l’année 2007, une nouvelle cotisation visant à admettre la PDTPE. Il a rempli le formulaire lors de la rencontre, sur les conseils du représentant de l’ARC. Au mois de janvier 2009, l’ARC a envoyé à M. Dhaliwal une lettre disant que l’Agence n’était pas en mesure de faire droit à la demande de rajustement pour la seule et unique raison que Mainland n’avait pas produit ses déclarations de revenu, de sorte que l’Agence ne pouvait pas déterminer si Mainland était une SEPE admissible. L’auteur de la lettre conseillait à M. Dhaliwal de présenter une opposition s’il n’était pas d’accord.

 

[13]        M. Dhaliwal a présenté une opposition. L’opposition a été rejetée et la cotisation a été ratifiée. Selon une lettre détaillée accompagnant l’avis de ratification, l’ARC avait conclu que la créance était devenue irrécouvrable en 2005, lors de la faillite de Mainland. Il était également réitéré qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que Mainland était une SEPE admissible. L’ARC a également conclu que le prêt n’avait pas été consenti à Mainland, mais qu’il avait plutôt été consenti à M. Blom, parce qu’une preuve de réclamation pour le montant intégral de la créance avait été déposée dans la procédure de faillite de M. Blom. L’ARC a également conclu que le prêt semblait avoir été consenti entre des parties qui avaient entre elles un lien de dépendance étant donné que M. Dhaliwal était un employé de Mainland, qu’il n’avait pas obtenu de garantie pour le prêt, et que les intérêts avaient commencé à courir au moment de la signature du billet seulement. La dernière partie de la lettre de ratification disait qu’étant donné que la créance était devenue irrécouvrable en 2005, le paragraphe 50(1) de la Loi exigeait que le choix, à l’égard de la disposition réputée de la créance, soit fait en 2005 et que la demande de rajustement Tl de 2007 ne pouvait pas satisfaire à cette exigence. L’auteur de la lettre signalait d’une façon utile que, sur paiement d’une pénalité pour production tardive, le contribuable pouvait encore présenter un choix pour l’année 2005 après l’expiration du délai imparti.

 

[14]        La pénalité se serait élevée à environ 5 000 $, mais étant donné que M. Dhaliwal croyait que la créance était devenue irrécouvrable en 2007, et non en 2005, et puisque l’ARC avait tiré trois autres conclusions fort défavorables, selon lesquelles la créance ne pouvait pas satisfaire aux exigences applicables aux PDTPE, M. Dhaliwal n’a pas produit tardivement un choix pour l’année 2005 et il n’a pas payé la pénalité pour production tardive. M. Dhaliwal a sans aucun doute sagement conclu (i)  qu’il était inutile de le faire; et (ii) que cela n’amènerait  toujours pas l’ARC à lui accorder la PDTPE. Dans la présente instance, M. Dhaliwal interjette appel de la ratification par l’ARC de son opposition concernant l’année 2007.

 

[15]        Dans sa réponse, l’intimée a plaidé que M. Dhaliwal n’avait pas consenti le prêt à titre onéreux à une société sans lien de dépendance afin de gagner un revenu. L’intimée a également plaidé que Mainland n’était pas une SEPE. Elle a en outre plaidé que la perte, s’il y en avait une, n’avait pas été subie en 2007. Finalement, et pour la première fois dans le présent litige, l’intimée a soutenu que, même si la perte avait été subie en 2007, le contribuable n’avait pas fait de choix, dans sa déclaration de l’année d’imposition 2007, comme l’exige le paragraphe 50(1) de la Loi. Il est à noter qu’aucune hypothèse du ministre n’étayait cette thèse.

 

[16]        Au début de l’instruction, l’intimée a reconnu que M. Dhaliwal avait de fait consenti un prêt à titre onéreux à une SEPE, sans qu’il y ait de lien de dépendance entre les parties, afin de produire un revenu. À l’instruction, l’intimée n’a pas contesté que la perte avait été subie en 2007. Par conséquent, la seule question qu’il reste à trancher est de savoir si l’annexe relative à la PDTPE et la déduction de la PDTPE, dans la déclaration de revenus de 2007 que M. Dhaliwal a produite par voie électronique, ou la demande de rajustement T1 satisfaisaient aux exigences du paragraphe 50(1) voulant que le contribuable effectue un choix afin de déduire la perte dans sa déclaration de revenus de 2007.

 

[17]        M. Dhaliwal était tout à fait crédible lorsqu’il a témoigné et il s’est toujours montré raisonnable dans son approche. Il tenait des registres adéquats à l’appui. Il semble avoir été aussi déterminé et diligent, en cherchant à recouvrer le montant qui lui était dû, que ce à quoi on peut s’attendre d’un homme d’affaires ou d’un investisseur canadien raisonnable. Il a également été diligent, clair et logique en demandant la déduction de la PDTPE qu’il avait indiquée dans sa déclaration de revenus de 2007 à l’égard de la créance irrécouvrable. Je tiens également à ajouter qu’il a fait preuve d’énormément de compétence en agissant pour son propre compte.

 

 

II. Dispositions législatives et analyse

 

[18]        Les passages pertinents des dispositions applicables de la Loi sont les suivants :

 

39. (1) Sens de gain en capital et de perte en capital [et des pertes au titre d’un placement d’entreprise] — Pour l’application de la présente loi :

 

[…]

 

c) une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977:

(i) soit à laquelle le paragraphe 50(1) s’applique,

(ii) soit en faveur d’une personne avec laquelle il n’avait aucun lien de dépendance,

39. (1) Meaning of capital gain and capital loss [and business investment loss] — For the purpose of this Act,

 

 

. . .

 

(c) a taxpayer’s business investment loss for a taxation year from the disposition of any property is the amount, if any, by which the taxpayer’s capital loss for the year from a disposition after 1977

 

 

 

(i) to which subsection 50(1) applies, or

(ii) to a person with whom the taxpayer was dealing at arm’s length

 

[…]

 

 

. . .

 

50. (1) Créances reconnues comme irrécouvrables et actions d’une société en faillite — Pour l’application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas :

a) un contribuable établit qu’une créance qui lui est due à la fin d’une année d’imposition (autre qu’une créance qui lui serait due du fait de la disposition d’un bien à usage personnel) s’est révélée être au cours de l’année une créance irrécouvrable;

b) une action du capital-actions d’une société (autre qu’une action reçue par un contribuable en contrepartie de la disposition d’un bien à usage personnel) appartient au contribuable à la fin d’une année d’imposition et :

(i) soit la société est devenue au cours de l’année un failli au sens du paragraphe 128(3),

 

(ii) soit elle est une personne morale visée à l’article 6 de la Loi sur les liquidations, insolvable au sens de cette loi et au sujet de laquelle une ordonnance de mise en liquidation en vertu de cette loi a été rendue au cours de l’année,

(iii) soit les conditions suivantes sont réunies à la fin de l’année :

(A) la société est insolvable,

 

(B) ni la société ni une société qu’elle contrôle n’exploite d’entreprise,

(C) la juste valeur marchande de l’action est nulle,

(D) il est raisonnable de s’attendre à ce que la société soit dissoute ou liquidée et ne commence pas à exploiter une entreprise,

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l’action à la fin de l’année pour un produit nul et l’avoir acquise de nouveau immédiatement après la fin de l’année à un coût nul, à condition qu’il fasse un choix, dans sa déclaration de revenu pour l’année, pour que le présent paragraphe s’applique à la créance ou à l’action.

50. (1) Debts established to be bad debts and shares of bankrupt corporation — For the purposes of this subdivision, where

 

(a) a debt owing to a taxpayer at the end of a taxation year (other than a debt owing to the taxpayer in respect of the disposition of personal-use property) is established by the taxpayer to have become a bad debt in the year, or

 

(b) a share (other than a share received by a taxpayer as consideration in respect of the disposition of personal-use property) of the capital stock of a corporation is owned by the taxpayer at the end of a taxation year and

(i) the corporation has during the year become a bankrupt (within the meaning of subsection 128(3)),

(ii) the corporation is a corporation referred to in section 6 of the Winding-up Act that is insolvent (within the meaning of that Act) and in respect of which a winding-up order under that Act has been made in the year, or

(iii) at the end of the year,

 

(A) the corporation is insolvent,

(B) neither the corporation nor a corporation controlled by it carries on business,

(C) the fair market value of the share is nil, and

(D) it is reasonable to expect that the corporation will be dissolved or wound up and will not commence to carry on business

and the taxpayer elects in the taxpayer’s return of income for the year to have this subsection apply in respect of the debt or the share, as the case may be, the taxpayer shall be deemed to have disposed of the debt or the share, as the case may be, at the end of the year for proceeds equal to nil and to have reacquired it immediately after the end of the year at a cost equal to nil.

 

[19]        La PDTPE d’un contribuable correspond à la moitié de sa perte au titre d’un placement d’entreprise (la « PTPE »). La PTPE est définie à l’alinéa 39(1)c) de la Loi. Les sous-alinéas 39(1)c)(i) et (ii) exigent, pour que le contribuable ait une PTPE, que la perte relative à la créance ou aux actions admissibles soit subie par suite de la disposition réelle en faveur d’une personne sans lien de dépendance ou par suite d’une disposition réputée à laquelle le paragraphe 50(1) s’applique.

 

[20]        Selon le paragraphe 50(1), une créance donne lieu à une disposition réputée lorsqu’elle s’est révélée être au cours de l’année une créance irrécouvrable et que le contribuable choisit, dans sa déclaration de revenus de cette année‑là, de se prévaloir de cette disposition. Dans la version française de la Loi, l’expression « fasse un choix » est utilisée, alors que dans la version anglaise, c’est le mot « elects » qui est utilisé.

 

[21]        Il n’est plus contesté que la créance relative à Mainland est devenue irrécouvrable en 2007. Il s’agit uniquement de savoir si M. Dhaliwal a fait un choix, dans sa déclaration de revenus de 2007, pour que le paragraphe 50(1) s’applique à la disposition réputée de cette créance. Or, il n’existe aucun formulaire prévu par la Loi aux fins de l’exercice de ce choix. L’ARC ne recommande aucun formulaire à cet égard. Les déclarations de revenus élaborées par 1’ARC ne renferment aucun espace permettant d’indiquer expressément qu’un choix est fait pour que le paragraphe 50(1) s’applique, même pas dans les annexes concernant les dispositions d’immobilisations ou le calcul des PDTPE. Le contribuable peut ajouter des pages à une déclaration de revenus papier, mais les déclarations de revenus électroniques sont élaborées par 1’ARC et le contribuable ne peut pas ajouter ou joindre un nouveau formulaire, ou encore une lettre ou un document.

 

[22]        Il s’agit donc de savoir si le contribuable doit faire le choix relatif au paragraphe 50(1) en mentionnant expressément qu’il veut se prévaloir du paragraphe 50(1), ou s’il suffit qu’il choisisse d’indiquer une perte dans sa déclaration de revenus à l’égard d’une disposition réputée parce qu’il a choisi de se prévaloir du paragraphe 50(1). Dans une ère de production électronique, cela acquiert énormément d’importance puisque, s’il faut faire le choix en mentionnant expressément le paragraphe 50(1), mais qu’aucun choix de ce genre n’est prévu dans les déclarations de revenus électroniques de 1’ARC, cela voudrait dire que seuls les contribuables qui produisent une déclaration papier peuvent se prévaloir des dispositions du paragraphe 50(1) ou que 1’ARC manque à ses obligations relatives à l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[23]        La demande de rajustement T1 ne satisfait clairement pas à l’exigence voulant que le contribuable fasse son choix dans sa déclaration de revenus. De même, une opposition présentée après que la déclaration de revenus a fait l’objet d’une cotisation ne peut pas être considérée comme satisfaisant à l’exigence voulant que le contribuable fasse son choix dans sa déclaration de revenus. Si telles étaient les seules preuves indiquant qu’il avait choisi de se prévaloir des dispositions de 1’article 50, en 2007, à l’égard de la créance relative à Mainland, M. Dhaliwal ne pourrait pas avoir gain de cause et il faudrait de fait qu’il fasse un choix après l’expiration du délai imparti. Voir par exemple les décisions rendues par la Cour dans les affaires Arnold v. The Queen, 2002 DTC 1395, paragraphe 18, et Soja c. La Reine, 2007 CCI 61, 2007 DTC 584, paragraphe 15.

 

[24]        Initialement, la disposition réputée visée au paragraphe 50(1) n’exigeait pas que le contribuable choisisse de déclarer la perte qu’il avait subie à l’égard d’une créance; la chose se produisait automatiquement au cours de 1’année où la créance était devenue irrécouvrable. Par suite d’importantes modifications apportées, au cours des années 1990, au libellé des règles sur les remises de dette figurant à l’article 80, la disposition réputée visée à l’article 50 n’était plus automatique, mais s’appliquait uniquement si le contribuable choisissait de s’en prévaloir. Il ressort clairement des notes techniques du ministère des Finances accompagnant les dispositions législatives modifiées que le choix a été introduit en vue de permettre aux contribuables d’éviter les effets défavorables de la remise de dette, dans le cas d’une créance entre des sociétés liées, qu’entraînerait une disposition en vertu des nouvelles règles. Il n’a pas été soutenu que le choix a été ajouté pour que soient donnés à l’ARC un avis additionnel ainsi que des détails concernant le fait que le contribuable a calculé sa perte en se fondant sur la règle de la disposition réputée établie au paragraphe 50(1).

 

[25]        La première exigence concernant le choix visé à l’article 50 a été ajoutée encore plus tôt et elle s’appliquait uniquement aux actions. Les dispositions législatives relatives aux actions s’appliquaient rétroactivement à l’année 1985 et elles étaient donc accompagnées d’une règle transitoire qui prévoyait que, pour les années antérieures à celle au cours de laquelle la modification avait été effectuée, le contribuable pouvait faire un choix pour que la modification s’applique en donnant au ministre un avis écrit. Le choix exigé en vertu de cette règle transitoire a été examiné dans la décision Anderson v. M.N.R., 92 DTC 2296, où le juge Beaubier a dit ce qui suit :

 

Elle n’indique toutefois pas la modification ou le paragraphe précis en vertu duquel l’appelant demande la déduction des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise. Elle précise cependant que l’appelant veut que le Ministre reconnaisse que des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise ont été subies afin de pouvoir les déduire de son revenu pour 1986 et 1987. L’essentiel du message transmis dans la lettre était que l’appelant désirait déduire des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise relativement à ses actions de B & D. Ce message suffit à faire connaître le choix de l’appelant.

 

[Je souligne.]

 

[26]        Dans la décision Roy c. R., [2004] 2 C.T.C. 2519, [2002] A.C.I. no 134, le juge Tardif s’est fondé sur le passage précité de la décision Anderson pour conclure que l’argument de l’intimée, à savoir que le choix relatif au paragraphe 50(1) devait être effectué formellement et indiquer expressément que le paragraphe 50(1) s’appliquait, avait peu de chances d’être retenu et qu’il avait peut-être bien été sage d’abandonner cet argument dans cette affaire‑là. L’appel interjeté par le contribuable dans l’affaire Roy a été accueilli. Il suffisait de déduire les PDPE dans la déclaration de revenus de l’année et de les calculer compte tenu du fait que le contribuable avait choisi de se prévaloir du paragraphe 50(1).

 

[27]        Le bulletin d’interprétation IT159R3 de l’ARC intitulé : « Créances de capital reconnues comme mauvaises » traite, au premier paragraphe, des exigences énoncées au paragraphe 50(1). Il ne traite pas de la question du choix, et ce, parce que 1’ARC n’a pas révisé ce bulletin depuis 1’année 1985, à un moment où la modification, permettant aux contribuables de se prévaloir d’un choix à l’égard de la disposition en question, n’avait pas encore été effectuée.

 

[28]        Dans le guide sur les gains en capital T4037 de 1’ARC, il est dit, sous le titre : « Qu’est-ce qu’une perte au titre d’un placement d’entreprise? » : « Pour exercer ce choix [à l’égard de la disposition réputée], vous devez joindre à votre déclaration de revenus et de prestations une lettre portant votre signature et indiquant que vous exercez le choix prévu au paragraphe 50(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. »

 

[29]        L’ARC a publié à l’intention des particuliers un document appelé « TED » portant sur la production électronique, dans lequel il est dit ce qui suit : « Il n’y a pas de déclaration papier à envoyer, et, à moins que nous n’en fassions la demande, aucun reçu n’est exigé », et ensuite : « Ni vous ni [votre fournisseur de service de TED] ne devez envoyer de copie papier de votre déclaration, à moins que nous vous le demandions ».

 

[30]        L’intimée m’a demandé de conclure qu’afin de choisir de se prévaloir du paragraphe 50(1), le contribuable doit produire, avec sa déclaration de revenus, un choix dans lequel il est expressément fait mention de cette disposition. Je note que le paragraphe 50(1) exige que le choix soit effectué dans la déclaration de revenus et non avec la déclaration de revenu.

 

[31]        Étant donné qu’une déclaration de revenus produite par voie électronique ne permet pas d’ajouter un formulaire concernant le choix qui n’est pas dans la trousse électronique de l’ARC, l’intimée me demande de conclure que les contribuables qui produisent leurs déclarations par voie électronique doivent envoyer par la poste à l’ARC une lettre indiquant qu’ils font un choix à l’égard du paragraphe 50(1), en plus de la déclaration de revenus qui a été produite, à peu près au moment où celle‑ci a été produite. Je note que cela semble s’éloigner encore plus de l’exigence légale claire voulant que, quelle que soit la forme dans laquelle il est fait, ce choix doive être effectué dans la déclaration de revenus.

 

[32]        L’intimée me demande subsidiairement de conclure que la Loi, tel qu’elle est rédigée, ne permet tout simplement pas au contribuable qui produit sa déclaration par voie électronique de faire le choix relatif au paragraphe 50(1). J’hésiterais à faire un tel pas en arrière, à moins que le libellé de la Loi ne m’y oblige. Je suis franchement surpris que l’ARC me demande d’entraver la production de déclarations par voie électronique.

 

[33]        Enfin, l’intimée me demande de conclure simplement qu’eu égard aux faits de la présente affaire, M. Dhaliwal n’a pas fait de choix dans sa déclaration de revenus de 2007, sans indiquer comment il était possible de faire un choix dans une déclaration produite par voie électronique. On m’a demandé de laisser à l’ARC et au législateur le soin de régler un problème qui n’a pas été énoncé. Je crois qu’un grand nombre de Canadiens penseraient que je ne fais mon travail qu’à moitié si j’adoptais une telle approche.

 

[34]        Le libellé du paragraphe 50(1) ne m’oblige pas à arriver à la conclusion préconisée par l’intimée. Le texte du paragraphe 50(1) ne prescrit pas la forme dans laquelle le contribuable doit faire, dans sa déclaration de revenus, un choix pour que le paragraphe 50(1) s’applique et n’indique pas les modalités y afférentes. Il ressort clairement de l’historique législatif que cette disposition visait à permettre aux contribuables de faire un choix afin d’éviter dans certaines circonstances l’application non voulue des nouvelles règles sur les remises de dette et non à permettre au ministre d’obtenir les renseignements ou documents additionnels nécessaires. Je souscris au raisonnement sensé que le juge Beaubier, dans la décision Anderson, et le juge Tardif, dans la décision Roy, ont fait, à savoir que, selon l’interprétation qu’il convient de donner de l’article 50, il suffit pour le contribuable de communiquer son choix en indiquant clairement dans sa déclaration de revenus qu’il veut déduire une PDTPE à l’égard d’une créance ou d’actions particulières qui ont fait l’objet d’une disposition au cours de l’année. La même analyse s’applique également à la déclaration de revenus produite par voie électronique et à la déclaration papier. Dans ce cas‑ci, M. Dhaliwal, dans la déclaration de revenus qu’il a produite par voie électronique pour l’année 2007, demande clairement qu’une PDTPE soit déduite, en utilisant l’annexe relative aux PDTPE de l’ARC, à l’égard du prêt de 156 000 $ qu’il a consenti en 2005 et dont il a fait disposition en 2007. Il est difficile d’être plus clair.

 

[35]        Il est franchement décevant que l’ARC ait à faire appel à la Cour afin de régler la question des modalités afférentes aux choix qui sont faits dans les déclarations de revenus produites par voie électronique, lorsqu’aucun formulaire n’est prévu. Il s’agit sans aucun doute d’une question de sens commun et de programmation. La Cour peut uniquement donner une réponse conforme à la loi et au sens commun. Si l’ARC n’est pas satisfaite, elle n’a qu’à programmer différemment sa déclaration de revenus électronique. Le fait que les choses ont traîné en longueur semble constituer un usage déplorable des ressources publiques. Nous sommes en 2012, soit quatre ans plus tard, et l’ARC ne semble toujours pas s’être demandé comment elle aimerait assurer l’application de la Loi à cet égard.

 

[36]        L’appel est accueilli avec dépens.

 

Signé à Edmonton (Alberta), ce 16e jour de mars 2012.

 

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2012.


 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 84

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-2091(IT)G

 

INTITULÉ :                                      SAMIPAL DHALIWAL

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 16 mars 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Matthew W. Turnell

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                       

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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