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Dossier : 2012-1909(GST)APP

 

ENTRE :

SÉBASTIEN GIRARD (PRO GESTION 3000),

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Demande entendue le 21 août 2012 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocate du requérant :

Me Stéphanie Boulianne

Avocat de l'intimée :

Me Louis Riverin

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

          Vu la demande faite en vue d’obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel un avis d’opposition peut être déposé à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008;

 

          Et vu les allégations des parties;

 

          La demande est accueillie, selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28 e jour de septembre 2012.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 343

Date : 20120928

Dossier : 2012-1909(GST)APP

 

ENTRE :

SÉBASTIEN GIRARD (PRO GESTION 3000),

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Bédard

 

[1]             Dans cette requête, le requérant prétend qu’il a déposé en personne aux bureaux de l’Agence du Revenu du Québec (l’« Agence ») un avis d’opposition à l’encontre de l’avis de cotisation qu’il avait reçu, et ce, dans le délai de 90 jours prévu par la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») mais que l’Agence aurait perdu les documents et qu’ainsi il était dans l’impossibilité d’agir.

 

La question en litige

 

[2]             La Cour doit essentiellement déterminer si elle croit la version du requérant à l’effet qu’il aurait signifié l’avis d’opposition dans les délais impartis par la LTA mais que l’Agence aurait perdu l’avis d’opposition.

 

Les faits

 

[3]             Le 8 juin 2011, le ministre du Revenu du Québec (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard du requérant relativement à la Partie IX de la LTA (pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008) et lui a envoyé un avis de cotisation à cet effet le même jour (pièce R‑1).

 

[4]             Le 13 octobre 2011, le requérant a présenté une demande de prorogation de délai pour produire un avis d’opposition à la cotisation du 8 juin 2011 (pièce R‑3). Dans cette demande, les procureurs du requérant s’exprimaient ainsi :

 

Suite à la réception d’avis de cotisation émis par Revenu Québec et Revenu Québec pour le compte de l’Agence du revenu du Canada, notre client a déposé en personne aux bureaux de Revenu Québec, des avis d’opposition à l’encontre de ces avis de cotisation et ce, dans le délai de 90 jours prévu par la Loi.

 

La semaine dernière, alors que notre client effectuait un suivi de ses avis d’opposition, il a été informé que nulle trace desdits avis ne se trouvait dans les dossiers de Revenu Québec. Il s’ensuit donc que notre client est considéré comme ne s’étant pas opposé aux avis de cotisation qui lui ont été transmis et qu’il est en date des présentes trop tard pour le faire et ce, bien qu’il avait pris les dispositions nécessaires au cours du mois d’août 2011.

 

En conséquence, nous vous demandons de proroger le délai d’opposition afin de permettre à notre client de déposer à nouveau ses avis d’opposition relativement aux cotisations mentionnées en objet.

 

Notre client a des moyens de défense sérieux à faire valoir à l’encontre de ses avis de cotisation. Il est donc dans l’intérêt de la justice de lui permettre de produire ses avis d’opposition bien que le délai pour ce faire soit aujourd’hui expiré.

 

[5]             Dans une lettre du 2 février 2012 (pièce R‑4) adressée au requérant, le ministre accusait réception de la demande de prorogation et demandait qu’on lui fournisse une copie de l’avis d’opposition que le requérant prétendait avoir produit dans le délai de 90 jours prévu par la LTA et une preuve d’envoi ou de dépôt de cet avis.

 

[6]             Le requérant étant dans l’impossibilité de fournir la preuve demandée par le ministre dans sa lettre du 2 février 2012, ce dernier a avisé le requérant le 12 avril 2012 de sa décision à l’effet qu’il rejetait la demande de prorogation (pièce R‑4).

 

[7]             Le 14 mai 2012, soit dans le délai prescrit, le requérant présentait à la Cour la demande de prorogation de délai en litige en l’instance. Les paragraphes pertinents de cette demande se lisent comme suit :

 

3.                  Suivant la réception de l’avis de cotisation, et à l’intérieur du délai de contestation, soit au cours du mois d’août 2011, le requérant s’est rendu personnellement aux bureaux de l’Agence du revenu du Québec sur la rue de Marly à Québec, afin d’être orienté sur les démarches à entreprendre afin de contester cet avis de cotisation;

 

4.                  Un préposé a informé le requérant qu’il lui fallait remplir un avis d’opposition et ensuite le déposer dans la boîte prévue è cette effet à l’accueil;

 

5.                  Le requérant a rempli l’avis d’opposition en question sur place, le même jour, et l’a déposé dans la boîte qu’on lui a indiquée;

 

6.                  Au début du mois d’octobre 2011, le requérant a communiqué avec l’Agence afin de faire un suivi de son dossier;

 

7.                  C’est à ce moment qu’il a appris qu’aucune trace de son avis d’opposition ne se trouvait dans le dossier de l’Agence;

 

8.                  Le requérant a donc promptement mandaté ses procureurs afin de produire la demande de prorogation de délai communiquée au soutien de la présente sous la cote R‑2;

 

9.                  Par lettre datée du 2 février 2012, laquelle est communiquée au soutien de la présente sous la cote R‑3, l’Agence demandait au requérant de lui fournir une copie de son avis d’opposition et d’une preuve d’envoie et/ou de réception;

 

10.              Par l’entremise de ses procureurs, le requérant a informé l’Agence qu’il lui était impossible de fournir davantage de documents étant donné qu’il a rempli le formulaire d’opposition sur place et qu’il l’a déposé immédiatement dans la boîte prévue à cet effet sans en conserver de copie, le tout tel qu’il appert de la lettre communiquée au soutien de la présente requête sous la cote R‑4;

 

11.              L’Agence a quand même décidé de rejeter la demande de prorogation du requérant et ce, malgré le fait qu’aucune raison valable ne lui permettait de douter de la véracité de ses allégations à l’effet qu’il avait bel et bien déposé un avis d’opposition dans le délai prescrit, la décision de l’Agence est communiquée au soutien de la présente requête sous la cote R‑5;

 

12.              De plus, tel que mentionné à la lettre pièce R‑4, il est hautement improbable que le requérant ait laissé s’écouler le délai d’opposition sans rien faire étant bien au fait des conséquences de ne pas le faire vu la mauvaise expérience vécue dans un autre dossier connexe à celui‑ci;

 

13.              Le requérant a de bons moyens de défense à faire valoir et il en résulterait une grave injustice s’il était empêché de le faire, surtout en raison d’une erreur administrative.

 

Témoignage du requérant

 

[8]             Il ressort essentiellement du témoignage du requérant que :

 

i)                   Il savait, compte tenu de l’expérience vécue dans un dossier connexe, qu’il devait s’opposer dans les 90 jours impartis par la LTA. Ainsi, il s’est rendu personnellement aux bureaux de l’Agence de la rue de Marly, à Québec, et ce, en utilisant son automobile qu’il avait stationnée sur la rue de Marly dans un espace où le stationnement d’une automobile était autorisé (et ce, gratuitement) pour une période de 60 minutes. Sur place, un commis de l’Agence lui avait remis un formulaire prescrit pour s’opposer et lui avait indiqué qu’une fois le formulaire rempli, il devait être déposé dans une boîte prévue à cet effet à l’accueil. Le requérant a expliqué qu’il avait rempli le formulaire et qu’il l’avait déposé dans la boîte, et ce, le 29 août 2011. Le requérant a déposé en preuve une copie de son agenda en date du 29 août 2011 (où il était inscrit « opposition Revenu Québec perso ») à l’appui de son témoignage à l’effet qu’il s’était rendu aux bureaux de l’Agence à Québec pour s’opposer à l’avis de cotisation (voir pièce R‑2). Je souligne que le requérant n’a fourni aucune autre preuve pertinente selon laquelle il était à Québec le 29 août 2011, et ce, bien qu’il avait eu d’autres activités à Québec à cette même date. Le requérant a témoigné qu’il aurait produit d’autres preuves pertinentes de sa présence à Québec le 29 août 2011 s’il avait su que ces preuves pertinentes auraient été utiles pour appuyer son témoignage. Je note immédiatement que les lettres des procureurs du requérant (pièces R‑3 et R‑5) et les demandes de prorogation de délai font état que l’avis d’opposition avait été déposé en août 2011 sans toutefois préciser le jour où l’avis avait été déposé. À cet égard, le requérant a expliqué que la date du 29 août n’avait été indiquée que parce que ce n’est que récemment qu’il avait constaté dans son agenda une inscription selon laquelle il s’était opposé à l’avis de cotisation le 29 août 2011.

 

ii)                À l’égard des motifs d’opposition, le requérant a expliqué que le ministre avait inclus à tort dans son revenu d’exploitation d’entreprise (déneigement de toitures) les sommes qui provenaient d’une société dont il était actionnaire puisque les sommes étaient des avances que cette société lui avait consenties.

 

Témoignage de madame Julie Bisson

 

[9]             Il ressort essentiellement du témoignage de madame Bisson (technicienne en administration à l’Agence) que :

 

i)                   après un examen minutieux du dossier du ministre, elle a constaté qu’aucun avis d’opposition n’avait été reçu par le ministre. Elle a aussi constaté que les dossiers du ministre n’indiquaient aucunement qu’au mois d’octobre 2011 le requérant avait communiqué avec l’Agence afin de faire un suivi de son dossier tel qu’allégué au paragraphe 6 de la demande de prorogation et dans la lettre du 13 octobre 2011 (pièce R‑3);

 

ii)                que tous les avis d’opposition qui étaient déposés aux bureaux de l’Agence sur la rue de Marly à Québec, et ce, dans la boîte prévue à cet effet, étaient nécessairement acheminés par les responsables du courrier au directeur des oppositions, et ce, conformément à la directive ministérielle D1A-32 (pièce I‑6). Madame Bisson a témoigné qu’il arrivait à l’occasion que l’Agence égare temporairement des avis d’opposition. Elle a expliqué que ces avis d’opposition égarés temporairement étaient tous finalement acheminés au directeur des oppositions après quelques mois.

 

[10]        Par ailleurs, la preuve a révélé que le requérant n’avait pas encore produit ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2010 et 2011.

 

[11]        Le ministre est d’avis que la demande de prorogation doit être refusée essentiellement pour deux motifs :

 

i)                   le requérant, sur qui reposait le fardeau de la preuve, n’a pas fait la preuve qu’il avait produit l’avis d’opposition en date du 29 août 2011 en ce que la preuve du requérant reposait essentiellement sur son témoignage que le ministre considère peu crédible compte tenu des circonstances suivantes :

 

1)                le requérant n’a pas conservé de preuve pertinente démontrant qu’il avait rempli et produit un avis d’opposition, et ce, malgré son expérience vécue dans un dossier connexe;

 

2)                le requérant est un délinquant fiscal;

 

3)                les lettres des procureurs du requérant et les demandes de prorogation font état du dépôt de l’avis d’opposition en août 2011 mais ne précisent pas le jour en août où cet avis aurait été déposé. Le procureur de l’intimé soutient que l’explication du requérant à cet égard lui semble pour le moins douteuse;

 

4)                le requérant a admis qu’il étant en mesure de produire d’autres preuves pertinentes à l’effet qu’il s’était déplacé à Québec le 29 août 2011. Le requérant ne l’a pas fait. Le procureur de l’intimé soutient que je dois tirer une inférence négative de ce manquement.

 

ii)                le requérant n’a pas démontré que l’appel est raisonnablement fondé.

 

Analyse et conclusion

 

[12]        En l’espèce, il y a deux questions en litige, la première étant : est‑ce que le requérant était dans l’impossibilité d’agir, la seconde étant : est‑ce que le requérant a démontré que son appel est raisonnablement fondé? Relativement au premier point, soit l’impossibilité en fait d’agir, la Cour constate qu’il s’agit d’une question de crédibilité. Autrement dit, est‑ce que la version du requérant à l’effet qu’il a produit son avis d’opposition dans le délai imparti par la LTA est crédible? La Cour ne note aucune contradiction dans le témoignage du requérant. Son témoignage est plausible. Le requérant semble être une personne crédible. Le fait qu’il n’a pas encore produit ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2010 et 2011 n’est pas une raison en soi pour écarter son témoignage. En effet, cette non‑production ne fait pas automatiquement du requérant un menteur. Le fait qu’il n’a pas produit toutes les preuves pertinentes (qu’il était en mesure de produire) à l’appui de son témoignage selon lequel il était à Québec le 29 août 2011 ne me permet pas de tirer automatiquement une inférence négative de ce manquement et ainsi d’écarter son témoignage. Le requérant a quand même produit une preuve pertinente à l’appui de son témoignage (en l’espèce, la pièce R‑2). Dans les circonstances, cette preuve pertinente me semble suffisante pour appuyer son témoignage. Je crois le requérant quand il a témoigné qu’il aurait produit d’autres preuves pertinentes s’il avait su que c’était indispensable pour établir sa crédibilité. Enfin, le fait que le ministre n’ait pas retrouvé l’avis d’opposition produit par le requérant n’est pas une raison pour mettre de côté le témoignage du requérant. Écarter automatiquement le témoignage du requérant au motif que le ministre n’a pas retrouvé l’avis d’opposition obligerait en fin de compte les contribuables à utiliser le courrier certifié pour envoyer leurs avis d’opposition. Je rappelle que la LTA n’oblige pas les contribuables à procéder ainsi. Le fait que le ministre ne trouve pas un avis d’opposition m’oblige tout simplement à considérer le témoignage du requérant avec plus de circonspection, mais ne m’autorise pas pour autant à l’écarter.

 

[13]        Relativement au deuxième point, les explications du requérant relativement à son motif d’opposition m’ont parues raisonnablement fondées.

 

[14]        Pour ces motifs, la demande du requérant est accueillie.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de septembre 2012.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 


RÉFÉRENCE :                                           2012 CCI 343

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :              2012-1909(GST)APP

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                      SÉBASTIEN GIRARD (PRO GESTION 3000) ET LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         le 21 août 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :    L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DE L’ORDONNANCE :                 le 28 septembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate du requérant :

Me Stéphanie Boulianne

Avocat de l'intimée :

Me Louis Riverin

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour le requérant:

 

                     Nom :                                     Me Stéphanie Boulianne

                 Cabinet :                                    DeBlois et Associés

                                                                   Québec (Québec)

 

       Pour l’intimée :                                    Myles J. Kirvan

                                                                    Sous-procureur général du Canada

                                                                    Ottawa, Canada

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