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Dossier : 2011-465(IT)I

ENTRE :

HARVEY CHADWICK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 13 juillet 2012, à Regina (Saskatchewan)

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Ian McKay

 

Représentants de l’intimée :

Me Bryn Frape

Mme Katie Lalani (stagiaire en droit)

 

 

 

JUGEMENT

Les appels relatifs aux nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008 et 2009 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour d’août 2012.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de y 2012.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 311

Date : 20120831

Dossier : 2011-465(IT)I

ENTRE :

HARVEY CHADWICK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]             Il s’agit d’appels relatifs à des nouvelles cotisations concernant les années d’imposition 2008 et 2009 de l’appelant par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction de versements de pension alimentaire pour enfants d’un montant de 5 400 $ par année.

[2]             Un trouve un examen succinct de la manière dont les versements de pension alimentaire pour enfants sont traités sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») dans un arrêt de la Cour d’appel fédérale : Warbinek c. Canada, 2008 CAF 276 :

2 Avant l’adoption de certaines modifications apportées à la LIR en 1997, les versements de pension alimentaire pour enfants pouvaient généralement être déduits dans le calcul du revenu du payeur pour l’année du paiement et devaient être inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire pour l’année de réception. Par suite de ces modifications, ces paiements ne constituent généralement plus des frais déductibles pour le payeur ou des montants à inclure dans le revenu du bénéficiaire.

3 Ces changements majeurs sont assujettis à des règles de transition qui, dans certains cas, ont pour effet de maintenir le régime antérieur à l’égard des versements de pension alimentaire pour enfants effectués après l’entrée en vigueur des modifications, dans le cas des paiements versés conformément à des accords sur la pension alimentaire qui ont été conclus avant cette date. […]

[3]             En l’espèce, la question est de savoir lequel des deux régimes s’applique aux versements de pension alimentaire pour enfants que l’appelant a faits à son ex‑épouse en 2008 et 2009.

Les faits

[4]             L’appelant et son ex-épouse se sont séparés en juin 1996. Le 27 août 1996, ils ont conclu un accord de séparation (l’« accord ») qui exigeait que l’appelant paie à son ex-épouse une pension alimentaire de 450 $ par mois pour leurs deux enfants à compter du 1er septembre 1996. Les passages pertinents de cet accord sont les suivants :

[traduction

 

PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS

1.         L’époux paiera à l’épouse pour le soutien, l’entretien et l’éducation des enfants la somme de 450 $ par mois, sous réserve des dispositions suivantes :

a.         Les versements débuteront le premier jour du mois suivant la date de la signature des présentes et ils se poursuivront jusqu’à ce que les enfants atteignent l’âge de seize (16) ans ou plus, s’ils sont incapables, pour cause de maladie, d’invalidité, de fréquentation à temps plein d’un établissement d’enseignement ou d’une autre raison, de cesser d’être sous la garde de l’épouse ou de se procurer les biens nécessaires à la vie, ou à moins de décéder ou de se marier plut tôt.

b.         Les versements seront faits à l’avance, le premier jour de chacun des mois suivants.

c.         Les parties reconnaissent que le versement susmentionné de la pension alimentaire est subordonné au fait que l’épouse travaille à plein temps, comme c’est le cas présentement. Elles conviennent que si jamais l’épouse perd son emploi pour cause de maladie ou d’invalidité, elles réviseront le montant de la pension alimentaire requise afin de pouvoir répondre de mois en mois aux besoins des enfants.

d.         Les parties conviennent que l’époux remettra à l’épouse douze chèques postdatés avant le 1er septembre 1996 inclusivement, de même qu’avant le 1er septembre, inclusivement, de chacune des années suivantes.

[5]             L’accord prévoyait également :

[traduction]

[…] l’ensemble des conditions et des stipulations de la présente entente survivront et demeureront pleinement en vigueur, et cette dernière sera présentée à la Cour du Banc de la Reine, à Moose Jaw, en règlement et en paiement complet et final et en libération de toute demande d’entretien, de pension alimentaire ou de soutien financier ainsi que de partage des biens matrimoniaux présents et futurs des parties aux présentes.

[6]             Après avoir conclu cet accord, l’appelant et son ex-épouse ont demandé le divorce et la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a prononcé un jugement de divorce le 16 juin 1998. Les passages de ce jugement qui ont trait à la pension alimentaire pour enfants sont libellés ainsi :

[traduction]

[…]

c)         HARVEY DAVID CHADWICK paiera à DIANE LOUISE CHADWICK, au titre de la pension alimentaire desdits enfants, la somme de 450,00 $ par mois; le premier de ces versements sera effectué le premier jour de juillet 1998 et une somme identique sera payée le premier jour de chacun des mois suivants, tant et aussi longtemps que les enfants seront des enfants au sens du Divorce Act;

d)         la pension alimentaire pour enfants susmentionnée est fixée en fonction du fait que l’intimé a touché un revenu annuel brut de 31 403,00 $ en 1994, de 33 062,00 $ en 1995, de 26 715,61 $ en 1996 et de 26 070,69 $ en 1997. Le montant de base de la prestation alimentaire pour enfants qui est à payer d’après les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants qui s’appliquent à la Saskatchewan est de 374 $, et les parties conviennent du paiement d’un montant mensuel de 450 $, car ce chiffre représente une pension raisonnable pour les enfants comme le prévoit le paragraphe 15.1(7) du Divorce Act et, par ailleurs, il s’agit du montant dont il a été convenu dans un accord de séparation daté du 27 août 1996.

[7]             L’appelant a effectué des versements de pension alimentaire de 450 $ par mois à compter du 1er septembre 1996, et il les a déduits chaque année. Le ministre a admis ces déductions jusqu’aux années d’imposition 2008 et 2009.

Les dispositions législatives applicables

[8]             L’alinéa 60b) de la LIR permet de déduire les paiements de pension alimentaire pour enfants :

60. Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[…]

b) le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C) où

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

[9]             La définition de l’expression « date d’exécution » figure au paragraphe 56.1(4) :

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l’accord ou l’ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l’accord ou de l’ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii) si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l’accord ou l’ordonnance, ou dans toute modification s’y rapportant, pour l’application de la présente loi.

La position des parties

[10]        Selon l’intimée, le jugement de divorce prononcé le 16 juin 1998 a modifié le montant de la pension alimentaire pour enfants que l’appelant devait verser conformément à l’accord et, de ce fait, en application du sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution », la date d’exécution de cet accord est le 15 juin 1998. Étant donné que les versements en litige ont été faits conformément à un accord dont la date d’exécution est postérieure à avril 1997, ils sont exclus du montant que l’appelant pouvait déduire en vertu de l’alinéa 60b) de la LIR.

[11]        À l’audience, l’intimée a aussi fait valoir, subsidiairement, que l’obligation établie dans le jugement de divorce de payer une pension alimentaire pour enfants était, pour l’appelant, une obligation nouvelle, et non la continuation de l’obligation existante, prévue dans l’accord. De plus, le jugement de divorce aurait mis fin à cette obligation et, à compter du 1er juillet 1998, les versements de pension alimentaire pour enfants auraient été faits conformément au jugement de divorce. Selon le sous‑alinéa b)(i) de la définition de « date d’exécution », la date d’exécution du jugement de divorce serait la date à laquelle ce dernier a été prononcé, et les versements faits par l’appelant conformément à ce jugement sont postérieurs à sa date d’exécution. Ces versements seraient donc exclus du calcul du montant de la pension alimentaire déductible en vertu de l’alinéa 60b).

[12]        Selon l’appelant, comme les versements de pension alimentaire pour enfants qu’il a faits conformément à l’accord étaient déductibles et que le jugement de divorce n’a pas modifié le montant qu’il avait payé, le jugement de divorce ne devrait pas changer le traitement fiscal de ces versements. L’appelant a invoqué un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Kennedy c. La Reine, 2004 CAF 437.

[13]        Dans l’affaire Kennedy, la contribuable et son ex-époux s’étaient séparés en 1991. Une ordonnance intérimaire de garde et de pension alimentaire avait été rendue au sujet des enfants en mars 1991, et les deux parties avaient conclu un procès-verbal de transaction en décembre 1991. Ce procès-verbal exigeait que l’ex‑époux de la contribuable paie, au titre de la pension alimentaire pour enfants, le même montant que celui que prescrivait l’ordonnance intérimaire, mais il prévoyait aussi des rajustements de coût de vie aux montants de pension. En septembre 1997, la contribuable avait obtenu une ordonnance judiciaire prévoyant le versement d’une pension alimentaire pour enfants dont le montant et les conditions étaient identiques à ceux que stipulait le procès-verbal de transaction. Selon la contribuable, l’ordonnance de 1997 était nécessaire pour qu’elle puisse faire exécuter l’obligation en matière de pension alimentaire pour enfants, sans frais pour elle, par l’entremise du Bureau des obligations familiales.

[14]        La contribuable soutenait qu’elle n’avait pas à inclure dans son revenu les versements de pension alimentaire pour enfants qu’elle avait touchés après le mois de septembre 1997 parce qu’ils avaient été faits conformément à une ordonnance postérieure au mois d’avril 1997.

[15]        La Cour d’appel fédérale a conclu que l’ordonnance de 1997 ne créait pas de date d’exécution, et que la contribuable était tout de même tenue d’inclure les paiements de pension alimentaire dans son revenu parce qu’ils continuaient d’être faits conformément à l’ordonnance de 1991 et du procès-verbal de transaction. La Cour d’appel fédérale s’est exprimée de la sorte aux paragraphes 12 et 13 :

12 […] L’obligation de payer la pension alimentaire a été créée par l’ordonnance rendue par la Cour de l’Ontario en 1991, et celle de payer les augmentations relatives au coût de la vie, par le procès-verbal de transaction signé en 1991. Le jugement de 1997 n’a eu aucune incidence sur ces obligations. Ce jugement a peut-être facilité la perception des sommes par Mme Kennedy, mais les obligations elles-mêmes existaient bien avant avril 1997. Mme Kennedy n’avait pas besoin d’obtenir le jugement de 1997 pour contraindre son mari à payer. Elle aurait pu intenter une action devant la Cour de l’Ontario pour faire respecter les modalités du procès-verbal de transaction.

13 Il me semble que, même si la définition de « date d’exécution » au paragraphe 56.1(4) aurait pu être plus claire, l’objet de la loi est de faire en sorte que le nouveau régime s’applique aux ordonnances ou aux accords établis après avril 1997 qui créent effectivement de nouvelles obligations. Les obligations créées sous l’ancien régime demeurent assujetties aux anciennes dispositions. C’est ce que confirme d’ailleurs le sous-alinéa b)(ii), qui prévoit que l’accord ou l’ordonnance qui fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants crée une nouvelle date d’exécution; dans ce cas, une nouvelle obligation est créée par suite de la modification apportée après avril 1997. Il en est de même du sous-alinéa b)(iii), qui prévoit qu’un accord ou une ordonnance subséquent établi après avril 1997 ayant pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants crée une date d’exécution.

[16]        En l’espèce, l’appelant a fait valoir, d’une part, que le jugement de divorce de juin 1998 ne changeait pas le montant de la pension alimentaire pour enfants qu’il était tenu de verser à son ex-épouse et d’autre part, que l’obligation de payer ce montant avait été créée par l’accord et que le jugement de divorce constatait simplement la continuation de cette obligation. L’appelant soutient donc que, comme dans l’affaire Kennedy, l’ordonnance judiciaire établie après avril 1997 ne créait pas une nouvelle obligation de payer une pension alimentaire pour enfants et que les versements demeuraient assujettis à l’ancien régime et déductibles par l’appelant.

Analyse

[17]        Dans l’arrêt Holbrook c. La Reine, 2007 CAF 145, la Cour d’appel fédérale a indiqué dans quels cas les montants de pension alimentaire sont assujettis au nouveau régime de la LIR et dans quels cas moment ils le sont à l’ancien :

Les montants de pension alimentaire pour enfants ne sont assujettis au nouveau régime que s’ils sont payables aux termes d’un accord ou d’une ordonnance dont la date d’exécution est postérieure au 1er mai 1997 inclusivement. La date d’exécution d’un accord ou d’une ordonnance établi après avril 1997 est fixée par l’alinéa a) de la définition de la « date d’exécution ». Selon cet alinéa, il s’agit de la date de l’établissement de l’accord ou de l’ordonnance. Il s’ensuit qu’un montant de pension alimentaire pour enfants payable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance établi après avril 1997 est assujetti au nouveau régime.

8 En général, un montant de pension alimentaire pour enfants qui est payable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance établi avant mai 1997 est assujetti à l’ancien régime. Cependant, cette règle générale comporte quatre exceptions, qui ont pour effet d’attribuer une date d’exécution postérieure à avril 1997 à un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997.

[…]

[18]        Les quatre exceptions en question sont celles qui figurent à l’alinéa b) de la définition de « date d’exécution ». La Cour d’appel fédérale a ensuite examiné la situation où, comme en l’espèce, un accord ou une ordonnance antérieur au mois de mai 1997 et un accord ou une ordonnance postérieur au mois d’avril 1997 exigent tous deux que l’on paye le même montant de pension alimentaire pour enfants. La Cour a déclaré ce qui suit :

Les quatre exceptions spécifiées à l’alinéa b) ne traitent pas expressément de la situation dans laquelle il existe un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 et un accord ou une ordonnance établi après avril 1997, qui prescrivent dans les deux cas le paiement du même montant de pension alimentaire pour enfants, et que, d’une part, l’accord ou l’ordonnance ultérieur ne précise pas expressément une date d’exécution et, d’autre part, les parties n’effectuent pas un choix conjoint. Dans cette situation, l’accord ou l’ordonnance ultérieur peut être considéré comme une simple reconnaissance du maintien de l’obligation précisée dans l’accord ou l’ordonnance antérieur, auquel cas les montants de pension alimentaire pour enfants seraient payables aux termes de l’accord ou de l’ordonnance antérieur et l’ancien régime s’appliquerait, même après que l’accord ou l’ordonnance postérieur a été établi parce que cet accord ou cette ordonnance ne serait pas pertinent. Subsidiairement, on peut considérer que l’accord ou l’ordonnance ultérieur met fin à l’obligation relative à la pension alimentaire pour enfants qui était précisée dans l’accord ou l’ordonnance antérieur et qu’il la remplace par une nouvelle obligation en matière de pension alimentaire pour enfants, auquel cas les montants de pension alimentaire pour enfants payés après l’établissement de l’accord ou de l’ordonnance ultérieur seraient payables aux termes de cet accord ou de cette ordonnance, lequel serait assorti d’une date d’exécution postérieure à avril 1997, conformément à l’alinéa a) de la définition de la « date d’exécution ». Par conséquent, le nouveau régime s’appliquerait après que l’accord ou l’ordonnance ultérieur a été établi. […]

[19]        Dans l’arrêt Holbrook, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’arrêt Kennedy ne signifie pas que, dans les cas où le montant d’une obligation de pension alimentaire pour enfants est établi dans un accord ou une ordonnance antérieur au mois de mai 1997, le nouveau régime ne s’applique jamais, sauf s’il existe un accord ou une ordonnance qui change le montant total des versements de pension alimentaire à effectuer. La Cour d’appel a exprimé l’avis que, dans l'affaire Kennedy, l’ordonnance postérieure au mois d’avril 1997 confirmait plutôt que remplaçait l’obligation créée par le procès-verbal de transaction antérieur à mai 1997 et que, de ce fait, les versements de pension alimentaire pour enfants qui étaient en litige dans cette affaire avaient continué d’être faits aux termes du procès-verbal de transaction antérieur à mai 1997. La Cour d’appel fédérale a ajouté, au paragraphe 17 :

Dans Kennedy, il y avait eu une ordonnance provisoire en matière de pension alimentaire pour enfants en 1991, suivie d’un procès-verbal de règlement conclu en 1991 qui prescrivait les mêmes paiements, plus un rajustement au titre du coût de la vie. En septembre 1997, une ordonnance finale intégrant les conditions énoncées dans le procès-verbal de règlement avait été rendue. Non seulement les montants n’avaient-ils pas été changés, mais l’obligation avait continué d’être fondée sur le procès-verbal de règlement de 1991. Cette obligation avait été confirmée par l’ordonnance judiciaire, et non remplacée.

(Non souligné dans l’original.)

[20]        La Cour d’appel fédérale a conclu que, lorsqu’un accord ou une ordonnance postérieur au mois d’avril 1997 met fin à l’obligation de pension alimentaire pour enfants prescrite dans un accord ou une ordonnance antérieur à mai 1997 et la remplace par une nouvelle, l’ancien accord ou l’ancienne ordonnance cesse d’être en vigueur. Dans un tel cas, il n’y a pas lieu de se demander s’il y a eu un changement au montant de la pension alimentaire pour enfants à payer. La Cour d’appel a dit que la question à trancher consistait à savoir si l’accord ou l’ordonnance postérieur éteignait et remplaçait l’obligation de pension alimentaire pour enfants établie dans l’accord ou l’ordonnance antérieur, ou s’il la poursuivait.

[21]        En l’espèce, la question en litige a donc trait à l’interprétation de l’accord et de l’ordonnance de divorce.

[22]        Il m’est impossible de souscrire à l’argument de l’appelant selon lequel il faut conclure que le jugement de divorce maintient l’existence de l’obligation de pension alimentaire stipulée dans l’accord parce que le jugement n’a pas modifié le montant à payer.

[23]        Le jugement de divorce n’ordonne ou n’indique pas que l’obligation de pension alimentaire créée par l’accord y est maintenue ou intégrée. En fait, le libellé du jugement étaye l’opinion contraire, à savoir que l’obligation est nouvelle. L’alinéa 2c) du jugement de divorce indique : [traduction] « le premier de ces versements sera effectué le premier jour de juillet 1998 ». Dans l’arrêt Holbrook, la Cour d’appel fédérale a signalé, au paragraphe 14, que si un accord ou une ordonnance visait à reconnaître et à maintenir les obligations créées par une ordonnance antérieure, il ne serait pas nécessaire de préciser que les paiements mensuels prévus par l’accord ou l’ordonnance débuteraient à une certaine date.

[24]        Par ailleurs, la disposition relative à la pension alimentaire pour enfants que comporte le jugement de divorce est différente à un égard important, au moins, par rapport à l’obligation de soutien que prévoyait l’accord. Ce dernier prescrivait que les versements de pension alimentaire se poursuivraient jusqu’à ce que les enfants atteindraient l’âge de seize (16) ans, ou plus tard s’il leur était impossible de cesser d’être à la charge de l’ex-épouse pour cause d’études, de maladie ou d’invalidité. Le jugement de divorce a ordonné que les versements de pension alimentaire se poursuivent [traduction] « tant et aussi longtemps que les enfants seront des enfants au sens du Divorce Act ». Aux termes de l’article 2 de cette loi, un enfant demeure un [traduction] « enfant du mariage » jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la majorité fixé par les lois de la province où cet enfant réside habituellement et n’a pas cessé d’être à la charge du parent, ou s’il est majeur mais incapable de cesser d’être à la charge du parent.

[25]        Aux termes de l’article 2 de l’Age of Majority Act de la Saskatchewan, R.S.S. 1978 c. A‑6, l’âge de la majorité dans cette province est de 18 ans.

[26]        En conséquence, la pension alimentaire était payable aux termes du jugement de divorce durant deux ans de plus qu’aux termes de l’accord.

[27]        En outre, le jugement de divorce ne contenait aucune limite semblable à celle qui figure à l’alinéa 1c) de l’accord, à savoir que le montant de la pension alimentaire était subordonné au fait que l’ex-épouse de l’appelant continue à travailler à temps plein.

[28]        L’appelant soutient qu’il était prévu dans l’accord que l’obligation de pension alimentaire serait intégrée au jugement de divorce au moment de la présentation de l’accord à la Cour en règlement final et complet de toutes les revendications. Il me semble toutefois que les parties, en souscrivant aux dispositions du jugement de divorce, ont consenti à ce que l’obligation de pension alimentaire contenue dans l’accord soit remplacée par celle qui est prévue au jugement de divorce. Comme je l’ai mentionné plus tôt, ce jugement différait, sur des points importants, de l’obligation contenue dans l’accord. Même si, dans le jugement de divorce, la Cour du banc de la Reine a déclaré que l’appelant et son ex-épouse ont souscrit au montant de 450 $ stipulé dans l’accord, il ne prétend pas intégrer le reste des dispositions de l’accord qui ont trait à la pension alimentaire pour enfants.

[29]        Pour ces motifs, je conclus que l’ordonnance relative à la pension alimentaire pour enfants qui figure dans le jugement de divorce a remplacé l’obligation contenue dans l’accord, même si le montant de la pension alimentaire à payer n’a pas changé. Par conséquent, c’est la date d’exécution du jugement de divorce qui est pertinente et elle est déterminée conformément à l’alinéa a) de la définition de « date d’exécution » que l’on trouve dans la LIR. Comme les versements de pension alimentaire en litige ont été faits après la date d’exécution du jugement de divorce, ils sont exclus du montant qui peut être déduit en vertu de l’alinéa 60b) de la LIR.

[30]        Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que j’examine l’argument de l’intimée selon lequel l’ordonnance du 15 juin 1998 a modifié le montant total de la pension alimentaire que l’appelant devait payer, ce qui entraînerait l’application d’une date d’exécution déterminée suivant le sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution ».

[31]        Les appels sont rejetés.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour d’août 2012.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de y 2012.


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 311

 

No DU DOSSIER DE COUR :          2011-465(IT)I

 

INTITULÉ :                                      HARVEY CHADWICK c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 31 août 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Ian McKay

 

Représentants de l’intimée :

Me Bryn Frape

Mme Katie Lalani (stagiaire en droit)

 

AVOCATS INSCRITS AU
DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     Ian McKay

 

                          Cabinet :                 McKay & Associates

                                                          Regina (Saskatchewan)

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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