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Dossier : 2011-2697(IT)I

ENTRE:

RADU MICHAEL CHENDREAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 1er avril 2012 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Stephen Oakey

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2008 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8jour de juin 2012.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18jour de juillet 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 205

Date : 20120608

Dossier : 2011-2697(IT)I

ENTRE :

RADU MICHAEL CHENDREAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]             Il s’agit d’un appel interjeté par Radu Michael Chendrean à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2008. La question porte sur une pénalité que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a imposée à l’appelant en application du paragraphe 163(1) de la Loi pour omission de déclarer des revenus pour plus d’une année d’imposition. Une pénalité semblable a également été imposée à l’appelant en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi de l’Ontario, mais la Cour n’a pas le pouvoir d’accorder le redressement demandé par l’appelant à l’égard d’une pénalité imposée par des autorités provinciales.

 

[2]             Le paragraphe 163(1) de la Loi impose une pénalité à un contribuable qui omet à plusieurs reprises de déclarer des revenus. Il est ainsi libellé :

 

Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

 

[3]             La pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi en est une de responsabilité stricte. Selon cette disposition, c’est le ministre qui a la charge d’établir les faits justifiant l’imposition de la pénalité. Une fois que le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve, il revient au contribuable de démontrer qu’il a fait preuve de « diligence raisonnable » pour déclarer son revenu afin d’éviter la pénalité.

 

[4]             Le juge Létourneau, de la Cour d’appel fédérale, a expliqué le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable dans l’arrêt Les Résidences Majeau Inc. c. Canada, 2010 CAF 28. Voici la teneur de ses observations :

 

8 Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’évènement qui donne naissance à la pénalité.

 

9 L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e.une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif.

 

10 Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité.

 

[5]             Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2008, l’appelant a inclus un revenu d’emploi de 20 925,10 $ provenant de la société Rogers Communications Inc. (« Rogers ») selon un seul feuillet de renseignements T4. L’appelant a omis de déclarer le montant de 13 817 $ figurant sur un deuxième feuillet de renseignement T4 délivré par Rogers. Le ministre a plus tard établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour inclure dans son revenu le montant non déclaré et la pénalité imposée de 1 381,60 $.

 

[6]             L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a omis d’inclure dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2006 un revenu d’emploi de 11 055 $. Durant cette année‑là, l’appelant a travaillé pour la société Compucom Canada Co. (« Compucom »), mais il avait été rémunéré pour une bonne partie de l’année par une agence de placement connue sous le nom de B Wyze (Toronto) Inc. (« B. Wyze »). Il a bel et bien reçu un revenu d’emploi de 1 276 $ de Compucom et un revenu d’emploi de 12 732 $ et de 11 056 $ de B. Wyze. L’appelant n’a pas inclus le montant de 11 056 $ dans sa déclaration de revenus pour 2006. Le revenu total de l’appelant pour l’année était de 25 964 $ dont 44 % n’ont donc pas été déclarés.

 

[7]             L’appelant s’est établi au Canada en novembre 2005 en provenance de la Roumanie, et il ne connaissait pas très bien le système d’imposition canadien. Il admet qu’il n’a pas pris le temps de se renseigner sur le système d’imposition du Canada. Outre son travail à temps plein, l’appelant était étudiant à temps partiel et à temps plein, et il a déclaré que, en 2006, il ne faisait que survivre. Il ne lui restait pas grand-chose de l’argent qu’il gagnait et il n’avait pas surveillé son compte bancaire. Il avait remis les documents concernant la déclaration de revenus à sa mère, qui les avait confiés à une autre personne pour l’établissement de la déclaration de revenus. L’appelant avait signé la déclaration de revenus sans l’examiner. Il a reconnu qu’une nouvelle cotisation avait plus tard été établie à son égard pour l’année d’imposition 2006, mais qu’il ne se rappelle pas avoir lu l’avis de nouvelle cotisation.

 

[8]             En 2008, l’appelant travaillait chez Rogers d’abord à temps partiel, et ensuite à temps plein; toutefois, dans les deux cas, il travaillait en moyenne 40 heures par semaine et recevait une rémunération moyenne nette d’environ 1 000 $ aux deux semaines. Il a déclaré qu’il avait reçu de Rogers un seul feuillet T4 qui faisait état d’un revenu d’emploi de 20 295 $. Il ne lui est pas venu à l’esprit qu’il pouvait y avoir deux feuillets T4. À ce moment‑là, il comprenait mieux le système d’imposition et avait compris qu’il devait déclarer tous les montants reçus. Il utilisait un logiciel de déclaration fiscale et avait produit sa déclaration de revenus par voie électronique. Ce n’était qu’au moment où une nouvelle cotisation avait été établie à son égard pour l’année d’imposition 2008 qu’il s’était rendu compte du fait que Rogers avait établi un second feuillet T4 où figurait un montant de 13 817 $ pour un revenu d’emploi total de 34 742 $.

 

[9]             Il semblerait, selon la preuve présentée à l’audience, que la seule explication plausible concernant la délivrance de deux feuillets T4 par Rogers tient au fait que l’appelant était passé du statut d’employé à temps partiel à celui d’employé à temps plein. Aucune autre raison ne peut être dégagée de la preuve.

 

[10]        Il a été établi dans la jurisprudence de la Cour qu’un appelant ne peut pas invoquer le fait que l’impôt sur le revenu a été retenu à la source pour échapper à la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. (Voir Symonds c. Canada, [2011] A.C.I. No 209). Un appelant ne peut pas éviter l’imposition de la pénalité à moins de prouver qu’il a satisfait aux exigences applicables au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable.

 

[11]        L’intimée a soulevé la question de savoir si le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut être invoqué relativement aux deux omissions de déclaration de revenus de sorte que, s’il est établi que le contribuable a fait preuve de diligence raisonnable pour au moins une des deux années, la pénalité devient nulle. Dans deux décisions récentes, à savoir Franck c. La Reine, 2011 CCI 179 et Symonds (précitée), la Cour a conclu que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut être invoqué à l’égard de la première ou de la deuxième omission d’inclure un montant dans le revenu. Le Juge Webb a résumé la question de la manière suivante aux paragraphes 22 et 23 de la décision Sy monds .

 

[...] Toutefois, il me semble qu’étant donné que la pénalité ne peut être imposée que si un contribuable particulier omet d’inclure un montant dans son revenu au cours de deux années différentes, l’« acte prohibé » est composé de deux omissions – l’une étant l’omission d’inclure un montant au titre du revenu au cours d’une année et l’autre étant l’omission d’inclure un montant au titre du revenu au cours d’une autre année dans les trois années suivant la première omission.

 

Par conséquent, comme l’a déclaré le juge Hogan, le contribuable (qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une société) qui peut établir qu’il a fait preuve d’une diligence raisonnable à l’égard de la première ou de la seconde omission d’inclure un montant dans son revenu aura gain de cause à l’égard de la cotisation par laquelle une pénalité est imposée au titre du paragraphe 163(1) de la Loi. Même si le calcul du montant de la pénalité est uniquement basé sur le second montant qui n’a pas été inclus dans le calcul du revenu, le contribuable doit, pour que la pénalité soit imposée, avoir omis d’inclure certains montants dans le calcul de son revenu au cours de deux années différentes, et les deux omissions feraient partie de l’ « acte prohibé ». En l’espèce, l’appelante aura gain de cause si elle réussit à établir qu’elle a fait preuve d’une diligence raisonnable à l’égard de son omission d’inclure le montant de 872 $ dans son revenu de l’année 2006 ou de celle d’inclure le montant de 28 611 $ dans son revenu de l’année 2008.

 

[12]        Dans d’autres décisions rendues par la Cour, la question n’avait pas été posée en ces termes et le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable avait été analysé relativement à la deuxième omission d’inclure un montant dans le revenu, omission qui donne lieu à l’imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi.

 

[13]        Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ne peut pas être utilisé pour effacer ou supprimer l’une ou l’autre omission de déclaration en soi. Il permet uniquement à un contribuable d’éviter l’imposition de la pénalité. À mon avis, le moyen fondé sur la diligence raisonnable ne peut être invoqué qu’après que l’intimée a établi la propension du contribuable à omettre de déclarer un revenu par l’existence d’une première omission de déclaration d’un revenu. La diligence raisonnable peut alors être invoquée à l’égard de la deuxième omission après que cette dernière a été établie étant donné que c’est cette deuxième omission qui donne lieu au recours à la pénalité qui est calculée sur le montant de la deuxième omission de déclaration.

 

[14]        En ce qui concerne la pénalité, il convient de se rappeler l’observation suivante que la juge Woods a faite dans la décision Saunders v. Her Majesty the Queen, 2006 D.T.C. 2267 :

 

Le législateur a choisi d’adopter le paragraphe 163(1) pour garantir l’intégrité du régime d’autodéclaration du Canada. Selon moi, les tribunaux ne doivent pas décider à la légère d’annuler la pénalité prévue par la loi.

 

[15]        En l’espèce, il a été démontré que l’appelant a omis de déclarer 44 % de son revenu pour son année d’imposition 2006, ce qu’il a admis. Lors de son témoignage, il a certes expliqué les circonstances ayant entouré l’établissement de sa déclaration de revenus : il avait remis les documents à sa mère, qui s’était à son tour adressée à quelqu’un d’autre pour établir la déclaration de revenus. L’appelant a simplement signé la déclaration de revenus. Il a également déclaré qu’il n’avait pas cherché à connaître le système d’imposition du Canada, qu’il n’avait pas vérifié son compte bancaire et qu’il n’avait pas lu son avis de cotisation pour 2006. Il semble évident dans ces circonstances que l’appelant n’a fait aucun effort pour comprendre le fonctionnement du système d’imposition du Canada et, par conséquent, il n’a en aucune façon fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de sa première omission de déclaration.

 

[16]        L’appelant a fait la même chose pour 2008, et il a omis de déclarer environ 44 % de son revenu, à savoir un montant de 13 817 $. Il a déclaré que maintenant il connaissait mieux le système d’imposition du Canada et qu’il comprenait qu’il devait déclarer tous ses revenus. Il a affirmé qu’il était inhabituel qu’un employé reçoive deux feuillets T4 du même employeur et que, par conséquent, il avait déclaré le seul montant qui figurait sur le T4 qu’il avait reçu en croyant que c’était le seul feuillet T4 qui lui avait été délivré. Il avait cru à tort qu’un seul feuillet T4 lui avait été délivré alors que, en réalité, il y en avait deux. Même si c’était une erreur acceptable de la part de la part de l’appelant, je ne peux pas faire fi du fait que, durant l’année d’imposition 2008, il avait reçu toutes les deux semaines un salaire de 1 000 $, déduction faite des retenues à la source, pour un montant total de 26 000 $ pour l’année. Il y avait une différence d’environ 5 000 $ entre ce total et le montant inclus dans la déclaration de revenus de l’appelant pour 2008. À mon avis, une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances et connaissant son obligation de déclarer tous ses revenus revenu se serait rendu compte que tous ses revenus n’avaient pas été inclus dans sa déclaration de revenus. L’appelant n’a donc pas réussi à établir qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable. Par conséquent, je ne peux pas annuler la pénalité.

 

[17]        Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8jour de juin 2012.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18jour de juillet 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2‑12 CCI 205

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-2697(IT)I

                                                         

INTITULÉ :                                      Radu Michael Chendrean

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

                                                         

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 8 juin 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Stephen Oakey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

      

Nom :

 

              Cabinet :                                      

                                                                                     

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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