Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2011-2093(IT)I

ENTRE :

STÉPHANE GIROUX,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 19 juillet 2012, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Valérie Messore

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR) pour l’année d'imposition 2008 est rejeté.

 

          L’appel de la cotisation initiale établie en vertu de la LIR pour l’année d’imposition 2009 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l’appelant a droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge et au crédit relatif au montant pour enfant aux termes des alinéas 118(1)b) et b.1) de la LIR.

 

       Chaque partie doit assumer ses propres dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2012.

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

Référence : 2012 CCI 284

Date : 20120727

Dossier : 2011-2093(IT)I

ENTRE :

STÉPHANE GIROUX,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

 

[1]             L’appelant en appelle de deux cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) pour les années d’imposition 2008 et 2009. Le ministre a refusé à l’appelant le crédit équivalent pour personne entièrement à charge et le crédit relatif au montant pour enfant qu’il a réclamés pour l’un de ses enfants aux termes des alinéas 118(1)b) et b.1) de la LIR. Le ministre a tenu pour acquis les faits suivants pour refuser à l’appelant le droit à ces crédits, lesquels faits se retrouvent au paragraphe 8 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

8.  Pour établir et maintenir cette nouvelle cotisation et cotisation, le Ministre a tenu pour acquis les conclusions et hypothèses de fait suivantes, à savoir :

 

a)      L’appelant et Madame Michelle Émond (ci-après « l’ex-conjointe ») ont cessé de faire vie commune depuis le mois de novembre 1998 et sont divorcés depuis l’année 2003;

b)      les parties sont les parents de deux enfants : G, né en 1992 et M, née en 1993;

c)      selon le consentement intérimaire signé entre les parties le 13 février 2009, l’appelant demande la garde de l’enfant G ainsi que l’annulation de la pension alimentaire qu’il paie à son ex-conjointe pour le bénéfice de l’enfant G;

d)     en produisant ses déclarations de revenus pour les années en litige, l’appelant a réclamé, pour l’enfant G, le crédit pour personnes entièrement à charge ainsi que celui relatif au montant pour enfants;

e)      pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2008 jusqu’au 15 février 2009, l’appelant était tenu de payer, pour le bénéfice de l’enfant G, une pension alimentaire à son ex-conjointe.

 

[2]             L’intimée se réfère particulièrement au paragraphe 118(5) et à la définition de « pension alimentaire » au paragraphe 56.1(4) de la LIR. Je vais reproduire ces dispositions ci-après de même que les alinéas 118(1)b), b.1) et 118(4)(b) :

 

 (1) Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à e) par le taux de base pour l’année est déductible dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition;

 

[…]

 

b) le total de 10 320 $ et de la somme obtenue par la formule suivante :

 

10 320 $ - D

 

où :

 

D  représente le revenu d’une personne à charge pour l’année,

 

si le particulier ne demande pas de déduction pour l’année par l’effet de l’alinéa a) et si, à un moment de l’année :

 

(i) d’une part, il n’est pas marié ou ne vit pas en union de fait ou, dans le cas contraire, ne vit pas avec son époux ou conjoint de fait ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son époux ou conjoint de fait ne subvient à ses besoins,

 

(ii) d’autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d’une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

 

(A) elle réside au Canada, sauf s’il s’agit d’un enfant du particulier,

 

(B) elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d’une ou plusieurs de ces autres personnes,

 

(C) elle est liée au particulier,

 

(D) sauf s’il s’agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d’une infirmité mentale ou physique ;

 

b.1) celle des sommes suivantes qui est applicable :

 

(i) 2 000 $ pour chaque enfant du particulier qui est âgé de moins de 18 ans à la fin de l’année et qui réside habituellement, tout au long de l’année, avec le particulier et un autre parent de l’enfant,

 

(ii) sauf en cas d’application du sous-alinéa (i), 2 000 $ pour chaque enfant du particulier qui est âgé de moins de 18 ans à la fin de l’année et à l’égard duquel le particulier peut déduire une somme en application de l’alinéa b), ou pourrait déduire une telle somme si l’alinéa 118(4)a) ne s’appliquait pas à lui pour l’année et si l’enfant n’avait pas de revenu pour l’année ;

 

[…]

 

   (4) Les règles suivantes s’appliquent aux déductions prévues au paragraphe (1) :

 

[…]

 

b) un seul particulier a droit pour une année d’imposition à une déduction prévue au paragraphe (1), par application des alinéas (1)b) ou b.1), pour la même personne ou pour le même établissement domestique autonome; dans le cas où plusieurs particuliers auraient droit par ailleurs à cette déduction, mais ne s’entendent pas sur celui d’entre eux qui la fait, elle n’est accordée à aucun d’eux pour l’année;

 

[…]

 

   (5) Aucun montant n’est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition si le particulier, d’une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait pour la personne et, d’autre part, selon le cas :

 

a) vit séparé de son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait tout au long de l’année pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait;

 

b) demande une déduction pour l’année par l’effet de l’article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait.

 

   56.1  […]

 

   (4) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 56.

 

[…]

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

 

b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

[3]             L’intimée soutient que puisqu’au cours des années d’imposition 2008 et 2009, l’appelant était tenu de verser, au bénéfice de l’enfant G, une pension alimentaire à son ex-conjointe, il n’est pas admissible, par application du paragraphe 118(5) de la LIR, aux crédits demandés en vertu des alinéas 118(1)b) et b.1) de la LIR.

 

[4]             L’appelant, par son témoignage et les documents soumis en preuve, a expliqué l’évolution de sa situation familiale.

 

[5]             Un jugement de divorce fut d’abord prononcé le 6 janvier 2003, jugement suivant lequel l’appelant et son ex-conjointe partageaient la garde de leurs deux enfants mineurs. L’appelant devait, selon ce jugement, verser une pension alimentaire pour enfants à son ex-conjointe compte tenu du fait que ses revenus étaient plus élevés que ceux de cette dernière (pièce I-1, onglet 5).

 

[6]             Le 27 octobre 2005, l’ex-conjointe de l’appelant présentait une requête amendée en modification des mesures accessoires auprès de la Cour supérieure du Québec (pièce I-1, onglet 6). Par cette requête, elle demandait la garde exclusive des deux enfants et une contribution alimentaire en conséquence.

 

[7]             Le 30 mai 2006, la Cour supérieure du Québec rendait jugement sur cette requête, accordant la garde exclusive à l’ex-conjointe, et ordonnait à l’appelant de lui verser une pension alimentaire au bénéfice des enfants, laquelle était indexée.

 

[8]             L’appelant a porté cette décision en appel devant la Cour d’appel du Québec, laquelle a rendu jugement le 26 février 2007. Selon ce jugement, l’ex-conjointe conservait la garde exclusive des deux enfants, mais le montant de la pension alimentaire payable pour les enfants était réduit.

 

[9]             L’aîné des enfants, G, est venu vivre à plein temps chez son père à compter du 29 octobre 2008 (pièce I-1, onglet 2). L’appelant a expliqué qu’il a, dès ce moment, tenté auprès de son employeur de faire cesser les prélèvements automatiques sur son salaire en paiement de la pension alimentaire versée à son ex‑conjointe pour cet enfant. L’ex-conjointe a refusé de s’y prêter et l’employeur de l’appelant l’a avisé qu’il devait avoir un jugement d’un tribunal l’autorisant à réduire les prélèvements automatiques à l’égard de cet enfant.

 

[10]        L’appelant a donc présenté, le 28 janvier 2009, devant la Cour supérieure du Québec, une requête en modification des mesures accessoires (pièce I-1, onglet 7), par laquelle il demandait la garde de l’enfant G, et par le fait même, l’annulation de la pension alimentaire payable à son ex-conjointe pour cet enfant. Par cette requête, il demandait une ordonnance de sauvegarde suspendant, à compter du 1er février 2009, le paiement de la pension alimentaire, qu’il continuait toujours de verser par voie de prélèvements automatiques sur son salaire.

 

[11]        Le 13 février 2009, par consentement intérimaire, les parties ont convenu que l’appelant paierait seul, à compter du 15 février 2009, tous les frais reliés à l’enfant G, et il ressort de cette entente qu’il ne devait plus payer l’ex-conjointe pour cet enfant à compter de cette date (pièce I-1, onglet 8).

 

[12]        Le 29 mai 2009, l’ex-conjointe de l’appelant a fait une offre de règlement eu égard aux sommes dues entre les époux (pièce A-1).

 

[13]        Il ressort de cette lettre que l’ex-conjointe considérait que l’appelant lui devait des sommes d’argent en vertu du jugement précité de la Cour d’appel. Elle établissait ensuite un calcul des sommes dues par l’une et l’autre des parties en acceptant de faire rétroagir la pension alimentaire au 1er novembre 2008, date à laquelle elle considérait qu’il y avait eu changement de garde pour l’enfant G. Elle reconnaissait donc devoir à l’appelant des sommes au titre de l’arriéré de pension alimentaire versée en trop. Elle a ainsi proposé d’opérer compensation pour les sommes qu’elle devait à l’appelant, faisant en sorte que l’appelant ne lui devrait que la différence sur sa créance.

 

[14]        L’appelant a expliqué en cour qu’il n’était pas d’accord qu’il devait des sommes d’argent à son ex-conjointe, mais voulant en finir, il a proposé à son ex‑conjointe de se donner quittance mutuelle complète, sans que l’un n’ait à verser des sommes d’argent à l’autre à l’égard de l’enfant G.

 

[15]        Un consentement à jugement a finalement été signé le 17 septembre 2009, entérinant le consentement intérimaire du 13 février 2009, avec certaines modifications. Par ce consentement à jugement, les parties renonçaient à tout arriéré dû de part et d’autre, autant pour la pension alimentaire que pour les frais particuliers (qui faisaient l’objet de la proposition de règlement) et elles se sont donné quittance totale et complète de toute réclamation à cet égard (pièce I-1, onglet 9).

 

[16]        L’intimée soutient que, puisque l’appelant était tenu jusqu’au 15 février 2009, selon le consentement intérimaire, de verser une pension alimentaire pour l’enfant G à son ex-conjointe, il ne peut bénéficier des crédits réclamés en vertu des alinéas 118(1)b) et b.1) de la LIR pour l’enfant G pour les années d’imposition 2008 et 2009, et ce, en application du paragraphe 118(5) de la LIR.

 

[17]        Par ailleurs, l’intimée soutient que le consentement à jugement finalement signé le 17 septembre 2009 ne précise pas que les parties ont opéré compensation, mais dit plutôt que chaque partie renonce à tout arriéré dû en se donnant quittance totale et complète. À ce propos, l’intimée fait valoir que l’appelant ne peut pas dire qu’il a été remboursé du montant de la pension alimentaire qu’il a versée pour l’enfant G à son ex-conjointe du 1er novembre 2008 au 15 février 2009.

 

[18]        L’appelant soutient qu’il a eu la garde complète de son enfant G à compter du 29 octobre 2008 et qu’il est en droit de demander les crédits qu’on lui refuse pour cet enfant. Il soutient également que son ex-conjointe lui a remboursé le montant de pension alimentaire versé pour l’enfant G pour la période du 1er novembre 2008 au 15 février 2009.

 

[19]        Le paragraphe 118(5) de la LIR établit qu’aucun montant n’est déductible en application du paragraphe 118(1) (incluant les crédits réclamés par l’appelant) relativement à une personne (ici l’enfant G) dans le calcul de l’impôt payable par un particulier (l’appelant) pour une année d’imposition si le particulier est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son ancien conjoint pour la personne (l’enfant G) et si (comme c’est le cas dans la situation actuelle) le particulier vit séparé se son ancien conjoint tout au long de l’année pour cause d’échec de leur mariage ou de leur union de fait.

 

[20]        Tel que le soulignait le juge Hershfield de notre Cour dans Barthels c. Canada, [2002] A.C.I. no 256 (QL), au paragraphe 11, le paragraphe 118(5) peut soulever une ambiguïté, en ce sens qu’on pourrait se demander quelle est la pertinence du fait qu’il n’indique pas expressément quand l’obligation de payer une pension alimentaire doit exister. Il s’exprime ainsi à la fin du paragraphe 10 et aux paragraphes suivants :

 

10   […] Refuser le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au conjoint qui a la garde des enfants et qui subvient à leurs besoins irait à l’encontre des nouvelles lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. De toute évidence, en l’espèce, ce n’est pas Diane qui a droit à ce crédit d’impôt à l’égard de Stephanie. En 1999, elle n’a à aucun moment subvenu aux besoins de Stephanie dans un établissement qu’elle aurait tenu. Selon l’esprit des dispositions en cause, le législateur ne pouvait avoir l’intention de refuser le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au conjoint qui a la garde des enfants et qui subvient à leurs besoins.

 

11   Deuxièmement, je remarque que le paragraphe 118(5) peut soulever une ambiguïté, en ce sens qu'on pourrait se demander quelle est la pertinence du fait qu'il n'indique pas expressément quand l'obligation de payer une pension alimentaire doit exister. Il est quelque peu inusité que cette disposition annule le droit au crédit d'impôt "pour une année d'imposition" lorsque le contribuable est "tenu de payer une pension alimentaire", mais qu'elle ne mentionne pas quand cette obligation doit avoir commencé à exister ou doit avoir été éteinte. Normalement, compte tenu du style formaliste de la rédaction de la Loi, on aurait dit que le crédit d'impôt est refusé lorsque "dans l'année", ou "à tout moment de l'année", ou encore "à l'égard de l'année ou de toute partie de l'année", il y a obligation de payer une pension alimentaire. Bien que j'hésite à laisser entendre que ces dispositions, qui sont déjà suffisamment alambiquées, devraient l'être davantage par l'insertion de nouveaux mots, je suis dans ce cas-ci porté à croire que, parce que la disposition ne précise pas quand doit exister l'obligation de payer une pension alimentaire, l'annulation à tout moment de cette obligation "à l'égard de l'année" pourrait bien être suffisante pour que la restriction prévue par cette disposition ne puisse s'appliquer. À coup sûr, je ne vois dans ce cas-ci rien d'incorrect à retenir une telle interprétation légale.

 

12   Troisièmement, je conclus que l'obligation de payer une pension alimentaire aux termes de la première ordonnance dépendait en elle-même de la situation relative à garde visée par cette ordonnance. La situation a changé au cours de l'année précédant l'année en cause, et ce changement s'est perpétué tout au long de l'année en cause. La première ordonnance ne visait pas une telle situation. Les deuxième et troisième ordonnances (portant annulation des arriérés) ne sont, à mon avis, que formalistes, et on doit leur attribuer le même effet que si elles avaient pour objet d'annuler l'ordonnance qui a entraîné l'accumulation des arriérés. Ces deuxième et troisième ordonnances ont […] clarifié que l'obligation de payer une pension alimentaire relativement à Stephanie n'existait plus lorsque les hypothèses sur lesquelles cette obligation était fondée eurent cessé d'exister. Ces ordonnances, bien qu'elles n'indiquent pas expressément qu'elles mettent rétroactivement fin à cette obligation, ont à mon avis tout de même un tel effet rétroactif.

 

[21]        Dans la présente instance, il est clair que l’appelant avait la garde de l’enfant G et subvenait à ses besoins tout au long de l’année 2009.

 

[22]        Au cours de l’année 2009, c’est l’appelant qui, normalement, devait avoir droit aux crédits prévus aux alinéas 118(1)b) et b.1) et non l’ex-conjointe. Je reprends les termes du juge Hershfield lorsqu’il dit que refuser le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au conjoint qui a la garde de l’enfant et qui subvient à ses besoins irait à l’encontre de l’esprit des dispositions en cause. J’adhère également à ses propos lorsqu’il conclut que l’obligation de payer une pension alimentaire aux termes d’une ordonnance du tribunal dépend en elle-même de la situation relative à la garde visée par cette ordonnance. À partir du moment où l’enfant a quitté le foyer maternel pour s’installer chez son père, la situation qui existait au moment où la Cour d’appel du Québec s’est prononcée sur le versement de la pension alimentaire par l’appelant n’était plus la même et ne pouvait donner droit à l’ex-conjointe d’exiger le paiement de ladite pension. D’ailleurs, celle-ci l’a reconnu elle-même dans sa proposition de règlement.

 

[23]        J’ajouterais que la définition de « pension alimentaire » au paragraphe 56.1(4) de la LIR donne foi à cette interprétation. En effet, une pension alimentaire est définie comme un montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire ou d’enfants de celui-ci. Si l’enfant pour lequel l’ex-conjointe (la bénéficiaire) recevait la pension alimentaire n’habitait plus avec elle, les montants qu’elle recevait toujours de l’appelant pour subvenir aux besoins de cet enfant n’avaient plus leur raison d’être à partir du moment où l’enfant habitait à plein temps chez son père. Ces montants ne constituaient plus une pension alimentaire au sens de la LIR.

 

[24]        L’appelant a cessé de verser à son ex-conjointe tout montant pour l’enfant G à compter du 15 février 2009, mais je reconnais avec lui que lui et son ex-conjointe ont opéré une forme de compensation en renonçant à tout arriéré dû et/ou réclamé de part et d’autre, autant pour la pension alimentaire que pour les frais particuliers. La lecture de l’offre de règlement déposée sous la cote A-1, combinée avec le consentement à jugement final, confirme ceci.

 

[25]        Comme dans Barthels, je considère que le consentement à jugement certifié par la Cour supérieure, bien qu’il n’indiquât pas expressément qu’il mettait fin rétroactivement à cette obligation de payer une pension alimentaire, avait tout de même un tel effet rétroactif.

 

[26]        Ainsi, je suis d’avis que le paragraphe 118(5) de la LIR n’a pas d’application pour l’année 2009 puisque l’appelant n’était pas tenu au cours de cette année-là de verser une pension alimentaire pour l’enfant G.

 

[27]        Pour ce qui est de l’année 2008, la situation n’est pas la même. L’ex‑conjointe était en droit de réclamer les crédits prévus aux alinéas 118(1)b) et b.1), puisqu’elle était le parent qui avait la garde et subvenait aux besoins de l’enfant G jusqu’au 1er novembre 2008. C’est le père qui a pris ce rôle à compter de cette date.

 

[28]        Vu que par application du paragraphe 118(4)b), un seul parent peut réclamer les crédits visés par les alinéas 118(1)b) et b.1) dans une année d’imposition, le paragraphe 118(5) de la LIR vient empêcher le parent qui est tenu de verser une pension alimentaire de réclamer ce crédit. Ceci a d’ailleurs été déjà décidé dans Sherrer c. Canada, [1998] A.C.I. no 62 (QL), qui a confirmé que ces crédits ne pouvaient être répartis entre les deux parents pour une même année d’imposition et que le parent qui était tenu de payer la pension alimentaire dans l’année était celui qui ne pouvait pas réclamer les crédits en vertu des alinéas 118(1)b) et b.1).

 

[29]        Comme je l’ai mentionné plus haut, je considère que cette jurisprudence ne s’applique pas à 2009 ici, puisque je conclus que l’appelant n’était pas tenu au cours de l’année 2009 à payer une pension alimentaire à son ex-conjointe pour l’enfant G.

 

[30]        Pour ces raisons, j’accueille l’appel de la cotisation établie pour l’année d’imposition 2009 et renvoie cette cotisation au ministre pour nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l’appelant a droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge et au crédit relatif au montant pour enfant aux termes des alinéas 118(1)b) et b.1) de la LIR.

 

[31]        L’appel de la cotisation établie pour l’année d’imposition 2008 est rejeté.

 

[32]        Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce  27e jour de juillet 2012.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 284

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-2093(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            STÉPHANE GIROUX c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 27 juillet 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Valérie Messore

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.