Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2007-4851(IT)G

2006-3734(IT)G

 

ENTRE :

H. GLENN FAGAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 18 et 19 mai 2011, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Jehad Haymour

Me Dan Misutka

 

Avocats de l'intimée :

Me Gregory Perlinski

Me Marta Burns

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1992 est accueilli en partie et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints et au procès‑verbal de transaction que les parties ont signé. L'intimée a droit à 75 p. 100 de ses dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de décembre 2011.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d'avril 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 523

Date : 20111214

Dossiers : 2007-4851(IT)G

2006-3734(IT)G

 

ENTRE :

H. GLENN FAGAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              L'appel no 2006‑3734(IT)G de l'appelant a fait l'objet d'une demande présentée en vertu de l'article 173 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »); cette demande a été laissée en suspens en attendant l'audition du second appel (no 2007‑4851(IT)G). Avec le consentement des parties, les deux appels ont maintenant été réunis et seront considérés comme ne constituant qu'un seul appel.

 

[2]              H. Glenn Fagan (l'« appelant ») interjette appel d'une nouvelle cotisation du 29 octobre 1999 pour son année d'imposition 1992. En établissant la nouvelle cotisation de l'appelant, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les frais d'exploration au Canada (les « FEC »), les frais d'aménagement au Canada (les « FAC ») et les frais à l'égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz (les « FBCPG ») auxquels 991274 Ontario Ltd. (« 991 ») avait renoncé conformément aux modalités d'une convention d'émission d'actions accréditives qu'elle avait conclue avec l'appelant. Le ministre a aussi refusé 33 909 $ des 50 500 $ qui avaient été ajoutés aux frais cumulatifs d'exploration au Canada de l'appelant à l'égard du placement qu'il avait effectué relativement à des données sismiques acquises à des fins d'exploration pour utilisation par Compton Resource Corporation 1992/1993 Oil and Gas Investment Fund (« Compton »).

 

[3]              À l'instruction, l'avocat de l'intimée a informé la Cour que le ministre permettait maintenant à l'appelant de déduire, pour son année d'imposition 1992, le montant de 33 909 $ qui se rapportait au placement qu'il avait effectué dans Compton et qu'il avait ajouté à ses frais cumulatifs d'exploration au Canada.

 

[4]              Les avocats des deux parties ont également informé la Cour que celles‑ci avaient signé un procès-verbal de transaction en ce qui concerne certaines questions soulevées dans leurs actes de procédure respectifs, ce procès‑verbal ne prenant toutefois effet que si l'intimée avait gain de cause à l'égard des points litigieux non réglés débattus devant la Cour.

 

[5]              La première question est de savoir si, dans ce cas‑ci, le ministre a établi la nouvelle cotisation relative à l'année d'imposition 1992 de l'appelant en vertu d'une renonciation effectuée en vertu de la Loi.

 

[6]              Si le ministre n'est pas empêché d'établir une nouvelle cotisation, la seconde question qui a été soulevée est de savoir si l'appelant pouvait faire l'objet d'une nouvelle cotisation à l'égard des frais de ressources connexes sans que la société par actions accréditives, la société 991, fasse l'objet d'une nouvelle cotisation.

 

[7]              De plus, l'intimée a soutenu, à titre subsidiaire, que l'appelant avait fait une présentation erronée des faits ou avait commis quelque fraude au sens du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi en présentant une renonciation dans l'intention d'induire le vérificateur en erreur et que le ministre peut donc, conformément au paragraphe 152(4) de la Loi, établir une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1992 de l'appelant. Lors des plaidoiries finales, ni l'une ni l'autre des parties n'a débattu cet argument subsidiaire devant la Cour; je suppose qu'elles croyaient que la preuve n'étayerait pas une telle conclusion de la part de la Cour. Je suppose donc que cet argument a été abandonné.

 

Les faits

 

[8]              L'appelant est comptable agréé depuis l'année 1977; il était associé chez Coopers Lybrand de 1975 jusqu'à la fin de l'année 1998. L'un de ses associés chez Coopers Lybrand, M. Brian Foley, a informé l'appelant et un certain nombre d'associés du cabinet, au bureau de Toronto, de la possibilité d'effectuer un placement dans une coentreprise d'exploitation pétrolière et gazière (la « coentreprise Sierra ») avec une société de l'Alberta dénommée Sierra Trinity Inc. (la « société Sierra »).

 

[9]              Monsieur Foley avait des connaissances et de l'expérience dans ce domaine parce qu'il avait lui‑même engagé des capitaux dans des entreprises similaires, comme l'avaient également fait certains de ses associés au bureau de Calgary. M. Foley a donné à l'appelant des explications exhaustives au sujet du fonctionnement d'un tel placement. L'appelant et ses autres associés s'inquiétaient des risques possibles et de la responsabilité assumée en sus du montant assuré associés à pareille entreprise. Il a donc été décidé qu'une société par actions accréditives serait créée de façon qu'ils soient mieux protégés contre pareils risques. M. Foley a constitué la société de l'Ontario, 991, en personne morale à cette fin le 12 juin 1992. L'appelant croyait comprendre que 991 serait responsable du paiement des frais de ressources pour les actionnaires de 991 et que 991 était une société par actions accréditives.

 

[10]         L'appelant et six de ses associés, dont M. Foley, ont souscrit à des actions de 991. L'appelant a souscrit à 105 000 actions au prix d'émission d'un dollar l'action. Le 22 juillet 1992, le conseil d'administration de 991 a adopté une résolution en vue de conclure une convention d'émission d'actions accréditives avec les actionnaires. Selon cette convention, 991 devait engager, dans un délai de 24 mois, des FEC, des FAC et des FBCPG et y renoncer en faveur des actionnaires, conformément à la Loi. La convention d'émission d'actions accréditives a été conclue le 1er septembre 1992.

 

[11]         Le 2 septembre 1992, 991 a conclu une entente de coentreprise avec la société Sierra. L'entente indiquait que le programme de la coentreprise Sierra visait à assurer [TRADUCTION] « la propriété et l'exploitation de participations pétrolières et gazières, et l'acquisition de pareilles participations, ainsi que les activités d'exploration, d'aménagement et de production associées à pareilles participations ». La société 991 y était désignée à titre de participante et la société Sierra à titre d'exploitante. L'entente prévoyait que le programme de la coentreprise devait être mis en oeuvre par l'exploitante et que la participante devait avancer les fonds nécessaires à cette fin. La société 991 recevait des rapports et états trimestriels indiquant sa part des coûts des activités exercées par la société Sierra.

 

[12]         Le 23 septembre 1992, la société 991 a présenté à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») le formulaire « Renseignements concernant des actions accréditives » (T100) de la société dans lequel elle indiquait que du 1er septembre 1992 au 31 août 1994, elle prévoyait recevoir 970 000 $ au titre des FEC, 80 000 $ au titre des FAC et 105 000 $ au titre des FBCPG, et qu'elle renoncerait à ces montants.

 

[13]         Le 31 mars 1993, la société 991 a présenté la demande à renoncer aux FEC, aux FAC et aux FBCPG ainsi que le formulaire d'attribution du montant d'aide (T101), dans lequel elle indiquait que du 1er septembre au 31 décembre 1992, elle avait engagé des frais s'élevant à 885 782 $ au titre des FEC, à 25 032 $ au titre des FAC et à 70 705 $ au titre des FBCPG, montants auxquels elle renonçait. Un feuillet supplémentaire T101 a été délivré à l'appelant; ce feuillet indiquait que, le 31 décembre 1992, la société 991 renonçait en sa faveur à un montant de 80 526 $ au titre des FEC, de 2 276 $ au titre des FAC et de 6 428 $ au titre des FBCPG pour son année d'imposition 1992.

 

[14]         Dans sa déclaration de revenus de 1992, l'appelant a déduit de son revenu un montant de 92 175,60 $ au titre des frais d'exploration et d'aménagement. Dans l'annexe relative aux comptes de frais de ressources de 1992, l'appelant a indiqué plus précisément que, pour l'année 1992, il déduisait un montant de 90 850 $ au titre des FEC, de 682,80 $ au titre des FAC et de 642,80 $ au titre des FBCPG. Dans cette annexe, l'appelant indiquait également qu'il avait effectué deux ajouts à son compte de FEC en 1992, le premier de 50 500 $ (Compton) et le second, ajouté au moyen du formulaire T101, de 80 526 $ (991).

 

[15]         À un moment donné, le ministre a décidé de procéder à une vérification de la coentreprise Sierra. Dans son rapport, le vérificateur a conclu que, malgré son enquête, Sierra n'avait pas réussi à prouver que ses données sismiques étaient utilisées de façon à être admissibles au titre des FEC.

 

[16]         Au cours de la vérification, le vérificateur, M. Robert Dunbar, a dressé une liste de toutes les personnes participant à la coentreprise Sierra, y compris 991 ainsi que les actionnaires de 991. Le rapport du vérificateur indique également que le ministre n'allait pas établir de nouvelle cotisation à l'égard de Sierra; ce sont les investisseurs qui ont plutôt fait l'objet de nouvelles cotisations par lesquelles le placement qu'ils avaient effectué dans la coentreprise Sierra était refusé. M. Dunbar a déclaré qu'il avait examiné les documents permanents de 991, et probablement les déclarations de revenus de 1992 et de 1993 de 991, et qu'il avait décidé de ne pas effectuer de vérification et de ne pas établir de nouvelles cotisations à l'égard de 991. De plus, il a déclaré qu'il savait que 991, et non Sierra, avait renoncé aux FEC de la coentreprise Sierra que les actionnaires de 991 avaient déduits. M. Dunbar a également déclaré n'avoir jamais informé 991 que les frais auxquels il avait été renoncé étaient refusés.

 

[17]         Dans une lettre du 4 avril 1996 à l'appelant, M. Dunbar proposait de refuser l'ajout de 80 527 $ aux FEC de 1992 de l'appelant pour le motif qu'il n'était pas en mesure de déceler quelque fin commerciale pour les données sismiques que l'appelant avait acquises par l'intermédiaire de la coentreprise Sierra. M. Dunbar demandait des renseignements additionnels avant que la nouvelle cotisation envisagée soit établie, et vu la proximité de la date de prescription de l'année d'imposition 1992 de l'appelant, et afin de donner à l'appelant plus de temps pour présenter des observations, M. Dunbar a inclus une renonciation à l'égard de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[18]         Le texte initial de la renonciation que l'ARC avait fournie définissait ainsi la renonciation relative à l'année d'imposition 1992 de l'appelant :

 

[TRADUCTION]

 

[...] à l'égard : du calcul du revenu, du revenu net, du revenu imposable et des impôts payables relativement aux dépenses associées aux données sismiques.

 

[19]         L'ARC a envoyé une lettre similaire, par l'entremise de M. Dunbar, aux six autres personnes qui avaient engagé des capitaux dans 991, et notamment à M. Foley. Le 17 avril 1996, M. Foley a écrit à toutes ces personnes en leur faisant valoir qu'elles auraient intérêt à accepter la demande de renonciation de l'ARC, mais il proposait une renonciation modifiée qui ne viserait que la coentreprise Sierra et non d'autres coentreprises. La renonciation modifiée est rédigée ainsi :

 

[TRADUCTION]

 

[...] à l'égard :

 

du calcul du revenu, du revenu net, du revenu imposable et des impôts payables pour les dépenses associées aux données sismiques, se rapportant à la participation du contribuable à la coentreprise de Sierra Trinity Inc. de 1992.

 

[20]         Dans sa lettre, M. Foley informait également les investisseurs que les services d'un avocat avaient été retenus pour leur compte pour que celui‑ci leur indique les modalités de présentation de ces renonciations. M. Foley ajoutait que le fait que, selon la renonciation modifiée, seule la coentreprise Sierra ferait l'objet d'une nouvelle cotisation empêcherait probablement le ministre d'établir une nouvelle cotisation à l'égard des personnes qui avaient engagé des capitaux dans 991 puisque, dans leur cas, la société 991 et non Sierra avait renoncé aux frais en leur faveur. M. Foley reconnaissait cependant que cette divergence était de nature technique et que c'étaient les déductions que les investisseurs avaient effectuées qui étaient réellement contestées.

 

[21]         L'appelant croyait comprendre que la renonciation était rédigée de façon à ne pas se rapporter au placement qu'il avait effectué dans Compton. Il a également déclaré que l'objet de la renonciation était de donner à tous les investisseurs suffisamment de temps pour présenter au ministre des observations additionnelles au sujet des dépenses de la coentreprise Sierra; on supposait ou espérait qu'étant donné les préoccupations que suscitait le texte de la renonciation, en ce sens qu'elle se rapportait à la coentreprise Sierra et non à 991, il ne conviendrait pas de les assujettir à de nouvelles cotisations et il ne serait pas nécessaire de le faire. Lors du contre‑interrogatoire, malgré le problème apparent que posait le texte de la renonciation, l'appelant a indiqué qu'il savait que la difficulté qu'éprouvait le ministre à l'égard de sa déclaration de revenus de 1992 se rapportait à la déduction des frais d'exploration obtenus de 991 par l'intermédiaire de la coentreprise Sierra ainsi qu'à l'ajout de 80 527 $ au titre des FEC.

 

[22]         Lorsque l'ARC a reçu, par l'entremise de M. Dunbar, la renonciation modifiée, M. Dunbar pensait que la renonciation était acceptable même s'il savait que les frais se rattachaient à une renonciation aux frais de ressources effectuée en faveur de l'appelant par 991 et non par Sierra. M. Dunbar a examiné la renonciation avec son superviseur afin de s'assurer que la modification ne créait pas de problèmes quant à la portée de la renonciation, et son superviseur lui a dit de ne pas s'inquiéter.

 

[23]         Le 26 avril 1996, l'appelant a écrit à l'ARC pour l'informer qu'il avait retenu les services d'un avocat qui le représenterait en ce qui concerne les questions fiscales se rattachant à la coentreprise Sierra de 1992. L'appelant a témoigné que, selon lui, cette autorisation permettrait à l'avocat en question de le représenter à l'égard de la coentreprise Sierra, mais pas nécessairement à l'égard de la renonciation de 991, parce que le montant des capitaux engagés dans la coentreprise Sierra ne concordait pas avec le montant mentionné dans la renonciation.

 

[24]         Dans une lettre du 9 mai 1996, l'avocat auquel l'appelant et les autres personnes qui avaient engagé des capitaux dans 991 avaient fait appel a écrit aux trois vérificateurs responsables du dossier, annexant à sa lettre la renonciation modifiée et abordant dans la lettre les préoccupations de l'ARC en ce qui concerne les personnes qui avaient engagé des capitaux dans la coentreprise Sierra.

 

[25]         Le 4 février 1999, le ministre a envoyé à l'appelant une lettre dans laquelle il répétait sa proposition, à savoir que les déductions relatives aux FEC, aux FAC et aux FBCPG de 1992 de l'appelant se rapportant à Sierra Trinity Inc. seraient refusées. Les rajustements ont par la suite été confirmés et, le 12 avril 1999, l'appelant a signé une demande d'autorisation dans laquelle il désignait Me Haymour pour le représenter à l'égard de toutes les questions fiscales se rapportant à sa participation à la coentreprise Sierra. La renonciation non modifiée a été révoquée le 15 avril 1999. L'ARC a reçu la révocation le 17 août 1999 et un avis de nouvelle cotisation a été délivré le 29 octobre 1999. L'appelant n'a pas été pris par surprise.

 

[26]         L'avocat de l'appelant affirme que la renonciation n'autorisait pas le ministre à établir une nouvelle cotisation à l'égard des frais de 1992 de l'appelant auxquels la société avait renoncé parce que la renonciation limitait expressément la nouvelle cotisation à la participation de l'appelant à la coentreprise Sierra de 1992 et que l'appelant n'y avait pas participé. Il est en outre soutenu que le ministre a peut‑être effectivement compris que l'appelant avait déduit des frais auxquels 991 avait renoncé en sa faveur, mais qu'il avait néanmoins proposé d'assujettir l'appelant à une nouvelle cotisation pour les données sismiques que, croyait‑il, l'appelant avait acquises. L'appelant et le ministre croyaient tous deux que la véritable question sur laquelle l'ARC devait se pencher se rapportait à la renonciation effectuée par 991. Il est en outre soutenu qu'on ne peut considérer que l'appelant avait souscrit à une nouvelle cotisation non fondée du simple fait qu'il a présenté la renonciation modifiée.

 

[27]         L'avocat de l'appelant a invoqué un certain nombre de décisions rendues par différents tribunaux, lesquelles établissent qu'une erreur de forme, dans une renonciation, n'a pas pour effet d'invalider celle‑ci, alors qu'une erreur de fond invalidera une renonciation. Il a soutenu que l'incertitude, dans la renonciation de l'appelant, n'est pas une erreur de forme, mais plutôt une erreur de fond ayant pour effet d'invalider la renonciation. L'avocat a également cité des décisions établissant que lorsque le contribuable et le ministre s'entendent sur l'objet de la nouvelle cotisation, la renonciation sera valide même si elle est mal rédigée. L'appelant prend la position selon laquelle il n'existait pas d'entente de ce genre entre le ministre et lui‑même. L'avocat fait en outre valoir que le fait que le ministre a approuvé le libellé modifié de la renonciation sans déterminer l'intention de l'appelant étaye sa position, à savoir qu'il n'y avait pas eu d'entente à ce sujet.

 

[28]         L'appelant affirme également que les données sismiques correspondent à des FEC plutôt que des FAC ou des FBCPG. Il est fait mention, dans la renonciation, d'une nouvelle cotisation se rapportant uniquement aux frais de données sismiques; or, dans ce cas‑ci, le ministre a également établi une nouvelle cotisation à l'égard des FAC et des FBCPG de l'appelant, ce qui donne à entendre qu'il a établi les cotisations au fur et à mesure.

 

[29]         L'avocat de l'intimée a également invoqué un certain nombre de décisions, dont certaines étaient les mêmes que celles que l'avocat de l'appelant avait citées. Selon lui, l'approche qu'il convient d'adopter, compte tenu de ces décisions, consiste à déterminer l'intention des parties, telle qu'elle est exprimée dans la renonciation, ainsi que toute circonstance pertinente pour laquelle il existe une preuve; des erreurs de forme n'invalident pas une renonciation lorsque les circonstances montrent que les deux parties savaient ce sur quoi reposait le différend; étant donné la nature d'une renonciation, une question précisée dans une renonciation doit porter sur une question de fond opposant les parties, et en déterminant ce qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à une question précisée dans une renonciation, le point de vue d'un observateur objectif ayant connaissance de tous les faits pertinents plutôt que le point de vue subjectif de l'une ou de l'autre partie est considéré comme raisonnable; une renonciation donne aux deux parties un bénéfice, à savoir davantage de temps; finalement, l'objet d'une renonciation est de permettre l'analyse continue de la question en litige; on ne saurait s'attendre à ce que cette question soit parfaitement décrite au moment où la renonciation est rédigée, et la nouvelle cotisation doit se rapporter à l'opération ou à la question qui est à l'origine du désaccord entre les parties et au sujet de laquelle le contribuable a accepté de signer une renonciation.

 

[30]         En examinant les faits de la présente affaire à la lumière de l'approche susmentionnée, l'avocat du ministre a soutenu que l'appelant qui invoque la nullité d'une renonciation doit être en mesure de démontrer un certain préjudice, que les faits de la présente affaire ne permettent pas d'établir. L'avocat affirme en outre que le mot [TRADUCTION] « participation » figurant dans la renonciation a une portée étendue; il renvoie aux divers documents présentés à l'instruction, dans lesquels les actionnaires de 991 sont désignés à titre de [TRADUCTION] « participants » à la coentreprise Sierra de 1992. Finalement, l'avocat affirme qu'après la modification, la renonciation s'appliquait au formulaire T101 dans son ensemble, lequel s'appliquait à toutes les déductions effectuées au titre des FEC, des FAC et des FBCPG.

 

[31]         Le paragraphe 152(4) de la Loi prévoit que le ministre ne peut pas établir une nouvelle cotisation concernant l'impôt sur le revenu du contribuable après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, à moins que certaines conditions ne soient satisfaites, l'une de ces conditions étant la présentation d'une renonciation pour le compte du contribuable selon le formulaire prescrit :

 

152(4) Cotisation et nouvelle cotisation — Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

 

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

[...]

 

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année;

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[32]         Le paragraphe 152(4.01) prévoit en outre que, lorsqu'une renonciation est présentée, le ministre ne peut établir une nouvelle cotisation concernant l'impôt sur le revenu du contribuable que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à une question précisée dans la renonciation :

 

152(4.01) Cotisation à laquelle s'appliquent les alinéas 152(4)a), b) ou c) — Malgré les paragraphes (4) et (5), la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s'appliquent les alinéas (4)a), b) ou c) relativement à un contribuable pour une année d'imposition ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à l'un des éléments suivants :

 

a) en cas d'application de l'alinéa (4)a) :

 

[...]

 

(ii) une question précisée dans une renonciation présentée au ministre pour l'année;

 

[...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[33]         J'ai examiné la jurisprudence dans laquelle les dispositions relatives à la renonciation sont analysées et appliquées et, en particulier, les principes qui ont été établis aux fins de la détermination de la question de savoir s'il est raisonnable de considérer une nouvelle cotisation comme se rapportant à la question précisée dans la renonciation.

 

[34]         Le principe selon lequel il faut déterminer les intentions des deux parties, pour ce qui est du fondement de la renonciation, en analysant le libellé de celle‑ci ainsi que les circonstances pertinentes a été établi dans la décision que la Section de première instance de la Cour fédérale a rendue en 1992 dans l'affaire Solberg c. Canada, [1992] A.C.F. no 709 (QL), no T‑942‑89, 13 août 1992. Dans cette décision, la cour a conclu que la mention de la partie III avait été insérée par erreur dans la renonciation et qu'il s'agissait uniquement d'une erreur de forme qui n'invalidait pas la nouvelle cotisation concernant l'impôt de la partie I. La juge Reed a dit ce qui suit :

 

11           Après avoir examiné les arguments qui m'ont été présentés, je conclus que, dans la renonciation, la partie III y a été inscrite par erreur. Je suis arrivée à cette conclusion pour les motifs suivants : aucune preuve n'indique que le litige entre le contribuable et le ministère se rapporte à un choix de la partie III; la partie III ne s'applique qu'aux contribuables qui sont des corporations et ne peut en aucun cas s'appliquer à l'impôt sur le revenu des particuliers payable par le demandeur [...]

 

12        Il faut que j'explique davantage le premier motif susmentionné. Comme je l'ai dit, les parties ne m'ont présenté aucune preuve concernant les circonstances entourant la renonciation. L'absence de preuve est souvent un élément révélateur à considérer dans l'appréciation des faits. On peut comprendre que les dossiers de la défenderesse ne contiennent pas des notes ou d'autres indices des événements de 1980‑1984, mais il serait très improbable qu'il n'existe aucune preuve documentaire si le litige portait sur le choix de la partie III. Ni le demandeur ni la défenderesse n'ont produit de preuve concernant un tel choix. C'est un élément révélateur qu'il faut considérer. Encore plus révélateur est le fait qu'un impôt visé à la partie III ne s'applique qu'aux contribuables qui sont des corporations, ce qui n'est pas le cas du demandeur.

 

13        Ayant conclu que la mention de la partie III dans la renonciation était une erreur, je dois examiner si la renonciation est nulle aux fins de l'établissement à l'égard du contribuable d'une nouvelle cotisation portant sur l'impôt visé à la partie I. Je ne suis pas disposée à conclure de la sorte. À mon avis, l'erreur est un vice matériel qui ne nuit pas à la substance de la renonciation. Pour interpréter ce document, il convient de vérifier l'intention que les parties y ont exprimée en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes au sujet desquelles il existe une preuve. C'est la méthode qui a été adoptée pour l'interprétation des lois fiscales elles‑mêmes, voir, par exemple, l'arrêt Stubart Investments Ltd. v. The Queen, 84 D.T.C. 6305 à la page 6323 (C.S.C.).

 

14        À mon avis, il est manifeste, pour les motifs indiqués plus haut, que ce à quoi songeaient aussi bien le ministre lorsqu'il demandait plus de temps pour l'étudier que le contribuable lorsqu'il donnait son consentement en signant la renonciation c'était la réévaluation du prix de base rajusté des actions afin de calculer l'impôt que devait payer le demandeur en conséquence du gain en capital découlant de leur vente. Cette conclusion s'appuie sur le fait que ni l'avis de nouvelle cotisation envoyé par le ministre au contribuable à cet égard ni l'avis d'opposition renvoyé par ce dernier ne mentionne un impôt visé à la partie III comme l'objet réel de leur litige. L'avis d'opposition a répondu à la nouvelle cotisation sur le fonds.

 

15        Le vice résultant de l'insertion dans le formulaire de renonciation du numéro « III » au lieu du numéro « I » est comparable à celui examiné par le juge Joyal dans le jugement CAL Investments Ltd. c. Canada, supra. Dans le jugement en question, la société n'a pas apposé son sceau corporatif malgré une instruction expresse dans le formulaire de renonciation. Le juge Joyal a statué que le contribuable ne pouvait se servir de ce vice pour invoquer la nullité de la renonciation et que celle‑ci n'était pas nulle à cause du vice. Il a fait remarquer que l'apposition du sceau corporatif était une exigence seulement directrice et non impérative et que cette exigence existait au profit du ministre. Ce dernier pouvait donc, s'il le voulait, invoquer la renonciation même si le sceau corporatif n'y figurait pas.

 

16        En l'espèce, l'instruction selon laquelle il faut indiquer dans le formulaire la partie applicable de la Loi de l'impôt sur le revenu est aussi directrice et non impérative. En effet, je remarque que le texte du sous‑alinéa 152(4)a)(ii) dit expressément que la renonciation, une fois qu'elle est signée, permet de fixer l'impôt payable « en vertu de la présente partie », c'est‑à‑dire la partie I. J'accepte l'argument de l'avocat selon lequel, contrairement au vice examiné dans le jugement CAL Investments, l'instruction selon laquelle il faut indiquer dans la renonciation la partie applicable de la Loi de l'impôt sur le revenu n'existe pas simplement au profit du ministre. Elle existe au profit aussi bien du ministre que du contribuable. Néanmoins, je ne peux pas conclure qu'une erreur dans cette indication entraîne la nullité de la renonciation étant donné que, à la lumière de tout le texte de la renonciation et des circonstances qui l'entourent, dans la mesure où la preuve desdites circonstances existe, les deux parties savaient quel était leur litige. L'erreur n'a entraîné aucun préjudice pour le demandeur.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[35]         La décision Solberg a été suivie d'un certain nombre de décisions rendues en première instance et en appel. Voir Holmes c. La Reine, 2005 CCI 403. Dans cette décision, il était également fait mention de l'importance de la preuve extrinsèque dans l'analyse d'une renonciation effectuée en vertu de l'article 152 et il a été dit que l'absence de preuve peut influencer la conclusion de la cour aussi fortement que la présence d'une preuve (voir le paragraphe 12 de la décision). Les tribunaux ont examiné une preuve extrinsèque en vue d'aider à déterminer la validité d'une renonciation dans les décisions Guerette c. La Reine, [1995] A.C.I. no 1668 (QL), no 95‑47(IT)I, 19 décembre 1995, Mitchell c. La Reine, 2002 CAF 407, [2003] 2 C.F. 767, Mah c. La Reine, 2003 CCI 720, et Brown c. La Reine, 2006 CCI 381. Dans la décision Brown, le juge Mogan a dit qu'une renonciation n'est pas un contrat dont l'interprétation ne peut tenir compte d'une preuve extrinsèque et qu'au contraire, les circonstances environnantes pertinentes ont un rôle important à jouer dans son interprétation. Voici ce que le juge a dit aux paragraphes 15 et 26 de ses motifs :

 

15        L'argument de l'appelant aurait pu avoir un certain fondement s'il avait été possible d'affirmer qu'il a été pris au dépourvu par les rajustements apportés à son revenu pour 1996 dans la nouvelle cotisation visée en l'espèce. Cependant, à la lumière de l'ensemble des documents connexes et concomitants, je suis convaincu que l'appelant ne peut raisonnablement avoir été pris au dépourvu par les rajustements touchant son revenu pour 1996 effectués dans la nouvelle cotisation frappée d'appel. En réalité, les sommes énoncées dans le formulaire T7W‑C (« explication des changements ») de l'ARC (pièce R‑1, onglet 7) sont les mêmes que celles qui figurent à la page 5 de la lettre datée du 13 mars 2000 (pièce R‑1, onglet 5) que l'ARC a envoyée à l'appelant avec un double à Me MacIvor. Cette lettre est antérieure à la signature de la renonciation.

 

[...]

 

26        À mon avis, une renonciation n'est pas un contrat conclu entre un contribuable et Revenu Canada qui aurait pour effet d'écarter des éléments de preuve extrinsèques quant à son interprétation. Bien au contraire. Les circonstances pertinentes de l'espèce sont importantes pour décider si une nouvelle cotisation subséquente respecte les modalités de la renonciation.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[36]         Dans l'affaire Mah, précitée, la contribuable avait échangé des actions contre d'autres actions, et les actions acquises lors de cet échange avaient ensuite été rachetées. Le juge Rip (tel était alors son titre) a conclu que puisque la renonciation précisait qu'elle se rapportait à l'« échange d'actions » effectué par la contribuable, le ministre ne pouvait pas établir une nouvelle cotisation à l'égard de la contribuable en se fondant sur le rachat de ces actions. Le juge Rip a dit que l'expression [TRADUCTION] « à l'égard de » qui avait été utilisée dans la renonciation limitait la portée de celle‑ci à la question qui y était précisée ainsi qu'aux éléments découlant nécessairement de la question précisée, ou qui ont un rapport immédiat avec la question précisée, et qu'un échange d'actions et un rachat d'actions n'ont pas de rapport immédiat. Les paragraphes 12, 13, 14 et 16 des motifs de sa décision sont reproduits ci‑dessous :

 

12        Dans la décision Stone Container, je n'étais pas d'accord avec le contribuable et j'ai conclu que les mots « à l'égard de » limitaient l'application liée à la question précisée et le calcul de tout élément qui découle nécessairement ou qui a un rapport immédiat avec la question précisée. En vertu de l'application automatique de l'article 124, le revenu imposable a un rapport immédiat avec l'abattement d'impôt fédéral et le nouveau calcul a un rapport immédiat avec un nouveau calcul du revenu imposable et en découle nécessairement. Ce n'est pas le cas en l'espèce.

 

13        Dans la décision Stone Container, j'étais préoccupé avec les mots « à l'égard de » figurant dans le formulaire de renonciation. En l'espèce, je suis également préoccupé avec le libellé du sous‑alinéa 152(4.01)a)(ii) et avec la question de savoir si la disposition autorise qu'une nouvelle cotisation soit établie au motif « qu'il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à [...] une question précisée dans » une « renonciation ». Les mots « à l'égard de » figurant dans le formulaire normalisé de renonciation limitent l'application de la renonciation à la question précisée et, en vertu du sous‑alinéa 152(4.01)a)(ii), toutes autres questions à l'égard desquelles il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à la question précisée. En d'autres termes, les mots « à l'égard de » qui figurent dans la renonciation représentent simplement l'expression du lien raisonnable exigé par le sous‑alinéa 152(4.01)a)(ii). Il est évident que le ministre ne peut pas fonder une nouvelle cotisation sur une question de fond qui n'est pas précisée dans la renonciation, ou dont il n'est pas raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à la question de fond précisée dans la renonciation.

 

14        Dans la décision Pedwell c. Sa Majesté la Reine [C.A.F., no A‑703‑98, 12 juin 2000, 2000 D.T.C. 6405, par. 24], le juge Rothstein a expliqué ce qui suit :

 

[...] L'imposition est cependant liée à l'opération (ou est peut‑être réputée l'être), et si plus d'une opération doit former le fondement d'une cotisation, la cotisation doit refléter ce fait. Lorsque le fondement de la cotisation du ministre est une opération, la Cour ne peut pas après coup élargir la portée de la cotisation pour que celle‑ci vise également d'autres opérations.

 

[...]

 

16        En l'espèce, et contrairement aux faits de la décision Stone Container, le paragraphe 84(3) ne se rapporte aucunement au paragraphe 86(2) en vertu d'une application automatique des dispositions de la Loi. Il n'existe aucun lien entre ces deux dispositions sauf que dans la présente affaire, Mme Mah a enclenché les deux dans la même année. Un gain en capital enclenche une inclusion du revenu conformément au paragraphe 86(2) de la Loi et [un dividende réputé enclenche une inclusion du revenu conformément au paragraphe 84(3) de la Loi,] lesquelles sont deux questions de fond séparées et distinctes.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[37]         La jurisprudence donne également à entendre que lorsqu'il existe, dans une renonciation, une difficulté telle qu'un libellé défectueux, une approche objective ou fondée sur le bon sens peut aider à établir s'il est raisonnable de considérer que la question précisée dans la renonciation se rapporte à la question visée par la cotisation (voir Bailey c. M.R.N., no 88‑2034(IT), 4 juillet 1989, 2 C.T.C. 2177). Dans la décision Chafetz c. La Reine, 2005 CCI 803, le juge Miller, de la présente cour, a conclu qu'une interprétation des renonciations fondée sur le bon sens permettait de conclure qu'il était raisonnable de conclure que les FEC se rapportaient aux anciens FEAC (frais d'exploration et d'aménagement au Canada) au cours de la période pertinente. Voici ce que le juge a dit au paragraphe 19 :

 

19        Si je ne suis pas prêt à accepter l'intention déclarée de l'une ou l'autre des parties au sujet de [ce] qu'est la question précisée, il m'appartient de déterminer objectivement ce que ces mots veulent dire. Compte tenu de la nature même d'une renonciation, une « question précisée » dans une renonciation doit comporter une question de fond qui oppose les parties. Comme il en a été fait mention dans la décision Solberg v. Canada, qui est souvent citée, lorsque les deux parties savent ce qui est en litige, une erreur technique n'invalidera pas la renonciation. Il est également clair (voir la décision Mah v. Canada) que le ministre ne peut pas fonder une nouvelle cotisation sur une question de fond qui n'est pas précisée dans la renonciation. Ces décisions m'amènent à conclure que, pour déterminer ce qu'est la question précisée, je dois me demander ce qu'est la question de fond. Cette interprétation de la « question » est conforme à la définition donnée dans le Black's Law Dictionary, soit [TRADUCTION] « un sujet à l'étude ».

 

[38]         La Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge Miller, en disant que le critère applicable était de nature objective et que ce critère avait été appliqué correctement (2007 FCA 45, au paragraphe 7) :

 

[TRADUCTION]

 

Comme les appelants et M. Holmes accordaient une portée différente à la renonciation, le juge Miller a examiné comment il fallait interpréter objectivement la mention, dans la renonciation, de l'expression « frais d'exploration et d'aménagement au Canada ». C'était là le critère juridique approprié. L'application des règles de droit aux faits de l'espèce est une question mixte de droit et de fait; en l'absence d'une question de droit isolable plus générale, la décision du juge ne peut être révisée que s'il y a eu erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33).

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[39]         Il a également été conclu qu'une erreur dans le libellé d'une renonciation n'a pas nécessairement pour effet d'invalider celle‑ci. (Voir Cal Investments Ltd. c. La Reine, [1991] 1 C.F. 199, Solberg, précité, Placements T.S. inc. c. La Reine, [1993] A.C.I. no 869 (QL), no 92‑1727(IT)G, 21 décembre 1993, Gestion B. Dufresne ltée c. La Reine, [1998] A.C.I. no 656 (QL), no 96‑3882(IT)G, 5 août 1998, conf. par la Cour d'appel fédérale, [1999] A.C.F. no 829 (QL), no A‑573‑98, 25 mai 1999.) Dans l'arrêt Mitchell c. La Reine, 2002 CAF 407, [2003] 2 C.F. 767, le juge Sexton a donné un aperçu utile de la jurisprudence dans laquelle étaient analysées des renonciations contenant une erreur quelconque quant à la forme ou au fond. Aux paragraphes 34 à 37, le juge a dit ce qui suit :

 

[34]      Revenu Canada a en outre concédé que par le passé il avait l'habitude d'accepter en tant que renonciations valables les formulaires prescrits comportant des modifications et les documents autres que le formulaire prescrit. En outre, il est clair que Revenu Canada a pris la position selon laquelle une renonciation valable peut être déposée même si elle contient peut-être des renseignements cruciaux erronés. À cet égard, je mentionnerai les décisions suivantes.

 

[35]      Premièrement, dans la décision Gestion B. Dufresne Ltée c. Canada, [1998] 4 C.T.C. 2551 (C.C.I.), qui se rapportait au traitement d'un dividende réputé à titre de gain en capital, Dufresne Ltée avait déposé une renonciation à l'égard du délai normal d'établissement d'une nouvelle cotisation, mais avait indiqué la mauvaise année. En effet, elle avait mentionné l'année d'imposition 1990 au lieu de l'année d'imposition 1991, qui était l'année pertinente. Dufresne Ltée avait donc soutenu que la renonciation n'était pas valide. La Cour a statué que la demanderesse n'avait pas présenté d'éléments de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle la renonciation n'était pas destinée à s'appliquer à l'année d'imposition 1991, étant donné qu'elle avait été signée en 1994 et ne pouvait pas s'appliquer à l'année 1990 parce que le délai de prescription était déjà expiré. La Cour estimait donc qu'il s'agissait d'une erreur d'inattention. Même si la renonciation contenait des renseignements inexacts, le ministre était donc prêt à soutenir qu'elle était valable. Or, dans le cas qui nous occupe, tous les renseignements corrects nécessaires étaient inclus dans les lettres, mais le ministre a néanmoins refusé d'accepter les lettres en tant que renonciations valables.

 

[36] Deuxièmement, la décision Placements T.S. Inc. c. Canada, [1994] 1 C.T.C. 2464 (C.C.I.), se rapportait aux règles d'attribution prévues au paragraphe 56(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, telles qu'elles s'appliquaient à l'achat de biens. L'appelante avait signé une renonciation; or, il y avait incohérence entre le contenu de la renonciation et la question soulevée en appel. La renonciation visait le terrain et la cotisation portée en appel visait la bâtisse. [Cette remarque semble erronée. Dans Placements, la renonciation disait qu'elle s'appliquait au gain en capital réalisé lors de la disposition du droit d'achat.] La renonciation renfermait donc une erreur de fond. Toutefois, la Cour a statué que la cotisation n'avait pas pris le contribuable par surprise et que la nouvelle cotisation se rapportait raisonnablement à la question pour laquelle la renonciation avait été remise.

 

[37]      Troisièmement, dans la décision Solberg (S.J.) c. Canada, [1992] 2 C.T.C. 208 (C.F. 1re inst.), le contribuable avait signé une renonciation à l'égard du délai de quatre ans applicable à l'établissement d'une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1979 conformément au sous‑alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais il s'était par la suite opposé à la nouvelle cotisation parce que la renonciation s'appliquait uniquement à l'impôt prévu à la partie III de la Loi, alors que la nouvelle cotisation concernait la partie I. Dans la décision Solberg, la Section de première instance de la Cour fédérale a statué que la mention de la partie III, dans la renonciation, avait été insérée par erreur, mais qu'il s'agissait uniquement d'une erreur de forme qui n'influait pas sur le fond de la renonciation. L'approche qu'il convient d'adopter à l'égard de l'interprétation de la renonciation consiste à chercher à déterminer l'intention des parties telle qu'elle est exprimée dans ce document ainsi que par les circonstances pertinentes pour lesquelles il existe des éléments de preuve. La Cour a conclu que la renonciation n'était pas nulle par suite de l'erreur parce que les circonstances de l'affaire et le texte de la renonciation dans son ensemble montraient que les deux parties savaient quelle était la question en litige. L'approche adoptée par la Cour dans la décision Solberg devrait s'appliquer dans le cas qui nous occupe.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[40]         Les décisions susmentionnées confirment également qu'il est raisonnable de considérer une nouvelle cotisation comme se rapportant au libellé de la renonciation si la preuve montre que le fondement de la nouvelle cotisation n'a pas pris le contribuable par surprise ou si les deux parties connaissaient le fondement de la nouvelle cotisation. En d'autres termes, les tribunaux ont conclu qu'en pareil cas, ni l'une ni l'autre partie ne subira un préjudice du fait que la validité de la renonciation soit confirmée.

 

[41]         Dans la décision Solberg, précitée, il a été conclu que l'approche qu'il convient d'adopter consiste à déterminer l'intention des parties quant à l'objet de la nouvelle cotisation en analysant le libellé de la renonciation ainsi que toute circonstance pertinente. L'ambiguïté que l'appelant a invoquée découle du fait qu'il n'était pas un participant à la coentreprise Sierra de 1992 parce qu'il n'y avait pas directement engagé de capitaux, puisque les capitaux avaient plutôt été engagés par l'intermédiaire de 991. Selon la thèse du ministre, l'appelant était un participant indirect.

 

[42]         Dans sa première lettre (du 4 avril 1996), qui portait sur la nouvelle cotisation projetée de l'appelant, le ministre décrit la question donnant lieu à cette nouvelle cotisation comme se rapportant aux [TRADUCTION] « données sismiques acquises par vous [...] par l'intermédiaire d'une coentreprise exploitée par Sierra Trinity Inc. ». Il ajoute ce qui suit : [TRADUCTION] « Nous envisageons de refuser l'ajout de frais d'exploration au Canada [...] de 80 527 $. » Le ministre n'a pas décrit avec précision le mécanisme exact du placement que l'appelant avait effectué dans la coentreprise Sierra, mais il me semble qu'il est suffisamment clair que l'objet de la nouvelle cotisation se rapportait aux frais de données sismiques et au montant y afférent.

 

[43]         L'objet de la nouvelle cotisation projetée était probablement clair, aux yeux de l'appelant, lorsque Brian Foley a envoyé à celui‑ci ainsi qu'aux autres investisseurs, le 17 avril 1996, une note dans laquelle il déclarait croire que chacun d'eux avait reçu une lettre de Revenu Canada indiquant que Revenu Canada avait besoin de renseignements au sujet de [TRADUCTION] « ce placement ». On ne sait pas trop si M. Foley parlait de la coentreprise Sierra ou du placement effectué dans 991, mais le contexte de la lettre, qui visait à assurer le suivi auprès des actionnaires au sujet de la demande de renseignements concernant les frais de données sismiques que le ministre avait faite, donne à entendre qu'il parlait de la coentreprise Sierra même si le placement avait été effectué d'une façon indirecte. À mon avis, la mention de [TRADUCTION] « ce placement » était claire aux yeux de l'appelant, même s'il n'avait pas directement investi de capitaux dans la coentreprise Sierra.

 

[44]         Dans la même note, M. Foley indiquait qu'il joignait une renonciation modifiée limitant expressément à la coentreprise Sierra la demande de Revenu Canada et qu'aucune autre coentreprise n'était visée. L'appelant a témoigné qu'il croyait que l'ajout visait à faire une distinction entre les nouvelles cotisations concernant ses deux placements, l'autre placement ayant été effectué dans Compton. Dans la note, il était également expliqué que le libellé de la renonciation était simplement une question de forme et que le fond réel de la question se rapportait aux déductions que les investisseurs avaient effectuées. Cette lettre démontre que les investisseurs, y compris l'appelant, comprenaient le fond de la question qui a donné lieu à la nouvelle cotisation, ou du moins que des éclaircissements leur avaient été donnés.

 

[45]         L'appelant, lorsqu'il a envoyé, le 26 avril 1996, une demande d'autorisation disant qu'il avait retenu les services d'un avocat pour le représenter, a précisé que c'était [TRADUCTION] « à l'égard de questions fiscales concernant la coentreprise Sierra Trinity de 1992 ». Les termes utilisés semblent indiquer que l'appelant comprenait que la question fiscale, dans son cas, était liée à la coentreprise Sierra, et l'autorisation était valide étant donné que son avocat était autorisé à agir pour son compte en traitant avec l'ARC au sujet de cette question.

 

[46]         Lors de son contre‑interrogatoire, l'appelant a déclaré qu'il croyait comprendre que l'autorisation permettait à son avocat de traiter avec l'ARC uniquement à l'égard de la coentreprise Sierra et non à l'égard de la renonciation effectuée par 991, parce qu'il y avait une [TRADUCTION] « absence de lien » entre les frais en question auxquels il avait été renoncé et la coentreprise Sierra. Le problème que pose cette explication est le suivant : si tel était le cas, l'autorisation aurait uniquement permis à l'avocat de dire à l'ARC que l'appelant n'était pas membre de la coentreprise Sierra parce que, selon la thèse de celui‑ci, il n'y aurait pas eu d'autre lien entre l'appelant et la coentreprise. Le vérificateur, Robert Dunbar, a témoigné que l'avocat ne lui avait jamais dit que l'appelant n'avait pas engagé de capitaux dans la coentreprise Sierra. Je reconnais que son témoignage a fait l'objet d'une objection fondée sur le fait qu'il s'agissait de ouï‑dire, mais le témoignage est néanmoins digne de foi s'il est tenu compte de la lettre que l'avocat a envoyée à l'ARC le 9 mai 1996, dans laquelle il est fait mention de l'appelant en sa qualité de personne ayant engagé des capitaux dans la coentreprise Sierra, en sa qualité de coentrepreneur et en sa qualité de membre de la coentreprise. L'avocat a également dit qu'il allait transmettre les renonciations concernant [TRADUCTION] « tous les membres de la coentreprise » et il a joint un tableau dans lequel figure le nom de l'appelant à titre d'investisseur dont la renonciation a été transmise.

 

[47]         En ce qui concerne les années 1996 à 1999, l'appelant a toujours parlé de sa participation à la coentreprise Sierra. Le 12 avril 1999, l'appelant a envoyé une lettre à l'ARC, disant qu'il autorisait Me Jehad Haymour à le représenter à l'égard de toutes les questions fiscales se rapportant à sa participation à la coentreprise Sierra. L'appelant a continué à faire cette déclaration ambiguë, dans laquelle il se présentait à l'ARC comme étant un participant à la coentreprise Sierra. Tout cela donne à entendre que le mot [TRADUCTION] « participation » était considéré comme suffisamment large pour décrire correctement la situation de l'appelant en ce qui concerne la coentreprise Sierra, et que l'appelant était d'une façon ou d'une autre un participant.

 

[48]         Il a été conclu que lorsque la question visée par la nouvelle cotisation a un rapport immédiat avec la question précisée dans la renonciation ou en découle nécessairement, la renonciation aura pour effet de valider la nouvelle cotisation (voir Mah, précité). En l'espèce, la nouvelle cotisation se rapportait aux frais de données sismiques que l'appelant avait reçus de la société par actions accréditives, la société 991. La société 991 n'exerçait pas elle-même d'activités, que ce soit au sein de la coentreprise ou indépendamment de celle‑ci, de sorte que ces frais pouvaient uniquement avoir été engagés par 991 par l'intermédiaire de la coentreprise qu'elle exploitait avec la société Sierra. L'appelant était un actionnaire de 991, et 991 participait à la coentreprise avec la société Sierra. La question précisée dans la renonciation se rapportait essentiellement aux frais de données sismiques se rattachant au lien que l'appelant avait avec la coentreprise Sierra. Il semble donc qu'il existe un rapport immédiat entre la question précisée dans la renonciation et la question qui faisait l'objet de la nouvelle cotisation, ou que les frais de données sismiques de l'appelant qui avaient fait l'objet de la nouvelle cotisation découlaient nécessairement de la coentreprise Sierra dont il était fait mention dans la renonciation.

 

[49]         D'autres décisions susmentionnées confirment qu'il convient d'utiliser une approche objective fondée sur le sens commun pour déterminer le sens des termes de la renonciation. Le mot anglais « participation » (participation) est défini dans le dictionnaire Black's Law Dictionary, 8e édition, comme étant essentiellement le fait de [TRADUCTION] « prendre part » à quelque chose :

 

[TRADUCTION]

 

1.         Action de prendre part à quelque chose, comme une société de personnes, un crime ou un procès.

 

2.         Le droit d'un employé de recevoir une partie des bénéfices d'une entreprise; participation aux bénéfices. Voir participation conjointe. [...]

 

[50]         Les mots « participate » (participer) et « participation » (participation) sont définis d'une façon générale dans le dictionnaire Oxford Dictionary comme le fait [TRADUCTION] d'« être en cause dans quelque chose » ou de [TRADUCTION] « prendre part à quelque chose » :

 

[TRADUCTION]

 

Participer

 

1.         être en cause; prendre part : Des milliers de personnes participent à une grève à l'échelle nationale.

 

2.         (participer de) vieux, avoir ou posséder (une qualité particulière) : Les deux membres participent de l'harmonie.

 

Participation

 

-           action de prendre part à quelque chose : participation aux activités de la chapelle.

 

[51]         Les mots « participate » (participer) et « participation » (participation) sont définis dans le dictionnaire Merriam‑Webster Dictionary comme s'entendant d'une façon générale du fait [TRADUCTION] d'« avoir une part de quelque chose ».

 

[TRADUCTION]

 

Participer

 

1.         posséder certains des attributs d'une personne, d'une chose, ou d'une qualité

 

2.         a : prendre part

            b : avoir une part de quelque chose

 

Participation

 

1.         action de participer

 

2.         fait d'être intégré à un ensemble plus important

 

[52]         Ces définitions tirées de dictionnaires, d'un point de vue objectif, peuvent avoir un sens suffisamment large pour s'appliquer à la situation de l'appelant pour ce qui est de la coentreprise Sierra. L'appelant et son associé comptable, Brian Foley, ont témoigné avoir initialement eu l'intention d'engager directement des capitaux dans la coentreprise Sierra, la société 991 ayant été établie afin de les protéger contre les risques. De plus, l'expression [TRADUCTION] « participation à » était souvent utilisée par l'appelant, par son associé comptable et par son avocat, qui estimaient qu'elle décrivait adéquatement la situation pour ce qui est des frais de données sismiques de 1992. Si tel n'avait pas été le cas, on s'attendrait à ce qu'après avoir reçu la lettre du 4 avril 1996 de M. Dunbar, l'appelant avise l'ARC qu'il n'avait rien à voir avec les achats de données sismiques. Il me semble que l'objet de la nouvelle cotisation était clair aux yeux de l'appelant, et ce, malgré la description erronée des faits.

 

[53]         Il a été jugé que l'objet d'une renonciation est de répondre à une situation urgente, lorsque le délai de prescription est sur le point d'expirer, et que l'on ne saurait s'attendre à ce que la renonciation soit rédigée d'une façon parfaite (voir Placements T.S. inc., précité) parce que les questions visées par la nouvelle cotisation sont toujours à l'étude. Malgré la description erronée, je conclus que la véritable question de fond, en ce qui concerne l'objet de la renonciation et de la nouvelle cotisation, était claire pour toutes les parties. L'appelant savait exactement quelle était la partie de son impôt sur le revenu de 1992 que le ministre voulait assujettir à une nouvelle cotisation et, en signant la renonciation, il a accepté que l'on procède à une nouvelle cotisation.

 

[54]         L'appelant a reconnu avoir été déçu, sans pour autant être surpris, lorsque les rajustements effectués par l'ARC ont été confirmés dans l'avis de nouvelle cotisation du 29 octobre 1999, pour ce qui est de son année d'imposition 1992.

 

[55]         Je conclus que le libellé de la renonciation correspond à la nouvelle cotisation relative aux FEC de 1992 de l'appelant. Le ministre a également établi une nouvelle cotisation à l'égard des FAC et des FBCPG, mais ces éléments étaient clairement exclus de la renonciation et n'ont jamais fait partie de la proposition initiale d'établir une nouvelle cotisation, à la suite de laquelle l'appelant a signé la renonciation. Selon le libellé de la renonciation, le ministre n'a pas le droit d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de ces deux derniers éléments.

 

Le ministre était‑il tenu de procéder à une vérification à l'égard de 991 et d'assujettir 991 à une cotisation avant de pouvoir contester la renonciation et établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant?

 

[56]         L'appelant prend la position selon laquelle, indépendamment de la question de la renonciation, le ministre a eu tort d'établir une nouvelle cotisation à l'égard des FEC que l'appelant avait obtenus au moyen de la renonciation effectuée par 991, parce que le ministre n'a pas d'abord effectué de vérification ou établi de nouvelle cotisation à l'égard de 991.

 

[57]         L'appelant soutient que les paragraphes 66(12.6) à 66(12.75) de la Loi renferment un code exhaustif en ce qui concerne la renonciation aux frais de ressources et leur réduction. Selon ce code :

 

a)       les frais de ressources continuent à être ceux de la société aux fins de la renonciation et de toute contestation y afférente;

 

b)      le code prévoit un mécanisme, au paragraphe 66(12.73), indiquant la façon dont les frais de ressources doivent être contestés.

 

[58]         L'appelant fait valoir que les paragraphes 66(12.6), (12.62) et (12.64) prévoient qu'une société par actions accréditives peut renoncer aux frais de ressources en faveur d'un contribuable s'il est satisfait à certaines exigences. L'une des exigences est énoncée au paragraphe 66(12.68) : la société doit présenter un formulaire T100 (Renseignements concernant des actions accréditives) et un formulaire T101 (Demande à renoncer aux FEC, aux FAC, aux FBCPG, etc.), comme il en est fait mention au paragraphe 66(12.7). L'appelant prend la position selon laquelle ces exigences sont imposées à la société afin de permettre au ministre de déterminer d'une façon appropriée à quel moment et par qui les renonciations sont effectuées et qui a demandé les déductions pertinentes.

 

[59]         L'appelant soutient en outre qu'en vertu des paragraphes 66(12.61), 66(12.63) et 66(12.65), les frais de ressources précis auxquels il est renoncé sont réputés avoir été engagés par le contribuable et que les FEC, les FAC et les FBCPG « sont réputés, à compter de la date où la renonciation prend effet, n'avoir jamais été engagés par la société ». Ces dispositions montrent qu'il faut tenir compte de la société en contestant la renonciation. Les mots « except for the purpose of that renunciation » (sauf aux fins de la renonciation) figurant dans la version anglaise indiquent clairement qu'aux fins de la renonciation et de toute contestation y afférente, les frais sont ceux de la société. Si le fisc veut contester la renonciation, ce que le ministre fait dans le cas de l'appelant, le ministre doit examiner ce que la société a fait. Si le législateur avait voulu que l'examen de la renonciation se rapporte uniquement à l'actionnaire, les mots « except for the purpose of that renunciation » ne seraient pas nécessaires ici. Les principes d'interprétation légale exigent qu'il ne soit pas fait abstraction de ces mots.

 

[60]         L'appelant affirme que cette approche est également conforme à la façon dont ces frais sont comptabilisés pour les besoins de l'impôt. En vertu des articles 66.1, 66.2 et 66.4, les frais de ressources que la société engage sont ajoutés à ses frais cumulatifs d'exploration au Canada, à ses frais cumulatifs d'aménagement au Canada, et à ses frais cumulatifs à l'égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz. Les montants ajoutés peuvent être plus élevés que ce à quoi il est renoncé. Une fois qu'il y a renonciation des frais, les montants cumulatifs sont réduits d'autant. Si les montants auxquels il a été renoncé ne sont pas des montants auxquels il a dûment été renoncé en faveur de l'actionnaire, le ministre est néanmoins tenu de déterminer le traitement fiscal de ces montants entre les mains de la société.

 

[61]         L'appelant fait en outre valoir ce qui suit :

 

a)       Il est également important de noter que la définition des FEC est large, mais que seuls certains types de FEC mentionnés au paragraphe 66(12.66) sont admissibles aux fins de la renonciation en vertu du paragraphe 66(12.6). Par conséquent, même si la renonciation est refusée pour certains montants se rattachant aux FEC, ces montants pourraient néanmoins être des FEC valides de la société, qui font partie des frais cumulatifs d'exploration au Canada de la société. Si aucune vérification n'est effectuée à l'égard de la société, les renonciations qui ont été refusées ne sont pas réintégrées dans les comptes de la société.

 

b)      Les dispositions figurant aux paragraphes 66(12.71) et (12.6) prévoient que la société peut uniquement renoncer aux montants qu'elle aurait eu le droit de déduire elle‑même, si ce n'était de la renonciation.

 

c)       Le paragraphe 66(12.73) indique ce qu'une société doit faire lorsqu'elle renonce à des frais de ressources excédentaires : la société doit présenter un état, de façon que le ministre puisse réduire les montants excédentaires auxquels il a été renoncé.

 

[62]         Selon l'appelant, compte tenu des dispositions susmentionnées, le ministre est tenu, pour contester les frais, de procéder à un examen des dépenses engagées par la société, et si les dépenses ne sont pas des dépenses auxquelles il peut être renoncé en faveur des actionnaires, le ministre doit déterminer le traitement à accorder à ces dépenses entre les mains de la société. La société est également tenue de présenter des formulaires lorsqu'il a été renoncé à des frais excédentaires, et elle peut contester le refus de ces frais indépendamment de toute contestation de la part des actionnaires.

 

[63]         L'appelant affirme que, dans son cas, le ministre était tenu d'effectuer d'abord une vérification à l'égard de 991 afin de déterminer si les frais de ressources étaient des frais auxquels 991 pouvait renoncer en faveur de ses actionnaires et, s'ils ne l'étaient pas, le ministre devait déterminer comment ces frais devaient être traités entre les mains de 991. Les FEC qui ont été refusés à l'appelant pourraient néanmoins être admissibles à titre de dépenses valides de 991 que cette dernière pourrait déduire elle‑même. Le ministre était également tenu d'informer 991 de toute réduction de ses frais de ressources qui pouvaient faire l'objet de la renonciation et devait faire formellement une demande pour que la société lui présente l'état pertinent en vertu du paragraphe 66(12.73).

 

[64]         L'appelant invoque la décision que la Cour de l'impôt a rendue en 2005 dans l'affaire Forsberg c. La Reine, 2005 CCI 591, laquelle fait selon lui autorité à l'appui de la thèse selon laquelle c'est la vérification antérieure de la société qui donne au ministre un fondement permettant à celui‑ci de contester la renonciation. L'appelant cite le paragraphe 9 de la décision, dans lequel le juge Paris dit qu'un contribuable ne peut pas être lié par une nouvelle cotisation établie à l'égard d'un autre contribuable.

 

[65]         Selon l'appelant, la décision Forsberg montre que toute cotisation réduisant les montants auxquels il a été renoncé dans le cas d'actions accréditives est une cotisation dérivée, ou est assimilable à une cotisation dérivée; c'est la cotisation que le vérificateur a établie à l'égard d'un autre contribuable (p. ex., la société) qui donne lieu à la cotisation dont le détenteur des actions accréditives fait l'objet. L'appelant dit que, comme c'est le cas pour la cotisation prévue à l'article 160 concernant la responsabilité solidaire de l'auteur et du bénéficiaire d'un transfert, un détenteur d'actions accréditives a le droit de contester une cotisation établie à l'égard de la société relativement aux frais auxquels il a été renoncé. Toutefois, la cotisation ou la détermination doit d'abord s'appliquer à la société. Dans la décision Forsberg, la Cour a mentionné, à l'appui de cette position, la décision que la Cour d'appel fédérale avait rendue dans l'arrêt Gaucher c. La Reine, [2000] A.C.F. no 1869 (QL), no A‑275‑00, 16 novembre 2000, qui se rapportait à une cotisation établie en vertu de l'article 160. L'appelant invoque également l'affaire Mickleborough c. La Reine, [1998] A.C.I. no 687 (QL), no 95‑2773(IT)G, 13 août 1998, dans laquelle une vérification avait donné lieu à l'établissement d'un tableau révisé de répartition des FEC et d'une nouvelle cotisation subséquente à l'égard du contribuable, ce à quoi le contribuable s'était opposé.

 

[66]         Selon l'argument de l'appelant, ces décisions établissent que le ministre devait d'abord procéder à une vérification et à une nouvelle cotisation à l'égard de 991 et produire un tableau révisé de répartition des frais en vertu du paragraphe 66(12.73). Si cela n'est pas requis, le paragraphe 66(12.73) et certains termes des paragraphes 66(12.61), (12.63) et (12.65) deviennent redondants et la société 991 se voit refuser le droit de contester la détermination du ministre et le droit de réintégrer les frais de ressources pertinents dans ses registres.

 

[67]         L'intimée soutient que le ministre n'était pas tenu d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de 991 avant d'assujettir l'appelant à une nouvelle cotisation. Le résultat d'une renonciation valide est que le détenteur d'actions accréditives a le droit de demander la déduction de frais engagés par la société exploitant une entreprise principale comme si ces frais avaient été engagés par l'actionnaire. Selon les paragraphes 66(12.61), (12.63) et (12.65), ces frais sont réputés ne jamais avoir été des frais de la société. Une fois qu'il est renoncé aux frais, il ne reste plus de frais de la société que le ministre puisse refuser. L'expression « except for the purposes of that renunciation » figurant dans la version anglaise du paragraphe 66(12.61) se rapporte uniquement aux questions de renonciation, comme la question de savoir si la société est une société exploitant une entreprise principale, si les actions étaient de véritables actions accréditives ou si une contrepartie appropriée a été versée. Par conséquent, la société n'a aucun intérêt direct dans un appel lorsque le ministre refuse la déduction des frais auxquels il a été renoncé. La décision Ressources Orco Inc. c. La Reine, 94 D.T.C. 6642, de la Section de première instance de la Cour fédérale, établit qu'indépendamment de tout changement de la situation fiscale du détenteur d'actions accréditives, la situation fiscale de la société sera préservée.

 

[68]         L'intimée affirme que l'appelant et la société n'ont subi aucun préjudice par suite de la décision du ministre d'assujettir l'appelant à une nouvelle cotisation sans d'abord établir une nouvelle cotisation à l'égard de la société. L'intimée invoque la décision que la présente cour a rendue en 1995 dans l'affaire Donat Flamand inc. c. M.R.N., 95 D.T.C. 253, à l'appui de la thèse selon laquelle l'appelant pouvait faire l'objet d'une cotisation sans qu'il soit nécessaire d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de la société et que tout montant découlant de la nouvelle cotisation dont la société fait l'objet peut être examiné lors de l'appel interjeté par l'appelant.

 

[69]         L'intimée se reporte à la décision Forsberg, précitée, dans laquelle il a été conclu qu'il serait contraire aux principes de justice naturelle de ne pas permettre au contribuable de contester le fondement d'une cotisation dont il fait l'objet, fondement qui reposait essentiellement sur la cotisation établie à l'égard de la société par actions accréditives qui avait renoncé à des frais en faveur du contribuable. Le contraire devrait également être vrai.

 

[70]         Enfin, l'intimée soutient qu'aucune disposition de la Loi n'exige que le ministre établisse une nouvelle cotisation à l'égard de la société par actions accréditives avant d'assujettir l'actionnaire à une nouvelle cotisation. Le paragraphe 66(12.73) prévoit certains recours lorsque la société a renoncé à plus que ce à quoi elle pouvait renoncer, mais il ne s'agit pas d'une condition préalable à l'établissement d'une nouvelle cotisation à l'égard d'un actionnaire. Le paragraphe 66(12.73) prévoit une vérification du formulaire T101 lors de laquelle les montants auxquels il a été renoncé seraient examinés et permet à la société de faire des rajustements, à défaut de quoi elle pourra faire l'objet d'une révision de la part du ministre. La disposition s'applique à un différend entre la société et le ministre, mais non entre l'actionnaire et le ministre, et elle n'est pas pertinente en l'espèce.

 

[71]         Le programme d'actions accréditives et de frais de ressources pouvant faire l'objet d'une renonciation est décrit d'une façon générale aux paragraphes 66(12.6) à 66(12.75) de la Loi. Le paragraphe 66(12.6) décrit les FEC auxquels il peut être renoncé dans le cas d'actions accréditives. Cette disposition est libellée ainsi :

 

66(12.6) Lorsque, conformément à une convention, une personne paie une action accréditive à la société qui l'émet en sa faveur et que la société engage des frais d'exploration au Canada au cours de la période commençant à la date de conclusion de la convention et se terminant 24 mois après la fin du mois qui comprend cette date, la société peut, en ce qui concerne cette action, après s'être conformée au paragraphe (12.68), renoncer en faveur de cette personne, avant mars de la première année civile commençant après cette période, à l'excédent éventuel de la partie de ces frais (appelée « frais déterminés » au présent paragraphe) qui a été engagée au plus tard à la date où la renonciation prend effet — à savoir le jour où la renonciation est faite ou, s'il est antérieur, le jour de prise d'effet précisé dans le formulaire requis par le paragraphe (12.7) —, sur le total des montants suivants :

 

a) tout montant à titre d'aide que la société a reçu, est en droit de recevoir ou peut raisonnablement s'attendre à recevoir à un moment donné et qu'il est raisonnable de rattacher aux frais déterminés ou à des activités d'exploration au Canada s'y rapportant, à l'exclusion des montants à titre d'aide qu'il est raisonnable de rattacher aux frais visés aux alinéas b) ou b.l);

 

b) ceux des frais déterminés qui constituent des frais généraux d'exploration et d'aménagement au Canada de la société visés par règlement;

 

b.1) ceux des frais déterminés qui représentent le coût ou le coût d'utilisation de données sismiques, selon le cas :

 

(i) qui ont été acquises, autrement que par suite de l'exécution de travaux qui les ont créées, par une autre personne avant que le coût soit engagé,

 

(ii) relativement auxquelles un droit d'utilisation avait été acquis par une autre personne avant que le coût soit engagé,

 

(iii) qui découlent, en totalité, ou presque, de travaux exécutés plus d'un an avant que le coût soit engagé;

 

c) les montants au titre de ces frais auxquels, au plus tard le jour où la renonciation est faite, il est par ailleurs renoncé en vertu du présent paragraphe.

 

Cet excédent ne peut toutefois ni dépasser l'excédent éventuel du montant payé pour l'action sur le total des autres montants concernant l'action auxquels la société a renoncé en vertu du présent paragraphe ou des paragraphes (12.601) ou (12.62) au plus tard le jour où la renonciation est faite, ni dépasser l'excédent éventuel du montant des frais cumulatifs d'exploration au Canada de la société à la date où la renonciation prend effet — calculé compte non tenu des montants auxquels il a été renoncé en vertu du présent paragraphe le jour où la renonciation est faite — sur le total des montants auxquels il a été renoncé en vertu du présent paragraphe en ce qui concerne d'autres actions, d'une part, le jour où la renonciation est faite et, d'autre part, avec effet au plus tard à la date où la renonciation prend effet.

 

[72]         Le paragraphe 66(12.61) prévoit que lorsqu'une société renonce à des FEC en vertu du paragraphe 66(12.6), ces frais seront réputés n'avoir jamais constitué des FEC de la société. Le paragraphe 66(12.61) est libellé ainsi :

 

66(12.61) Sous réserve des paragraphes (12.69) à (12.702), dans le cas où une société renonce à un montant en faveur d'une personne en vertu des paragraphes (12.6) ou (12.601) :

 

a) les frais d'exploration au Canada ou les frais d'aménagement au Canada auxquels ce montant se rapporte sont réputés être des frais d'exploration au Canada de ce montant engagés par cette personne à la date où la renonciation prend effet;

 

bles frais d'exploration au Canada ou les frais d'aménagement au Canada auxquels ce montant se rapporte sont réputés, à compter de la date où la renonciation prend effet, n'avoir jamais été engagés par la société.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[73]         Les FAC auxquels il peut être renoncé dans le cas d'actions accréditives sont décrits au paragraphe 66(12.62) et l'effet de la renonciation est décrit au paragraphe 66(12.63). Les FBCPG auxquels il pouvait être renoncé étaient décrits au paragraphe 66(12.64) (abrogé en 1997); l'effet de la renonciation était décrit au paragraphe 66(12.65).

 

[74]         Le paragraphe 66(12.73) énonce un ensemble de règles :

 

66(12.73) Réductions — Dans le cas où un montant auquel une société a censément renoncé en faveur d'une personne en vertu des paragraphes (12.6), (12.601) ou (12.62) excède celui auquel elle pouvait renoncer en vertu de ces paragraphes, les règles suivantes s'appliquent :

 

ala société est tenue de présenter au ministre un état sur le formulaire prescrit si, selon le cas :

 

(i) le ministre lui en fait formellement la demande par écrit,

 

(ii) l'excédent découle d'une renonciation censément effectuée au cours d'une année civile en vertu des paragraphes (12.6) ou (12.601) par l'effet du paragraphe (12.66) [frais engagés au cours des 60 premiers jours] et, à la fin de l'année, la société avait ou aurait dû avoir connaissance de tout ou partie de l'excédent;

 

b) en cas d'application du sous‑alinéa a)(i), l'état doit être présenté au plus tard 30 jours après l'envoi de la demande;

 

c) en cas d'application du sous‑alinéa a)(ii), l'état doit être présenté avant mars de l'année civile subséquente;

 

d) sauf pour l'application de la partie XII.6, tout montant ayant censément fait l'objet d'une renonciation en faveur d'une personne est réputé, une fois l'état présenté au ministre, avoir toujours été réduit de la partie de l'excédent indiquée dans l'état concernant cette renonciation;

 

e) lorsqu'une société, dans l'état, n'applique pas la totalité de l'excédent en réduction d'un ou plusieurs montants auxquels il a censément été renoncé, le ministre peut réduire le montant total auquel la société a censément renoncé en faveur d'une ou plusieurs personnes du montant de l'excédent inappliqué, auquel cas le montant auquel il a censément été renoncé en faveur d'une personne est réputé, après le moment de la réduction, sauf pour l'application de la partie XII.6, avoir toujours été réduit de la partie de l'excédent inappliqué que le ministre a attribuée à la personne.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[75]         Deux autres dispositions sont pertinentes. Le paragraphe 152(4.3) de la Loi prévoit que, lorsqu'une cotisation ou une décision d'appel a pour effet de modifier un solde applicable à un contribuable pour une année d'imposition, le ministre peut ou, si le contribuable en fait la demande par écrit, doit établir une nouvelle cotisation à l'égard du contribuable dans un délai prescrit. Le paragraphe 152(4.3) prévoit ce qui suit :

 

152(4.3) Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), lorsqu'une cotisation ou une décision d'appel a pour effet de modifier un solde donné applicable à un contribuable pour une année d'imposition donnée, le ministre peut ou, si le contribuable en fait la demande par écrit, doit, avant le dernier en date du jour d'expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour une année d'imposition subséquente et de la fin du jour qui tombe un an après l'extinction ou la détermination de tous les droits d'opposition ou d'appel relatifs à l'année donnée, établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt, des intérêts ou des pénalités payables, ou déterminer de nouveau un montant réputé avoir été payé, ou payé en trop, en vertu de la présente partie par le contribuable pour l'année subséquente, mais seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que la nouvelle cotisation ou la détermination se rapporte à la modification du solde donné applicable au contribuable pour l'année donnée.

 

[76]         Le paragraphe 160(1) de la Loi énonce les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire d'un transfert de bien, dans le cas où les parties ont entre elles un lien de dépendance, peut être tenu solidairement responsable avec l'auteur du transfert de la dette fiscale de ce dernier et prévoit également que ce paragraphe ne limite pas la responsabilité fiscale de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la Loi. Le paragraphe 160(1) est libellé ainsi :

 

160(1) Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance — Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes :

 

a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

 

b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

 

c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

 

les règles suivantes s'appliquent :

 

d) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition égale à l'excédent de l'impôt pour l'année sur ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l'article 74 de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts révisés du Canada de 1952, à l'égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l'égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens;

 

e) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants :

 

[...]

 

aucune disposition du présent paragraphe n'est toutefois réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi.

 

[77]         J'ai examiné les décisions que les parties ont citées ainsi que certaines autres décisions dans lesquelles il a été conclu que le ministre n'est pas tenu d'établir simultanément de nouvelles cotisations à l'égard de contribuables qui semblent d'une façon ou d'une autre être liés entre eux.

 

[78]         Dans l'affaire Ressources Orco, précitée, il était question de frais de ressources auxquels les sociétés demanderesses avaient renoncé en faveur des détenteurs d'actions accréditives et qui avaient été refusés. Les actionnaires ont interjeté appel devant la Cour de l'impôt et, en même temps, les sociétés ont demandé à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre un jugement déclaratoire au sujet de certaines questions se rapportant à la détermination relative aux frais de ressources. Les sociétés voulaient obtenir ce jugement parce qu'elles estimaient que les actionnaires n'étaient pas particulièrement bien placés pour débattre la question de la validité des frais devant la Cour de l'impôt, puisque seules les sociétés possédaient les éléments de preuve pertinents. La Cour fédérale a refusé d'accorder un jugement déclaratoire étant donné qu'à son avis, même si les sociétés et les actionnaires partageaient une intention commune, seuls les actionnaires avaient une obligation fiscale. Le juge Noël a dit ce qui suit à la page 6645 :

 

Je note à tout événement que les demanderesses n'ont pas d'intérêt direct quant à cette détermination. Quel que soit l'aboutissement des litiges devant la Cour canadienne de l'impôt ou du présent recours, la situation fiscale propre aux demanderesses est préservée. En effet, la seule conséquence fiscale qui découle des agissements du ministre et qui est propre aux demanderesses se situe au niveau du calcul de leurs revenus respectifs. Par le biais des articles 66(12.61), 66(12.63) et 66(12.65), les frais qui avaient fait l'objet de renonciation furent réputés avoir été encourus par les investisseurs et, de façon concomitante, ces mêmes frais furent réputés n'avoir jamais été engagés par les demanderesses. Cette présomption fut renversée dans l'instance par le biais de l'article 66(12.73) jusqu'à concurrence des frais refusés par le ministre. C'est donc que suite aux ajustements apportés, les frais refusés redevinrent, sur le plan fiscal, des frais engagés par les demanderesses et dont elles peuvent bénéficier dans le calcul de leurs revenus si elles choisissent de le faire.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale ([1995] A.C.F. no 887 (QL), no A‑519‑94, 6 juin 1995).

 

[79]         Dans la décision Donat Flamand inc., précitée, la présente cour a confirmé que seul le contribuable visé par une cotisation peut interjeter appel de sa propre cotisation (page 259) :

 

L'avocat des appelants s'est aussi référé aux décisions Nova Ban‑Corp. Limited et alv. Tottrup, et al., 89 D.T.C. 5489 et Hart et al. v. M.N.R., 86 D.T.C. 6335.

 

Ces décisions veulent que seul le contribuable cotisé puisse appeler de sa cotisation et qu'une autre personne qui se croit lésée par ce montant d'impôt dû ne peut en appeler pour le contribuable. Mais ici, ainsi que le souligne l'avocat des appelants, il ne s'agit pas d'un appel d'une cotisation d'une tierce partie mais une demande de décision sur les affaires d'une tierce partie qui affectent la cotisation d'une autre personne. Il ne s'agit pas de déterminer le montant d'une cotisation mais de déterminer si une désignation est valide ou non.

 

Cette décision a été confirmée par la Section de première instance de la Cour fédérale ([2000] A.C.F. no 1612 (QL), no T‑147‑95, 3 octobre 2000).

 

[80]         Dans l'arrêt Gaucher, précité, le juge Rothstein (tel était alors son titre) a conclu que, selon une règle fondamentale relevant de la justice naturelle, sous réserve d'une disposition législative à l'effet contraire, une personne non partie à une instance ne saurait être liée par le jugement qui y est prononcé à l'égard d'autres parties, même si la cotisation initiale du contribuable principal continue à lier ce contribuable :

 

[6]        [...] Il existe une règle fondamentale relevant de la justice naturelle selon laquelle, sous réserve d'une disposition législative à l'effet contraire, une personne non partie à une instance ne saurait être liée par le jugement qui y est prononcé à l'égard d'autres parties. L'appelante n'était pas partie à l'instance intervenue entre le Ministre et son ex-mari au sujet de la nouvelle cotisation. Cette instance n'avait aucunement pour objet de lui imposer une obligation fiscale. Bien qu'elle ait pu être témoin dans cette instance, elle n'y était pas partie et ne pouvait donc pas y soulever des moyens de défense à l'égard de la cotisation de son ancien mari.

 

[7]        Lorsque le Ministre établit une cotisation à titre dérivé en application du paragraphe 160(1), il invoque une disposition législative particulière qui l'autorise à demander paiement à une seconde personne pour la cotisation d'impôt visant un premier contribuable. Cette seconde personne doit jouir d'un plein droit de défense pour contester la cotisation établie à son endroit, y compris celui d'attaquer la cotisation primaire sur laquelle se fonde la cotisation touchant la seconde personne.

 

[8]        Ce point de vue a été formulé par certains juges de la Cour canadienne de l'impôt. Voir, par exemple, les affaires Acton c. La Reine (1994), 95 D.T.C. 107, page 108, juge Bowman; Ramey c. La Reine (1993), 93 D.T.C. 791, page 792, juge Bowman; Thorsteinson c. M.R.N. (1980), 80 D.T.C. 1369, page 1372, juge Taylor. Bien que l'opinion contraire ait été mise de l'avant dans l'arrêt Schafer (A.) c. Canada, [1998] G.S.T.C. 7‑1, pages 7 à 9 (appel rejeté pour cause de retard [30 août 1999], A‑258‑98 [C.A.F.]), je suis d'avis que cette opinion est erronée. Il me semble que cette approche omet de tenir compte du fait que se trouvent en litige deux cotisations distinctes établies par le Ministre à l'égard de deux contribuables différents. Dès lors que la cotisation visant le premier contribuable revêt un caractère définitif, que ce soit parce que le premier contribuable n'a pas interjeté appel de la cotisation ou que celle-ci a été confirmée par la Cour canadienne de l'impôt (ou un tribunal d'instance supérieure lors d'un appel subséquent), cette cotisation devient définitive et elle lie tant le premier contribuable que le Ministre. La cotisation fixée en application du paragraphe 160(1) à l'égard d'un second contribuable ne peut influer sur la cotisation établie par le Ministre relativement au premier contribuable.

 

[81]         Dans l'arrêt Petro‑Canada c. La Reine, 2004 CAF 158, la Cour d'appel fédérale a confirmé qu'une fois qu'il y a été validement renoncé, les frais d'exploration sont réputés avoir été engagés par l'actionnaire :

 

[15]      La SEC Phillips était tenue contractuellement de renoncer en faveur de Petro-Canada aux premiers 46 500 000 $ de frais d'exploration au Canada qu'elle avait engagés en 1991, et aux premiers 69 750 000 $ de frais d'exploration au Canada qu'elle avait engagés en 1992. Selon la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle existait alors, le résultat d'une renonciation valide était que l'actionnaire était fondé à réclamer des déductions d'impôt sur le revenu pour les frais d'exploration au Canada engagés par la société d'exploration en commun, comme si les frais avaient été engagés par l'actionnaire.

 

[82]         Dans la décision que la Cour de l'impôt a rendue en 2005 sous le régime de la procédure informelle dans l'affaire Forsberg, précitée, il était question, en premier lieu, d'une nouvelle cotisation dont la société par actions accréditives avait fait l'objet, par laquelle était refusée la renonciation aux FEC en faveur de l'appelant, pour le motif qu'il ne s'agissait pas de FEC, mais plutôt de FGEAC (frais généraux d'exploration et d'aménagement au Canada), puisqu'ils avaient été versés à une personne liée à la société, et, en second lieu, d'une nouvelle cotisation correspondante de l'appelant par laquelle étaient refusés les frais auxquels il avait été renoncé. La société s'est opposée à la nouvelle cotisation dont elle avait fait l'objet, mais cette cotisation a été ratifiée. La société n'a pas interjeté appel de la nouvelle cotisation dont elle avait fait l'objet, mais l'appelant a interjeté appel de celle qui avait été établie à son égard, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux qui étaient soulevés dans l'opposition présentée par la société. La position que le ministre a prise était que l'appelant ne pouvait pas contester la nouvelle cotisation dont la société avait fait l'objet et que la détermination des frais de la société liait l'appelant. Le juge Paris a conclu que l'appelant avait le droit de contester, indépendamment de la société, la façon dont le ministre avait qualifié les frais de la société parce que le lien entre la nouvelle cotisation de la société par actions accréditives et la nouvelle cotisation corrélative établie à l'égard du contribuable présentait certaines similitudes avec le lien entre les cotisations primaire et secondaire visées à l'article 160. Les tribunaux ont confirmé que, dans le cas d'une cotisation visée à l'article 160, le contribuable secondaire peut contester la cotisation du contribuable principal. Le juge Paris a dit ce qui suit aux paragraphes 8 et 9 de ses motifs :

 

[8]        Au surplus, le lien entre la nouvelle cotisation établie à l'égard de Thurlow et la nouvelle cotisation corrélative établie à l'égard de l'appelant présente certaines similitudes avec celui qui existe entre un débiteur fiscal principal et secondaire dans le cas d'une cotisation dérivée établie en vertu des articles 160 ou 227.1 de la Loi, étant donné que l'obligation fiscale d'un contribuable est tributaire d'une cotisation qui a été établie à l'égard de l'autre. Dans une situation de ce genre, la Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Gaucher v. The Queen, 2000 D.T.C. 6678, au paragraphe 6 :

 

[...] Il existe une règle fondamentale relevant de la justice naturelle selon laquelle, sous réserve d'une disposition législative à l'effet contraire, une personne non partie à une instance ne saurait être liée par le jugement qui y est prononcé à l'égard d'autres parties. [...]

 

[9]        A fortiori, en l'absence de disposition législative à l'effet contraire, un contribuable ne peut pas être lié par une nouvelle cotisation établie à l'égard d'un autre contribuable. En l'espèce, étant donné l'interdépendance des nouvelles cotisations établies à l'égard [de] Thurlow et de l'appelant, il serait contraire aux règles de justice naturelle de l'empêcher de contester le fondement de la cotisation établie à l'égard de Thurlow, sur laquelle sa propre nouvelle cotisation est fondée.

 

[83]         Dans l'affaire Hawkes c. La Reine, [1996] A.C.F. no 1694 (QL), no A‑46‑96, 23 décembre 1996, où l'appelant avait soutenu que le ministre devait établir de la même façon les cotisations à l'égard de contribuables similaires, la Cour d'appel fédérale a conclu que, bien qu'une telle pratique soit souhaitable, le ministre n'était pas tenu de la suivre :

 

J'aimerais souligner tout d'abord que la présente Cour n'excuse d'aucune manière les cotisations incohérentes ou les renseignements contradictoires fournis aux contribuables, comme cela est presque admis en l'espèce. Autant que possible, cette conduite doit à n'en pas douter être évitée pour que les contribuables perçoivent comme juste, équitable et raisonnable dans son application le système auquel on s'attend qu'ils collaborent volontairement.

 

Toutefois, c'est une toute autre chose que d'affirmer que le ministre est toujours lié par ses propres erreurs. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une règle établie en droit.

 

La présente Cour a récemment eu l'occasion d'étudier le droit relatif aux cotisations incohérentes dans le cas d'un même contribuable et dans le cas de contribuables différents. Dans Ludmer et al. c. La Reine [95 D.T.C. 5311], la Cour a étudié la jurisprudence antérieure et confirmé le principe selon lequel il incombe au ministre d'établir des cotisations, et, au besoin, de nouvelles cotisations, à l'égard des déclarations de revenu des contribuables de sorte d'appliquer correctement le droit aux faits. Si un contribuable n'est pas d'accord avec une cotisation donnée, il a le droit d'interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt, où le droit et les faits peuvent être examinés en détail, et de se pourvoir éventuellement devant la présente Cour. Ainsi, le fait que le ministre a établi à l'égard de la déclaration de revenu d'un contribuable une cotisation différente de celle qu'il a établie à l'égard d'une autre déclaration, ou le fait qu'il a établi des cotisations différentes à l'égard de deux contribuables participant à des activités similaires, ne prouvent pas que l'une des cotisations est inexacte. Il s'agit d'une question à trancher en appel.

 

[...]

 

L'avocat des appelants a beaucoup insisté sur la décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Labelle c. La Reine [96 D.T.C. 1115]. Dans cette décision, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a statué qu'étant donné que le ministre avait traité un certain prix en comptabilité comme récompense « reconnue par le public » au sens de l'article 7700 du Règlement de l'impôt sur le revenu, à l'égard d'un contribuable, il devait établir une cotisation à l'égard d'un autre contribuable de la même façon. Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a dit :

 

Le Ministre doit établir les cotisations selon la Loi et c'est la raison pour laquelle la manière de cotiser un autre contribuable n'a normalement pas de pertinence. Toutefois quand une cotisation requiert un élément d'appréciation de la part du Ministre, il me semble que cela ne peut être la règle.

 

Bien que l'emploi des mots « un élément d'appréciation de la part du Ministre » me laisse perplexe, cette décision doit, tout au plus, être circonscrite aux circonstances qui lui ont donné lieu. Dans cette affaire, le litige ne concernait pas la description des activités d'un contribuable par rapport à un autre, mais plutôt la description d'un prix dont la nature essentielle n'était pas liée à un contribuable en particulier. Ceci étant dit avec égards, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de commenter davantage la décision si ce n'est pour dire que je crois qu'elle n'a aucune autorité à l'égard des questions qui nous sont soumises. L'autre décision sur laquelle l'avocat des appelants s'est largement fondé est celle que la Section de première instance de la présente Cour a rendue dans Riddell et autre c. La Reine [95 D.T.C. 5530]. Dans cette affaire, la nouvelle cotisation établie par le ministre était contestée, notamment, en raison du refus de ce dernier de permettre au docteur Riddell de déduire certains paiements d'intérêt de son impôt sur le revenu des particuliers parce que ces paiements avaient été faits par sa société. Selon la preuve, le vérificateur de Revenu Canada chargé de ce dossier avait reçu l'instruction suivante de son supérieur :

 

[TRADUCTION] Dans ce type de situations, nous avons eu pour politique (approuvée par l'ancien chef de la Revue des vérifications) d'autoriser l'actionnaire à effectuer ces déductions comme s'il avait payé lui-même les sommes en question.

 

Or, la nouvelle cotisation n'a pas été établie sur cette base. Le juge de première instance a statué que le ministre était tenu d'appliquer la politique telle qu'elle était énoncée « d'une façon uniforme et équitable ». S'il a été permis à d'autres contribuables se trouvant dans la même situation de profiter de ce type de déduction, cet avantage doit aussi être offert à M. Riddell. Ainsi que le juge l'a dit :

 

Il n'est pas loisible au ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'une manière arbitraire.

 

Le juge a poursuivi en se fondant sur une décision que j'ai rendue à la Section de première instance, Aurchem Exploration Ltd. c. Canada [(1992), 7 Admin. L.R. (2d) 168], et dans laquelle j'ai annulé la décision discrétionnaire du conservateur des registres miniers du district minier de Whitehorse (Yukon). Ceci étant dit avec égards, je ne suis pas prêt à appliquer la décision Riddell en l'espèce. Cette décision semble avoir porté sur l'incohérence que représente l'écart entre la « politique » du ministre et l'exercice de son « pouvoir discrétionnaire ». Quel que soit le bien‑fondé de cette qualification dans Riddell, le rôle joué par le ministre dans l'établissement de nouvelles cotisations à l'égard des appelants, ainsi que je l'ai indiqué en l'espèce, consistait à appliquer le droit et les faits pour établir une cotisation, laquelle était pleinement susceptible d'appel quant à son exactitude en fait et en droit. Aucune question de politique ou de pouvoir discrétionnaire n'était en cause. [...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[84]         La dernière décision dont je ferai mention est celle que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'arrêt Canadian Marconi Co. c. Canada, [1992] 1 C.F. 655, où la cour a confirmé qu'en l'absence d'une renonciation ou d'une allégation de fraude ou de présentation erronée des faits, il est interdit au ministre d'établir une nouvelle cotisation à l'égard d'un contribuable après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, et ce, même si le contribuable demande qu'une cotisation soit établie.

 

[85]         J'ai examiné les décisions susmentionnées ainsi que les dispositions pertinentes de la Loi dont il a ci‑dessus été fait mention, et je ne puis souscrire à l'argument de l'appelant selon lequel l'expression « except for the purposes of that renunciation » figurant dans la version anglaise des paragraphes 66(12.61), 66(12.63) et 66(12.65) veut essentiellement dire que, dès que les frais auxquels il a été renoncé sont contestés par le ministre, ils retournent à la société. Je suis d'accord avec l'intimée lorsqu'elle déclare que cette expression se rapporte à des situations où il s'agit de savoir si la société par actions accréditives est une société exploitant une entreprise principale ou si le contribuable détient vraiment des actions accréditives. Si la thèse de l'appelant était exacte, le paragraphe 66(12.73) de la Loi serait inutile; selon cette disposition, la société qui renonce à des frais en sus des montants auxquels elle a le droit de renoncer doit en informer le ministre, de façon que les rajustements appropriés puissent être apportés aux soldes de frais.

 

[86]         Le paragraphe 152(4.3) de la Loi, qui traite des cotisations corrélatives, prévoit que lorsqu'une cotisation ou une décision d'appel a pour effet de modifier un solde applicable à un contribuable pour une année d'imposition, le ministre peut ou, si le contribuable en fait la demande par écrit, doit établir une nouvelle cotisation à l'égard du contribuable dans un délai prescrit. L'argument de l'appelant est le suivant : si la société ne fait pas l'objet d'une nouvelle cotisation avant que les détenteurs d'actions accréditives soient assujettis à une nouvelle cotisation, la société perdra les frais qui devraient, une fois qu'ils ont été refusés aux actionnaires, retourner à la société. La disposition susmentionnée (le paragraphe 152(4.3)) de la Loi ne renferme aucun principe ni aucune politique voulant qu'une déclaration de revenus connexe du même contribuable ou d'un contribuable différent fasse nécessairement l'objet d'une nouvelle cotisation d'une façon conforme à la nouvelle cotisation établie pour une autre déclaration de revenus ou d'une façon conforme à une décision judiciaire. À mon avis, le ministre n'est pas obligé d'établir une nouvelle cotisation à l'égard d'un contribuable, et ce, même si une autre nouvelle cotisation ou une décision a une incidence sur les soldes d'impôt de ce contribuable (voir Canadian Marconi, précité).

 

[87]         L'appelant a cité certaines décisions selon lesquelles une nouvelle cotisation relative aux frais auxquels il a été renoncé est comparable à une cotisation dérivée établie en vertu du paragraphe 160(1). Cette disposition prévoit que les contribuables principal et secondaire sont solidairement responsables du paiement des mêmes impôts et que, même si le contribuable secondaire réussit à faire annuler la cotisation dérivée en contestant la cotisation primaire, la cotisation primaire continue à lier le contribuable principal. Cela me semble conforme à la jurisprudence, qui établit que le ministre n'est pas obligé d'établir une nouvelle cotisation identique à l'égard de montants similaires ou connexes figurant dans les déclarations de contribuables différents, et ce, bien qu'il soit souhaitable qu'il le fasse (voir Hawkes, précité).

 

[88]         Comme l'appelant l'a souligné, il y a des affaires dans lesquelles les faits démontrent que la société par actions accréditives a fait l'objet d'une cotisation avant que les actionnaires fassent l'objet d'une nouvelle cotisation. Cependant, ces décisions ne font pas autorité lorsqu'il s'agit d'imposer une telle obligation au ministre. Toutefois, ces décisions donnent à entendre que le ministre ne devrait pas arbitrairement refuser des frais d'exploration sans examiner le cas de la société. Les faits de la présente affaire indiquent que le ministre a examiné les renseignements de Sierra Trinity Inc., qui est la société qui exerçait les activités de la coentreprise, et qu'il s'est demandé si les frais étaient permis. La société 991 n'avait pas de frais distincts de ceux de la coentreprise.

 

[89]         Je suis d'accord avec l'appelant pour dire que les paragraphes 66(12.6) à 66(12.75) de la Loi renferment un code exhaustif à l'égard de la renonciation aux frais de ressources, mais, à mon avis, ce code ne renferme aucune instruction, expresse ou implicite, obligeant le ministre à établir une nouvelle cotisation à l'égard de la société par actions accréditives avant d'établir une nouvelle cotisation à l'égard des actionnaires. À mon avis, que la société 991 ait ou non fait l'objet d'une nouvelle cotisation, cela ne changerait rien à la situation fiscale de l'appelant, car le résultat serait néanmoins que celui‑ci se verrait refuser le même montant au titre des FEC. Un contribuable peut uniquement interjeter appel de sa propre cotisation d'impôt. La présente cour ne peut pas ordonner que les FEC refusés retournent à 991.

 

[90]         L'appel est accueilli en partie et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs énoncés ci‑dessus et au procès-verbal de transaction que les parties ont signé. L'intimée a droit à 75 p. 100 de ses dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de décembre 2011.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d'avril 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 523

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-3734(IT)G

                                                          2007-4851(IT)G

 

INTITULÉ :                                       H. Glenn Fagan c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATES DE L'AUDIENCE :               Les 18 et 19 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 14 décembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelant :

Me Jehad Haymour

Me Dan Misutka

 

Avocats de l'intimée :

Me Gregory Perlinski

Me Marta Burns

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                    Noms :        Jehad Haymour

                                        Dan Misutka

 

                    Cabinet :      Fraser Milner Casgrain S.E.N.C.R.L.

                                       Calgary (Alberta)

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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