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Dossier : 2011-2489(IT)I

ENTRE :

YVONNE TUCK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 12 septembre 2012, à Kingston (Ontario).

 

Par : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Trueman Tuck

 

Avocat de l’intimée :

Me Christopher Kitchen

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté. Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 20jour de septembre 2012.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 


 

 

 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 332

Date : 20120920

Dossier : 2011-2489(IT)I

 

 

ENTRE :

 

YVONNE TUCK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Woods

 

[1]             L’appelante, Yvonne Tuck, a produit tardivement sa déclaration de revenus pour 2008 et a payé les impôts y afférents en retard. La déclaration de revenus a été produite environ 12 mois après la date limite, et l’impôt fédéral dû s’élevait à 1 831,92 $.

 

[2]             Mme Tuck demande un allègement à l’égard des intérêts exigés sur l’impôt impayé et de l’imposition d’une pénalité pour production tardive. Bien que Mme Tuck demande un allègement pour l’impôt provincial et pour l’impôt fédéral, la Cour n’a aucun pouvoir à l’égard de l’impôt provincial et ne se penchera donc pas sur ce volet.

 

[3]             Mme Tuck était représentée à l’audience par son époux, Trueman Tuck, qui est un technicien juridique agréé.

 

La demande d’ajournement

 

[4]             Au début de l’audience, Mme Tuck a présenté une demande d’ajournement pour qu’elle puisse d’abord adresser à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») une demande de renonciation aux intérêts et aux pénalités en application des dispositions d’allègement pour les contribuables. Après avoir entendu les observations des parties, j’ai conclu qu’il ne convenait pas d’accorder un ajournement, et la demande a été rejetée.

 

[5]             Tout d’abord, je n’étais pas convaincue qu’un ajournement serait de nature à permettre à Mme Tuck d’obtenir que l’ARC traite une demande de renonciation alors qu’un appel interjeté devant la Cour n’était pas encore réglé. Il semble que la politique de l’ARC consiste à mettre en suspens les décisions concernant les demandes d’allègement présentées par des contribuables jusqu’à l’expiration de tous les droits d’interjeter appel. Ces renseignements se trouvent dans un document que M. Tuck a fourni à la Cour (circulaire d’information CI‑07 datée du 31 mai 2007, aux paragraphes 109 et 110).

 

[6]             M. Tuck a soutenu que l’ARC n’est pas liée par la circulaire d’information. Cela est peut être le cas, mais je n’étais pas convaincue qu’un ajournement pouvait vraisemblablement permettre à Mme Tuck d’obtenir le résultat escompté.

 

[7]             De plus, il ne convenait pas, à mon avis, de gaspiller les ressources judiciaires limitées pour accueillir la demande. M. Tuck a déclaré que ce n’était que récemment qu’il avait su que ce redressement subsidiaire existait. Cette affirmation semble aller à l’encontre d’une lettre que l’ARC a adressée à Mme Tuck en décembre 2011, lettre qui décrivait le processus d’allègement pour les contribuables. Je n’ai pas été convaincue par l’argument selon lequel M. Tuck n’avait appris l’existence de ce redressement subsidiaire que récemment; je n’étais pas non plus persuadée qu’il avait été fait preuve de diligence raisonnable pour présenter à temps une demande à l’ARC avant que le présent appel ne soit fixé pour audition. J’ai également signalé qu’une demande à l’ARC n’avait pas encore été présentée.

 

[8]             Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande d’ajournement a été rejetée.

 

Les questions en litige

 

[9]             En ce qui concerne l’appel, M. Tuck a déclaré qu’il renonçait à se prévaloir des arguments constitutionnels semblables aux théories bien connues de la [traduction] « personne naturelle ». Il a justifié sa renonciation par le fait qu’il était maintenant en bons termes avec l’ARC et qu’il était en voie de régler ses obligations fiscales non acquittées.

 

[10]        J’aimerais signaler à ce point‑ci qu’en 2007, la Cour a radié des avis d’appel que M. et Mme Tuck avaient déposés concernant les années d’imposition 2002, 2003 et 2004, dans lesquels ce genre d’argument était invoqué. Il s’agit de la décision Tuck c La Reine, 2007 CCI 418. Aucune des parties n’a mentionné cette décision à l’audience.

 

[11]        Les arguments que Mme Tuck soulève maintenant n’ont pas été mentionnés dans son avis d’appel. D’après ce que je comprends des observations orales de M. Tuck, il y a trois questions à trancher :

 

-                     La pénalité et les intérêts devraient-ils faire l’objet d’une renonciation au motif qu’il existait une entente conclue avec l’ARC visant à régler d’abord d’autres obligations fiscales?

 

-                     La pénalité et les intérêts devraient‑ils être annulés pour des motifs de diligence raisonnable?

 

-                     L’affaire devrait‑elle être déférée au ministre du Revenu national (le « ministre ») pour nouvel examen parce que l’examen fait au stade de l’opposition n’était pas adéquat?

 

Le contexte factuel

[12]        M. Tuck a déclaré qu’il s’occupait des affaires financières de son épouse et qu’en conséquence, il témoignerait pour le compte de cette dernière. Mme Tuck a confirmé ce renseignement lorsque la Couronne l’a appelée comme témoin.

 

[13]        Selon le témoignage de M. Tuck, la production tardive de la déclaration de revenus pour 2008 était due à un certain nombre de raisons. Il a expliqué que vers 1995, les Tuck essayaient tant bien que mal de gérer une entreprise d’aliments santé en pleine expansion et ils avaient pris du retard dans la production de leurs déclarations de revenus. Il a ajouté que la production de déclarations de revenus était compliquée étant donné qu’ils avaient sept entités distinctes. Il était difficile de se rattraper une fois qu’il y avait eu du retard dans la production des déclarations de revenus. M. Tuck a également déclaré qu’à cette époque même, il subissait une pression financière parce qu’il avait fait l’objet d’un licenciement. Il a également décrit les problèmes qu’il y avait à l’égard de leurs aides‑comptables et de leurs comptables.

 

[14]        En ce qui concerne la déclaration de revenus pour 2008 de Mme Tuck précisément, M. Tuck a soutenu qu’il n’était pas possible de l’établir à temps parce que la plupart des revenus de Mme Tuck étaient composés de dividendes provenant de sociétés liées et que les renseignements financiers de ces sociétés n’étaient pas encore disponibles.

 

[15]        M. Tuck a également déclaré qu’il collaborait bien avec l’ARC au moyen du programme des divulgations volontaires pour régler ses obligations fiscales non acquittées. Il a affirmé que les priorités concernant les paiements étaient établies par l’ARC, qui avait décidé que les obligations à acquitter en premier étaient celles concernant les montants en fiducie, plus précisément les retenues à la source et les versements de la taxe sur les produits et services que devait une des sociétés. Il a déclaré que, selon ce qu’il avait compris, l’ARC avait accepté que les autres obligations soient différées jusqu’à ce que les questions concernant la fiducie soient réglées.

 

L’existence d’une entente avec l’ARC

[16]        Selon ce que j’ai compris de l’argument de M. Tuck, les priorités concernant les paiements ont été établies par l’ARC et il a été convenu de différer le règlement des obligations fiscales de Mme Tuck. Il est donc implicite que l’ARC avait accepté de renoncer aux intérêts durant cette période.

 

[17]        L’argument ci‑dessus repose presque entièrement sur le témoignage intéressé de M. et Mme Tuck. J’ai conclu qu’il n’était pas convaincant.

 

[18]        Si en réalité l’ARC avait conclu une entente pour différer l’exécution des obligations fiscales de Mme Tuck, il est vraisemblable que l’entente aurait été consignée par écrit. M. Tuck a vaguement laissé entendre qu’il y aurait une lettre, mais il ne l’a pas produite.

 

[19]        De plus, l’argument de M. Tuck semble être en contradiction avec les lettres provenant de l’ARC (pièces jointes à l’affidavit d’Yvonne Tuck). Deux lettres sont pertinentes.

 

[20]        La première lettre provient de l’ARC et est datée du 14 janvier 2011. Elle confirme les dispositions prises pour le paiement d’arriérés et pour la production de déclarations en souffrance. Cette lettre ne concerne que des obligations de sociétés liées aux Tuck. Rien ne laisse entendre qu’elle concerne les obligations fiscales personnelles de Mme Tuck.

 

[21]        Une seconde lettre a été adressée à Mme Tuck le 29 décembre 2011. Elle contenait des renseignements concernant la procédure à suivre pour demander une renonciation aux pénalités et aux frais d’intérêts en vertu des dispositions d’allégement pour les contribuables. Il ressort de la lettre que les intérêts étaient dus pour plusieurs années, y compris pour l’année 2008. Cela donne fortement à penser qu’il n’y avait pas d’entente antérieure conclue avec l’ARC quant à la renonciation aux pénalités pour production tardive ou aux frais d’intérêts.

 

[22]        Je ne suis pas convaincue que l’ARC ait conclu quelque entente que ce soit relativement aux obligations fiscales de Mme Tuck concernant l’année 2008.

 

Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable a‑t‑il été établi?

 

[23]        Mme Tuck soutient également que les intérêts et les pénalités pour production tardive devraient être annulés pour des motifs de diligence raisonnable.

 

[24]        J’aimerais tout d’abord faire observer que les dispositions applicables en ce qui concerne les intérêts et les pénalités pour production tardive ne prévoient pas de moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Les dispositions pertinentes, à savoir les paragraphes 161(1) et 162(1) de la Loi, sont ainsi libellées :

 

(1) Disposition générale [intérêts sur le solde] - Dans le cas où le total visé à l’alinéa a) excède le total visé à l’alinéa b) à un moment postérieur à la date d’exigibilité du solde qui est applicable à un contribuable pour une année d’imposition, le contribuable est tenu de verser au receveur général des intérêts sur l’excédent, calculés au taux prescrit pour la période au cours de laquelle cet excédent est impayé :

 

ale total des impôts payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie et des parties I.3, VI et VI.1;

*         

ble total des montants représentant chacun un montant payé au plus tard à ce moment au titre de l’impôt payable par le contribuable et imputé par le ministre, à compter de ce moment, sur le montant dont le contribuable est redevable pour l’année en vertu de la présente partie ou des parties I.3, VI ou VI.1.

(1) Défaut de déclaration de revenu - Toute personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

*         

a5 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

 

ble produit de 1 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 12, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

 

[25]        Bien que la diligence raisonnable ne soit pas un moyen de défense reconnu dans la loi, la Cour a déjà accepté ce moyen de défense à l’égard de pénalités imposées, à condition que le contribuable prouve qu’il a pris des mesures raisonnables pour se conformer à la loi. Ce principe n’est pas applicable aux intérêts, et le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ne constitue pas un motif justifiant que la Cour annule des intérêts imposés en application du paragraphe 161(1) de la Loi.

 

[26]        Pour ce qui est du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable concernant la pénalité, je ne suis pas convaincue que Mme Tuck ait pris toutes les mesures raisonnables pour se conformer à l’obligation de produire une déclaration de revenus à temps.

 

[27]        Comme je l’ai déjà souligné, l’argument ci‑dessus a été soulevé pour la première fois à l’audience. Il n’a été soulevé ni dans l’avis d’opposition ni dans l’avis d’appel.

 

[28]        J’aimerais également souligner que le témoignage intéressé de M. Tuck se rapportait à des problèmes liés au respect des obligations fiscales qui seraient survenus il y a longtemps. Même si le témoignage est considéré comme fiable, je ne suis pas convaincue qu’il s’agit là d’une excuse valable pour la production tardive de la déclaration de revenus pour 2008.

 

[29]        Je voudrais également faire observer que Mme Tuck a continué à affirmer, à l’égard de l’année d’imposition 2008, qu’elle n’était pas assujettie au régime d’imposition du Canada; elle invoque à cet égard des arguments semblables aux théories de la personne naturelle. L’appelante a soulevé les théories anti-impôt à la fois dans l’avis d’opposition et, par renvoi, dans son avis d’appel. La décision antérieure de la Cour, qui a rejeté ces arguments, a été rendue en 2007. Le fait que Mme Tuck ait continué à soulever ces arguments pour l’année d’imposition 2008 laisse penser à une indifférence totale de sa part concernant les obligations fiscales prévues par la loi.

 

[30]        Enfin, je rejette l’argument selon lequel il serait justifié de produire tardivement sa déclaration de revenus parce que le montant du revenu n’est pas connu. La pénalité pour production tardive imposée en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi aurait pu être évitée si la déclaration de revenus avait été produite à temps, étant entendu que des renseignements supplémentaires devaient être présentés subséquemment. Je ne suis pas convaincue qu’il a été fait preuve de diligence raisonnable.

 

L’affaire devrait‑elle être déférée au ministre?

 

[31]        À titre d’argument subsidiaire, Mme Tuck avance que cette affaire devrait être déférée au ministre pour nouvel examen étant donné que l’ARC a refusé de se pencher sur les questions soulevées au stade de l’opposition.

 

[32]        Même si ces questions ont été soulevées au stade l’opposition, il ne convient pas d’accorder ce genre de redressement. Mme Tuck cherche essentiellement à rouvrir le processus d’opposition qui a été clôturé lorsque la nouvelle cotisation a été ratifiée. Un appel interjeté à la Cour donne aux contribuables l’occasion d’établir, au moyen d’une preuve appropriée, qu’une cotisation est erronée. Si le contribuable ne réussit pas à établir cette preuve, l’appel doit être rejeté.

 

Conclusion

 

[33]        L’appel est rejeté, et chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 20jour de septembre 2012.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 332

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-2489(IT)I

                                                         

INTITULÉ :                                      YVONNE TUCK c.

 

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Kingston (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 20 septembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

 

M. Trueman Tuck

 

Avocat de l’intimée :

MChristopher Kitchen

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

      

             Nom :                                   s.o.   

 

             Cabinet :                             

                                                         

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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