Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2012-200(OAS)

ENTRE :

SHARON KATZ,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET

DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

La succession du défunt Zeno Wionzek (2012-203(OAS)) le 20 juin 2012, et jugement rendu oralement le 22 juin 2012 à Ottawa, Canada

 

Par : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimé :

Me Stephanie Coté

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels formés en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse relativement à la période de paiement allant de juillet 2008 à juin 2009 sont rejetés, sans dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juin 2012.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2012.

 

S. Tasset

 


 

 

 

Dossier : 2012-203(OAS)

ENTRE :

LA SUCCESSION DU DÉFUNT ZENO WIONZEK,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET

DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Sharon Katz (2011-200(OAS)) le 20 juin 2012, et jugement rendu oralement le 22 juin 2012 à Ottawa, Canada

 

Par : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelante :

Mme Sharon Katz

 

Avocate de l’intimé :

Me Stephanie Coté

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels formés en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse relativement à la période de paiement allant de juillet 2008 à juin 2009 sont rejetés, sans dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juin 2012.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2012.

 

S. Tasset


 

 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 232

Date : 20120627

Dossier : 2012-200(OAS)

 

ENTRE :

 

SHARON KATZ,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET

DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

intimé.

 

 

Dossier : 2012-203(OAS)

 

ET ENTRE :

 

LA SUCCESSION DU DÉFUNT ZENO WIONZEK,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET

DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

[1]             Ces appels ont été instruits ensemble sur preuve commune. Les appelantes, Mme Katz et la succession de son défunt mari, font appel de la décision du ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada (le ministre) touchant le calcul de leurs suppléments de revenu garanti (les SRG), pour ce qui concerne la succession, et le calcul de l’allocation, pour ce qui concerne Mme Katz. La loi qui est applicable et en vertu de laquelle le SRG et l’allocation sont payables est la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la Loi). Cette loi vise à apporter un soutien financier aux personnes âgées et aux Canadiens à faible revenu. Le SRG est calculé en fonction du revenu gagné par le contribuable au cours d’une « année de référence », définie comme la dernière année civile se terminant avant la période de paiement en cours. Lorsque le revenu d’une personne diminue soudainement, l’article 14 de la Loi prévoit des exceptions à la règle générale selon laquelle le SRG est calculé en fonction du revenu d’une année antérieure. L’article 14 de la Loi vise donc les cas où une personne cesse une activité rémunérée – charge, emploi ou exploitation d’une entreprise – ou les cas où la perte de revenu est due à la suppression ou à la réduction du « revenu provenant d’un régime de pensions », expression définie à l’article 14 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (le Règlement). L’avocate de l’intimé et Mme Katz reconnaissent toutes deux que le revenu du FERR est un « revenu provenant d’un régime de pensions » selon la définition figurant dans l’article 14 du Règlement.

 

[2]             Les paragraphes 14(4) et 14(6) de la Loi s’appliquent lorsque la perte de revenu est attribuable à la suppression ou à la réduction du revenu provenant d’un régime de pensions. Ce sont les dispositions en vertu desquelles les appelantes sollicitent les rajustements. Lorsqu’un redressement est accordé en vertu de l’article 14 de la Loi, les rajustements de revenu sont calculés conformément à l’article 18 de la Loi.

 

[3]             Les appelantes sollicitent des rajustements pour ce qui concerne leur droit aux SRG et à l’allocation en application des paragraphes 14(4) et 14(6) de la Loi. Le ministre leur a refusé ces rajustements parce que les appelantes n’ont pas subi une perte de revenu du FERR. La réduction de leur revenu provenant d’un régime de pensions n’était pas obligatoire, mais était le résultat de leurs prélèvements discrétionnaires.

 

[4]             Ces appels ont une longue histoire, au fil de laquelle le ministre a commis de nombreuses erreurs. La décision du ministre dont il est fait appel porte la date du 23 juin 2010. Selon la preuve produite par Mme Katz, le ministre a demandé aux appelantes des renseignements complémentaires le 9 juin 2010 et leur a donné 90 jours pour les fournir. Cependant, la décision du ministre a été rendue avant l’expiration de cette période de 90 jours, le 23 juin 2010, l’une seulement des nombreuses erreurs du ministre qui émaillent les présents appels. Deux périodes de paiement intéressent ces appels et sont les mêmes pour les deux appels : la période qui va de juillet 2007 à juin 2008, et celle qui va de juillet 2008 à juin 2009. La décision du 23 juin 2010 refusait aux appelantes les rajustements visant la période de juillet 2008 à juin 2009.

 

[5]             Les appelantes avaient à l’origine demandé le SRG et l’allocation en février 2008. Sur le formulaire de demande applicable, le demandeur pouvait indiquer s’il y avait eu, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2008, réduction du revenu provenant d’un régime de pensions. M. Wionzek avait indiqué que son revenu maximum provenant d’un régime de pensions pour 2008 serait de 2 529,76 $, et que ces sommes seraient tirées d’un REER et d’un FERR. Il ne disait pas ce qu’était le solde de chacun de ces comptes. Le 4 mars 2008, le ministre a demandé des précisions.

 

[6]             Le 10 mars 2008, M. Wionzek lui a répondu, indiquant entre autres choses que la somme de 20 422,82 $ avait été retirée du FERR en 2007, qu’il restait moins de 2 600 $ dans le REER et le FERR et que le revenu de 2008 des appelantes n’était pas prévisible. La demande des appelantes fut par la suite approuvée, bien qu’elles n’aient reçu aucune indication sur la manière dont le SRG avait été calculé.

 

[7]             Lorsqu’a commencé une nouvelle période de paiement en juillet 2009, les paiements que les deux appelantes recevaient avaient augmenté sensiblement. Se rendant compte que le ministre n’avait pas accordé une « option » pour la période de paiement 2008-2009, les appelantes ont sollicité, le 19 octobre 2009, un réexamen des sommes qu’elles étaient fondées à recevoir. Cette demande visait la période tout entière pour laquelle les appelantes avaient reçu le SRG et l’allocation, donc la période qui allait de janvier 2008 à juin 2009. Le mot « option » n’apparaît pas dans la Loi ni dans le Règlement, mais le ministre considère qu’une « option » est un nouveau calcul du revenu estimatif compte tenu de la perte d’un revenu provenant d’un régime de pensions, ou de la perte d’une source de revenu d’emploi aux termes de l’article 14 de la Loi.

 

[8]             Le 12 novembre 2009, un agent des prestations a accordé oralement une option aux appelantes pour la période de paiement allant de juillet 2007 à juin 2008, option qui commençait en janvier 2008 et se terminait en juin 2008, mais il leur a refusé l’option pour la période de paiement allant de juillet 2008 à juin 2009. Le 14 janvier 2010, M. Wionzek a sollicité un réexamen écrit de cette décision orale, affirmant qu’une option devrait également être accordée pour la période de paiement allant de juillet 2008 à juin 2009. Ce n’est qu’après que Mme Katz eut demandé des précisions au « Bureau de la satisfaction des clients », en juin 2010, que la décision de janvier 2010 a été analysée.

 

[9]             Le 9 juin 2010, le ministre a confirmé que de l’option était accordée pour la période de paiement allant de janvier 2008 à juin 2008. M. Wionzek a reçu un paiement de 1 472 $, et Mme Katz un paiement de 4 021,86 $. Cependant, le ministre a refusé de considérer la période allant de juillet 2008 à juin 2009 en raison de la mise en application récente d’une nouvelle politique. Cette lettre du 9 juin 2010 informait les appelantes que, si elles souhaitaient que le ministre réexamine la décision, elles avaient 90 jours pour demander un réexamen. Bien avant l’expiration de la période de 90 jours, le ministre a confirmé à nouveau, le 23 juin 2010, la décision de ne pas rajuster les montants de la période 2008‑2009 parce que les appelantes n’avaient pas présenté de « déclaration de revenu estimatif » pour ladite période. Cette lettre du 23 juin 2010 expliquait aussi l’erreur du ministre concernant le calcul du droit au SRG et à l’allocation pour la période de janvier à juin 2008 et ajoutait que le ministre renonçait à recouvrer le trop‑perçu qui en avait résulté.

 

[10]        Ce paragraphe concernant l’erreur du ministre renfermait ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

Selon l’information figurant dans votre dossier, votre droit au SRG et à l’allocation pour la période allant de janvier à juin 2008 a été calculé erronément d’après une estimation du revenu de 2008 de votre époux (revenu combiné à votre revenu effectif de 2006 pour l’année de référence).

 

Comme votre époux n’a pas rempli ni présenté pour 2008 de déclaration dûment signée de revenu estimatif (ISP3041) pour la réduction déclarée du revenu du FERR, le rajustement de votre droit au SRG et à l’allocation a été fait par erreur sans que l’un de vous n’y consente ou n’en ait connaissance. Vous avez effectivement reçu pour cette période une prestation supérieure, mais le taux de rajustement vous a été payé par erreur. Comme votre époux n’a pas sollicité d’option à l’époque, et comme vous n’étiez pas au courant de la manière dont votre prestation était calculée, il sera renoncé au trop-perçu résultant de l’attribution de l’option.

 

[11]        Au cours de l’audience, Mme Katz a évoqué nombre des erreurs commises par le ministre. Sa frustration et son exaspération étaient évidentes, et à juste titre. À la fin de juin 2010, le ministre avait commis les erreurs suivantes, qui avaient commencé en 2008 :

 

(1)             il n’avait pas promptement informé les appelantes que leur SRG et leur allocation n’étaient pas fondés sur leur revenu estimatif de 2008, faute de documents suffisants;

(2)             le ministre n’avait rendu aucune décision écrite confirmant la décision orale du 12 novembre 2009;

(3)             les appelantes n’ont reçu aucune réponse à leur lettre du 14 janvier 2010 jusqu’à ce que Mme Katz cherche à en savoir davantage auprès du ministre en juin 2010;

(4)             les explications variaient sans cesse concernant les raisons pour lesquelles l’option avait été refusée. D’abord, c’était parce que la Loi avait été modifiée en juillet 2008 (projet de loi C-36, aujourd’hui L.C. 2007, ch. 11, qui modifiait le paragraphe 14(6) et le limitait au seul revenu de pension ou d’emploi. Cependant, ces modifications ne sont pas applicables aux présents appels). Puis le ministre avait expliqué que c’était parce qu’il n’y avait aucune déclaration de revenu estimatif. Enfin, l’explication donnée était le fait qu’une nouvelle politique considérait que le revenu d’un FERR n’était pas un revenu provenant d’un régime de pensions.

Je suis sûre que, devant cette diversité d’approches de Service Canada, les appelantes ont eu parfois l’impression de s’aventurer sur un champ de mines ou de s’efforcer de maintenir la tête hors de sables mouvants.

 

[12]        Voyant qu’elles n’avaient aucune autre solution, les appelantes ont fait appel en septembre 2010 de la décision du 23 juin 2010 auprès du commissaire des tribunaux de révision, lequel a renvoyé l’affaire à la Cour canadienne de l’impôt en vertu du paragraphe 28(2) de la Loi parce que les appels concernent le calcul d’un revenu.

 

L’argument des appelantes

 

[13]        Mme Katz a été un témoin impressionnant et compétent, qui a montré, par sa documentation et par son témoignage, une connaissance remarquable d’un texte législatif complexe. Elle voudrait, en son propre nom et au nom de la succession de son mari défunt, qu’un rajustement soit apporté au SRG et à l’allocation qui ont été payés durant la période allant de juillet 2008 à juin 2009.

 

[14]        Elle voudrait que ces rajustements soient fondés sur leur revenu de 2008, plutôt que sur leur revenu de 2007. Elle affirme qu’elles ont présenté une déclaration de revenu estimatif ainsi que le requiert le paragraphe 14(4) de la Loi et qu’elles ont subi une perte du revenu provenant d’un régime de pensions par suite de la réduction du FERR. En outre, elles voudraient que la Cour invalide la politique du ministre portant sur le prélèvement annuel minimal qui est requis dans un FERR, en déclarant cette politique incompatible avec la législation. Finalement, les appelantes prient la Cour de déclarer que le fait pour le ministre de ne pas divulguer aux contribuables l’information qui devrait normalement leur être communiquée quant à ses politiques contrevient aux principes de justice naturelle.

 

L’argument de l’intimé

 

[15]        Dans ses conclusions, l’avocate de l’intimé a prétendu que la question du calcul du droit auxdites prestations est une question très circonscrite qui dépend des réponses à deux questions : les appelantes ont-elles subi une perte de revenu provenant d’un régime de pensions et, dans l’affirmative, quand cette perte s’est-elle produite? L’intimé a invoqué une décision de la Cour, Ward c. Ministre des Ressources humaines et du Développement social, [2008] A.C.I. n° 21, pour dire que les appelantes n’ont pas « subi » la perte puisque leurs prélèvements en 2007 étaient discrétionnaires et non obligatoires. Plus précisément, l’intimé a soutenu que, sans documents, en particulier des relevés bancaires, la Cour ne sera pas en mesure de constater s’il y a eu effectivement perte de revenu. En dépit des demandes présentées par l’intimé, Mme Katz n’a pas, au cours d’une période de quatre ans, produit les relevés bancaires qui auraient établi la valeur du FERR. L’avocate de l’intimé a également indiqué à la Cour que, si Mme Katz avait produit une preuve documentaire prouvant que le solde du FERR avait été réduit à néant, alors le ministre aurait consenti à un jugement.

 

Analyse

 

[16]        Au cours de l’audience, l’avocate de l’intimé, et c’est tout à son honneur, a offert à Mme Katz une autre possibilité de produire les relevés bancaires en vue d’en arriver à un compromis. Mme Katz a refusé de les produire et, bien que l’avocate de l’intimé m’ait priée de le faire, j’ai refusé d’ordonner à l’appelante, qui avait pris en charge l’appel interjeté par elle devant la Cour, de produire lesdits documents. Il faut se rappeler que l’avocate de l’intimé ne s’engageait pas à régler l’affaire lorsque les documents seraient produits, mais à la régler uniquement si les documents en cause, une fois produits, contenaient les renseignements essentiels qui pourraient amener le ministre à consentir à un jugement.

 

[17]        Il faut aussi se rappeler que ce sont les appelantes, et non le ministre, qui ont la charge de la preuve dans les présents appels. En outre, la compétence de la Cour en matière d’appels concernant la Loi est conférée par le paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et par le paragraphe 28(2) de la Loi. La majorité des demandes adressées par les appelantes à la Cour excède la compétence de la Cour. Elles portent sur la correction d’erreurs administratives, sur le fait d’ordonner à Service Canada de payer certaines sommes, y compris des intérêts, sur le fait d’ordonner à Service Canada de divulguer celles de ses politiques qui régissent la manière dont le ministre prend ses décisions; sur un jugement déclaratoire disant que les décisions de Service Canada contreviennent aux principes de justice naturelle, enfin sur une directive disant que les nouvelles règles régissant le SRG et l’allocation ne s’appliqueront pas aux appelantes. S’agissant de cette dernière demande, on ne sait trop à quelles « règles » les appelantes se réfèrent, vu que le ministre a modifié les « règles » de nombreuses fois durant l’historique des présents appels pour refuser aux appelantes le redressement qu’elles sollicitent.

 

[18]        L’appelante, Mme Katz, parle, dans les documents qu’elle a présentés à la Cour, de [TRADUCTION] « points de droit qui pourraient devoir être soumis à la Cour fédérale du Canada ». En disant cela, Mme Katz reconnaissait sans doute que plusieurs des points qu’elle m’a soumis excédaient en fait ma compétence.

 

[19]        Je dois souscrire à la manière dont l’avocate de l’intimé évalue les points qui me sont soumis, c’est-à-dire la question très circonscrite de savoir si les appelantes ont « subi » une perte de revenu provenant d’un régime de pensions et, dans l’affirmative, la question de savoir à quel moment la perte s’est produite.

 

[20]        L’intimé a fait valoir que, sans les documents requis, les appelantes n’ont pas établi qu’une perte a en fait eu lieu, à quel moment elle a eu lieu, ni que cette perte, si elle a eu lieu, n’était pas de leur propre fait.

 

[21]        D’après la preuve produite, je crois qu’un type de perte a eu lieu, mais que, sans ces documents bancaires, l’appelante n’a pas établi l’existence d’une perte de revenu provenant d’un régime de pensions, le moment auquel la perte a eu lieu, le montant de la perte, et la question de savoir si les prélèvements de pension étaient discrétionnaires ou non. Les pièces R-4 et R-5, qui étaient des feuilles de calcul provenant des déclarations des appelantes pour les années d’imposition 2008 et 2009, indiquent sur la déclaration de 2008 de M. Wionzek un montant de 1 445 $ sur la ligne 115 intitulée « autres revenus de pension », mais on ne voit aucun montant du genre sur la ligne 115 de sa déclaration de 2009. L’avocate de l’intimé a pensé que cette absence d’un montant sur la ligne 115 de la déclaration de 2009 signifiait une perte de revenu provenant d’un régime de pension; cependant, ce n’était qu’une supposition.

 

[22]        Puisque les appelantes n’ont pas produit de documents se rapportant au FERR, bien qu’elles y aient été invitées tant avant l’audience que durant l’audience, il m’est impossible de conclure qu’il y a eu perte de revenu provenant d’un régime de pension, ce qui est une condition préalable à l’application des paragraphes 14(4) et 14(6) de la Loi en vue d’un rajustement du SRG et de l’allocation. Je ferais aussi observer que, si les déclarations avaient été produites, j’aurais été disposée à ne pas tenir compte de l’exigence touchant les formulaires prescrits du ministre aux termes de l’article 35 de la Loi.

 

[23]        L’avocate de l’intimé s’est fondée sur la décision Ward concernant la question de savoir si les appelantes avaient « subi » une perte. S’interrogeant à savoir si une perte avait été « subie », le juge Hershfield a conclu que, lorsqu’une personne exerçait un contrôle sur l’aptitude à subir la perte :

 

[16De toute évidence, la disposition en question envisage donc quelque chose d’autre que le contrôle des réductions prévues de pension à l’égard desquelles le rentier a entièrement discrétion. Le rentier est tenu de « subir » une perte. La perte doit être un fait accompli. La prévision d’une perte sur laquelle le rentier exerce un contrôle, lorsqu’il s’agit de subir la perte ou de ne pas la subir, n’est pas une perte qui a été subie. […] (Paragraphe 16)

 

La position des appelantes, s’agissant de la décision Ward, est qu’il s’agit d’une décision erronée, tant sur le plan des faits que sur celui du droit, mais que, en tout état de cause, les appelantes ont effectivement subi une perte, même si ce n’était pas un « fait accompli ». Les appelantes ont proposé la définition donnée par le dictionnaire pour le mot « subir ». Cependant, Mme Katz n’a pas répondu aux arguments de possible abus avancés par le juge Hershfield dans la décision Ward à propos des personnes qui augmentent artificiellement leur FERR pour obtenir une prestation accrue. Le mot « subir » n’est pas défini dans la Loi, mais, tel qu’il est employé dans la disposition, il doit signifier que la perte survient sans aucune intervention de l’intéressé concernant le retrait minimum annuel. Autrement dit, cette disposition ne permet pas de choisir si une perte se produira ou non parce que le choix suppose une forme de contrôle sur la survenance ou la non-survenance de la perte.

 

[24]        L’intimé a aussi fait valoir que l’élimination d’un FERR et la « perte » résultante des versements faits dans le cadre d’un FERR pourraient déclencher une « option », car elle ne dépendrait pas de la volonté du contribuable et ne serait donc pas discrétionnaire. Encore une fois, à cause de l’absence des documents requis, on n’a pas la preuve, dans les présents appels, de la valeur du FERR, ni la preuve que le prélèvement de décembre 2007 a réduit le FERR.

 

[25]        Selon les appelantes, la décision Mattina c. Ministre du Développement des ressources humaines [2006] A.C.I. n° 302, et la décision Henriques c. Ministre du Développement des ressources humaines [2006] A.C.I. n° 397 intéressaient les présents appels. Cependant, ces deux précédents peuvent être aisément écartés ici, car les mécanismes d’investissement concernés étaient différents. Dans l’un et l’autre cas, l’accès aux fonds n’était pas contrôlé par les pensionnés, mais il s’agissait plutôt de paiements déterminés provenant d’une entité d’investissement gérée. Un FERR est un mécanisme d’investissement de nature différente parce que le pensionné conserve une forme de contrôle. Ces deux précédents ne seraient applicables aux présents appels que si les sommes provenant du FERR pouvaient être considérés comme des versements de pension aux termes de l’alinéa 14f) du Règlement, et la question du contrôle serait alors sans intérêt. Il est évident cependant que le juge Hershfield avait connaissance de ces précédents puisqu’il y a fait référence, mais sans les invoquer.

 

[26]        Finalement, je voudrais dire quelques mots sur les deux périodes de paiement, la période allant de janvier 2008 à juin 2008 et la période allant de juillet 2008 à juin 2009. Les appelantes ont évoqué uniquement la deuxième période, celle de juillet 2008 à juin 2009, devant la Cour. L’intimé a fait valoir que les deux périodes sont en cause, pour deux raisons :

 

(1)             les appelantes ont demandé le réexamen des deux périodes tout entières, c’est-à-dire de la période au cours de laquelle elles ont reçu le SRG,

(2)             la baisse du revenu provenant d’un régime de pension au début de 2008 aurait une incidence sur la période 2007‑2008.

Comme je l’indiquais plus haut, le ministre a déjà rendu sa décision pour la période 2007-2008 (janvier 2008 – juin 2008) et, bien qu’il reconnaisse que cette décision était erronée, il a dispensé les appelantes de rembourser le trop-perçu. La décision du ministre datée du 23 juin 2010 était on ne peut plus claire sur ce point. Puisque les appelantes n’ont pas demandé le réexamen de la période 2007–2008, je dois conclure que le ministre ne peut pas mettre en question cette période de paiement. Si j’autorisais la prise en compte de cette période, je permettrais en fait au ministre de faire appel de sa propre décision. Dans un contexte d’impôt sur le revenu, le ministre du Revenu national ne serait pas autorisé à faire appel d’une cotisation établie par lui, et je ne vois aucune raison de ne pas appliquer ce principe à l’affaire dont je suis saisie de manière à empêcher le ministre de contester la période 2007–2008.

 

[27]        En conclusion, je rejette les appels des appelantes pour ce qui concerne la période de paiement allant de juillet 2008 à juin 2009 parce que, sans les documents se rapportant au FERR, elles ne sont pas en mesure de prouver, comme elles devaient le faire, la survenance d’une perte, le moment de cette perte et le fait que cette perte était le résultat de prélèvements discrétionnaires ou obligatoires. Par conséquent, les appelantes ne peuvent pas établir qu’elles ont en fait « subi » une perte selon les termes de la décision Ward.

 

[28]        Le ministre ne sera pas autorisé à modifier sa décision concernant la première période de paiement, à savoir 2007–2008, et sa demande de réexamen de sa décision touchant la période allant de janvier 2008 à juin 2008 est rejetée. C’était une décision erronée, mais le ministre doit tout simplement s’accommoder de sa mauvaise appréciation.

 

[29]        Finalement, même si je n’ai pas compétence pour déclarer douteuses, voire illégales, certaines politiques et pratiques de Service Canada, il m’est impossible de fermer les yeux sur les tactiques tout à fait inacceptables et répréhensibles employées par Service Canada dans ses relations avec les personnes âgées concernées. L’attitude de Service Canada a été abusive et tout à fait condamnable. Les contribuables, surtout s’il s’agit de personnes âgées, méritent mieux des ministères gouvernementaux de ce pays.

 

[30]        Les appels portant sur la période de paiement allant de juillet 2008 à juin 2009 sont rejetés, sans dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juin 2012.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2012.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 232

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :        2012-200(OAS)

                                                          2012-203(OAS)

 

INTITULÉ :                                      SHARON KATZ c. LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES et LA SUCCESSION DU DÉFUNT ZENO WIONZEK c. LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Ottawa, Canada

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge D. Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 27 juin 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelantes :

Mme Sharon Katz

Avocate de l’intimé :

Me Stephanie Coté

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                     

 

                        Nom :                       

 

                   Cabinet :                       

                                                         

       Pour l’intimé :                            Myles J. Kirvan

                                                         Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.