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Dossier : 2011-1031(IT)I

ENTRE :

EVELYN W. CHAN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 avril 2012, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Mme Maria Abdoullaeva (stagiaire)

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel que l’appelante a interjeté à l’encontre de la cotisation relative à une pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard de la déclaration de revenus qu’elle avait produite pour l’année 2008 est accueilli sans frais, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi à l’égard de la déclaration de revenus qu’elle a produite pour l’année 2008 est supprimée.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

Référence : 2012CCI168

Date : 20120518

Dossier : 2011-1031(IT)I

 

ENTRE :

EVELYN W. CHAN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]             Il s’agit ici de savoir si la pénalité qui a été imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard d’un montant que l’appelante n’avait pas inclus dans le calcul de son revenu, dans la déclaration de revenus qu’elle avait produite pour l’année 2008 (après avoir omis d’inclure un montant dans son revenu lorsqu’elle avait produit sa déclaration de revenus pour l’année 2007) doit être confirmée ou si elle doit être supprimée. La disposition en question prévoit ce qui suit :

 

163(1) Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

 

[2]             La pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi est imposée à la personne qui n’a pas déclaré un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration de revenus produite pour une année particulière, et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes. L’appelante a reconnu qu’elle n’avait pas inclus certains montants dans son revenu en produisant ses déclarations de revenus pour les années 2007 et 2008.

 

[3]             Dans la décision Saunders c. La Reine, 2006 CCI 51, 2006 DTC 2267, [2006] 2 C.T.C. 2255, la juge Woods a dit ce qui suit :

 

12 La pénalité visée par le paragraphe 163(1) est un exemple d’un cas de responsabilité stricte, même si la Cour a déjà jugé que cette pénalité pouvait être annulée si le contribuable réussissait à établir qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable. […]

 

[4]             Dans la décision Dunlop c. La Reine, 2009 CCI 177, 2009 DTC 1124, [2009] 6 C.T.C. 2223, le juge Boyle a réitéré que la pénalité ne s’applique pas si le contribuable « peut prouver qu’il a montré le niveau requis de diligence raisonnable ».

 

[5]             Dans l’arrêt Les Résidences Majeau Inc. c. La Reine, 2010 CAF 28, le juge Létourneau, au nom de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit :

 

[7] Quant à la pénalité, nous sommes satisfaits que le juge n’a pas commis d’erreur en la maintenant. Pour y échapper, l’appelante devait établir qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable.

 

[8] Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’évènement qui donne naissance à la pénalité.

 

[9] L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e. une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif.

 

[10] Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité.

 

[6]             La pénalité en question n’a pas été précisée dans cette décision de la Cour d’appel fédérale, mais il ressort de la décision[1] du juge Tardif, qui a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, que la pénalité était celle qui, avant le 1er avril 2007, était imposée en vertu de l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise. L’imposition de cette pénalité était également assujettie au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable (voir Pillar Oilfield Projects Ltd. v. The Queen, [1993] G.S.T.C. 49).

 

[7]             Par conséquent, si l’appelante peut établir qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable, la pénalité sera annulée. L’appelante doit établir qu’elle a commis une erreur de fait raisonnable ou qu’elle a pris des précautions raisonnables pour éviter que ne soient omis dans son revenu des années 2007 et 2008 les montants qui devaient y être inclus.

 

[8]             En 2007, le montant que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu s’élevait à 1 156 $; ce montant était composé des éléments suivants :

 

Dividendes imposables                                         145 $

Autre revenu                                                      1 010 $

Demande de déduction de gains en capital selon

le feuillet T3                                                              1 $

Total :                                                                1 156 $

 

[9]             Ces montants se rapportaient tous à des placements que l’appelante avait effectués par l’entremise de TD Waterhouse. L’appelante a expliqué que les feuillets de renseignements se rapportant à ces montants n’avaient toujours pas été reçus à la fin du mois de mars 2008 et qu’ils avaient uniquement été reçus après qu’elle eut produit sa déclaration de revenus pour l’année 2007.

 

[10]        En 2008, l’appelante n’a pas déclaré une partie de son revenu de placement dans sa déclaration de revenus de l’année 2008. Dans le formulaire de déclaration de renseignements qui a été produit au cours de l’audience, il est déclaré que le montant du revenu non déclaré à l’égard duquel la pénalité était établie s’élevait à 5 226 $. Dans la réponse, il est déclaré que le montant a été déterminé ainsi :

 


Dividendes imposables                                 2 075,00 $

Intérêts                                                          2 555,00 $

Autre revenu                                                    560,00 $

Autre revenu de dividendes                                89,00 $

Moins impôt étranger payé :                            (52,35 $)

Total :                                                           5 226,65 $

 

[11]        L’appelante a reconnu qu’elle n’avait pas inclus les revenus susmentionnés en produisant sa déclaration de revenus pour l’année 2008. La pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi était fondée sur le montant de 5 226 $. Aucune explication n’a été donnée au sujet de la raison pour laquelle une déduction avait été effectuée pour l’impôt étranger payé. La pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi est de 10 p. 100 du « montant à inclure dans le calcul [du] revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée » que la personne n’a pas inclus dans le calcul de son revenu. Le montant payé pour l’impôt étranger est généralement déduit dans le calcul de l’impôt à payer plutôt que dans le calcul du revenu[2]. Il ressort également du formulaire de déclaration de revenus qui a été produit qu’un crédit pour impôt étranger de 165,63 $[3] a été admis à titre de déduction lorsque le montant de l’impôt à payer a été déterminé. On ne sait pas trop pourquoi ce montant a été déduit dans le calcul du montant de revenu que l’appelante n’avait pas déclaré. Quoi qu’il en soit, étant donné que cette déduction avait pour effet de réduire le montant à l’égard duquel la pénalité a été établie et comme le ministre ne peut pas interjeter appel de sa propre cotisation[4], aucun rajustement ne sera apporté à ce montant.

 

[12]        Dans le formulaire de déclaration de revenus qui a été produit au cours de l’audience, le montant non déclaré de 2 075 $ a été décrit comme se rapportant à des [traduction] « dividendes imposables ». En 2008, le paragraphe 82(1) de la Loi prévoyait notamment ce qui suit :

 

82 (1) Le total des sommes ci-après est à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

a) l’excédent éventuel de la somme visée au sous-alinéa (i) sur la somme visée au sous-alinéa (ii) :

(i) le total des sommes, à l’exception des dividendes déterminés et des sommes visées aux alinéas c), d) ou e), que le contribuable reçoit au cours de l’année de sociétés résidant au Canada au titre ou en paiement intégral ou partiel de dividendes imposables,

(ii) si le contribuable est un particulier, le total des sommes qu’il a versées au cours de l’année et qui sont réputées par le paragraphe 260(5) avoir été reçues par une autre personne à titre de dividendes imposables (autres que des dividendes déterminés);

a.1) l’excédent éventuel de la somme visée au sous-alinéa (i) sur la somme visée au sous-alinéa (ii) :

(i) le total des sommes, à l’exception des sommes incluses dans le calcul du revenu du contribuable par l’effet des alinéas c), d) ou e), que le contribuable a reçues au cours de l’année de sociétés résidant au Canada au titre ou en paiement intégral ou partiel de dividendes déterminés,

(ii) si le contribuable est un particulier, le total des sommes qu’il a versées au cours de l’année et qui sont réputées par le paragraphe 260(5) avoir été reçues par une autre personne à titre de dividendes déterminés;

b) si le contribuable est un particulier, autre qu’une fiducie qui est un organisme de bienfaisance enregistré, le total des sommes suivantes :

(i) 25 % de la somme déterminée selon l’alinéa a) relativement au contribuable pour l’année,

(ii) 45 % de la somme déterminée selon l’alinéa a.1) relativement au contribuable pour l’année;

[…]

 

[13]        En 2008, les dividendes reçus de sociétés résidant au Canada étaient assujettis à une majoration de 25 p. 100 ou de 45 p. 100[5]. Dans ce cas‑ci, les dividendes non déclarés étaient décrits ainsi dans le formulaire de déclaration de revenus :

 


Dividendes imposables                                                2 075 $

 

Dividendes non déterminés autres que les dividendes

déterminés                                                                        89 $

 

[14]        Étant donné que les dividendes qui n’étaient pas des dividendes déterminés ont été déclarés séparément, le montant de 2 075 $ doit représenter le montant imposable des dividendes déterminés. Étant donné que le montant de la majoration des dividendes déterminés se serait élevé à 45 p. 100 du montant reçu, cela entraînerait une différence importante entre le montant des dividendes qui avaient été reçus et le montant des dividendes imposables pour les dividendes déterminés. Il ressort clairement du début du paragraphe 82(1) de la Loi[6] que le montant à inclure dans le calcul du revenu est le montant du dividende qui a été reçu et le montant additionnel (le montant de la majoration) qui, en 2008, aurait représenté 45 p. 100 du montant du dividende reçu si le montant était un dividende déterminé. Il semble donc qu’étant donné que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi correspond à 10 p. 100 du montant à inclure dans le calcul du revenu, la pénalité serait imposée sur le montant majoré, comme cela a été fait dans ce cas‑ci.

 

[15]        Ce résultat ne semble pas logique. Par exemple, supposons qu’un particulier a reçu un dividende de 10 000 $ en 2008. S’il s’agit d’un dividende déterminé, un montant additionnel de 45 p. 100 serait inclus dans le revenu, ce qui donnerait un montant de 14 500 $ en tout. La pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi pour omission d’inclure ce montant dans le revenu s’élèverait à 1 450 $[7]. Toutefois, si le même particulier avait reçu un montant de 10 000 $ au titre d’un revenu en intérêts qui n’avait pas été inclus dans le revenu, la pénalité qui serait imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi serait de 1 000 $[8]. Toutefois, l’obligation fiscale découlant d’un dividende déterminé de 10 000 $ (par suite du crédit d’impôt pour dividendes) serait inférieure à l’obligation fiscale découlant d’un revenu en intérêts de 10 000 $[9]. Par conséquent, l’impôt sur le revenu que le particulier devrait payer à la suite de la réception d’un dividende déterminé de 10 000 $ serait inférieur à l’impôt sur le revenu qu’il devrait payer par suite de la réception du même montant au titre d’un revenu en intérêts, mais l’omission d’inclure le montant du dividende imposable à l’égard du dividende déterminé entraînerait, en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi, des pénalités plus élevées que l’omission d’inclure le même montant reçu au titre d’un revenu en intérêts, et ce, parce que la pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi est fondée sur le montant qui n’a pas été inclus dans le calcul du revenu et non sur l’impôt que ce montant aurait généré ou sur le montant que le contribuable a reçu.

 

[16]        Dans ce cas‑ci, le montant du dividende imposable de 2 075 $ pour l’année 2008 est le montant majoré à l’égard des dividendes déterminés. Par conséquent, le montant réel des dividendes reçus en 2008 se serait élevé à 1 431 $[10]. Compte tenu de la pénalité que l’intimée a imposée, l’omission de l’appelante d’inclure le montant majoré à l’égard du montant de 1 431 $ auquel s’élevaient les dividendes déterminés qu’elle a reçus entraînera une pénalité de 207,50 $ en vertu du paragraphe 163(l) de la Loi. Si le montant reçu (1 431 $) s’était rapporté à des intérêts non déclarés, la pénalité ne se serait élevée qu’à 143,10 $.

 

[17]        Dans le présent appel, il s’agit de savoir si l’appelante a établi qu’elle avait fait preuve du degré requis de diligence raisonnable pour éviter l’omission d’inclure un montant dans son revenu pour l’année 2007 ou pour éviter l’omission d’inclure un montant dans son revenu pour l’année 2008. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, la pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi si les conditions énoncées aux alinéas a) et b) sont réunies. Il me semble que la pénalité ne doit pas être imposée si l’appelante peut établir qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable pour éviter l’omission d’inclure les montants en question dans son revenu.

 

[18]        Dans la décision Franck c. La Reine, 2011 CCI 179, le juge Hogan a dit ce qui suit :

 

2.    […] le paragraphe 163(1) de la Loi prévoit qu’il doit y avoir eu omission à l’égard de deux années sur quatre années consécutives. Par conséquent, une défense de diligence raisonnable pour au moins une des années pourrait venir annuler la pénalité.

 

[19]        Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable résulte de la classification de l’infraction à titre d’infraction de responsabilité stricte. Dans l’arrêt La Reine c. La Corporation de la ville de Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, le juge Dickson (tel était alors son titre), qui a rédigé les motifs au nom de la Cour suprême du Canada, a dit ce qui suit :

 

Je conclus, pour les motifs que j’ai indiqués, qu’il y a des raisons impératives pour reconnaître trois catégories d’infractions plutôt que les deux catégories traditionnelles :

 

            1. Les infractions dans lesquelles la mens rea, qui consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit, comme l’intention, la connaissance, l’insouciance, doit être prouvée par la poursuite soit qu’on puisse conclure à son existence vu la nature de l’acte commis, soit par preuve spécifique.

 

            2. Les infractions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que la poursuite prouve l’existence de la mens rea; l’accomplissement de l’acte comporte une présomption d’infraction, laissant à l’accusé la possibilité d’écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires. Ceci comporte l’examen de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. La défense sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent, ou si l’accusé a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question. Ces infractions peuvent être à juste titre appelées des infractions de responsabilité stricte. C’est ainsi que le juge Estey les a appelées dans l’affaire Hickey.

 

            3. Les infractions de responsabilité absolue où il n’est pas loisible à l’accusé de se disculper en démontrant qu’il n’a commis aucune faute.

 

 

[20]        Dans de nombreuses décisions, il a été conclu que le contribuable peut invoquer un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable qui, si ce moyen est établi, lui permet d’éviter une pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. La pénalité peut uniquement être imposée en vertu de cette disposition de la Loi que si le contribuable n’inclut pas un montant dans son revenu au cours de deux années différentes. Par conséquent, l’« acte » comporte deux omissions – l’omission d’inclure un montant dans le revenu au cours d’une année et l’omission d’inclure un montant dans le revenu au cours d’une autre année dans les trois années suivant la première omission.

 

[21]        Par conséquent, comme l’a dit le juge Hogan, le contribuable qui peut établir qu’il a fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de la première omission d’inclure un montant dans son revenu ou de la seconde omission d’inclure un montant dans son revenu aura gain de cause à l’égard de l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. Même si le calcul du montant de la pénalité est uniquement basé sur le second montant que le contribuable a omis d’inclure dans le calcul de son revenu, pour que la pénalité soit imposée, ce contribuable doit avoir omis d’inclure des montants dans le calcul de son revenu au cours de deux années différentes et les deux omissions feraient partie de l’« acte ». Dans ce cas‑ci, l’appelante aura gain de cause si elle réussit à établir qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de son omission d’inclure 1 156 $ dans son revenu pour l’année 2007 ou de son omission d’inclure 5 226 $ dans son revenu pour l’année 2008.

 

[22]        Le montant que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu pour l’année 2007 s’élevait à 1 156 $. Des dividendes imposables de 145 $ sont inclus dans ce montant. Rien n’indiquait s’il s’agissait de dividendes déterminés. À supposer que ces dividendes soient des dividendes déterminés, le montant que l’appelante a de fait reçu s’élevait à 100 $. Le revenu total de l’appelante en 2007 (y compris les montants non déclarés) s’élevait à 109 123 $. Par conséquent, le montant non déclaré (y compris le montant du dividende imposable) représentait 1,06 p. 100 du revenu total de l’appelante pour l’année 2007. L’appelante a expliqué que TD Waterhouse (qui détenait les placements générant le revenu) ne lui avait pas envoyé les feuillets de renseignements nécessaires avant la fin du mois de mars. Les feuillets T3 et T5 concernant l’année 2007 auraient dû être établis et envoyés au plus tard aux dates suivantes :

 

Feuillets T5 (dividendes, intérêts et autres revenus) 29 février 2008[11]

 

Feuillets T3 (fiducies)                                              31 mars 2008[12]

 

[23]        L’erreur de fait que l’appelante a commise en 2007 était la suivante : l’appelante avait erronément cru avoir en sa possession tous les feuillets de renseignements que TD Waterhouse devait lui envoyer au plus tard à la fin du mois de mars et elle a donc cru qu’elle déclarait tout son revenu lorsqu’elle avait préparé sa déclaration de revenus, au début du mois d’avril. Il me semble s’agir d’une erreur raisonnable. Le montant que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu ne représentait que 1,06 p. 100 de son revenu total en 2007. L’erreur que l’appelante a commise en omettant d’inclure ce montant dans son revenu était une erreur innocente. Il semble également raisonnable de croire qu’une grosse institution financière telle que TD Waterhouse se serait conformée aux obligations qui lui incombaient en vertu du Règlement de l’impôt sur le revenu lorsqu’il s’agissait de transmettre les feuillets d’impôt nécessaires avant la date limite établie dans ce règlement. Il me semble qu’une personne raisonnable faisant face aux mêmes circonstances aurait pu commettre la même erreur et omettre par erreur une petite partie de son revenu. Par conséquent, l’appelante a établi qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de l’omission d’inclure le montant de 1 156 $ dans son revenu pour l’année 2007.

 

[24]        Cela est suffisant pour trancher l’appel, mais l’appelante a également expliqué les circonstances dans lesquelles elle avait omis de déclarer le montant pour l’année 2008. Au cours de l’année 2008, l’appelante a transféré à TD Waterhouse (où elle avait déjà un compte) certains placements qu’elle détenait à la Banque nationale. Afin de conserver les deux groupes de placements séparément tant que le transfert n’était pas effectué, l’appelante a ouvert un compte distinct chez TD Waterhouse. Une fois qu’elle était convaincue que tous les placements avaient été transférés par la Banque nationale, elle a demandé à TD Waterhouse de transférer tous les placements du compte temporaire à l’autre compte qu’elle détenait chez TD Waterhouse.

 

[25]        TD Waterhouse a de fait transféré les placements, mais, pour une raison inexpliquée, le revenu tiré des placements qui étaient détenus dans le compte temporaire n’a pas été ajouté au revenu de placement déclaré relativement au compte principal de l’appelante, chez TD Waterhouse, et aucun feuillet T5 ou T3 distinct n’a été envoyé à l’appelante pour ce revenu de placement.

 

[26]        Le montant qui a été omis pour l’année 2008 (le montant du dividende imposable) s’élevait à 5 226 $, et le revenu total de l’appelante, pour l’année 2008, s’élevait à 111 768 $. Par conséquent, les montants omis représentaient 4,7 p. 100 du revenu total de l’appelante. Les montants qui ont été omis représentaient moins de 5 p. 100 du revenu total de l’appelante, mais ils représentaient un pourcentage élevé de son revenu de placement. Les montants que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu et à l’égard desquels la pénalité a été calculée et les montants totaux de chaque type de revenu étaient les suivants :

 

Type de revenu

Montant déclaré

Montant non déclaré

Montant total

% du total non déclaré

Dividendes imposables

3 041 $

2 075 $

5 116 $

41 %

Intérêts et revenus de placement

14 940 $

2 555 $

17 495 $

15 %

Autre revenu

2 343 $

560 $

2 903 $

19 %

Dividende non déterminé

43 $

89 $

132 $

67 %

 

[27]        Le pourcentage du montant total qui aurait dû être déclaré pour chaque type de revenu est élevé – il va de l5 p. 100 des intérêts et du revenu de placement à 67 p. 100 des dividendes non déterminés, quoique le montant réel des dividendes non déterminés qui n’a pas été déclaré ait été peu élevé (89 $). Si, lorsqu’il s’était agi de veiller à ce que tout son revenu soit déclaré par TD Waterhouse, l’appelante avait été aussi diligente qu’elle l’avait été lorsqu’il s’était agi de veiller à ce que tous ses placements soient transférés par la Banque nationale, elle aurait remarqué le revenu manquant. De plus, étant donné que, l’année précédente, TD Waterhouse avait envoyé les feuillets de renseignements en retard, une personne raisonnable aurait pris des mesures additionnelles afin de veiller à ce que, pour l’année 2008, TD Waterhouse déclare avec exactitude tous les montants. L’erreur de fait que l’appelante a commise pour l’année 2008 n’était pas une erreur raisonnable et l’appelante n’a pas pris de mesures raisonnables pour s’assurer que tout son revenu de placement était inclus dans son revenu pour l’année 2008. Par conséquent, il me semble que l’appelante n’a pas fait preuve de la diligence raisonnable nécessaire en ce qui concerne l’année 2008. Toutefois, étant donné qu’il suffit qu’elle établisse qu’elle a fait preuve de la diligence raisonnable nécessaire pour une seule des années pour lesquelles un montant n’a pas été inclus dans son revenu et puisqu’elle a établi qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de l’omission d’inclure un montant dans son revenu pour 2007, l’appel sera accueilli.

 

[28]        Par conséquent, l’appel est accueilli sans frais, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi à l’égard de la déclaration de revenus que l’appelante a produite pour l’année 2008 est supprimée.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012.

 

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                 2012CCI168

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-1031(IT)I

 

INTITULÉ :                                      EVELYN W. CHAN

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Ottawa, Canada

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 18 mai 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Mme Maria Abdoullaeva (stagiaire)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                        Nom :                       

 

                   Cabinet :                       

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] 2009 CCI 286, [2009] G.S.T.C. 90, [2009] 2009 G.S.T.C. 118.

[2] Article 126 de la Loi.

 

[3] Le montant de 165,63 $ inclut l’impôt étranger additionnel de 52,35 $ payé à l'égard d'un revenu qui n'avait pas été déclaré. Dans le formulaire, le total de 165,63 $ a été déterminé ainsi : Montant antérieur de 113,28 $ + changement de 52,35 $ = 165,63 $.

 

[4] Valdis v. The Queen, [2001] 1 C.T.C. 2827.

[5] Pourcentage inférieur après l'année 2009.

[6] Voir également l'alinéa 12(1)j) de la Loi.

 

[7] À supposer que c'était la seconde fois au cours de quatre années consécutives qu'un montant n'était pas inclus dans le revenu et qu'un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pouvait être invoqué.

 

[8] À supposer que c'était la seconde fois au cours de quatre années consécutives qu'un montant n'était pas inclus dans le revenu et qu'un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pouvait être invoqué.

 

[9] Par exemple, supposons qu'un particulier a eu d'autres revenus en 2008 et que tout revenu additionnel était imposé au taux de 29 p. 100 en vertu de la Loi. Supposons que les dividendes mentionnés ci‑dessous ont été reçus de sociétés résidant au Canada. Le tableau suivant illustre uniquement l'obligation fiscale en vertu de la Loi (et n'inclut pas une obligation découlant d'une loi de l'impôt sur le revenu provinciale) qui serait imposée sur les montants de revenu additionnels suivants :

 

 

Dividende

(autre qu'un dividende déterminé)

Dividende déterminé

Revenu en intérêts

A. Montant reçu :

10 000 $

10 000 $

10 000 $

B. Majoration pour les dividendes (par. 82(1)) (25 % ou 45 %)

2 500 $

4 500 $

s.o.

C. Montant total inclus dans le calcul du revenu (A + B)

12 500 $

14 500 $

10 000 $

D. Impôt à payer (art. 117) (29 % de C)

3 625 $

4 205 $

2 900 $

E. Moins : Crédit d'impôt pour dividendes (art. 121) (2/3 ou 11/18 de B)

1 667 $

2 750 $

s.o.

F. Impôt net à payer : (D – E)

1 958 $

1 455 $

2 900 $

 

[10] 1 431 $ + 45 % de 1 431 $ = 2 075 $.

[11] Paragraphes 201(1) et 205(1) et article 209 du Règlement de l'impôt sur le revenu.

 

[12] Paragraphe 204(2) et article 209 du Règlement de l'impôt sur le revenu et article 26 et définition de « jour férié » au paragraphe 35(1) de la Loi d'interprétation. Le 30 mars 2008 était un dimanche.

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