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Référence : 2012 CCI 240

Date : 20120709

Dossier : 2012-371(IT)I

ENTRE :

TRINA BRADY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(révisés à l’aide de la transcription des motifs de jugement rendus oralement à l’audience le 6 juin 2012, à Vancouver (Colombie-Britannique))

 

La juge Campbell

 

[1]             Qu’il soit consigné au dossier que je rends les motifs dans l’appel interjeté par Trina Brady, que j’ai entendu le lundi 4 juin 2012.

 

[2]             Le présent appel, concernant l’année de base 2010, se rapporte au calcul de la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour la période allant du mois de juillet 2011 au mois de juin 2012. L’appelante et son époux, Sean Brady, sont séparés depuis le mois de novembre 2010.

 

[3]             Le ministre a initialement conclu que l’appelante avait droit à la PFCE pour l’année de base 2010. Au mois d’août 2011, le ministre a avisé l’appelante que le droit à cette prestation pour l’année de base 2010 serait rajusté compte tenu d’une demande que Sean Brady avait présentée au mois de juillet 2011 à l’égard de la prestation, demande dans laquelle celui‑ci déclarait que les conjoints partageaient la garde des trois enfants issus du mariage. Lors d’une nouvelle détermination du droit à la prestation, et compte tenu du fait que le père et la mère partageaient la garde des enfants, le ministre a demandé à l’appelante de rembourser un paiement en trop de la prestation pour la période en cause.

 

[4]             L’appelante soutient que, contrairement à ce que le ministre a conclu, elle n’était pas un « parent ayant la garde partagée » des trois enfants, mais qu’elle était plutôt le parent qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation des personnes à charge admissibles. Elle demande donc le plein montant de la prestation.

 

[5]             La définition de l’expression « parent ayant la garde partagée » a été ajoutée à l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») en 2010, à l’égard des paiements en trop effectués après le mois de juin 2011. La réduction du montant de la prestation fiscale, lorsqu’un parent a la garde partagée, est prévue au paragraphe 122.61 (1.1) de la Loi, lequel a été ajouté à la Loi au même moment.

 

[6]             La prestation fiscale pour enfants est payable pour des personnes à charge admissibles; elle est versée tous les mois à un particulier admissible, qui est en général le parent qui réside avec la personne à charge et qui agit à titre de principal pourvoyeur de soins de cette personne.

 

[7]             L’article 122.61 de la Loi crée un paiement en trop réputé à l’égard d’un particulier qui a droit à la prestation fiscale pour enfants. Cette disposition crée un paiement en trop fictif. Le paragraphe (1.1) de l’article 122.61 prévoit une autre méthode de calcul pour la prestation lorsque le particulier admissible est un « parent ayant la garde partagée » d’une personne à charge admissible au début du mois.

 

[8]             L’adoption du paragraphe 122.61(1.1) veut dire que le paiement en trop réputé qui correspond à la PFCE est réduit dans le cas d’un parent ayant la garde partagée. Avant que les modifications concernant la garde partagée aient été effectuées, la Loi prévoyait qu’un seul des deux parents était le particulier admissible à la prestation. Dans la décision R. v. Marshall, 96 DTC 6292, le juge Stone a fait, au paragraphe 2, la remarque suivante au sujet de l’article 122.61 :

 

Cet article de la Loi prévoit qu’un seul des deux parents est un « particulier admissible » aux fins d’admissibilité aux avantages. L’article ne prévoit aucun partage proportionnel entre deux parents qui prétendent être des parents admissibles. Seul, le Parlement peut prévoir le partage proportionnel des avantages, mais il ne l’a pas fait.

 

[9]             Dans le cas de la garde partagée, la politique administrative de l’ARC consistait à partager la prestation en deux portions de six mois pour chaque parent. Cette politique fonctionnait dans la mesure où les parents étaient d’accord, ou dans la mesure où ni l’un ni l’autre n’interjetait appel de la cotisation. Avant le mois de juillet 2011, la PFCE a été répartie entre les conjoints dans certaines décisions. Dans la décision Connolly v. The Queen, 2010 DTC 1166, le juge Hershfield a permis à la contribuable de demander la PFCE pour une période de cinq mois parce qu’elle résidait avec l’enfant.

 

[10]        Dans la décision Campbell v. The Queen, 2010 DTC 1072, le juge Webb a conclu que chaque parent avait le droit de demander la prestation pour une période de six mois parce qu’ils étaient tous deux les principaux pourvoyeurs de soins. Depuis que le législateur a effectué des modifications, en 2010, afin d’assurer l’égalité dans un cas de garde partagée, aucune décision n’a été rendue au sujet de la nouvelle définition de l’expression « parent ayant la garde partagée ». Les décisions antérieures, dans lesquelles le montant de la prestation était partagé, ne s’appliquent plus dans le cadre du nouveau régime.

 

[11]        L’article 122.6 définit de la manière suivante les termes « parent ayant la garde partagée », « particulier admissible » et « personne à charge admissible » :

 

« parent ayant la garde partagée » S’entend, à l’égard d’une personne à charge admissible à un moment donné, dans le cas où la présomption énoncée à l’alinéa f) de la définition de « particulier admissible » ne s’applique pas à celle‑ci, du particulier qui est l’un des deux parents de la personne à charge qui, à la fois :

 

*                  a) ne sont pas, à ce moment, des époux ou conjoints de fait visés l’un par rapport à l’autre;

*                    

*                  b) résident avec la personne à charge sur une base d’égalité ou de quasi-égalité;

*                    

            c) lorsqu’ils résident avec la personne à charge, assument principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de celle-ci, ainsi qu’il est déterminé d’après des critères prévus par règlement.

 

« particulier admissible » S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

*                   a) elle réside avec la personne à charge;

*                    

*                  b) elle est la personne – père ou mère de la personne à charge – qui :

*                   

*          (i) assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge et qui n’est pas un parent ayant la garde partagée à l’égard de celle-ci,

*          (ii) est un parent ayant la garde partagée à l’égard de la personne à charge;

*                   

*                  c) elle réside au Canada ou, si elle est l’époux ou conjoint de fait visé d’une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l’année d’imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d’une année d’imposition antérieure;

*                    

*                   d) elle n’est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

*                    

*                  e) elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

*                    

(i) résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

*  

(ii) résident temporaire ou titulaire d’un permis de séjour temporaire visés par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

*  

(iii) personne protégée au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

*         

(iv) quelqu’un qui fait partie d’une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d’immigrants précisées pour des motifs d’ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l’immigration.

*         

Pour l’application de la présente définition :

 

*                  f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère ;

*                    

*                  g) la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

*                    

*                  h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

 

 

« personne à charge admissible » S’agissant de la personne à charge admissible d’un particulier à un moment donné, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

*                   a) elle est âgée de moins de 18 ans;

*                    

*   b) elle n’est pas quelqu’un pour qui un montant a été déduit en application de l’alinéa 118(1)a) dans le calcul de l’impôt payable par son époux ou conjoint de fait en vertu de la présente partie pour l’année de base se rapportant au mois qui comprend ce moment;

 

*   c) elle n’est pas quelqu’un pour qui une allocation spéciale prévue par la Loi sur les allocations spéciales pour enfants est payable pour le mois qui comprend ce moment.

 

[12]        Pour les besoins du présent appel, le ministre reconnaît que les trois enfants sont des personnes à charge admissibles. L’alinéa f) de la définition du « particulier admissible » renferme une présomption en faveur de la mère de la personne à charge admissible. Toutefois, l’alinéa g) de cette définition prévoit également que cette présomption en faveur de la mère ne s’applique pas dans les « circonstances prévues par règlement ». L’article 6301 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») fait mention des alinéas f) et g) figurant dans la définition du particulier admissible, à l’article 122.6, et, aux alinéas a) à d), il énumère les circonstances dans lesquelles la présomption en faveur de la mère énoncée à l’alinéa f) ne s’applique pas. L’article 6301 du Règlement est libellé de la manière suivante :

 

*                   6301. (1) Pour l’application de l’alinéa g) de la définition de « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, la présomption mentionnée à l’alinéa f) de cette définition ne s’applique pas dans les circonstances suivantes :

*                    

*        ala mère de la personne à charge admissible déclare par écrit au ministre qu’elle réside avec le père de cette personne et qu’il est celui qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de chacune des personnes à charge admissibles avec lesquelles les deux résident;

*         

*        bla mère est une personne à charge admissible d’un particulier admissible et chacun d’eux présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible;

*         

*        cla personne à charge admissible a plus d’une mère avec qui elle réside et chacune des mères présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la personne à charge admissible;

*         

*                 dplus d’une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d’elles à des endroits différents.

 

[13]        Parmi les quatre circonstances énumérées à l’article 6301 du Règlement, seule la circonstance prévue à l’alinéa d) s’applique à l’appel dont je suis ici saisie. L’alinéa d) est libellé ainsi, et je tiens à ce qu’il soit consigné au dossier :

 

[...] plus d’une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d’elles à des endroits différents.

 

[14]        En l’espèce, le père, Sean Brady, a présenté une demande en vue d’obtenir la PFCE et l’appelante a également présenté une demande; par conséquent, la présomption énoncée à l’alinéa f) en faveur de la mère ne s’applique pas eu égard aux circonstances. La définition de l’expression « parent ayant la garde partagée » à l’article 122.6 s’applique lorsque la présomption en faveur de la mère énoncée à l’alinéa f) de la définition de « particulier admissible » ne s’applique pas. Cette définition dit qu’un parent ayant la garde partagée est un particulier qui est l’un des deux parents de la personne à charge qui a) ne sont pas des époux ou conjoints de fait visés l’un par rapport à l’autre, b) résident avec la personne à charge sur une base d’égalité ou de quasi-égalité et c) assument principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge, d’après les critères prévus par règlement.

 

[15]        Les critères prévus par règlement sont mentionnés à l’alinéa h) de l’article 122.6, qui prévoit ce qui suit :

 

[...] les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

 

[16]        Une liste de ces critères prévus par règlement dont il est fait mention à l’alinéa h) de l’article 122.6 figure à l’article 6302 du Règlement. Il s’agit notamment des critères suivants :

 

6302. Pour l’application de l’alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible :

 

*                   ale fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

*                    

*                  ble maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside;

*                    

*                  cl’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

*                    

*                  dl’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

*                    

*                  ele fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne;

*                    

*                  fle fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

*                    

*                  gde façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider;

*                    

*                  hl’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

[17]        Afin de décider si l’appelante a droit à la PFCE pour l’année de base 2010, la Cour doit examiner la preuve à la lumière des critères prévus par règlement, qui sont énumérés à l’article 6302 du Règlement. La nouvelle disposition figurant au paragraphe 122.61(1.1) prévoit maintenant ce qui doit arriver lorsqu’il est conclu que les deux parents assument à parts égales la responsabilité pour le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible. Dans le cas de parents ayant la garde partagée, le montant de la PFCE sera calculé conformément au paragraphe 122.61(1.1), de façon que la prestation soit partagée, ce que la Loi ne prévoyait pas auparavant.

 

[18]        Il incombe à l’appelante d’établir que Sean Brady et elle‑même ne sont pas des parents ayant la garde partagée et qu’elle seule assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation des trois enfants qui sont des personnes à charge admissibles.

 

[19]        J’ai écouté les témoignages des deux parents; de toute évidence, ils sont tous deux des parents dévoués, responsables, qui se préoccupent profondément du bien‑être de leurs trois enfants. Toutefois, il est également évident que les relations entre les conjoints sont encore fort tendues.

 

[20]        L’appelante consigne méticuleusement par écrit les moments où l’un des conjoints va chercher les enfants et les ramène, selon un calendrier qu’elle a établi. Le père a convenu que ces documents indiquent avec exactitude le temps que chacun passait avec les enfants. Selon son témoignage, l’appelante assumait en moyenne la responsabilité pour le soin des trois enfants, en fonction d’une semaine de 160 heures, pendant 55 p. 100 du temps, alors que le père en assumait la responsabilité pendant 45 p. 100 du temps. Les deux parents convenaient que ces pourcentages pouvaient varier légèrement d’une semaine à l’autre, à cause des vacances, ou parce que l’un d’eux allait chercher les enfants en retard, ou pour d’autres raisons encore.

 

[21]        L’alinéa b) de la définition du terme « parent ayant la garde partagée » est composé de deux volets : d’une part, le particulier doit résider avec la personne à charge admissible; d’autre part, il doit le faire « sur une base d’égalité ou de quasi‑égalité ».

 

[22]        Dans la décision Timothy Campbell, le juge Webb, en déterminant l’endroit où l’enfant résidait ou résidait habituellement, a dit que le critère applicable est de savoir si l’enfant vivait avec le parent de manière établie et habituelle.

 

[23]        Pendant la période visée par le présent appel, les parents suivaient un cycle ou un calendrier régulier bien défini. Selon la preuve, les enfants résidaient de manière établie et habituelle avec l’un ou l’autre parent.

 

[24]        Le problème d’interprétation qui se pose maintenant se rapporte au sens de l’expression « sur une base d’égalité ou de quasi‑égalité » figurant à l’alinéa b) de la définition du terme « parent ayant la garde partagée ».

 

[25]        Le mot « equal » (égal) est défini dans le Oxford English Dictionary, 2e édition, comme voulant dire [traduction] « identique quant à la quantité ». Si chaque parent réside chaque semaine avec l’enfant pendant le même nombre d’heures, les parents résident avec l’enfant sur une base d’égalité.

 

[26]        Le terme « near equal » (quasi‑égalité) est une notion plus difficile à définir. La définition donnée dans les dictionnaires n’est pas particulièrement utile dans ce cas‑ci étant donné que le mot « quasi » (presque) est défini comme voulant dire [traduction] « par rapport à l’espace ou à une partie, rapproché, peu éloigné ». Étant donné que les mots « quasi-égalité » figurent tout près du mot « égalité » dans la disposition en question, le législateur voulait probablement dire qu’il y avait peu de différence quant au temps passé avec chaque parent. Selon la maxime latine noscitur a sociis, le sens d’un mot est révélé par les mots auxquels ce mot est associé. Je me réfère ici à la décision PCS Investments Ltd. v. Dominion of Canada General Insurance, de 1994.

 

[27]        Si le législateur voulait que la résidence soit partagée également, les mots « quasi-égalité », selon une interprétation stricte, devraient vouloir dire « de manière aussi égale que possible » ou « légèrement moins » seulement. Toutefois, je ne crois pas que le législateur veuille que la ligne de démarcation soit tracée strictement à 50/50, ou d’une façon s’en rapprochant énormément. Une telle interprétation risquerait de contrecarrer l’objet de la modification. À mon avis, l’objet était plutôt d’assurer que, bien que les dispositions en question ne s’appliquent pas dans le cas d’une grosse différence, la modification s’applique aux cas des parents où il n’y a qu’une fort légère différence ou une différence peu marquée.

 

[28]        La Cour a été saisie d’un certain nombre d’affaires dans lesquelles elle a examiné le sens du mot « near ». Toutefois, la plupart de ces affaires se rapportaient à des frais de scolarité et ne sont pas utiles en l’espèce.

 

[29]        Depuis que les modifications en question ont été édictées, l’ARC a publié un Guide révisé des prestations pour enfants, le T4114, où figure l’énoncé suivant :

 

Un enfant peut habiter avec deux personnes différentes dans des résidences séparées pour des périodes plus ou moins égales, par exemple : 1) l’enfant habite avec un parent quatre jours par semaine et avec l’autre parent trois jours par semaine; 2) l’enfant habite avec un parent une semaine et avec l’autre parent la semaine suivante; [...]

 

Et cette troisième condition, qui est selon moi troublante :

 

[...] tout autre cycle régulier de rotation de garde.

 

[30]        Si une telle entente est conclue, l’ARC estime que le contribuable a conclu une entente de garde partagée, de sorte que le montant des prestations sera ramené à 50 p. 100. Je conclus que cette position est probablement trop générale. Ainsi, un cycle régulier de rotation de garde pourrait être le suivant : un parent réside chaque mois avec l’enfant pendant trois semaines, alors que l’autre assume la garde et réside avec l’enfant pendant une semaine seulement. À mon avis, un tel arrangement n’est pas visé par la modification; il ne correspond pas à une garde sur une base d’égalité ou de quasi‑égalité puisque, dans l’exemple que j’ai donné, il y a clairement une différence pour ce qui est du temps pendant lequel l’enfant réside avec chaque parent.

 

[31]        Selon la preuve, l’appelante résidait en moyenne chaque semaine pendant 91 heures avec les trois enfants, alors que le père résidait en moyenne avec ceux‑ci pendant 77 heures. Sur un total de 168 heures par semaine, l’appelante passait en tout 54,17 p. 100 du temps avec les enfants. La différence entre le nombre d’heures passées avec les enfants par chaque parent est de 14 heures. Exprimer en pourcentage la différence entre le nombre d’heures que chaque parent passe avec les enfants n’est peut‑être pas particulièrement utile dans ce cas‑ci. Si l’appelante passait 60 p. 100 du temps avec les enfants, elle passerait près de 101 heures avec eux, alors que le père passerait 67 heures avec les enfants. Cette différence de 34 heures représenterait un jour et dix heures par semaine. Une différence de 64 heures voudrait dire que l’appelante passerait 96 heures avec les enfants, soit une différence de 57,14 p. 100. Il s’agit de savoir si une différence de 14 heures, compte tenu d’un partage, exprimé en pourcentage, à 55/45, ce qui était la moyenne, devrait être considérée comme représentant la « quasi‑égalité ». En réalité, cette différence correspond à une demi‑journée et deux heures.

 

[32]        Je conclus que cela est clairement visé par le terme « quasi‑égalité », au sens prévu par la modification. Le nombre d’heures pendant lesquelles chaque parent réside avec les enfants est donc quasi égal, comme le prévoit la disposition en question.

 

[33]        Si l’on examine les autres facteurs énumérés à l’article 6302 du Règlement, qui met l’accent sur les besoins de l’enfant lorsqu’il s’agit de le superviser, de le guider, de subvenir à ses besoins, de le soigner, d’assurer sa sécurité et de veiller à ce qu’il participe à des activités, la preuve établit que le père s’occupait de tous ces besoins lorsque les enfants résidaient avec lui. À l’heure actuelle, le père est à la maison parce qu’il est atteint d’une invalidité, et il peut donc passer toute la journée avec sa fille de cinq ans pendant que les deux fils sont à l’école. La preuve montre que le père supervise les devoirs des enfants, qu’il assure leur participation à des activités récréatives et scolaires, qu’il s’occupe des questions de discipline et qu’il veille à leur hygiène. Le père offre un environnement sûr et l’appelante a témoigné que les enfants étaient en sécurité chez lui. Toutefois, l’appelante n’était pas convaincue qu’il était raisonnable pour les enfants de ne pas avoir leurs propres chambres à coucher, alors qu’ils avaient leurs propres chambres chez elle. Cependant, aucun élément de preuve n’indiquait que cela posait des problèmes pour les enfants. De fait, la preuve établit que les enfants sont heureux et bien adaptés.

 

[34]        Le père servait d’entraîneur lorsque son fils aîné jouait au soccer; il assistait aux événements organisés par l’école et se joignait aux sorties. Il a acheté et remis en état des scooters usagés que ses enfants et lui utilisent pour aller à l’école et revenir. De toute évidence, le père aidait les enfants à faire leurs devoirs et il s’acquittait de ces tâches lorsque les enfants résidaient avec lui. Le père a témoigné que les enfants passaient beaucoup de temps à la piscine de son immeuble d’habitation. Si les enfants étaient malades, il essayait de les soigner lui‑même avant de « courir » chez le médecin. Toutefois, aucun des trois enfants n’avait de maladies précises exigeant des soins médicaux continus.

 

[35]        Le revenu discrétionnaire du père est inférieur à celui de la mère, mais le père a déclaré qu’il achetait des vêtements et de l’équipement de sport usagés pour les enfants. Le père fêtait les anniversaires des enfants avec sa famille étant donné que, contrairement à la mère, il ne disposait pas de fonds suffisants pour organiser une fête avec les amis des enfants. La preuve établit que le père veille à tous les besoins des enfants lorsque ceux‑ci sont avec lui, sans avoir recours à de l’aide, et l’appelante a témoigné que les enfants adorent leur père.

 

[36]        L’appelante était une mère qui veillait également elle‑même de la même façon aux besoins des enfants lorsqu’ils résidaient avec elle. Les enfants passaient chaque semaine quelques heures de plus avec elle, mais j’ai conclu que cette légère différence était conforme à la notion de « quasi‑égalité », selon la définition de l’expression « parent ayant la garde partagée ». Le ministre a donc eu raison d’établir le droit de l’appelante à la PFCE pour l’année de base 2010 en se fondant sur le fait que celle‑ci était un parent ayant la garde partagée en application du paragraphe 122.61(1.1) de la Loi. L’appel est donc rejeté.

 

 

 

       Signé à Summerside (Île-du-Prince-Édouard), ce 9e jour de juillet 2012.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2012.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2011 CCI 240

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-371(IT)I

 

INTITULÉ :                                      TRINA BRADY

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 4 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 6 juin 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Dawn Francis

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                     

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :                

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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