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Dossier : 2011-3026(IT)I

ENTRE :

ANNE JOHNSTON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 10 avril 2012, à London (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

M. Terry Norris

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Paul Klippenstein

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JUGEMENT

L'appel de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour l'année d'imposition 2008 de l'appelante, est rejeté conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de mai 2012.

 

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2012.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 

 

 

Référence : 2012 CCI 177

Date : 20120529

Dossier : 2011‑3026(IT)I

ENTRE :

ANNE JOHNSTON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Boyle

 

[1]             En 2008, Mme Anne Johnston a demandé un crédit d'impôt pour frais médicaux (le « CIFM ») à l'égard du coût d'acquisition et d'installation d'une cuve thermale devant être utilisée comme piscine d'hydrothérapie par sa fille Erin, qui est atteinte d'une déficience grave et importante, soit une quadriplégie spastique associée à la paralysie cérébrale ainsi que d'autres problèmes médicaux.

 

[2]             Erin est la fille adulte de l'appelante, Anne Johnston, et du mari de cette dernière, Brian Johnston. Erin est atteinte de multiples déficiences depuis sa naissance. Elle est atteinte de quadriplégie spastique associée à la paralysie cérébrale avec contraction des membres, et elle doit se déplacer en fauteuil roulant. La contraction des membres limite sa capacité physique de se déplacer et de contrôler ses mouvements musculaires. Elle a subi une chirurgie au cours de laquelle les tendons ont été coupés aux deux jambes. Erin est aveugle, elle est atteinte d'une perte auditive aux deux oreilles, et elle n'est plus ou moins capable de se nourrir qu'avec de l'aide. Erin a des parents, de la famille et des amis qui lui apportent du soutien et qui lui manifestent de l'amour et de l'affection.

 

[3]             La maison des Johnston a été transformée pour les besoins d'Erin. Elle est dotée, à l'extérieur, d'un appareil élévateur et d'une rampe; une chambre à coucher et une salle de bains ont été installées au rez-de-chaussée pour Erin; les obstacles qui empêchaient Erin de ramper ou de se déplacer dans son fauteuil roulant ont été supprimés.

 

[4]             Le médecin d'Erin a recommandé des séances quotidiennes d'hydrothérapie dans une cuve thermale appropriée en vue de faciliter la stimulation et la relaxation des muscles, la respiration et la circulation sanguine, de soulager la douleur et d'améliorer la mobilité et la flexibilité des muscles.

 

[5]             Après qu'Erin eut atteint l'âge de 18 ans, elle ne bénéficiait plus des installations d'hydrothérapie que les Johnston avaient antérieurement pu utiliser localement, dans la région de Sarnia. Sur les conseils du médecin d'Erin, les Johnston ont cherché à acquérir et à installer une piscine appropriée pour l'hydrothérapie. Ils ont pu trouver une cuve thermale d'une marque et d'un modèle particuliers dont la capacité, la pression et le volume ainsi que l'emplacement des jets étaient appropriés pour aider Erin. Le coût, y compris l'installation, n'excédait que légèrement le plafond annuel de 10 000 $.

 

[6]             Le père dépose Erin dans la piscine cinq jours par semaine, pour une séance d'une heure. Les thérapeutes professionnels d'Erin ont formé M. Johnston pour que celui‑ci soit capable de s'occuper de cette thérapie quotidienne additionnelle. Les Johnston signalent que les séances d'hydrothérapie offrent à leur fille un soulagement important remarquable, que ce soit au point de vue physique ou quant à son état d'esprit et à son attitude mentale pour la journée.

 

[7]             La preuve montre clairement que les Johnston ont acquis et utilisé la cuve thermale uniquement pour les traitements recommandés et au profit d'Erin. Rien ne donne à entendre qu'ils auraient normalement voulu la cuve thermale ou qu'ils l'auraient normalement utilisée. Ils songeaient uniquement aux besoins et au confort d'Erin ainsi qu'à la soulager. Ils n'avaient même pas envisagé la possibilité d'un crédit d'impôt lorsqu'ils ont acquis la piscine pour Erin.

 

[8]             L'alinéa 118.2(2)l.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») est ainsi libellé :

 

(2) Frais médicaux. Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

 

[…]

 

      l.2) pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l’habitation du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a) – ne jouissant pas d’un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé – pour lui permettre d’avoir accès à son habitation, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne, pourvu que ces frais, à la fois :

 

            (i) ne soient pas d’un type dont on pourrait normalement s’attendre à ce qu’ils aient pour effet d’augmenter la valeur de l’habitation,

 

            (ii) soient d’un type que n’engagerait pas normalement la personne jouissant d’un développement physique normal ou n’ayant pas un handicap moteur grave et prolongé;

 

[9]             Avant que des modifications soient apportées à cette disposition pour y ajouter les sous-alinéas (i) et (ii), en 2005, les frais engagés dans un cas comme celui d'Erin auraient été admissibles. Erin ne jouit pas d'un développement physique normal et elle a un handicap moteur grave et prolongé. Les séances d'hydrothérapie dans la cuve thermale lui permettent de mieux se déplacer à la maison et d'accomplir plus facilement les tâches de la vie quotidienne.

 

[10]        Toutefois, en 2005, le législateur a modifié la disposition prévoyant le CIFM en question en ajoutant les sous-alinéas (i) et (ii) sur la recommandation du ministère des Finances, en réponse à certaines décisions rendues par la présente cour et par la Cour d'appel fédérale, qui avaient conclu que les frais afférents à des cuves thermales et à des planchers en bois franc étaient admissibles dans les circonstances appropriées.

 

[11]        Le sous-alinéa (i) prévoit qu'en plus d'être par ailleurs admissibles au CIFM, les frais de rénovation ou de transformation d'une habitation ne doivent pas être d'un type dont on pourrait normalement s'attendre à ce qu'ils aient pour effet d'augmenter la valeur de l'habitation en question. Certains éléments de preuve ont été admis devant la Cour, indiquant que les valeurs des cuves thermales et des piscines sont fort subjectives d'un acheteur éventuel à l'autre et qu'elles peuvent souvent limiter le marché disponible ou ne pas entraîner d'augmentation de la valeur de la propriété. Tel a été l'avis qu'un agent immobilier a donné aux Johnston. Dans ce cas‑ci, je suis convaincu que le type de cuve thermale que les Johnston ont installée n'était pas de nature à accroître la valeur de leur maison et le sous-alinéa (i) n'a pas pour effet de rendre inadmissibles les frais afférents à la cuve thermale dans ce cas‑ci.

 

[12]        Toutefois, le sous-alinéa (ii) pose plus de problèmes. Il exige fondamentalement que les rénovations ou transformations admissibles apportées à l'habitation soient d'un type que n'engagerait pas normalement une personne jouissant d'un développement physique normal et capable de se déplacer normalement. Aucun élément de preuve n'a été présenté dans un sens ou dans l'autre, mais je dois prendre connaissance d'office du fait qu'un grand nombre de Canadiens bien portants installent des cuves thermales similaires dans leurs maisons et dans leurs cours. À mon avis, les cuves thermales habituelles généralement offertes sur le marché de détail, telles que celle des Johnston, ne peuvent pas satisfaire à cette dernière exigence.

 

[13]        Il est peut-être regrettable que, dans un cas comme celui d'Erin Johnston, cette dernière restriction s'applique, peu importe la raison pour laquelle la cuve thermale était utilisée ou la mesure dans laquelle elle servait aux séances d'hydrothérapie. Les Johnston et leur représentant, M. Norris, pourraient fort bien avoir raison de mettre en doute une politique qui n'accorde pas de mesures de redressement, bien que la cuve thermale ait principalement été installée et qu'elle soit uniquement utilisée pour répondre aux besoins d'Erin. Toutefois, l'intention du législateur ne saurait être plus claire. Cette intention ressort des notes explicatives et des documents budgétaires du ministère des Finances accompagnant les modifications apportées à la législation en 2005, et cela concorde également avec la décision du juge Paris dans l'affaire Hendricks c. La Reine, 2008 CCI 497, 2008 DTC 4852, ainsi qu'avec la décision que j'ai rendue en 2009 dans l'affaire Barnes c. La Reine, 2009 CCI 429, 2009 DTC 1282. Dans l'affaire Hendricks, des planchers de bois franc avaient été installés pour une personne gravement atteinte d'asthme. Dans l'affaire Barnes, dans une situation semblable à celle d'Erin, une piscine avait été installée à l'intention de la fille du contribuable pour ses besoins et pour son usage exclusif, sur recommandation de ses médecins. La Cour ne peut pas faire abstraction des dispositions législatives claires édictées par le législateur ou y passer outre, et ce, même si, comme l'a soutenu le représentant de l'appelante, les modifications sont beaucoup trop restrictives, lorsqu'il s'agit de remédier à des cas antérieurs d'abus perçu, soit un problème qui ne se pose pas en l'espèce.

 

[14]        Cela ne veut pas dire que, dans les circonstances appropriées, une cuve thermale ou une piscine spécialement conçues ou modifiées pour une personne, à des fins de physiothérapie thérapeutique, ne pourront pas être admissibles.

 

[15]        L'appel interjeté par Mme Johnston ne satisfait pas au critère prévu par la loi pour la seule et unique raison que le sous-alinéa (ii) impose une exigence à laquelle la cuve thermale des Johnston ne satisfait pas. Le législateur a clairement fait en sorte que la barre à franchir soit haute.

 

[16]        Le représentant de Mme Johnston a également invoqué des arguments axés sur la discrimination, fondés sur les garanties d'égalité de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Ses arguments étaient fondés sur le traitement inégal et discriminatoire d'Erin Johnston. Toutefois, je ne puis constater aucune discrimination ni aucun traitement inégal à l'égard d'Erin, comparativement à d'autres Canadiens. Aucun autre Canadien, qu'il s'agisse d'un adulte ou d'un enfant, d'une personne à charge ou non, ou d'une personne atteinte d'une déficience ou non, n'a le droit de déduire les frais d'une cuve thermale au titre du CIFM en pareilles circonstances. Si j'ai bien compris, l'argument invoqué en vertu de la Charte était essentiellement qu'aucune aide fiscale n'est disponible à l'égard des frais médicaux recommandés et nécessaires pour les séances d'hydrothérapie d'Erin. Or, la définition des frais médicaux qui seront admissibles au CIFM et la modification des conditions d'admissibilité ne constituent ni l'une ni l'autre une forme de discrimination prohibée par la Charte. De fait, c’est une tâche qui incombe au législateur lorsqu'il s'agit de créer et de mettre en œuvre de façon continue des programmes d'aide sociale. Il n'est pas loisible à la Cour de substituer son jugement quant à savoir où il faudrait tracer ou retracer de telles lignes de démarcation.

 

[17]        La Cour regrette de ne pas pouvoir, dans le cadre des dispositions de la Loi, accorder à Mme Johnston la mesure de redressement demandée. La Cour souhaite à Erin et à ses parents de continuer à obtenir du succès dans les traitements d'Erin. La preuve soumise par le père et par la mère montrait clairement qu'il était vraiment plus important pour eux d'assurer le soulagement continu d'Erin que d'avoir droit à la déduction d'impôt.

 

[18]        La règle de droit applicable exige que je rejette l'appel.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de mai 2012.

 

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2012.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 177

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-3026(IT)I

 

INTITULÉ :                                      ANNE JOHNSTON

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 29 mai 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

M. Terry Norris

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Paul Klippenstein

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                       

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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