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Dossier : 2010-737(IT)G

ENTRE :

ISABELLA SOKOLOWSKI ROMAR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 13 et 14 février 2012, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Richard Généreux

 

Avocates de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

Me Valérie Messore

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

        L'appel de la cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu est rejeté avec dépens selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'avril 2012.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 104

Date : 20120425

Dossier : 2010-737(IT)G

ENTRE :

ISABELLA SOKOLOWSKI ROMAR,,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              Le 30 mai 1996, une cotisation de 949,999 $ a été établie à l'égard de l'appelante en application de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi  ») et ce, à la suite d'un transfert d'immeuble (la résidence familiale) en date du 30 juin 1988 entre son époux, en sa qualité d'auteur du transfert, et l'appelante, en sa qualité de bénéficiaire. L'appelante et son époux se sont mariés le 20 juin 1975 sous le régime de la société d'acquêts.

 

[2]              La résidence familiale en question a été achetée le 4 juin 1986 et le titre du bien était au nom de l'époux de l'appelante. En 1986 et 1987, des rénovations assez substantielles ont été effectuées à la résidence familiale en prévision de l'agrandissement de la famille. Des demandes d'adoption avaient été soumises en 1985-1986 et, en 1990, le couple a adopté deux enfants. La valeur marchande de la résidence familiale ne fait pas l'objet d'une contestation dans le présent litige.

 

[3]              L'époux de l'appelante a reçu la visite de représentants de Revenu Canada en mai 1986 concernant sa déclaration de revenus pour son année d'imposition 1985. Cette vérification pour son année d'imposition 1985 s'est poursuivie et, le 17 juillet 1987, il a reçu une lettre de Revenu Canada l'informant qu'à la suite de la vérification, Revenu Canada se proposait de rajuster sa déclaration de revenu de 1985 en rejetant les pertes d'environ 3 millions de dollars qu'il avait réclamées en relation avec une société en nom collectif et d'autres dépenses et on lui accordait 30 jours pour présenter des observations avant l'établissement d'un avis de nouvelle cotisation. Revenu Canada a poursuivi les vérifications et, éventuellement, a refusé à l'époux de l'appelante les pertes en question.

 

[4]              Quand les demandes d'adoption ont été présentées et les rénovations ont été effectuées, l'appelante aurait fait valoir qu'elle voulait plus de sécurité et de stabilité sur le plan financier étant donné que son époux était un homme d'affaires. Elle voulait être certaine que la résidence familiale ne soit pas assujettie aux risques d'affaires de son époux. La preuve n'indique pas la date, mais le couple a consulté un notaire qui était un ami de la famille pour lui demander des conseils au sujet de leur situation.

 

[5]              La solution proposée était de changer de régime matrimonial. Le notaire leur aurait alors demandé de préparer une liste de leurs actifs. Selon l'époux de l'appelante, le notaire a rédigé un acte de vente en date du 30 juin 1988 dans lequel l'époux transférait à l'appelante la résidence familiale. À cette fin, le notaire aurait utilisé l'information qu'il avait dans ses dossiers. L'acte de vente a été publié le 4 juillet 1988. Il convient de reproduire le paragraphe 5 de l'acte de vente sous la rubrique « déclaration » :

 

[TRADUCTION]

 

5 -     Que son état civil n'a pas changé depuis qu'il est devenu le propriétaire de l'emplacement visé par le présent acte de vente, qu'il est marié en vertu du régime de la société d'acquêts à l'acheteuse Isabella Sokolowski, conformément aux lois de la province de Québec, où ils étaient domiciliés lorsqu'ils se sont mariés, le vingt juin mille neuf cent soixante-quinze (1975).

 

[6]              Le prix de vente est de 1 $ et [TRADUCTION] « autre contrepartie à titre onéreuse et valable que l'acheteuse a payé comptant au vendeur et que celui-ci reconnaît avoir reçu de l'acheteuse, à qui il accorde une quittance générale et finale ». Le document se termine comme suit [TRADUCTION] « ce et après lecture faite, les parties ont signé … »

 

[7]              Selon l'époux de l'appelante, au moment où l'acte de vente a été signé, il n'avait pas préparé la liste de leurs actifs respectifs par manque de temps, ce qui expliquerait le retard dans la suite des choses.

 

[8]              Le notaire qui a préparé toute la documentation pertinente est décédé en 1990. Le notaire qui est devenu cessionnaire de son cabinet a témoigné avoir trouvé deux dossiers au nom de l'époux de l'appelante. Le premier concerne l'achat par l'époux de la résidence familiale en 1986 et le deuxième concerne la modification du régime matrimonial, dossier qui a été ouvert le 1er février 1989. Dans ce dernier dossier, on trouve une note manuscrite non datée de l'époux où sont énumérés les biens faisant l'objet du partage mais dont la valeur n'est pas précisée. Le notaire n'a trouvé aucun dossier se rapportant à l'acte de vente daté du 30 juin 1988 qui transférait à l'appelante la résidence familiale.

 

[9]              Selon l'époux, la note manuscrite, aurait été remise au notaire au début 1989 et c'est le 20 avril 1989 qu'une entente de modification de leur régime matrimonial a été signée par l'appelante et son époux devant le notaire et dans laquelle ils adoptent le régime de séparation de biens. Dans un document portant la même date, l'appelante et son conjoint procèdent au partage des actifs composant la société d'acquêts qui existait jusqu'alors et chacun cède à l'autre toute partie indivise de propriété qui n'était pas dans sa liste respective de biens à partager. La résidence familiale fait partie de la liste des biens qui reviennent à l'appelante.

 

[10]         Pour les fins du procès, l'époux de l'appelante a ajouté une valeur à chacun des biens ainsi partagés. Il a réussi à reconstituer ces valeurs en se fiant sur des documents de l'époque. Il devient évident que, selon ces valeurs, le partage a nettement favorisé l'époux, à qui près de 70% de leurs actifs combinés a été attribué. L'époux explique cet écart en faisant valoir que, ce qui était important pour l'appelante, c'était la résidence familiale et un voilier qui servait de résidence d'été pour la famille. En ce qui le concerne, il voulait conserver ses liquidités afin de les investir dans ses entreprises. Selon l'époux et l'appelante, les autres contreparties valables auxquelles fait référence l'acte de vente de la résidence familiale sont les actifs que l'appelante a cédés à son époux dans le cadre du partage de leurs biens et la valeur de ces actifs est suffisamment grande pour constituer une contrepartie égale à la juste valeur marchande de la résidence familiale.

 

[11]         Le 13 décembre 1990, l'appelante et son conjoint, devant notaire et conformément à l'article 42 de la « Loi modifiant le Code civil du Québec » et à d'autres dispositions législatives, ont déclaré ne pas vouloir être assujettis aux dispositions des articles 462.1 à 462.13 du Code civil du Québec relatifs au patrimoine familial des époux lesquelles favorisent l'égalité économique des époux. Le législateur, en adoptant les dispositions concernant le patrimoine familial, a permis aux époux déjà mariés avant l'entrée en vigueur de la Loi (1er juillet 1989) de faire un choix dans les 18 mois suivants, soit au plus tard le 31 décembre 1990. Le concept de patrimoine familial ne s'applique donc pas en l'espèce.

 

[12]         L'époux de l'appelante a fait l'objet d'une nouvelle cotisation à l'égard de ses années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990. Il n'est pas contesté que l'époux avait une dette à payer en vertu de la Loi au moment du transfert de la résidence familiale ou que la juste valeur marchande du bien transféré à l'époque du transfert était de l'ordre de 950 000 $.

 

La thèse de l'appelante

 

[13]         L'appelante soutient que le transfert de la résidence familiale en date du 30 juin 1988 a été complété par l'acte de partage signé par les époux le 20 avril 1989 et que la contrepartie donnée par l'appelante pour ce transfert est égale ou supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale selon les valeurs établies par l'époux. Selon ces valeurs, l'époux a reçu une contrepartie supérieure à la juste valeur marchande de la résidence. En fait, selon l'appelante, c'est ce à quoi elle fait référence quand elle affirme que la contrepartie indiquée dans l'acte de vente inclut [TRADUCTION] « et autres contreparties valables ».

 

[14]         L'appelante soutient aussi que, même si le transfert a eu lieu le 30 juin 1988, la contrepartie est égale ou supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale étant donné que l'acte de vente indique une contrepartie de 1 $ et autre contrepartie à titre onéreux et valable. L'appelante soutient que le patrimoine de l'époux de l'appelante n'a pas été appauvri par le transfert de la résidence familiale en question en faveur de l'appelante et qu'il n'y a pas eu enrichissement sans cause du patrimoine de l'appelante en raison de ce transfert.

 

La thèse de l'intimée

 

[15]         L'intimée soutient que l'acte de vente du 30 juin 1988 constitue un transfert de la résidence familiale et cet acte de vente a été publié le 4 juillet 1988 et devient ainsi opposable aux tiers, incluant le ministre du Revenu national, selon l'article 2941 du Code civil du Québec (articles 2082 et 2083 du Code civil du Bas-Canada). À cette date, la dette fiscale de l'époux était supérieure à 949,999 $.

 

[16]         L'intimée soutient que, dans l'acte de vente du 30 juin 1988, l'appelante et son époux ont déclaré qu'il n'y avait aucun projet d'entente en cours concernant un changement de régime matrimonial de sorte que ce transfert ne pouvait faire partie du partage résultant du changement du régime matrimonial intervenu le 20 avril 1989.

 

[17]         L'intimée soutient de plus que le changement de régime matrimonial ne vise aucunement à donner une quelconque contrepartie à l'époux pour le transfert de la résidence familiale survenu le 30 juin 1988. Elle soutient que le changement de régime matrimonial est un changement de régime conventionnel selon l'alinéa 2 de l'article 465 du Code civil du Québec (article 497 de la version antérieure) et que, selon cette disposition, les effets de la dissolution se produisent immédiatement de sorte que, dans le présent cas, pour l'appelante et son époux, les effets du changement de régime matrimonial se sont produits le 20 avril 1989 et non à une date antérieure. Finalement, l'intimée soutient que les termes de l'article 160 de la Loi sont clairs et qu'il faut déterminer la contrepartie donnée au moment du transfert.

 

Les questions en litige

 

[18]         Y a-t-il eu un transfert de la résidence familiale en date du 30 juin 1988 au sens de l'article 160 de la Loi et, dans l'affirmation, est-ce-que le transfert a été effectué pour une contrepartie égale à la juste valeur marchande du bien transféré?

 

Analyse

 

[19]         L'article 160 prévoit ce qui suit :

 

(1)     Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance

 

Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes :

 

         (a)  son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

 

         (b)  une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

 

         (c)  une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

 

         les règles suivantes s'appliquent :

 

         (d)  le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition égale à l'excédent de l'impôt pour l'année sur ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l'article 74 de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts revisés du Canada de 1952, à l'égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l'égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens;

 

         (e)  le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants :

 

               (i)      l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

 

      (ii)     le total des montants dont chacun représente un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années;

 

aucune disposition du présent paragraphe n'est toutefois réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi.

 

. . .

 

 

(2)     Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation à l'égard d'un contribuable pour toute somme payable en vertu du présent article. Par ailleurs, les dispositions de la présente section s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations établies en vertu du présent article comme si elles avaient été établies en vertu de l'article 152.

 

[20]         La Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Wannan c. La Reine, 2003 DTC 5715 avait ceci à dire à propos de l'article 160 :

 

[3]  . . . Il n'existe pas de défense de diligence raisonnable à l'encontre de l'application de l'article 160. Cet article peut s'appliquer au cessionnaire de biens qui n'a pas l'intention d'aider le débiteur fiscal primaire à se soustraire à l'impôt. Il peut même s'appliquer au cessionnaire qui n'a pas connaissance de la situation fiscale du débiteur fiscal primaire. Cependant, l'article 160 a été validement promulgué comme partie des lois du Canada. Si la Couronne entend se fonder sur l'article 160 dans un cas donné, elle doit être autorisée à le faire pour autant que les conditions prévues soient remplies.

 

[21]         Aux paragraphes 9, 17 et 18 de l'arrêt La Reine c. Livingston, 2008 DTC 6233, le juge Sexton de la Cour d'appel fédérale a établi les critères nécessaires pour engendrer l'application de l'article 160 en relation avec l'objet et l'esprit du paragraphe 160(1) :

 

[9] Le juge de la Cour de l'impôt a posé en principe que les quatre critères suivants doivent être remplis pour que soit déclenchée l'application du paragraphe 160(1) :

 

1)      Il doit y avoir eu transfert de biens.

 

2)      Il faut que l'auteur et le bénéficiaire du transfert aient un lien de dépendance.

 

3)      Le bénéficiaire du transfert ne doit pas avoir donné de contrepartie à l'auteur du transfert ou doit lui avoir donné une contrepartie insuffisante (je ferai remarquer ici que le juge de première instance a écrit : [TRADUCTION] « L'auteur du transfert » ne doit pas avoir donné de contrepartie au bénéficiaire du transfert ou doit lui avoir donné une contrepartie insuffisante" [caractères gras ajoutés]: c'est là une citation erronée de la définition du critère applicable formulée dans l'arrêt Raphael c. Canada, 2002 CAF 23 (CanLII), 2002 CAF 23);

 

4)      Il faut que l'auteur du transfert soit tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment du transfert.

 

          . . .

 

[17] Étant donné la signification claire des termes du paragraphe 160(1), les critères dont dépend le déclenchement de son application se révèlent évidents :

 

1)            L'auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment de ce transfert.

 

2)            Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon.

 

3)            Le bénéficiaire du transfert doit être :

 

i.       soit l'époux ou conjoint de fait de l'auteur du transfert au moment de celui-ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

ii.       soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert;

iii.            soit une personne avec laquelle l'auteur du transfert avait un lien de dépendance.

 

4)            La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert.

 

[18] L'application de ces critères dépend dans une mesure particulièrement importante de l'objet du paragraphe 160(1). Dans l'arrêt Medland c. Canada, 98 DTC 6358 (C.A.F.) (Medland), notre Cour a conclu que l'objet et l'esprit de ce paragraphe "consistent à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint [ou encore à un mineur ou à une personne avec qui il a un lien de dépendance] afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l'argent qui lui est dû". Voir aussi le paragraphe 10 de Heavyside c. Canada, [1996] A.C.F. no 1608 (C.A.) [QL] (Heavyside). De façon encore plus pertinente pour la présente espèce, la Cour canadienne de l'impôt a posé en principe qu'il serait contraire à l'objet du paragraphe 160(1) que l'auteur d'un transfert permette au bénéficiaire de celui-ci d'utiliser les sommes transférées pour payer les dettes dudit auteur en favorisant des créanciers déterminés aux dépens de l'ARC; voir le paragraphe 19 de Raphael c. Canada, 2000 DTC 2434.

 

[22]         Il s'agit donc de déterminer à quand remonte le transfert de la résidence familiale. S'agit-il, comme le prétend l'appelante, d'une opération qui s'inscrit dans une transaction plus large, de sorte que le transfert en question n'aurait été complété que le 20 avril 1989 ou s'agit-il d'un transfert en date du 30 juin 1988, mais avec une contrepartie valable et supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale?

 

[23]         La notion de transfert telle qu'utilisée à l'article 160 de la Loi a fait l'objet de nombreuses décisions où a été citée la décision l'affaire Fasken Estate c. le Ministre du Revenu national, [1948] Ex. C. R. 580. Dans cette décision, le président Thorsen de la Cour de l'Échiquier a déclaré au paragraphe 12 :

 

[TRADUCTION ]

 

Le mot « transfert » n'est pas un terme technique et n'a pas de sens technique. Il n'est pas nécessaire qu'un transfert de biens d'un mari à sa femme revête une forme particulière ou qu'il soit fait directement. Il suffit que le mari se départisse [sic] des biens en faveur de sa femme, c'est-à-dire qu'il lui cède les biens. Le moyen par lequel il parvient à ce résultat, que ce soit directement ou indirectement, peut à juste titre être appelé un transfert.  [. . . ]

 

La version originale anglaise de ce passage est encore plus explicite :

 

(…) [a]ll that is required is that the husband should so deal with the property as to divest himself of it and vest it in his wife, that is to say, pass the property from himself to her. (…)

 

[24]         Dans l'arrêt St. Aubyn v. Attorney General, [1952] A.C. 15, Lord Radcliffe a circonscrit la notion de « transfert » d'une manière similaire à celle du Président Thorsen. Il a écrit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Si le terme « transfert » est interprété selon son premier sens, une personne transfère un bien à une autre personne si elle accompli ou signe l'acte qui la dessaisie du bien et qui, simultanément, fait passer le bien dans le patrimoine de l'autre personne. (page 53).

 

[25]         Une autre décision pertinente au concept de « transfert » est Dunkelman c. Le Ministre du Revenu national, (1959), 59 D.T.C. 1242, également de la Cour de l'Échiquier du Canada. Dans cette décision, comme dans Fasken Estate (précitée), il s'agissait de déterminer si les règles d'attribution étaient applicables. Dans Dunkelman, il fallait aussi déterminer si un prêt consenti à une fiducie constituait un transfert aux fins du paragraphe 22(1) de la Loi sur le revenu, S.C. 1948 chapitre 52. Après avoir cité St. Aubyn v. Attorney General, (précité), le juge Thurlow a écrit au paragraphe 11 :

 

[TRADUCTION]

 

L'expression « a transporté » (ou a transféré) au paragraphe 22(1), à mon avis, un sens semblable. Le contribuable n'a qu'à se dessaisir d'un bien qui lui appartient et le céder à une personne qui a moins de 19 ans. La façon de transférer un bien n'a aucune importance, car il semble clair que le but visé par le paragraphe est d'assujettir l'auteur du transfert à l'impôt sur le revenu tiré du bien transféré ou d'un bien qui lui est substitué, peu importe la façon dont a été accompli le transfert. La portée de la disposition n'est pas modifiée ou nuancée par des expressions telle que « comme si le transport n'avait pas été effectué », qui figurait dans l'article correspondant de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. Voir l'arrêt McLaughlin v. Minister of National Revenue, [1952] EX.C.R. 225, [1952] C.T.C. 104. Par ailleurs, il est également clair que l'objet d'un transfert visé par l'article doit être le bien de l'auteur du transfert, et non celui d'une autre personne, et, pour que le paragraphe s'applique, il doit l'avoir cédé à une personne de moins de 19 ans.

 

[26]         Le juge Archambault de notre Cour a fait un survol de la jurisprudence quant à la notion du transfert que l'on trouve au paragraphe 160(1) de la Loi et il a ajouté ceci à propos des décisions Fasken et Dunkelman, précitées :

 

À mon avis, il ressort des décisions Fasken et Dunkelman que, pour qu'il y ait un transfert d'un bien aux fins des règles d'attribution, il est essentiel que l'auteur du transfert se soit départi de son droit de propriété et que le bien ait été dévolu au bénéficiaire. La simple possession d'un bien prêté avec l'obligation de le rendre ne satisfait pas à cette condition. À mon avis, tel est le sens qu'il faut donner à l'expression « qu'il lui cède les biens ». Il faut également retenir ce sens aux fins du paragraphe 160(1) de la Loi.  Comme le disait le juge Desjardins dans l'arrêt Medland (précité) au paragraphe 14 : « […] la politique fiscale qui sous-tend le paragraphe 160(1), ou son objet et son esprit consistent à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l'argent qui lui est dû. » […]

 

[27]         Il y a donc eu en date du 30 juin 1988 un acte de vente notarié, dûment enregistré selon les dispositions de l'époque, le 4 juillet 1988, lequel constate le transfert de la résidence familiale en faveur de l'appelante. Selon l'article 1472 du Code civil du Bas Canada (C.c.B.C.) en vigueur à l'époque, une vente est un contrat par lequel une personne donne une chose à une autre, moyennant un prix en argent que la dernière s'oblige de payer. Toujours selon les dispositions du C.c.B.C., particulièrement les articles 984, 1025, 1472 et 1473, quand la vente porte sur une chose certaine, ce qui est le cas en l'espèce, le transfert de propriété a lieu dès la conclusion du contrat. La validité d'un contrat est reconnue lorsque les parties ont la capacité légale de contracter, lorsqu'elles donnent leur consentement légalement, lorsque quelque chose est l'objet du contrat et lorsqu'il y a une cause ou considération licite (voir l'article 984 du C.c.B.C.).

 

[28]         Selon les articles 2082 et 2083 du C.c.B.C., le transfert de la résidence familiale en l'espèce est devenu opposable aux tiers lors de son enregistrement (aujourd'hui appelée publication). À la lumière des décisions précitées (Fasken Estate, St. Aubyn et Dunkelman) et compte tenu des règles du C.c.B.C. de l'époque, se rapportant aux obligations et à la vente, je conclus que le « transfert » de la résidence familiale au sens de l'article 160 de la Loi s'est produit le 30 juin 1988.

 

[29]         Je note que l'acte notarié constatant le transfert de la résidence est présumé authentique et fait preuve de son contenu. Je reproduis les articles 1208 et 1210 du C.c.B.C.

 

Art. 1208. Un acte notarié reçu devant un notaire est authentique s'il est signé par toutes les parties.

 

Si les parties ou l'une d'elles sont incapables de signer, il est nécessaire, pour que l'acte soit authentique, que le consentement donné à l'acte, pour chaque partie qui ne sait ou ne peut signer, soit reçu en la présence d'un témoin qui signe.

 

Tout majeur sain d'esprit peut être témoin s'il n'est pas intéressé dans l'acte ou s'il n'est pas le conjoint du notaire instrumentant.

 

Cet article est sujet aux dispositions contenues dans l'article qui suit et, à celles qui ont rapport aux testaments. Il ne s'applique pas aux cas mentionnés en l'article 2380, où un seul notaire suffit.

 

Un acte reçu par un notaire de la province de Québec, en dehors de la province, est authentique lorsque l'objet de l'acte est un immeuble ou des droits réels situés dans la province, ou [. . . ]

 

Art. 1210.  L'acte authentique fait preuve complète entre les parties, leurs héritiers et représentants légaux;

 

1. De l'obligation qui y est exprimée;

2. De tout ce qui y est exprimé en termes énonciatifs, pourvu que l'énonciation ait un rapport direct à telle obligation ou à l'objet qu'avaient en vue les parties en passant l'acte. L'énonciation étrangère à l'obligation ou à l'objet qu'avaient en vue les parties en passant l'acte ne peut servir que comme commencement de preuve.

 

 

[30]         Il s'agit maintenant de déterminer quelle a été la contrepartie donnée par l'appelante à son époux en échange du bien transféré. Je reproduis le sous-alinéa 160(1)e)(i) de la Loi qui se lit comme suit :

 

e)      le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants :

 

         (i)      l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien.

 

[31]         Le terme contrepartie au sens de l'article 160 de la Loi a fait l'objet de plusieurs commentaires des juges de cette cour. Le juge Bonner dans Ruffolo et al. c. La Reine, 99 D.T.C. 184, a dit ce qui suit au paragraphe 7 :

 

[…] Le terme « contrepartie » au sous-alinéa 160(1)e)(i) doit être interprété dans son sens ordinaire, à savoir qu'il s'agit de quelque chose que l'on donne en paiement. Rien dans le contexte législatif ou dans l'objectif qui sous-tend l'article 160 ne laisse croire le contraire.

 

[32]         Le juge Bowie, dans la décision Logiudice c. La Reine, 97 D.T.C. 1462, à la page 1466, a fait les commentaires suivants :

 

Le mot "contrepartie", tel qu'il est utilisé dans le contexte de l'article 160 de la Loi, dans son sens ordinaire, signifie la contrepartie qu'une partie à un contrat donne à l'autre partie en échange du bien transféré. L'article 160 vise de toute évidence à empêcher les contribuables de se soustraire à leur obligation fiscale ainsi qu'aux intérêts et aux pénalités prévus par les dispositions de la Loi en plaçant les biens exigibles entre les mains de parents ou d'autres personnes avec lesquels ils ont un lien de dépendance, et donc hors de la portée immédiate du percepteur d'impôt. La disposition restrictive du sous-alinéa 160(1)e)(i) de la Loi vise à protéger les véritables opérations commerciales de l'application de la disposition, jusqu'à concurrence de la juste valeur marchande de la contrepartie donnée pour le bien qui a été transféré. Par conséquent, il est évident que pour que le bénéficiaire du transfert puisse se prévaloir de cette disposition protectrice, il doit être en mesure de prouver que le bien lui a été transféré conformément aux conditions d'une véritable entente contractuelle.

 

[33]         Et finalement, concernant l'exigence de contrepartie prévue à l'article 160 de la Loi, le juge Sexton de la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit au paragraphe 27 de l'arrêt La Reine c. Livingston, 2008 DTC 6233 :

 

Sous le régime du paragraphe 160(1), le bénéficiaire d'un transfert de biens est redevable à l'ARC dans la mesure où la juste valeur marchande de la contrepartie donnée pour ces biens est inférieure à la juste valeur marchande de ceux-ci. L'objet même du paragraphe 160(1) est d'assurer la conservation de la valeur des biens existants dans le patrimoine du contribuable aux fins de recouvrement par l'ARC. Dans le cas où le contribuable s'est entièrement dessaisi de ces biens, le paragraphe 160(1) prévoit la possibilité pour l'ARC d'exercer ses droits sur lesdits biens contre le bénéficiaire de leur transfert. Cependant, ce paragraphe n'est pas d'application lorsque l'auteur du transfert a reçu au moment de celui-ci une somme équivalente à la valeur des biens transférés, c'est-à-dire une contrepartie à la juste valeur marchande. La raison en est qu'une telle transaction ne lèse pas l'ARC en tant que créancier. Si l'on applique ces principes à la présente espèce, il apparaît clairement que la transaction opérée entre l'intimée et Mme Davies n'a apporté à celle-ci rien d'équivalent aux biens transférés qui aurait pu être recouvré par l'ARC, de sorte qu'on ne peut absolument pas dire qu'il y ait eu contrepartie.

 

[34]         L'appelante soutient que, dans l'éventualité où la Cour devait conclure que le transfert de la résidence familiale a été effectué le 30 juin 1988, la contrepartie donnée serait alors égale ou supérieure à la juste valeur marchande de la résidence puisque l'appelante et son époux ont prévu que le transfert était pour 1 $ et « une autre contrepartie à titre onéreux et valable ». Selon l'appelante, cette autre contrepartie à titre onéreux aurait été donnée dans le cadre de l'acte de partage en date du 20 avril 1989 et, selon les valeurs établies, la contrepartie était supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale.

 

[35]         La difficulté qui se présente en ce qui concerne la thèse de l'appelante se trouve dans le texte même de l'acte de vente du 30 juin 1988. À la page 3 du document, on y trouve le paragraphe suivant :

 

[TRADUCTION]

 

Il n'y a pas entre les époux d'entente en suspens portant sur la modification de leur état civil ou de leur régime matrimonial.

 

[36]         Le même document stipule également que le régime matrimonial du cédant, l'époux de l'appelante, n'a pas changé depuis qu'il en est le propriétaire et qu'il est marié sous le régime de la société d'acquêts avec l'appelante selon les lois de la province de Québec.

 

[37]         Finalement, dans l'acte de vente, sous la rubrique du prix, on peut y lire qu'il y a quittance finale quant au versement de la contrepartie :

 

[TRADUCTION]

 

La présente vente a donc été conclude pour la somme de un dollar (1.00$) et autre contrepartie à titre onéreux et valable que l'acheteuse a payée comptant au vendeur et que celui-ci reconnaît avoir reçue de l'acheteuse, à qui il accorde une QUITTANCE GÉNÉRALE ET FINALE.

 

[38]         Il ne fait aucun doute que la version des faits de l'appelante et de son époux quant au contexte dans lequel le transfert de la résidence familiale a été effectué ne correspond pas du tout au texte de l'acte de vente. Le paragraphe qui contredit le plus la thèse de l'appelante est celui voulant que les parties n'aient conclu aucune entente dans le but de modifier leur régime matrimonial. Pourtant, selon l'époux de l'appelante, il aurait consulté son notaire afin de savoir comment procéder pour se protéger de ses créanciers et, du même coup, répondre aux attentes de l'appelante. La solution proposée était de changer leur régime matrimonial et de préparer une liste de biens à partager à cette fin. Si tel était le cas le 30 juin 1988, comment se fait-il que le notaire n'en ait pas fait mention dans l'acte de vente? On peut aussi se demander pourquoi il était nécessaire d'effectuer le transfert de la résidence familiale avant que la liste de biens à partager soit préparée et que la modification du régime matrimonial ne soit effectuée.

 

[39]         La thèse de l'appelante ressemble à celle que l'on trouve dans l'affaire Allen c. La Reine, 2009 CCI 426. Dans cette affaire, bien que l'appelante avait admis que la juste valeur marchande du bien au moment du transfert était de 375 000 $ et que le solde de l'hypothèque était de 242 588 $, elle soutenait que son époux et elle avaient conclu un contrat verbal selon lequel, après le transfert, elle prendrait des dispositions nécessaires pour calculer la valeur nette du droit de son époux au bien et lui avancerait des fonds dans un court laps de temps après le transfert. Elle soutenait, par conséquent, qu'elle avait payé une contrepartie équivalente au droit de son époux à la moitié de la juste valeur marchande du bien et que, par conséquent, sa responsabilité en vertu de l'article 160 de la Loi était nulle. De son côté, le Ministre avait présumé qu'à la date du transfert, son époux avait cédé son droit à la moitié de la valeur du bien à l'appelante pour une contrepartie de 2 $, comme l'indiquait la documentation. Donc, la juste valeur marchande du bien et le montant de l'hypothèque étant établis, le ministre avait conclu que la valeur nette du droit de l'époux au bien était de 66 205 $.

 

[40]         La juge Campbell a rejeté l'appel et a émis les commentaires suivants :

 

32 En l'espèce, l'appelante a témoigné que leur entente prenait la forme d'un contrat verbal, mais aucune documentation ou preuve n'a été présentée pour démontrer qu'il y avait eu promesse de verser une contrepartie dans l'avenir. Je ne voudrais pas que l'on pense que j'estime qu'il est toujours nécessaire de présenter des documents écrits; chaque affaire doit être jugée selon les faits qui lui sont propres. Toutefois, en l'espèce, j'estime qu'il y a trop d'incohérences dans le témoignage pour qu'il soit considéré crédible sans autres preuves suffisantes pour satisfaire au fardeau incombant à l'appelante. M. et Mme Allen étaient représentés par un avocat qui, selon leurs témoignages, a été pleinement informé de tous les faits importants entourant cette cession. Si tel était le cas, il me semble difficile de croire que l'avocat, instruit des faits, n'a pas rédigé un document, tel qu'un billet à ordre, pour tenir compte de ces circonstances. Une telle documentation aurait appuyé leur argument concernant la contrepartie au moment de la cession.

 

[. . .]

 

34 Selon la jurisprudence, l'appelante doit démontrer que la contrepartie à la JVM a été versée à M. Allen au moment de la cession pour éviter l'application de l'article 160. Cette interprétation est étayée par le libellé du sous-alinéa 160(1)e)(i). Selon l'intimée, cela signifie que la contrepartie doit être versée au moment de la cession, qui, en l'espèce, a été effectuée le 23 mars 1999. J'estime cependant que l'interprétation de l'intimée est trop littérale. Si les faits démontrent l'existence d'un accord contractuel authentique qui prévoit une contrepartie à la JVM, selon la décision rendue dans Logiudice, alors ce sera suffisant même si dans les faits le paiement n'est pas effectué à la date de la cession. L'intimée semble se rallier à ce point de vue plus loin dans ses observations (transcription de l'audience, pages 267 à 269).

 

35 L'appelante a le fardeau de prouver qu'un accord valide avait été conclu au moment de la cession stipulant qu'une contrepartie appropriée serait versée à une date ultérieure. En l'espèce, il n'y a pas de contrat écrit, seulement les témoignages de l'appelante et de son mari voulant qu'il y ait eu entente verbale. Cependant, le témoignage comporte tout simplement trop d'incohérences pour que l'appelante puisse s'acquitter du fardeau d'établir qu'il existait un véritable accord stipulant le paiement d'une contrepartie suffisante après la cession. Non seulement le paiement d'une contrepartie doit-il être démontré, mais la contrepartie doit être suffisante.

 

[41]         Dans une autre décision de notre cour, soit Madsen c. La Reine, D.T.C. 369, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale, 2006 D.T.C. 6090, le juge Little avait conclu que la vague promesse de l'appelante de verser à son mari les fonds nécessaires en contrepartie de ses droits ou bien cédé lorsque ces fonds seraient disponibles, sans qu'aucune entente écrite ne soit conclue, ne constituait pas une contrepartie au moment de la cession.

 

[42]         En l'espèce, il est peut-être vrai que l'appelante voulait mettre la résidence familiale à l'abri des créanciers de son époux en raison du fait qu'elle et son époux avaient fait une demande d'adoption mais cette adoption n'a eu lieu qu'en 1990. Il n'y avait rien d'urgent, à mon avis, qui pouvait justifier le transfert de la résidence familiale si rapidement si ce n'est de la protéger des créanciers de l'époux. Si je devais souscrire aux prétentions de l'appelante voulant que le transfert du 30 juin 1988 faisait partie d'un tout avec le changement de régime matrimonial et le partage de leur biens le 20 avril 1989, il me faudrait complètement ignorer certaines clauses de l'acte de vente stipulées précédemment et ne pas me demander pourquoi le notaire qui a préparé les documents n'a ouvert qu'un seul dossier sur cette transaction au printemps de 1989 et aucun en juin 1988.

 

[43]         Même si je devais souscrire aux prétentions de l'appelante, il est impossible de fixer une valeur à la contrepartie donnée par l'appelante au moment du transfert puisque le partage des biens entre l'appelante et son époux n'avait pas encore été formalisé. La liste de partage (pièce A-4) n'a été préparée qu'au début de l'année suivant le transfert de la résidence familiale. Il faut, au moment du transfert, qu'on puisse donner une valeur à l'expression « autre contrepartie à titre onéreux et valable ». À mon avis, au moment de transférer la résidence familiale le 30 juin 1988, il n'y avait entre l'appelante et son époux, l'auteur du transfert, aucun accord valable pouvant établir la valeur de la contrepartie versée au-delà de la somme d'un dollar.

 

[44]         Aucun document n'a été présenté pour démontrer qu'une autre contrepartie serait donnée dans un avenir rapproché. Bien qu'il ne soit pas toujours nécessaire de présenter des documents écrits, chaque affaire est un cas d'espèce. Les témoignages entendus ne m'ont pas convaincu que l'appelante et son conjoint s'étaient entendus sur quoi que ce soit d'autre que la vente de la résidence familiale en juin 1988. Il n'y avait rien dans l'acte de vente au sujet de la modification de leur régime matrimonial ou d'une autre contrepartie. Il y avait entre eux tout au plus un engagement moral qui n'était pas légalement exécutoire au moment du transfert.

 

[45]         Un examen attentif des documents notariés mis en preuve milite finalement en faveur de l'idée selon laquelle la somme de un dollar était la seule contrepartie remise au sens de l'article 160 de la Loi lors du transfert de la résidence familiale le 30 juin 1988.

 

[46]         L'appel est donc rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'avril 2012.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 


RÉFÉRENCE :                                  2012 CCI 104

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-737(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Isabelle Sokolowski Romar et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 13 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 25 avril 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Richard Généreux

 

Avocates de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

Me Valérie Messore

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Richard Généreux

 

                 Cabinet :                           Drummondville, Québec

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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