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Dossier : 2011-672(IT)I

ENTRE :

KERRY MICHELE DEXTER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 3 avril 2012, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Shane Aikat

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté par l’appelante est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination en tenant compte du fait que l’appelante n’a pas reçu de paiements en trop au titre de la prestation fiscale canadienne pour enfants au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010. L’intimée versera à l’appelante des dépens de 250 $.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 30e jour de mai 2012.

 

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2012CCI176

Date : 20120530

Dossier : 2011-672(IT)I

 

ENTRE :

KERRY MICHELE DEXTER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]             Il s’agit ici de savoir si l’appelante est le particulier admissible à l’égard de son fils aux fins de la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour la période allant du mois de juillet 2008 au mois de mai 2010 (la « période visée par l’appel »). Le 18 juin 2010, un avis de détermination a été délivré à l’égard des années de base 2007 et 2008, cet avis indiquant que l’appelante n’avait pas droit à la PFCE pour ce qui est du montant de 3 274 $ qui lui avait été versé au cours de la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juin 2009, et du montant de 3 131 $ qui lui avait été versé au cours de la période allant du mois de juillet 2009 au mois de mai 2010.

 

[2]             L’appelante a contesté le fait que tous les montants lui avaient été versés étant donné que certains paiements avaient été déposés dans un compte détenu par son ex‑époux. Toutefois, lorsque l’appelante avait déposé l’avis relatif à la PFCE, elle avait demandé à l’Agence du revenu du Canada de déposer les montants dans ce compte. Elle avait uniquement changé ces instructions au mois d’août ou de septembre 2009 (le premier paiement qui n’a pas été déposé dans le compte en question était celui qui se rapportait au mois de septembre 2009). Étant donné que l’appelante avait demandé que les paiements afférents à la PFCE soient déposés directement dans le compte bancaire de son ex‑époux, elle ne peut pas maintenant affirmer ne pas avoir reçu ces paiements.

 

[3]             Dans la réponse (et dans la réponse modifiée), il est déclaré que l’appelante a été avisée qu’elle n’avait pas droit aux paiements afférents à la PFCE effectués pour la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juin 2009 parce qu’elle n’était pas la principale responsable des soins de son fils au cours de cette période, ni aux paiements effectués pour la période allant du mois de juillet 2009 au mois de mai 2010 parce qu’il y avait [traduction] « un changement quant aux enfants admissibles ». Aucun autre renseignement et aucune autre explication au sujet du [traduction] « changement quant aux enfants admissibles » n’ont été fournis dans la réponse (ou dans la réponse modifiée) ou au cours de l’audience.

 

[4]             En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), la PFCE est traitée comme un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la Loi et, par conséquent, si le particulier est admissible, le montant lui est versé à titre de remboursement de ce paiement en trop. En vertu du paragraphe 122.61(1) de la Loi, le montant payé en trop est calculé sur une base mensuelle. Cette disposition prévoit notamment ce qui suit :

 

122.61(1) Lorsqu’une personne […] produi[t] une déclaration de revenu pour l’année, un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l’année est réputé se produire au cours d’un mois par rapport auquel l’année est l’année de base. Ce paiement correspond au résultat du calcul suivant :

 

1/12 [(A - B) + C + M]

 

où :

 

A         représente le total des montants suivants :

 

a)         le produit de 1 090 $[1] par le nombre de personnes à charge admissibles à l’égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois,

 

[…]

 

            C         le résultat du calcul suivant :

 

            F – (G × H)

 

où :

 

F          représente :

 

a)         si la personne est, au début du mois, un particulier admissible à l’égard d’une seule personne à charge admissible, 1 463 $[2],

 

[…]

 

[5]             L’appelante a deux enfants – une fille et un fils. La seule question en litige dans le présent appel se rapporte aux montants payés à l’égard du fils. Étant donné que le paiement en trop est réputé avoir été effectué au cours d’un mois pour lequel une personne est un particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible au début du mois, il faut déterminer si cette personne était un particulier admissible au début de chaque mois, à l’égard de la personne à charge admissible. Il ne s’ensuit donc pas nécessairement que, parce qu’une personne était le particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible au début d’un mois particulier, cette personne serait le particulier admissible au début du mois suivant à l’égard de la personne à charge admissible. Les définitions des expressions « particulier admissible » et « personne à charge admissible » figurant à l’article 122.6 de la Loi sont libellées ainsi :

 

« particulier admissible » S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a)         elle réside avec la personne à charge;

 

b)         elle est la personne – père ou mère de la personne à charge – qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière;

[…]

 

Pour l’application de la présente définition :

 

f)          si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

 

g)         la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

 

h)         les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

 

« personne à charge admissible » S’agissant de la personne à charge admissible d’un particulier à un moment donné, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a)         elle est âgée de moins de 18 ans;

 

b)         elle n’est pas quelqu’un pour qui un montant a été déduit en application de l’alinéa 118(1)a) dans le calcul de l’impôt payable par son époux ou conjoint de fait en vertu de la présente partie pour l’année de base se rapportant au mois qui comprend ce moment;

 

c)         elle n’est pas quelqu’un pour qui une allocation spéciale prévue par la Loi sur les allocations spéciales pour enfants est payable pour le mois qui comprend ce moment.

 

[6]             En l’espèce, l’intimée conteste le fait que le fils de l’appelante résidait avec celle‑ci au cours de la période visée par l’appel. Si le fils ne résidait pas avec l’appelante au cours de la période visée par l’appel, l’appelante n’est pas un particulier admissible à l’égard de son fils (étant donné qu’elle ne résidait pas avec son fils) et elle n’a donc pas droit à la PFCE. Si le fils résidait avec l’appelante, la thèse de l’intimée est que l’appelante n’était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils au cours de la période visée par l’appel.

 

[7]             L’alinéa f) de la définition de l’expression « particulier admissible » précitée établit une présomption si l’enfant réside avec sa mère. Cette disposition prévoit que la mère est présumée être « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge », si l’enfant réside avec elle. Cette présomption ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement. Ces circonstances sont énoncées au paragraphe 6301(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») et incluent, entre autres, le cas dans lequel « plus d’une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d’elles à des endroits différents ».

 

[8]             Les faits sur lesquels le ministre s’est fondé pour déterminer que l’appelante n’avait pas droit aux paiements afférents à la PFCE effectués à l’égard du fils (et pour confirmer la détermination à la suite de la signification de l’avis d’opposition) sont exposés au paragraphe 6 de la réponse modifiée (les mêmes hypothèses étant émises au paragraphe 6 de la réponse); il s’agit des faits suivants :

 

            [traduction]

 

     6.    Afin d’effectuer les déterminations et de les confirmer, le ministre s’est fondé sur les mêmes hypothèses de fait suivantes :

 

a)                  au cours de l’année d’imposition 1990, l’appelante et Claude Courville se sont mariés;

 

b)                  deux enfants, J et E, sont issus du mariage avec Claude Courville;

 

c)                  au mois de mai 2008, l’appelante et Claude Courville se sont séparés et Claude Courville a continué à assumer la responsabilité pour le soin de l’enfant E;

 

d)                 compte tenu des renseignements fournis dans le questionnaire remis à l’appelante, le ministre a conclu que l’appelante n’avait pas assumé la responsabilité pour le soin de l’enfant E aux fins de la PFCE pour la période allant du mois de juin 2008 au mois de mai 2010 lorsqu’elle avait reçu les paiements afférents à la PFCE effectués pour l’enfant E au cours de cette période.

 

[9]             Aucune hypothèse n’a été émise au sujet de la question de savoir si Claude Courville avait déposé l’avis prévu au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard du fils de l’appelante et, au cours de l’audience, aucune preuve indiquant que Claude Courville avait déposé cet avis n’a été présentée. Il n’a pas été soutenu que l’une ou l’autre des autres circonstances prévues par règlement énoncées au paragraphe 6301(1) du Règlement s’appliquait dans ce cas‑ci. Par conséquent, si le fils résidait avec l’appelante au cours d’une partie de la période visée par l’appel, la présomption selon laquelle l’appelante était « la personne qui assum[ait] principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge » au cours de cette période s’applique.

 

[10]        Les seules hypothèses qui ont été émises au sujet de la question de savoir si l’appelante était le particulier admissible à l’égard de son fils au cours de la période visée par l’appel étaient que [traduction] « Claude Courville a[vait] continué à assumer la responsabilité pour le soin de l’enfant », (alinéa 6c) de la réponse modifiée) et que l’appelante n’avait pas assumé la responsabilité pour [traduction] « le soin » du fils (alinéa 6d) de la réponse modifiée). Il faut remplir deux conditions pour être un particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible :

 

a)                 la personne en question doit résider avec la personne à charge;

 

b)                la personne en question doit être « la personne – père ou mère de la personne à charge – qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière ».

 

[11]        Le terme « soin » figure à l’alinéa b) de la définition de l’expression « particulier admissible ». La condition énoncée à l’alinéa b) est que la personne « père ou mère [...] assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de [la personne à charge] ». L’alinéa h) de la définition de l’expression « particulier admissible » prévoit ce qui suit :

 

h)         les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

 

[12]        Les critères prévus par règlement sont énoncés en ces termes à l’article 6302 du Règlement :

 

6302    Pour l’application de l’alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible :

 

a)         le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

 

b)         le maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside;

 

c)         l’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

 

d)         l’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

 

e)         le fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne;

 

f)          le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

 

g)         de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider;

 

h)         l’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

[13]        Dans l’arrêt La Reine c. Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, [2004] 5 C.T.C. 98, le juge Rothstein (tel était alors son titre), au nom de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit :

 

[8]        Dans la réponse à l’avis d’appel figurent les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est fondé, y compris les hypothèses découlant de la décision Global. La réponse prévoit plus particulièrement ce qui suit, au paragraphe 10 :

[TRADUCTION]

En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[...]

q)         API, APII, APIII, APIV et APV n’ont pas acheté les données sismiques en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz;

r)          Les données sismiques n’ont pas été utilisées pour fins d’exploration;

[...]

 

z)         Les données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV ne sont pas admissibles au titre des frais d’exploration au Canada (« FEC ») au sens de l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[…]

 

[24]      Le juge Rip a supprimé l’alinéa 10z) pour un motif additionnel. Il estimait que cet alinéa représentait « une de ces conclusions de droit qui n’ont pas leur place parmi les hypothèses de fait du ministre ».

 

[25]      J’estime également que les déclarations ou conclusions juridiques n’ont pas leur place dans l’énoncé des hypothèses de fait du ministre. Il en découlerait pour le contribuable le fardeau de réfuter une déclaration ou conclusion juridique et, bien sûr, cela ne doit pas être. Le critère juridique à appliquer n’a pas à être prouvé par les parties comme s’il s’agissait d’un fait. Les parties doivent présenter leurs arguments relativement au critère juridique, mais c’est à la Cour qu’il incombe en bout de ligne de trancher les questions de droit.

 

[26]      Toutefois, il serait plus exact de qualifier l’hypothèse formulée à l’alinéa 10z) de conclusion mixte de fait et de droit. La conclusion selon laquelle des données sismiques achetées ne sont pas admissibles au titre de FEC au sens de l’alinéa 66.1(6)a) requiert d’appliquer le droit aux faits. L’alinéa 66.1(6)a) énonce le critère à respecter pour qu’une déduction au titre de FEC soit admissible. Pour décider si l’achat de données sismiques en l’espèce satisfait à ce critère, il faut établir si les faits y satisfont ou non. Le ministre peut présumer les éléments de fait d’une conclusion mixte de fait et de droit. S’il souhaite le faire, toutefois, il devra extraire les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause. Il ne convient pas que les faits présumés soient enfouis dans une conclusion mixte de fait et de droit.

 

 

[14]        Il me semble que la question de savoir si l’appelante [traduction] « assum[ait] la responsabilité pour le soin de l’enfant […] aux fins de la PFCE » donne lieu à une conclusion mixte de fait et de droit. La pertinence du « soin », aux fins de la PFCE, se rapporte à la question de savoir si l’appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils. Il est uniquement possible de trancher la question en appliquant le droit aux faits. L’article 6302 du Règlement énonce les divers critères qui « servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible ». Le ministre aurait dû émettre une hypothèse au sujet des éléments factuels du critère, en ce qui concerne « le soin et l’éducation », plutôt que de conclure que l’appelante [traduction] « n’avait pas assumé la responsabilité pour le soin de l’enfant […] aux fins de la PFCE » ou que quelqu’un d’autre assumait le « soin » de l’enfant. Les hypothèses figurant aux alinéas 6c) et d) de la réponse ne sont donc pas appropriées.

 

[15]        Le ministre n’a émis aucune hypothèse factuelle au sujet de la question de savoir si le fils résidait avec l’appelante ou si l’appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils. Le ministre a donc la charge de la preuve à l’égard de tout fait sur lequel il veut se fonder quant à ces questions. Dans l’arrêt La Reine c. Loewen, 2004 CAF 146, la juge Sharlow, au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les observations suivantes :

 

[11] Les contraintes imposées au ministre lorsqu’il invoque des hypothèses n’empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423, [1996] 2 C.T.C. 127, 95 D.T.C. 5657 (C.A.F.) (autorisation d’appel refusée [1996] A.C.S.C. no 4).

 

[16]        L’autorisation de se pourvoir en appel devant la Cour suprême du Canada de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Loewen a été refusée ([2004] A.C.S.C. no 298).

 

[17]        Le seul élément de preuve se rapportant à la question de savoir si le fils résidait avec l’appelante a été fourni par l’appelante. Il est clair que, lorsque l’appelante a quitté Claude Courville, son fils ne l’a pas accompagnée. L’appelante vivait initialement avec une amie ou dans un refuge pour femmes. Toutefois, avant le mois d’août 2009, elle vivait à un endroit où son fils pouvait vivre avec elle et, à compter du 1er août 2009, son fils a recommencé à vivre avec elle. Il est donc clair que, pour la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juillet 2009, le fils ne résidait pas avec l’appelante (et que l’appelante n’était donc pas le particulier admissible à l’égard de son fils au cours de cette période), mais que, pour la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010, le fils résidait avec l’appelante.

 

[18]        Étant donné que le fils résidait avec l’appelante au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010, et puisque rien ne montre que Claude Courville a déposé l’avis pertinent concernant la PFCE relative à leur fils, la présomption établie à l’alinéa f) de la définition de l’expression « particulier admissible » précitée s’applique. L’appelante est donc présumée être « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge ». Aucune preuve n’a été présentée afin de réfuter cette présomption et l’appelante remplit donc les deux conditions nécessaires pour être le particulier admissible à l’égard de son fils pour la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010 – le fils résidait avec elle et elle était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils au cours de cette période.

 

[19]        L’avocat de l’intimée a demandé que le jugement ne traite pas de la question de savoir si un montant avait été payé en trop, mais qu’il renvoie simplement l’affaire au ministre pour nouvelle détermination. L’avocat a fait cette demande parce que, au cours de l’audience, l’appelante avait déclaré s’être remariée. Or, l’Agence du revenu du Canada n’avait pas pris en compte le revenu de l’époux en déterminant si un paiement en trop avait été effectué au titre de la PFCE. L’unique fondement de la décision selon laquelle un montant avait été payé en trop est celui dont il a ci‑dessus été fait mention. Aucune preuve n’a été présentée au sujet du montant auquel s’élevait le revenu de l’époux de l’appelante. Toutefois, dans l’avis d’appel qu’elle a déposé le 27 février 2011, l’appelante a déclaré ce qui suit :

 

            [traduction]

Je suis maintenant remariée et sans emploi; seul mon mari subvient à mes besoins.

 

[20]        La PFCE d’un particulier pour un mois particulier est, conformément à la formule énoncée au paragraphe 122.61(1) de la Loi, réduite du montant du revenu modifié de ce particulier pour l’année de base pour ce mois‑là. Pour les six premiers mois d’une année civile particulière, l’année de base est la deuxième année d’imposition précédente, et pour les six derniers mois d’une année civile particulière, l’année de base est l’année d’imposition immédiatement précédente[3].

 

[21]        L’expression « revenu modifié » est définie ainsi à l’article 122.6 de la Loi :

 

« revenu modifié » En ce qui concerne un particulier pour une année d’imposition, le total des sommes qui représenteraient chacune le revenu pour l’année du particulier ou de la personne qui était son époux ou conjoint de fait visé à la fin de l’année si, dans le calcul de ce revenu, aucune somme :

 

a) n’était incluse :

 

(i) en application de l’alinéa 56(1)q.1) ou du paragraphe 56(6),

 

(ii) au titre d’un gain provenant d’une disposition de bien à laquelle s’applique l’article 79,

 

(iii) au titre d’un gain visé au paragraphe 40(3.21);

 

b) n’était déductible en application des alinéas 60y) ou z).

 

[22]        En déterminant le revenu modifié de l’appelante pour une année de base particulière, il faut ajouter au revenu de l’appelante le revenu de la personne qui était l’époux ou le conjoint de fait visé à la fin de cette année‑là. L’expression « époux ou conjoint de fait visé » est définie ainsi à l’article 122.6 de la Loi :

 

« époux ou conjoint de fait visé » Personne qui, à un moment donné, est l’époux ou conjoint de fait d’un particulier dont il ne vit pas séparé à ce moment. Pour l’application de la présente définition, une personne n’est considérée comme vivant séparée d’un particulier à un moment donné que si elle vit séparée du particulier à ce moment, pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait, pendant une période d’au moins 90 jours qui comprend ce moment.

 

[23]        En l’espèce, les années de base pertinentes sont les années 2007 et 2008. L’année de base 2007 est pertinente pour les paiements mensuels effectués au cours de la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juin 2009, et l’année de base 2008 est pertinente pour les paiements mensuels effectués au cours de la période allant du mois de juillet 2009 au mois de mai 2010 (étant donné que la période visée par l’appel prend fin au mois de mai 2010). Dans ce cas‑ci, étant donné que l’appelante n’était pas le particulier admissible à l’égard de son fils pour la période allant du mois de juin 2008 au mois de juillet 2009, il importe peu de savoir s’il y avait un époux ou conjoint de fait visé à la fin de l’année de base 2007. Toutefois, étant donné que l’appelante était un particulier admissible à l’égard de son fils au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010, la chose pourrait influer sur son droit aux paiements afférents à la PFCE au cours de cette période si elle avait (ou si elle était réputée avoir) un époux ou conjoint de fait à la fin de l’année 2008 (compte tenu du revenu de celui‑ci). Toutefois, rien ne montre qu’il y avait un époux ou conjoint de fait à la fin de l’année 2008 ou que l’appelante et son époux avaient conjointement fait le choix prévu au paragraphe 122.62(7) de la Loi, tel qu’il était libellé avant sa modification, en 2011[4]. De plus, aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet du revenu du nouvel époux au cours d’une année quelconque. Par conséquent, rien ne permet de conclure que les paiements qui ont été effectués en faveur de l’appelante au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010 doivent être rajustés.

 

[24]        Il me semble également important d’examiner la nature de l’appel dans ce cas‑ci. Il s’agit d’un appel d’une détermination que le ministre a effectuée pour la PFCE se rapportant aux années de base 2007 et 2008. Or, le paragraphe 152(1.2) de la Loi prévoit notamment ce qui suit :

 

152(1.2) Les alinéas 56(1)l) et 60o), la présente section et la section J, dans la mesure où ces dispositions portent sur une cotisation ou une nouvelle cotisation ou sur l’établissement d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation concernant l’impôt, s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à toute détermination ou nouvelle détermination effectuée selon le paragraphe (1.01) et aux montants déterminés ou déterminés de nouveau en application de la présente section ou aux montants qui sont réputés par l’article 122.61 être des paiements en trop au titre des sommes dont un contribuable est redevable en vertu de la présente partie.

 

[25]        Les paiements effectués au titre de la PFCE sont des remboursements mensuels de paiements en trop effectués au titre de l’obligation fiscale d’une personne[5]. Le présent appel porte sur la question de savoir s’il y a eu paiement en trop de l’obligation fiscale de l’appelante (lequel a entraîné un remboursement au titre de la PFCE). Il faut déterminer si l’appelante était un particulier admissible au début de chaque mois au cours de la période visée par l’appel, mais ce n’est pas la question sur laquelle porte l’appel en définitive. Il s’agit plutôt de savoir si le paiement en trop de l’obligation fiscale de l’appelante (lequel a été effectué au titre de la PFCE) était exact. Par conséquent, le jugement, comme ce serait le cas s’il s’agissait d’un appel d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation, doit traiter de la question de l’obligation qui incombe à l’appelante en vertu de la Loi, laquelle résulte en l’espèce de la détermination selon laquelle l’appelante avait reçu un montant en trop au titre de la PFCE.


[26]        Par conséquent, l’appel interjeté par l’appelante est accueilli et l’affaire déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination en tenant compte du fait que l’appelante n’a pas reçu de paiements en trop au titre de la PFCE au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010. L’intimée versera à l’appelante des dépens de 250 $.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 30e jour de mai 2012.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                 2012CCI176

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-672(IT)I

 

INTITULÉ :                                      KERRY MICHELE DEXTER

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Ottawa, Canada

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 30 mai 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Shane Aikat

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                       

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Ce montant est rajusté chaque année comme le prévoit le paragraphe 122.61(5) de la Loi.

 

[2] Ce montant est rajusté chaque année comme le prévoit le paragraphe 122.61(5) de la Loi.

[3] Pour les particuliers, c'est l'année civile qui est l'année d'imposition (paragraphe 249(1) de la Loi).

[4] Le paragraphe 122.62(7) de la Loi a été modifié à L.C. 2011, ch. 24, art. 39, et s'applique aux événements postérieurs au mois de juin 2011.

 

[5] Paragraphe 122.61(1) de la Loi.

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