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Dossier : 2011-879(IT)I

ENTRE :

OTTAWA RITZ HOTEL COMPANY LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 avril 2012, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Jack R. Bowerman

Avocate de l’intimée :

Me Tanis Halpape

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté par l’appelante est rejeté sans frais.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2012.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

Référence : 2012CCI166

Date : 20120518

Dossier : 2011-879(IT)I

 

ENTRE :

OTTAWA RITZ HOTEL COMPANY LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]             L’appelante est une société qui a versé un dividende de 32 000 $ au cours de son exercice qui a pris fin le 31 mars 2007. La déclaration de revenus relative à l’année d’imposition 2007 a été produite le 5 juin 2010 seulement. L’appelante a demandé un remboursement au titre de dividendes de 10 667 $ dans sa déclaration de revenus de 2007, mais ce remboursement a été refusé. Une pénalité a également été imposée en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]             Le paragraphe 129(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

 

129(1) Lorsque la déclaration de revenu d’une société en vertu de la présente partie pour une année d’imposition est faite dans les trois ans suivant la fin de l’année, le ministre :

 

a) peut, lors de l’envoi par la poste de l’avis de cotisation pour l’année, rembourser, sans que demande en soit faite, une somme (appelée « remboursement au titre de dividendes » à la présente loi) égale au moins élevé des montants suivants :

 

(i) le tiers de l’ensemble des dividendes imposables que la société a versés sur des actions de son capital-actions au cours de l’année et à un moment où elle était une société privée,

 

(ii) son impôt en main remboursable au titre de dividendes, à la fin de l’année;

 

b) doit effectuer le remboursement au titre de dividendes avec diligence après avoir posté l’avis de cotisation, si la société en fait la demande par écrit au cours de la période pendant laquelle le ministre pourrait établir, aux termes du paragraphe 152(4), une cotisation concernant l’impôt payable en vertu de la présente partie par la société pour l’année s’il n’était pas tenu compte de l’alinéa 152(4)a).

 

 

[3]             Le remboursement au titre de dividendes est le moindre de deux montants – le tiers de l’ensemble des dividendes imposables versés au cours d’une année d’imposition particulière ou l’impôt en main remboursable au titre de dividendes de la société à la fin de l’année. Le ministre peut effectuer un remboursement au titre de dividendes comme le prévoit cette disposition, sans que le contribuable demande ce remboursement (alinéa a)). Si le ministre ne verse pas volontairement le remboursement, le contribuable peut demander ce remboursement et le ministre doit ensuite effectuer le remboursement (alinéa b)). Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, la déclaration de la société de l’année particulière pour laquelle le remboursement est demandé doit être produite dans les trois années qui suivent la fin de l’année en question. Si la déclaration n’est pas produite dans ce délai de trois ans, l’alinéa a) et l’alinéa b) ne s’appliquent pas.

 

[4]             Dans la décision Tawa Developments Inc. c. La Reine, 2011 CCI 440, 2011 DTC 1324, le juge Hogan a confirmé que, lorsque la déclaration de revenus n’est pas produite dans le délai de trois ans mentionné au paragraphe 129(1) de la Loi, « la disposition énoncée au paragraphe 129(1) au sujet du remboursement au titre de dividendes [devient] inopérante [...] et [...] le remboursement ne [peut] être obtenu ». Étant donné que l’appelante n’a pas produit sa déclaration de revenus concernant son année d’imposition 2007 dans les trois années qui suivaient la fin de l’année d’imposition, les dispositions des alinéas a) et b) du paragraphe 129(1) ne s’appliquent pas et le ministre n’est pas obligé de verser à l’appelante le remboursement au titre de dividendes.

 

[5]             Bien que la question n’ait pas été soulevée au cours de l’audience, le juge Hogan a fait remarquer, dans la décision Tawa Developments Inc., précitée, que, si le remboursement au titre de dividendes nest pas versé à la société contribuable, l’impôt en main remboursable au titre de dividendes de cette société n’est pas réduit du montant du remboursement au titre de dividendes qui aurait pu être payé, mais qui ne l’a pas été parce que la déclaration de revenus n’a pas été produite dans le délai imparti de trois ans. Par conséquent, l’impôt en main remboursable au titre de dividendes de l’appelante n’est pas réduit du montant de 10 667 $ que l’appelante a demandé lorsqu’elle a produit, le 5 juin 2010, sa déclaration de revenus pour son année d’imposition 2007 étant donné que ce montant n’a pas été versé à l’appelante.

 

[6]             L’appelante s’est également vu imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

 

(2) La personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) après avoir été mise en demeure de le faire conformément au paragraphe 150(2) et qui, avant le moment du défaut, devait payer une pénalité en application du présent paragraphe ou du paragraphe (1) pour défaut de production d’une déclaration de revenu pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

a) 10 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

b) le produit de 2 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 20, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

 

[7]             Le délai dans lequel la déclaration de revenus d’une société contribuable doit être produite est énoncé à l’alinéa 150(l)a) de la Loi :

 

150(1) Sous réserve du paragraphe (1.1), une déclaration de revenu sur le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits doit être présentée au ministre, sans avis ni mise en demeure, pour chaque année d’imposition d’un contribuable :

 

a) dans le cas d’une société, par la société, ou en son nom, dans les six mois suivant la fin de l’année si, selon le cas :

 

(i) au cours de l’année, l’un des faits suivants se vérifie :

 

(A) la société réside au Canada, […]

 

[8]             Il n’est pas contesté que l’appelante résidait au Canada. Par conséquent, l’appelante était tenue de produire sa déclaration de revenus pour son année d’imposition 2007 (qui a pris fin le 31 mars 2007) au plus tard à la fin du mois de septembre 2007.

 

[9]             L’appelante n’a pas produit sa déclaration de revenus pour son année d’imposition 2007 selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) de la Loi. Aucune copie de la mise en demeure qui a été envoyée à l’appelante n’a été présentée au cours de l’audience, mais une copie de la lettre de l’Agence du revenu du Canada, en date du 12 juin 2008, a été présentée. Le premier paragraphe de cette lettre dit ce qui suit :

 

[traduction]

Nous accusons réception, par la présente lettre, de la demande que vous avez présentée en vue d’obtenir un délai additionnel afin de vous conformer à notre avis de production de la déclaration de revenus susmentionnée.

 

[10]        La déclaration de revenus mentionnée dans la lettre était la déclaration de revenus de l’appelante pour la période qui a pris fin le 31 mars 2007. Par conséquent, la mise en demeure concernant la production de la déclaration de revenus pour l’année d’imposition qui a pris fin le 31 mars 2007 avait fort probablement été signifiée à l’appelante. Dans cette lettre, l’Agence du revenu du Canada disait que, si la déclaration de revenus n’était pas produite au plus tard le 31 août 2008, des mesures d’observation additionnelles pourraient être prises.

 

[11]        L’appelante devait payer une pénalité, en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi, à l’égard de sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2006. Par conséquent, toutes les conditions relatives à l’imposition de la pénalité prévue au paragraphe 162(2) de la Loi (telles qu’elles sont énoncées aux alinéas a), b) et c) de cette disposition) sont réunies.

 

[12]        Dans la décision Kadrie v. The Queen, 2001 DTC 967, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) a confirmé que le contribuable qui s’était vu imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi pouvait se prévaloir du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Il me semble que rien n’empêche que ce moyen de défense puisse également être invoqué par une personne qui s’est vu imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi. Toutefois, l’appelante devra établir que les conditions applicables au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ont été remplies.

 

[13]        Dans l’arrêt Les Résidences Majeau Inc. c. La Reine, 2010 CAF 28, le juge Létourneau, au nom de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit :

 

[7] Quant à la pénalité, nous sommes satisfaits que le juge n’a pas commis d’erreur en la maintenant. Pour y échapper, l’appelante devait établir qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable.

 

[8] Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’évènement qui donne naissance à la pénalité.

 

[9] L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e.une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif.

 

[10] Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité.

 

 

[14]        La pénalité en question n’a pas été précisée dans cette décision de la Cour d’appel fédérale, mais il ressort de la décision[1] du juge Tardif, qui a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, que la pénalité est celle qui, avant le 1er avril 2007, était imposée en vertu de l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise. L’imposition de cette pénalité était également assujettie au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable (voir Pillar Oilfield Projects Ltd. v. The Queen, [1993] G.S.T.C. 49).

 

[15]        Dans ce cas-ci, c’est l’omission de produire la déclaration de revenus de l’année 2007 (à la suite d’une mise en demeure), qui a suivi l’omission de produire la déclaration de revenus de l’année d’imposition 2006 selon les modalités et dans le délai prévus, qui a donné lieu à l’imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi. Dans ce casci, aucune erreur de fait raisonnable n’a été commise.

 

[16]        Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut également être établi si l’appelante a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’omission de produire sa déclaration de revenus.

 

[17]        Edgar Mitchell était président de l’appelante. Son épouse est décédée subitement le 29 décembre 2008, à l’âge de 49 ans. Jack Bowerman, CA, CMA, était le comptable de l’appelante. Sa mère est décédée au printemps 2009. De plus, il a subi une chirurgie à la main gauche à l’automne 2009 et il n’a pas pu travailler pendant deux mois.

 

[18]        Le décès subit de l’épouse de M. Mitchell, président de l’appelante, a été un événement traumatisant pour celui‑ci, mais ce décès est survenu plus d’un an après la date limite de production de la déclaration de revenus de l’année 2007 prévue au paragraphe 150(1) de la loi. Les événements auxquels le comptable a fait face ont eu lieu un an et demi à deux ans après la date limite de production de la déclaration de revenus de l’année 2007 de l’appelante.

 

[19]        L’appelante n’a pas réussi à établir qu’elle avait pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’omission de produire la déclaration de revenus de la société pour l’année 2007 avant la fin du mois de septembre 2007 (soit le moment où cette déclaration devait être produite en vertu du paragraphe 150(1) de la Loi). Aucune explication n’a été donnée au sujet de l’omission de produire la déclaration de revenus de l’année d’imposition 2006 selon les modalités et dans le délai prévus.

 

[20]        Par conséquent, l’appel que l’appelante a interjeté est rejeté sans frais.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012.

 

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2012.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                 2012CCI166

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-879(IT)I

 

INTITULÉ :                                      OTTAWA RITZ HOTEL COMPANY LIMITED

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Ottawa, Canada

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 18 mai 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Jack R. Bowerman

Avocate de l’intimée :

Me Tanis Halpape

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                       

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] 2009 CCI 286, [2009] G.S.T.C. 90, [2009] 2009 G.S.T.C. 118.

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