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Dossier : 2016-2636(IT)I

ENTRE :

ANDREI SEMENOV,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

et

Dossier : 2016-2637(IT)I

 

BELCA TOURS & COACH INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus le 7 avril 2017 et le 7 septembre 2017 à Toronto (Ontario)

Par l’honorable juge Don R. Sommerfeldt


COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Adam Serota

Avocate de l’intimée :

Me Kanga Kalisa

 

JUGEMENT

Les appels à l’égard des nouvelles cotisations (les « nouvelles cotisations ») interjetés en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour les années d’imposition 2011 et 2012 sont accueillis, sans dépens, et les nouvelles cotisations sont renvoyées à la ministre du Revenu national (la « ministre ») aux fins de réexamen et d’établissement de nouvelles cotisations aux motifs qui suivent :

Toutes ces conclusions sont énoncées plus en détail dans les motifs ci-joint.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2018.

« Don R. Sommerfeldt »

Juge Sommerfeldt



MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sommerfeldt

I. INTRODUCTION

[1]  Les présents motifs sont liés aux appels interjetés par Andrei Semenov et Belca Tours & Coach Inc. (« Belca ») en ce qui concerne diverses nouvelles cotisations (les « nouvelles cotisations ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») [1] , qui ont été émises par l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») au nom de la ministre du Revenu national (la « ministre ») pour les années d’imposition 2011 et 2012.


II. QUESTIONS EN LITIGE

[2]  En l’espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur les questions suivantes :


III. FAITS

A. Immigration et arrangements personnels et commerciaux

[3]  En 1997, M. Semenov a immigré au Canada en provenance de Minsk (Bélarus) et s’est installé à Toronto [2] . Pendant qu’il habitait au Bélarus, M. Semenov détenait divers actifs, y compris une résidence et une entreprise, qu’il a toutes deux vendues avant d’immigrer au Canada. Il a pris des dispositions pour que le produit net de la vente (environ 100 000 $) soit déposé dans un compte à la Banque Canadienne Impériale de Commerce (« CIBC »). M. Semenov avait aussi avec lui environ 20 000 $ à 25 000 $ en argent comptant à son arrivée au Canada [3] .

[4]  Après son arrivée au Canada, M. Semenov a épousé Tatyana Li; éventuellement, les parents de Mme Li ont immigré au Canada en provenance du Kazakhstan et se sont installés avec M. Semenov et Mme Li.

[5]  La première entreprise créée par M. Semenov au Canada était un magasin de peinture, qu’il exploitait par l’intermédiaire d’une société, Full of Colour Inc. (« FCI »). Par la suite, en janvier 2008, M. Semenov a pris des dispositions pour constituer Belca en personne morale et exploiter une entreprise de services d’autobus scolaires et d’autocars. En 2011 et 2012, M. Semenov était le seul administrateur de Belca et apparemment, son principal, voire son seul employé. Dans ses déclarations de revenus des sociétés T2, Belca a déclaré des pertes brutes de 559 156 $ pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2011 et de 451 138 $ pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2012 [4] .

B. Emprunts

[6]  Les témoignages oraux livrés par les témoins pour les appelantes portaient majoritairement sur deux prêts, l’un accordé à M. Semenov et l’autre consenti par celui-ci. Le 10 mars 2011, M. Semenov et son beau-père, Vasilliy Li, ont signé un contrat de prêt personnel, qui prévoyait que M. Semenov empruntait 15 000 $ CA à M. Li, sans intérêt, et que ce prêt devait être remboursé à mesure que l’entreprise devenait rentable, mais au plus tard le 10 mars 2021 [5] . M. Semenov et M. Li ont tous deux indiqués dans leurs témoignages que M. Li a prêté des montants supplémentaires aux 15 000 $ CA indiqués dans le contrat de prêt personnel à M. Semenov. M. Semenov a indiqué dans son témoignage que certains des dépôts visés provenaient des avances sous forme de prêt accordées par M. Li.

[7]  M. Semenov a indiqué dans son témoignage qu’il avait prêté, en 1997, 25 000 $ à Igor Brylev, en vertu d’une entente de prêt personnel datée du 5 septembre 1997 [6] . M. Semenov a expliqué qu’Igor Brylev était le frère cadet de Valeriy Brylev, un ami proche de M. Semenov quand il habitait à Minsk. Igor Brylev, qui avait immigré à Toronto avant 1997, a rencontré M. Semenov lorsqu’il est arrivé à Toronto et l’a aidé à s’installer dans la ville. Ils sont éventuellement devenus associés en affaires et M. Semenov a prêté 25 000 $ à Igor afin de l’aider à acquérir des actions de FCI. Igor est décédé par la suite, sans avoir remboursé le prêt. Étant donné que l’entente de prêt personnel indiquait que Valeriy Brylev serait garant du prêt, M. Semenov a indiqué qu’à deux ou trois reprises au cours de la période allant de 2003 à 2011, Valeriy a effectué des remboursements partiels du prêt et certains des dépôts visés provenaient de ces remboursements.

C. Dépôts visés

(1) Erreur de tabulation ou oubli possible

[8]  Au moment de vérifier M. Semenov pour les années 2011 et 2012, l’ARC a mené une analyse des dépôts bancaires des comptes bancaires personnels de M. Semenov à la CIBC et à la Banque de la Nouvelle-Écosse (« Banque Scotia ») et d’un compte conjoint que lui et Mme Li avaient à la Banque de Montréal (« BMO »). À la suite de cette analyse, l’ARC a relevé un certain nombre de dépôts (définis ci-dessus en tant que « dépôts visés »), qui, selon elle, représentaient un revenu non déclaré pour Belca et M. Semenov et qu’elle a mis sous forme de tableau dans l’un de ses documents d’analyse des dépôts bancaires, comme suit [7]  :

Tableau 1

 

 

[EN BLANC]

Compte bancaire

Montant (2011)

Montant (2012)

Compte à la Banque Scotia

16 943,64 $

2 400,00 $

Compte à la CIBC

7 935,51

16 990,35

Compte conjoint à la BMO

 12 990,00

_________

Total

24 879,15 $ [sic]

19 390,35 $

[9]  Au moment de mettre dans un tableau les dépôts qui constituaient selon elle un revenu non déclaré, l’ARC semble avoir commis une erreur de calcul dans son analyse des dépôts bancaires pour 2011 [8] . Comme il est indiqué dans le tableau 1, ci-dessus, l’ARC a indiqué que le total des dépôts aux trois banques correspondait à 24 879,15 $. Selon mes calculs, toutefois, le total devrait être de 37 869,15 $. Cela indique que le montant utilisé par l’ARC (c.-à-d. 24 879,15 $) correspond aux montants du compte à la Banque Scotia (c.-à-d. 16 943,64 $) et du compte à la CIBC (c.-à-d. 7 935,51 $). Il semblerait qu’au moment de préparer sa réponse, particulièrement le sommaire des hypothèses de la ministre, la Couronne a elle aussi utilisé le total erroné (c.-à-d. 24 879,15 $) pour l’année 2011 plutôt que le total exact (c.-à-d. 37 869,15 $).

[10]  On ne m’a pas expliqué pourquoi le montant utilisé dans les hypothèses de la ministre était 24 879,15 $ plutôt que 37 869,15 $. Il est possible que le vérificateur ait tout simplement fait une erreur ou un oubli au moment de mettre dans le tableau les dépôts visés. Selon moi, il est aussi possible que la ministre ait décidé d’inclure dans les revenus respectifs de Belca et de M. Semenov seulement les dépôts visés effectués dans le compte personnel de M. Semenov à la Banque Scotia et dans son compte personnel à la CIBC et de ne pas inclure les dépôts visés effectués dans le compte conjoint à la BMO. Cette explication semble concorder avec une analyse du rapport de vérification de l’ARC sur M. Semenov [9] . À la page 2 de ce rapport, l’ARC a indiqué que le montant de l’avantage à un actionnaire tiré en 2011 du revenu non déclaré de Belca correspondait à 35 257 $. Il semblerait s’agir de la somme des dépôts visés dans le compte à la Banque Scotia de 16 943,64 $ et du compte à la CIBC de 7 935,51 $, en plus de certaines entrées, pour un total de 10 377,84 $ en 2011 indiqué au compte de prêt à l’actionnaire de Belca pour M. Semenov (comme il en sera question ci-dessous) [10] . Les montants qui précèdent sont présentés ainsi dans un tableau pour 2011 :

Tableau 2

 

Avantage conféré à un actionnaire

Montant

Dépôts visés effectués à la Banque Scotia

16 943,64 $

Dépôts visés effectués à la CIBC

 7 935,51

Total partiel

24 879,15

Écritures au compte de prêt à l’actionnaire

 10 377,84

Total

35 256,99 $

Le total indiqué ci-dessus de 35 256,99 $ correspond, lorsqu’on l’arrondit au dollar le plus près (c. à d. 35 257 $) au montant de l’avantage à un actionnaire pour l’année 2011 indiqué par l’ARC à la page 2 de son rapport de vérification. On indique ensuite dans le rapport de vérification que l’ARC a relevé, dans le cadre de sa vérification de Belca, des dépôts bancaires non identifiés effectués [traduction] « dans les comptes personnels du contribuable », ce qui pourrait sous-entendre que l’ARC n’examinait que les comptes personnels de M. Semenov et pas le compte conjoint de M. Semenov et de Mme Li [11] . Ainsi, mon examen de la réponse et du rapport de vérification me porte à croire que le montant de l’avantage à un actionnaire pour lequel M. Semenov a fait l’objet d’une nouvelle cotisation en 2011 se limitait à 35 257 $, ce qui implique que l’ARC n’a pas inclus les dépôts visés dans le compte de la BMO, d’une somme de 12 990 $, dans le calcul de son revenu pour 2011.

[11]  Il convient aussi de mentionner le rapport de vérification pour Belca [12] . À la page 3 de ce rapport, l’ARC a indiqué que le montant des ventes non déclarées de Belca correspondait à 35 257 $ pour 2011 et à 22 382 $ pour 2012, ce qu’elle a présenté comme suit dans un tableau :

Tableau 3

 

Description de l’ARC

2011

2012

Dépôts non identifiés

24 879,00 $

 19 930,00 $

Compte de prêt à l’actionnaire

 10 378,00

2 452,00

[EN BLANC]

35 257,00 $

22 382,00 $

 

 

 

 

 

 

 

Lorsqu’il est question des dépôts non identifiés, on a expliqué, dans le rapport de vérification, que l’analyse des dépôts bancaires portait [traduction] « sur les comptes bancaires d’entreprise de la société et sur les comptes bancaires personnels de l’actionnaire ». Il est possible que l’ARC, quand elle renvoyait aux comptes bancaires personnels de l’actionnaire, limitait son calcul et sa présentation en tableau aux comptes bancaires qui n’étaient qu’à son nom et qu’elle n’incluait pas le compte conjoint à la BMO [13] . Il est donc possible qu’au moment d’émettre la nouvelle cotisation pour l’année 2011, l’ARC était d’avis que les dépôts visés effectués à la BMO ne représentaient pas des ventes non déclarées de Belca.

[12]  En outre, Rita Leung, vérificatrice de l’ARC, a témoigné en disant qu’elle avait vérifié tous les comptes bancaires de Mme Li, y compris le compte conjoint à la BMO et qu’elle n’avait relevé aucune disparité après avoir comparé son revenu déclaré et ses comptes bancaires [14] . Ainsi, du mieux que je peux le confirmer, lorsque Mme Leung a effectué l’analyse des dépôts bancaires, elle a examiné le compte conjoint à la BMO de M. Semenov et de Mme Li et a renvoyé à ce compte dans son tableau sommaire; toutefois, lorsqu’elle a ajouté les dépôts non identifiés trouvés dans chacun des comptes, elle n’a pas inclus les dépôts effectués dans le compte conjoint à la BMO [15] . Qui plus est, au moment de préparer les rapports de vérification et les rapports de recommandation de pénalité pour Belca et M. Semenov, Mme Leung ne semble pas avoir inclus les dépôts visés effectués dans le compte à la BMO. Par conséquent, il semblerait que Mme Leung ait commis une erreur de calcul, qu’elle ait oublié d’ajouter les dépôts visés effectués dans le compte à la BMO dans son tableau ou qu’elle ait déterminé que ni Belca ni M. Semenov ne devaient faire l’objet d’une nouvelle cotisation pour les dépôts visés effectués à la BMO. Si Belca et M. Semenov avaient effectivement fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour les dépôts visés effectués dans le compte à la BMO, je suis d’avis que ces éléments de la nouvelle cotisation pour l’année 2011 ne peuvent pas être maintenus, étant donné qu’ils ne semblent pas avoir été compris dans les hypothèses de la ministre exposées dans les réponses respectives. Si l’ARC avait l’intention d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de Belca et de M. Semenov pour les dépôts visés effectués dans le compte à la BMO, mais qu’elle ne l’a pas fait, la Cour ne peut pas augmenter le montant de la nouvelle cotisation pour l’année 2011 [16] .

(2) Présentation détaillée sous forme de tableau

[13]  Voici les dépôts visés effectués dans le compte chèques de M. Semenov à la Banque Scotia en 2011 [17]  :

Tableau 4

 

Date

  Montant

Le 18 janvier 2011

2 600,00 $

Le 19 janvier 2011

1 500,00

Le 25 janvier 2011

2 000,00

Le 31 janvier 2011

1 500,00

Le 22 février 2011

   60,00

Le 8 mars 2011

   783,63

Le 14 mars 2011

700,00

Le 14 mars 2011

1 139,40

Le 24 mars 2011

162,64

Le 28 mars 2011

2 589,00

Le 6 avril 2011

1 656,86

Le 13 avril 2011

531,43

Le 10 septembre 2011

400,00

Le 22 novembre 2011

600,00

Le 16 décembre 2011

230,68

Le 24 décembre 2011

 500,00

Total

16 943,64 $

[14]  Voici les dépôts visés effectués dans le compte chèques de M. Semenov à la CIBC en 2011 [18]  :

Tableau 5

 

Date

Montant

Le 6 septembre 2011

1 500,00 $

Le 19 septembre 2011

85,51

Le 4 octobre 2011

1 300,00

Le 11 octobre 2011

1 250,00

Le 2 novembre 2011

1 300,00

Le 15 décembre 2011

1 100,00

Le 28 décembre 2011

 1 400,00

Total

7 935,51 $

[15]  Même si l’ARC, au moment d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de Belca et de M. Semenov, ne semble pas avoir inclus les dépôts visés effectués dans le compte à la BMO dans le calcul de leur revenu respectif pour l’année 2011, par souci d’intégralité, je mentionnerai ces dépôts ici. Voici les dépôts visés effectués dans le compte conjoint de M. Semenov et de Mme Li à la BMO en 2011 [19] .

Tableau 6

 

Date

Montant

Le 13 janvier 2011

7 090,00 $

Le 7 juin 2011

 5 900,00 $

Total

12 990,00 $

[16]  Voici les dépôts visés effectués dans le compte de M. Semenov à la Banque Scotia en 2012 [20]  :

Tableau 7

 

Date

Montant

Le 7 mars 2012

600,00 $

Le 26 mars 2012

300,00

Le 25 avril 2012

1 000,00

Le 10 juillet 2012

 500,00

Total

2 400,00 $

 

[17]  Voici les dépôts visés effectués dans le compte de M. Semenov à la CIBC en 2012 : [21]

Tableau 8

 

Date

Montant

Le 21 février 2012

1 600,00 $

Le 14 mars 2012

1 500,00

Le 22 mars 2012

1 000,00

Le 22 mars 2012

200,00

Le 11 avril 2012

1 250,00

Le 23 avril 2012

1 200,00

Le 1er mai 2012

1 000,00

Le 4 juin 2012

500,00

Le 7 juin 2012

1 500,00

Le 16 juillet 2012

1 000,00

Le 28 août 2012

1 300,00

Le 19 septembre 2012

1 340,35

Le 5 octobre 2012

1 500,00

Le 29 novembre 2012

1 000,00

Le 27 décembre 2012

 1 100,00

Total

16 990,35 $

[18]  L’ARC a conclu que les dépôts visés avaient été effectués au moyen de paiements versés par des clients de Belca, ce qui signifie qu’ils représentaient des ventes non déclarées de celle‑ci. En outre, selon l’ARC, en déposant ces paiements dans ses comptes bancaires personnels, M. Semenov s’appropriait les biens de Belca, ce qui signifie que les dépôts visés constituaient des avantages que Belca lui conférait et qu’ils étaient donc imposables en vertu du paragraphe 15(1) de la LIR.

IV. DISCUSSION

A. Petits dépôts

[19]  Pendant son interrogatoire principal, M. Semenov a témoigné pour dire qu’en 2011 et en 2012, tous les services de transport offerts par Belca étaient d’une ampleur telle que les frais imposés n’étaient jamais inférieurs à 750 $, qui correspondait à une location minimale de cinq heures [22] . M. Semenov a identifié un certain nombre des dépôts visés, dont le montant était petit au point où ils n’auraient apparemment pas représenté un paiement effectué par un client de Belca.

[20]  En 2011 et en 2012, Belca n’avait qu’un seul compte bancaire, qui se trouvait à la Banque Scotia [23] . Je crois comprendre que Belca utilisait des carnets de dépôts préparés par Davis + Henderson afin de déposer de l’argent dans ce compte. L’un de ces carnets de dépôts a été produit en preuve [24] . Ce carnet de dépôts couvre la période allant du 7 mars 2012 au 3 décembre 2012. Les carnets de dépôts couvrant la période allant du 1er janvier 2011 au 6 mars 2012 et la période allant du 4 décembre 2012 au 31 décembre 2012 n’ont pas été produits en preuve. Le carnet de dépôts présenté en tant que pièce couvre environ neuf mois d’une période de 24 mois. Autrement dit, environ 37 % des deux années visées par la vérification de l’ARC sont représentés par le carnet de dépôts produit en preuve, tandis qu’aucun carnet de dépôts n’a été présenté pour les 63 autres % de cette période.

[21]  J’ai examiné la pièce A-3, soit le carnet de dépôts tenu à jour par Belca pendant une partie de l’année 2012, ainsi que de nombreux bordereaux de dépôts agrafés dans ce carnet. Dans ce carnet de dépôts, j’ai trouvé des entrées pour un certain nombre de chèques déposés dont le montant était inférieur à 750 $, que voici :

Tableau 9

Date

Description

Montant

Le 31 mars 2012

Civitan Inter [25]

460,00 $

Le 7 avril 2012

Le Club Sport

594,00

Le 19 avril 2012

Brams 90

400,00

Le 23 avril 2012

SU ON Centre

734,50

Le 10 mai 2012

St. Cleslang

480,14

Le 11 mai 2012

St. Step. Com.

334,00

Le 4 juin 2012

Oxford Prop.

480,25

Le 4 juin 2012

Solid Gen. Cod.

452,00

Le 28 juin 2012

Thomas Fl.

325,00

Le 10 juillet 2012

MS. Emerita

200,00

Le 16 juillet 2012

Katz Gr.

423,75

Le 13 août 2012

Proser JCC [26]

100,00

Le 30 août 2012

Magic Bus Company

542,40

Le 4 octobre 2012

IFTA [27]

31,19

Le 9 octobre 2012

GMD SU

381,37

Le 23 octobre 2012

Blyth Educ.

452,00

Le 2 novembre 2012

QSU

452,00

Le 8 novembre 2012

Gov. of Can.

734,50

Le 22 novembre 2012

IFTA

9,01

Le 28 novembre 2012

IFTA

40,91

Le 3 décembre 2012

Computersh.

452,00

[22]  Comme le tableau ci-dessus l’illustre, au cours des neuf mois couverts par la pièce A-3, Belca a reçu un certain nombre de chèques dont le montant était inférieur à 750 $. Je suis prêt à reconnaître que certains de ces chèques, comme ceux portant la mention « IFTA » ne proviennent pas de clients. Par contre, je suis d’avis que le chèque de 100 $ de Proser JCC déposé le 13 août 2012 était lié au chèque de 5 000 $ de Proser JCC qui a aussi été déposé le même jour.

[23]  Outre le chèque de 100 $ de Proser JCC, le plus petit chèque indiqué dans le tableau 9 qui semble avoir été fait par un client et qui est consigné dans le carnet de dépôts et dans les bordereaux de dépôt joints affiche un montant de 200 $. Je suis donc prêt à accepter le fait que tout dépôt visé de moins de 200 $ (plutôt que 750 $, comme l’a suggéré M. Semenov) ne représente pas un revenu non déclaré. Ces dépôts (les « petits dépôts ») sont présentés ci‑dessous :

Tous ces petits dépôts ont été effectués en 2011. Aucun dépôt de moins de 200 $ n’a été effectué en 2012 [28] .

B. Autres dépôts visés

[24]  Après avoir éliminé les petits dépôts du tableau 1, voici les sommes des dépôts banque par banque qui demeurent pour les comptes à la Banque Scotia et à la CIBC :

Tableau 11

Compte bancaire

  Montant (2011)

  Montant (2012)

Compte à la Banque Scotia

16 721,00

2 400,00

Compte à la CIBC

__ 7 850,00

_16 990,35

Total

24 571,00 $

19 390,35 $

[25]  Même si M. Semenov a abordé précisément chacun des petits dépôts pendant son interrogatoire principal, je suis déçu qu’il n’ait pas discuté de chacun des autres dépôts visés et qu’il ne m’ait donné aucun détail sur ces dépôts. Il n’a aucunement tenté d’établir un lien entre un dépôt visé particulier et une source d’argent précise non imposable. Les seuls commentaires qu’il a formulés sur les dépôts visés (autres que les petits dépôts) étaient vagues et généraux. Il a essentiellement indiqué dans son témoignage avoir reçu, de temps à autre, en 2010, en 2011 et en 2012, de l’argent sous la forme de prêts, de cadeaux ou de remboursements de créances de divers proches et amis. Il n’a toutefois mentionné aucune date précise à laquelle il avait reçu ces montants non imposables et n’a relié aucun des montants à un dépôt visé particulier.

C. Compréhension et mémoire des témoins

[26]  M. Li a livré son témoignage en russe, avec l’aide d’un interprète. Même avec cette aide, je ne suis pas certain qu’il comprenait parfaitement les connotations et les nuances voulues des questions qui lui ont été posées. Les propos suivants, échangés pendant son interrogatoire principal, illustrent ma préoccupation :

[traduction]

Q.  M. Li, quel est le lien qui vous unit à l’appelant, Andrei Semenov, si un tel lien existe?

R.  Nous habitons avec ma fille et mon gendre depuis le premier jour de notre arrivée au Canada. Voilà pourquoi je n’ai présenté aucune réclamation à leur égard. Il s’agit donc d’une bonne relation – une relation normale. [29]

[27]  En contre-interrogatoire, d’autres propos échangés me portent à me demander si M. Li a entièrement suivi l’instance :

[traduction]

Q.  [...] Quand avez-vous donné de l’argent à votre gendre pour la première  fois?

R.  Bien, après avoir épuisé la totalité de l’argent que j’avais apporté ici, il est certain qu’ils l’ont fait –– ils ne me l’ont jamais demandé. [30]

[28]  En reproduisant les propos échangés susmentionnés tirés du témoignage de M. Li, je ne critique pas sa sincérité et je ne remets pas en question sa crédibilité. Je veux plutôt suggérer qu’il est possible que des distinctions subtiles aient été perdues dans la traduction de l’anglais au russe et illustrer ma préoccupation selon laquelle s’il ne comprenait pas parfaitement les deux questions indiquées ci-dessus, il est possible qu’il ne comprenne pas d’autres questions aussi.

[29]  Quant à M. Semenov, il a reconnu à plusieurs reprises que ses souvenirs au sujet de certains détails étaient flous ou qu’il ne pouvait pas être sûr de certains points [31] . Ainsi, je ne suis pas totalement convaincu que M. Semenov se souvenait des événements passés avec une exactitude absolue pendant qu’il livrait son témoignage.

D. Argent reçu de M. Li

(1) Contrat de prêt personnel

[30]  M. Semenov, M. Li (c.-à-d. le beau-père de M. Semenov) et Mme Li (c.-à-d. la femme de M. Semenov) ont tous témoigné à propos du contrat de prêt personnel signé le 10 mars 2011 environ par M. Semenov, l’emprunteur, et M. Li, le prêteur [32] . Ils ont tous indiqué que les fonds ont été avancés en devises américaines, même si le contrat renvoie à un prêt de 15 000 $ en devises canadiennes [33] . Ce prêt était documenté et les témoignages concordants et conformes de ces trois témoins prouvent que le prêt a bel et bien été avancé. Par conséquent, je suis prêt à reconnaître que M. Li a prêté 15 000 $ US à M. Semenov le 10 mars 2011 environ et que M. Semenov ou Mme Li ont probablement utilisé ces fonds pour effectuer certains des dépôts visés dans le compte à la Banque Scotia ou le compte à la CIBC en 2011.

[31]  M. Semenov a témoigné en disant que, selon sa compréhension du taux de change entre le dollar américain et le dollar canadien le 10 mars 2011 environ correspondait approximativement à 0,97 $ CA pour 1 $ US [34] En me fondant sur le témoignage de M. Semenov, je comprends que les 15 000 $ US prêtés par M. Li à M. Semenov le 10 mars 2010 correspondaient à 14 550 $ CA (c.-à-d. 15 000 $ Ч 0,97).

(2) Avances supplémentaires alléguées

[32]  Même si M. Semenov, M. Li et Mme Li ont tous indiqué dans leurs témoignages que de petits montants supplémentaires ont été avancées en divers versements après la première avance de 15 000 $ US, leurs témoignages contiennent toutefois des disparités en ce qui concerne ces versements. À titre d’exemple, les montants de ces versements varient d’un témoin à l’autre. M. Li a indiqué dans son témoignage qu’il a apporté avec lui la somme de 20 000 $ US en argent compte en 2010 du Kazakhstan au Canada. Il a aussi témoigné en disant qu’après la première avance de 15 000 $ US le 10 mars 2010, sa fille et son gendre au cours des années 2011 et 2011, [traduction] « par morceaux », ce qui signifie probablement en versements, ont [traduction] « tout pris », en renvoyant possiblement à la somme résiduelle (c.-à-d. 5 000 $ US) des 20 000 $ US qu’il avait apportés du Kazakhstan au Canada en 2010 [35] . Il a indiqué avoir effectué des versements, de 1 500 $ ou de 2 000 $, peut-être, au cours des deux années subséquentes à l’année 2010 [36] . M. Semenov a d’abord témoigné en disant que les avances supplémentaires avaient été faites sous la forme de versements de 1 000 $, 2 000 $ ou 3 000 $, selon leurs besoins [37] . M. Semenov a plus tard indiqué dans son témoignage que les montants des versements étaient [traduction] « probablement trois, quatre ou cinq », sans préciser s’il faisait référence à 300 $, 400 $ ou 500 $, ou à 3 000 $, 4 000 $ ou 5 000 $ [38] . Selon Mme Li, les montants supplémentaires qu’elle et son mari ont empruntés de son père correspondaient à de petits versements, par exemple 300 $, 500 $ ou 1 000 $, selon la situation [39] .

[33]  Les témoignages de M. Li et de M. Semenov divergeaient aussi sur le montant total prêté par le premier au deuxième. Comme il est indiqué ci-dessus, M. Li a indiqué qu’il avait apporté avec lui la somme de 20 000 $ US en 2010, lorsqu’il avait quitté le Kazakhstan pour le Canada, et que sa fille et son gendre avaient par la suite emprunté la totalité de cette somme (c.-à-d. la première avance de 15 000 $ US et de petits versements supplémentaires, possiblement pour un total de 5 000 $ US) [40] . M. Semenov a quant à lui indiqué dans son témoignage que son beau-père lui avait donné [traduction] « beaucoup plus d’argent que 15 000 $ [...], probablement 30 000 $ ». M. Semenov a indiqué que les 15 000 $ US avaient été prêtés en vertu d’un contrat de prêt personnel et que [traduction] « beaucoup plus d’argent » avait été prêté sans être documenté [41] , [42] . Il a suggéré que le montant total prêté était [traduction] « probablement le double du montant » indiqué dans le contrat de prêt personnel. [43]

[34]  Il existait une incertitude au sujet du moment où les voyages effectués par M. Li à son retour au Kazakhstan avaient eu lieu. Il a témoigné en disant qu’il avait voyagé du Canada au Kazakhstan en 2010 et qu’il était revenu avec la somme de 20 000 $ US [44] . Dans son interrogatoire principal, Mme Li a témoigné en disant que son père n’était pas retourné au Kazakhstan après son arrivée au Canada, en 2005 [45] . En contre‑interrogatoire, Mme Li a modifié son témoignage et a indiqué que ses parents étaient retournés au Kazakhstan en avril 2010 [46] .

(3) Dépôts effectués en janvier 2011

[35]  En janvier 2010, quatre dépôts visés ont été effectués dans le compte de M. Semenov à la Banque Scotia : 2 600 $ le 18 janvier, 1 500 $ le 19 janvier, 2 000 $ le 25 janvier et 1 500 $ le 31 janvier, pour un total de 7 600 $ pendant ce mois [47] . Vers la fin de son témoignage, M. Semenov a indiqué que c’est M. Li qui lui avait prêté les fonds utilisés pour effectuer ces dépôts [48] . Même si son témoignage n’était pas très clair, M. Semenov semblait indiquer que les 7 600 $ déposés en janvier 2011 ne faisaient pas partie des 15 000 $ qui faisaient l’objet du contrat de prêt personnel [49] . Lorsqu’on lui a fait remarquer qu’il avait déjà témoigné que le premier prêt que M. Li lui avait consenti était la somme de 15 000 $ CA avancée en devises américaines en mars 2010 conformément au contrat de prêt personnel et que divers montants inférieurs avaient été avancés par la suite, M. Semenov a modifié son témoignage. Il a ensuite indiqué avoir emprunté de l’argent à M. Li avant mars 2011, y compris de l’argent emprunté en 2010 afin de subvenir à ses besoins, mais que le premier prêt documenté avait été effectué en mars 2011 [50] . M. Semenov a aussi indiqué avoir emprunté de l’argent de M. Li en 2009 [51] . M. Semenov a ensuite indiqué que sa femme lui avait donné une partie des 7 600 $ déposés en janvier 2011 à même son salaire [52] . Cela indique donc que, pendant la vérification menée par l’ARC, M. Semenov n’a pas suggéré que l’un des dépôts visés provenait du salaire de sa femme et il ne l’a pas indiqué plus tôt lors de son interrogatoire principal. Qui plus est, rien ne sous-entend, tant dans l’appel interjeté par M. Semenov que dans celui interjeté par Belca, que certains des dépôts visés auraient pu provenir du salaire de Mme Li.

[36]  Au moment d’expliquer la raison pour laquelle les quatre dépôts visés ont été déposés dans le compte à la Banque Scotia en janvier 2011, M. Semenov a indiqué qu’ils avaient été effectués en prévision de vacances que sa famille et lui prévoyaient prendre en février 2011. Il tenait à s’assurer qu’il y aurait suffisamment d’argent dans ce compte pour couvrir les versements hypothécaires payables pendant ses vacances [53] . Je conclus que ce commentaire ne concorde pas avec les déclarations que M. Semenov a faites à d’autres moments pendant son témoignage, lorsqu’il a indiqué que les versements hypothécaires étaient prélevés à même le compte à la CIBC [54] .

(4) Conclusion

[37]  Je reconnais que M. Li a fait preuve de générosité en aidant sa fille et son gendre, Mme Li et M. Semenov, de temps à autre, en leur prêtant ou en leur donnant de l’argent. Comme il est indiqué ci-dessus au sous-titre IV.D(1), « Contrat de prêt personnel », je suis prêt à reconnaître que M. Li a prêté la somme de 14 550 $ CA (soit l’équivalent de 15 000 $ US) à M. Semenov le 10 mars 2011 environ et qu’il s’agissait de la source de certains des dépôts visés. Toutefois, vu les disparités indiquées ci-dessous sous les sous-titres IV.D(2) « Avances supplémentaires alléguées » et IV.D(3) « Dépôts effectués en janvier 2011 », les éléments de preuve ne suffisent pas à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’argent prêté par M. Li était la source de dépôts visés supplémentaires. Ces éléments de preuve peuvent cependant suffire à soutenir une hypothèse viable et raisonnable selon laquelle les dépôts visés provenaient d’une source non imposable [55] , dont il sera question ci-dessous.

E. Remboursement du prêt accordé à M. Brylev

(1) Remboursements allégués effectués par Valeriy Brylev

a)  Aperçu

[38]  Le prêt de 25 000 $ consenti par M. Semenov à Igor Brylev était documenté dans une entente de prêt personnel datée du 5 septembre 1997 [56] . L’une des clauses de cette entente indique que, pour protéger le prêteur (c.-à-d. M. Semenov), Igor Brylev offrait un [traduction] « garant cosignataire », soit Valeriy Anatolyevich Brylev, que l’on décrivait comme le frère de l’emprunteur et à qui l’on renvoyait aussi dans l’entente sous le nom de [traduction] « garant signataire, “co-emprunteur” », en dépit du fait que Valeriy n’a pas signé l’entente en réalité. Après le décès d’Igor, Valeriy aurait apparemment entrepris de s’acquitter de l’obligation de son frère à l’égard de M. Semenov. À deux ou trois reprises, comme il est expliqué ci-dessous, Valeriy aurait prétendument envoyé de l’argent ou au moins un chèque à M. Semenov.

[39]  M. Semenov a indiqué dans son témoignage à deux reprises, une fois en 2003 ou en 2004 et de nouveau en 2011, son fils, Dimitriy, s’est rendu à Minsk (Bélarus) pour des activités liées au hockey et il a rencontré Valeriy Brylev. À la première rencontre, Valeriy a remis à Dimitriy une enveloppe contenant de l’argent. M. Semenov a indiqué dans son témoignage que la somme s’élevait à environ 6 000 $ US, quoiqu’il ait aussi indiqué qu’elle correspondait à 5 000 $ US à un certain moment [57] . Toutefois, pendant au moins une des conversations que M. Semenov a eues avec des représentants de l’ARC pendant la vérification, il a indiqué avoir reçu des versements de remboursement de Valeriy Brylev, des sommes respectives de 3 000 $ US en argent comptant en 2003, de 9 000 $ US en argent comptant en 2010 et de 12 990 $ CA en chèques en 2011 [58] . Il convient de mentionner que, pendant la vérification, M. Semenov a indiqué à l’ARC que le paiement effectué en 2003 correspondait à 3 000 $ US; toutefois (comme il est indiqué ci-dessus), il a témoigné à l’audience en disant que ce montant s’élevait à 6 000 $ US (ou peut-être à 5 000 $ US). Il convient aussi de mentionner que M. Semenov n’a pas parlé du remboursement effectué en 2010 dans son témoignage. En ce qui concerne le remboursement effectué en 2011, M. Semenov a témoigné avoir reçu et déposé dans son compte bancaire un seul chèque d’environ 13 000 $ US; toutefois (comme il est indiqué ci-dessus), il avait dit à l’ARC auparavant qu’il avait reçu des chèques dont la somme s’élevait à 12 990 $ CA [59] .

[40]  Dimitriy Semenov a indiqué, dans son témoignage, qu’il transportait des enveloppes contenant de l’argent de Valeriy Brylev, à Minsk (Bélarus) à son père (c.-à-d. M. Semenov) à Toronto en 2003 et en 2010 [60] . À la première occasion, en 2003, Dimitriy croyait que l’enveloppe contenait probablement 3 000 $ environ, mais il n’a pas compté l’argent [61] . Lorsqu’il a témoigné sur la deuxième et dernière rencontre, en 2010, lorsqu’il a transporté une enveloppe d’argent destinée à son père de la part de Valeriy, Dimitriy n’a pas indiqué la quantité d’argent qu’elle contenait [62] .

[41]  Vu les incohérences décrites ci-dessus entre les récits livrés par M. Semenov pendant la vérification et pendant son témoignage à l’audience, et le récit livré par Dimitriy Semenov, j’ai des doutes sur la fiabilité des éléments de preuve sur les remboursements de prêt effectués par Valeriy Brylev au nom de son frère décédé. Je discuterai donc des trois remboursements allégués de prêt de façon plus approfondie ci-dessous.

b)  Remboursement allégué effectué en 2003

[42]  Même si j’acceptais le fait que Valeriy Brylev a effectué un remboursement de prêt au nom de son frère décédé, Igor, en 2003, pour un montant de 3 000 $ US, de 5 000 $ US ou de 6 000 $ US (selon les éléments de preuve acceptés), M. Semenov aurait reçu ces fonds environ sept ans et demi avant la première des années d’imposition en litige en l’espèce. Je suis d’avis qu’il est très improbable que l’argent reçu par M. Semenov en 2003 ait été la source d’au moins un des dépôts visés effectués en 2011 ou en 2012.

c)  Remboursement allégué effectué en 2010

[43]  Je crois comprendre que, selon Dimitriy Semenov, le deuxième remboursement allégué (soi‑disant d’un montant de 9 000 $ US) a été effectué par Valeriy Brylev au cours de l’été 2010, ce qui correspondrait à quatre à six mois avant le début de l’année 2011, la première des deux années d’imposition fait l’objet des appels en l’espèce. Si ce remboursement allégué était la source de l’un des dépôts visés, M. Semenov aurait donc dû conserver l’argent pendant plusieurs mois avant de le déposer. M. Semenov n’a pas présenté d’éléments de preuve détaillés sur l’endroit où il a conservé cette somme particulière lorsqu’il l’a reçue, sur ce qu’il a fait avec l’argent de la moitié de l’année 2010 jusqu’à la date ou aux dates en 2011 auxquelles les fonds auraient prétendument été déposés dans un compte bancaire et sur les dépôts effectués avec cette somme.

[44]  Comme il est indiqué ci-dessus, en janvier 2011, quatre dépôts visés (pour un total de 7 600 $) ont été effectués dans le compte à la Banque Scotia [63] . M. Semenov a indiqué dans son témoignage que les fonds soi-disant utilisés pour effectuer ces quatre dépôts provenaient de son beau-père ou de sa femme (et je n’ai pas accepté ces explications); toutefois, afin de donner à M. Semenov le bénéfice du doute, je me suis demandé si les 9 000 $ US prétendument payés par Valeriy à M. Semenov au cours de l’été 2010 auraient pu être la source de ces quatre dépôts visés effectués en janvier 2011. Toutefois, si tel était le cas, il me semble étranger que quatre dépôts aient été effectués dans le compte à la Banque Scotia pendant ce mois plutôt qu’un seul.

[45]  L’autre difficulté soulevée, selon moi, est le fait que chacun des dépôts visés effectués en janvier 2011 indique un chiffre rond (c.-à-d. 2 600 $, 1 500 $, 2 000 $ et 1 500 $). Étant donné que le remboursement de prêt allégué effectué par Valeriy en 2010 était en devises américaines, on se serait attendu à ce que l’équivalent en devises canadiennes de ce remboursement ne soit pas un chiffre rond, mais bien un chiffre qui tenait compte du fait que le taux de change n’aurait très probablement pas donné lieu à un chiffre rond en devises canadiennes.

d)  Remboursement(s) allégué(s) effectués en 2011

[46]  En dépit du fait qu’il avait déjà indiqué au vérificateur de l’ARC qu’il avait reçu trois remboursements de prêt de Valeriy Brylev, M. Semenov a indiqué dans son témoignage qu’il n’avait reçu que deux remboursements et que le deuxième avait été effectué en 2011, lorsqu’il avait reçu un chèque en personne d’un montant approximatif de 13 000 $, qu’il avait déposé dans l’un de ses comptes bancaires personnels [64] . Je n’ai toutefois repéré aucun dépôt d’un montant de 13 000 $ ou d’un montant à peu près égal à ce dernier dans mon examen des dépôts visés.

[47]  Si, toutefois, Valeriy Brylev a remis plusieurs chèques (pour un montant total de 12 990 $) à M. Semenov en 2011, comme ce dernier l’aurait apparemment dit à l’ARC, peut-être y a-t-il un lien entre ces chèques et les dépôts visés de 7 090 $ et de 5 900 $ (pour un total de 12 990 $) effectués le 13 janvier 2011 et le 7 juin 2011 respectivement dans le compte conjoint à la BMO [65] , [66] . Pendant son interrogatoire principal, M. Semenov a semblé suggérer que c’était le cas, même s’il ne pouvait [traduction] « le garantir ». Voici ce qu’il a indiqué pendant son témoignage [67]  :

[traduction]

M. SEMENOV : [...] nous [ma femme et moi] avons ouvert ce compte [conjoint à la BMO] tout simplement pour –– afin de mettre de l’argent de côté. Et, je crois –– je crois avoir déposé –– ces deux montants que je crois avoir déposés de –– je ne peux le garantir, mais principalement de cette personne qui m’a remboursé un prêt personnel que je lui avais accordé. Je ne peux pas le garantir, mais c’est très probablement le cas.

LA COUR : [...] Avez-vous dit qu’il s’agissait de montants déposés en tant que prêt personnel, qui ––

M. SEMENOV : Oui, c’est de ––

LA COUR : –– que vous avez reçu ou provenaient-ils du remboursement d’un prêt personnel?

M. SEMENOV : Un remboursement d’Igor Brylov [sic]. [68]

[48]  Toutefois, si Valeriy Brylev avait remis à M. Semenov deux chèques aux montants respectifs de 7 090 $ CA et de 5 900 $ CA en 2011 et si ces chèques étaient la source des dépôts visés des mêmes montants effectués le 13 janvier 2011 et le 7 juin 2011 dans le compte conjoint à la BMO, l’incidence de ces dépôts sur les appels en l’espèce n’est peut-être pas importante, étant donné que, comme il a été expliqué ci-dessus, il semble que l’ARC ne les a pas inclus dans le calcul du revenu pour lequel M. Semenov et Belca ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation [69] . Si le vérificateur de l’ARC a accepté l’affirmation de M. Semenov selon laquelle les chèques de Valeriy Brylev étaient la source des deux dépôts effectués en 2011 dans le compte conjoint à la BMO, cela pourrait expliquer pourquoi l’ARC n’a apparemment pas inclus les dépôts visés effectués dans le compte à la BMO dans le calcul du revenu pour lequel M. Semenov et Belca ont respectivement fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour l’année 2011.

[49]  Étant donné que M. Semenov a indiqué dans son témoignage qu’il croyait que les deux dépôts effectués en 2011 dans le compte conjoint à la BMO, même s’il [traduction] « ne pouvait le garantir », avaient [traduction] « très probablement » été effectués avec l’argent que Valeriy Brylev lui a remis en guise de remboursement partiel du prêt consenti précédemment à Igor Brylev, il s’ensuit que ces fonds (s’ils ont effectivement été versés par Valeriy Brylev a M. Semenov) n’auraient pu être la source d’aucun autre des dépôts visés [70] .

(2) Conclusion

[50]  Pour les motifs expliqués ci-dessus, les éléments de preuve sur les remboursements allégués du prêt par Valeriy Brylev ne permettent pas à M. Semenov de s’acquitter du fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils étaient la source d’au moins un des dépôts visés effectués dans le compte à la Banque Scotia ou dans le compte à la CIBC. Ces éléments de preuve peuvent cependant suffire à soutenir une hypothèse viable et raisonnable selon laquelle les dépôts visés provenaient d’une source non imposable, dont il sera question ci-dessous [71] .

F. Le compte de prêts à l’actionnaire

[51]  L’ARC a cerné trois montants en 2011 et un montant en 2012 que Belca a ajoutés au compte de prêt à l’actionnaire pour M. Semenov, sans indiquer si M. Semenov avait remboursé ces montants à Belca. Ces quatre inscriptions au crédit dans le compte de prêt à l’actionnaire sont présentées dans le tableau ci‑dessous [72]  :

Tableau 12

 

Date

Description

Montant

Le 28 mars 2011

Mise de fonds de l’actionnaire

 4 000,00 $

Le 31 décembre 2011

Paiement versé à un travailleur

5 360,00

Le 31 décembre 2011

Autre écriture au journal

 1 017,84

 

Total pour l’année 2011

10 377,84 $

Le 15 novembre 2012

Mise de fonds de l’actionnaire

2 452,00 $

[EN BLANC]

Total pour l’année 2012

2 452,00 $

L’ARC a traité ces quatre écritures de crédit comme un avantage imposable en vertu du paragraphe 15(1) de la LIR. Ces montants sont abordés de façon plus détaillée ci-dessous.


(1) Mises de fonds prétendues de l’actionnaire

[52]  En mars 2011, la somme de 4 000 $ a été déposée dans le compte de Belca à la Banque Scotia; en novembre 2012, la somme de 2 452 $ a été déposée dans ce même compte. Belca a consigné ces deux dépôts en tant que mises de fonds de l’actionnaire. L’ARC n’a pas pu trouver d’information (y compris un retrait ou un transfert effectué à même les comptes bancaires personnels de M. Semenov) permettant de confirmer qu’il était lui-même la source de ces fonds. L’ARC a donc traité chacun de ces dépôts comme un revenu d’entreprise non déclaré pour Belca et un avantage aux actionnaires imposable conféré par Belca à M. Semenov.

[53]  Rita Leung, une vérificatrice de l’ARC, a témoigné pour la Couronne et a expliqué que l’ARC avait supposé que M. Semenov s’était approprié certaines recettes de ventes de Belca, des montants respectifs de 4 000 $ en 2011 et de 2 542 $ en 2012, et qu’il avait déposé l’argent représentant ces recettes dans le compte bancaire de Belca, ce qui a fait en sorte que Belca a consigné les dépôts en tant que mises de fonds de l’actionnaire. L’ARC a donc inclus chacun des montants dans le revenu de Belca et de M. Semenov [73] .

[54]  J’ai examiné le carnet de dépôts pour le compte de Belca à la Banque Scotia pour la période allant du 7 mars 2012 au 3 décembre 2012 [74] . Je n’ai pas remarqué de dépôt de 2 452 $ effectué le 15 novembre 2012 (la date indiquée dans le tableau 12). Un dépôt de ce montant a cependant été effectué le 2 novembre 2012. Selon les écritures dans le carnet de dépôts, deux chèques ont été déposés comme suit le 2 novembre 2012 :

Tableau 13

 

Description

Montant

QSU

452,00 $

St. Nicol Cp. [75]

 2 000,00

Total

2 452,00 $

Mme Leung n’a pas expliqué la différence dans les dates; il semble toutefois que les dépôts bancaires auraient été effectués le 2 novembre 2012, tandis que l’écriture dans le compte de prêt à l’actionnaire a été faite en date du 15 novembre 2012. Étant donné qu’aucun carnet de dépôts pour l’année 2011 n’a été produit en preuve, il m’a été impossible de déterminer si Belca avait déposé 4 000 $ dans son compte à la Banque Scotia le 28 mars 2011 environ.

[55]  M. Semenov n’a présenté aucun élément de preuve afin d’expliquer les deux dépôts susmentionnés ou les écritures dans le compte de prêt à l’actionnaire ou de réfuter les hypothèses formulées par l’ARC pour ces deux dépôts et écritures. Au premier jour de l’audience, l’avocat des appelants a renvoyé aux quatre écritures dans le compte de prêt à l’actionnaire, sans toutefois produire d’éléments de preuve pour les écritures de 4 000 $ et de 2 452 $ [76] . Pendant ses observations orales, l’avocat des appelants a suggéré que le traitement fait par l’ARC pour le dépôt de 4 000 $ et le dépôt de 2 452 $ comportait un élément de double comptage. Toutefois, étant donné que l’on ne m’a présenté aucune preuve orale ou documentaire (hormis le témoignage de Mme Leung) pour expliquer les opérations ayant donné lieu aux deux écritures susmentionnées dans le compte de prêt à l’actionnaire, M. Semenov et Belca n’ont pas réussi à déconstruire les hypothèses de la ministre pour ces écritures.

(2) Paiement versé à un travailleur

[56]  Le 31 décembre 2011, Belca a crédité la somme de 5 360 $ au compte de prêt à l’actionnaire de M. Semenov. Il semblerait qu’au moment d’expliquer cette écriture de crédit au vérificateur, M. Semenov a indiqué qu’il avait payé ce montant au nom de Belca à Francis (Frank) Shelton, un chauffeur d’autobus qui travaillait aussi pour Belca [77] . M. Semenov a indiqué dans son témoignage que M. Shelton lui avait demandé de mettre de côté une partie de l’argent que Belca lui verserait autrement [traduction] « presque tous les jours de paye ou chaque mois, disons », et de le payer plus tard [78] . M. Semenov a aussi indiqué que [traduction] « à la fin de –– avant Noël, je crois, ou peu importe ». M. Shelton a demandé à M. Semenov de lui remettre l’argent qu’il retenait à même sa rémunération et M. Semenov l’a payé [79] , [80] .

[57]  M. Semenov n’a fourni aucun autre détail sur cet arrangement. Par exemple, il n’a pas indiqué si Belca avait payé le montant total de chaque facture à M. Shelton, qui remettait ensuite une partie de cet argent à M. Semenov, qui devait la conserver jusqu’à ce que M. Shelton en ait besoin, ou si Belca avait payé à M. Shelton un montant inférieur au montant total dû pour chacune des factures et avait conservé le solde. Si c’est la première situation qui s’est produite, c’est M. Semenov qui devait de l’argent à M. Shelton, ce qui signifie que, lorsque M. Semenov a effectué le paiement, le 31 décembre 2011, il se serait libéré de sa propre obligation à l’égard de M. Shelton et cela n’aurait pas été consigné dans le compte de prêt à l’actionnaire. Si c’est la deuxième situation qui s’est produite (c.‑à-d., si Belca avait retenu une partie de la rémunération due à M. Shelton), c’est Belca (et pas M. Semenov) qui aurait versé le paiement subséquent à M. Shelton. Quoi qu’il en soit, le compte de prêt à l’actionnaire n’aurait pas été crédité. Peut-être une combinaison des deux possibilités susmentionnées s’est produite (c.-à-d. Belca retenait une partie de la rémunération de M. Shelton et M. Semenov utilisait ses propres fonds pour le payer). M. Semenov n’a donné aucune indication sur ce qui s’était produit exactement. Qui plus est, M. Semenov n’a pas appelé M. Shelton afin qu’il témoigne à l’audition des présents appels.

[58]  Vu les préoccupations soulevées dans le paragraphe précédent et l’absence de preuves présentées à l’audience pour le paiement de 5 360 $ effectué à M. Shelton, M. Semenov n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’écriture de crédit dans le compte de prêt à l’actionnaire (pour le paiement de 5 360 $ versé à M. Shelton) représentait le paiement, par M. Semenov, d’une obligation au nom de Belca.


(3) Autre écriture au journal

[59]  Comme l’ARC l’a décrit, le 31 décembre 2011, une écriture au journal indiquait un [traduction] « débit aux dépôts des ventes et crédit au compte d’argent comptant » d’un montant de 1 017,84 $ [81] . Étant donné que M. Semenov n’a présenté à l’ARC aucun renseignement pour montrer qu’il avait réellement payé la somme de 1 017,84 $ à Belca, l’ARC a traité l’écriture de crédit de ce montant comme un avantage imposable. Pendant son témoignage, M. Semenov n’a présenté aucune explication sur cette écriture en particulier. Par conséquent, il n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’hypothèse formulée par la ministre à l’égard de cette écriture était erronée.

G. Autres avantages à un actionnaire

[60]  Comme il est indiqué ci-dessus, l’ARC a traité les dépôts visés et les écritures susmentionnées dans le compte de prêt à l’actionnaire en tant qu’avantages conférés par Belca à M. Semenov en tant qu’actionnaire, de sorte qu’ils sont imposables en vertu du paragraphe 15(1) de la LIR. En plus de ces montants, l’ARC a aussi traité en tant qu’avantages à un actionnaire certaines dépenses engagées par Belca en 2012 au nom de M. Semenov pour des achats effectués auprès des commerçants suivants, des montants indiqués :

Tableau 14

 

Commerçant

Montant

Browns

338,98 $

Holt Renfrew

207,02

Hugo Boss

 79,09

Total

625,09 $

[61]  M. Semenov n’a présenté aucune preuve orale ou documentaire sur les dépenses indiquées ci-dessus. Par conséquent, il n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que les éléments indiqués ci-dessus n’auraient pas dû être inclus dans le calcul de son revenu pour 2012.


H. Revenu de sous-traitant

[62]  Pendant sa vérification, l’ARC a remarqué que Belca avait déduit en tant que dépense la somme de 5 900 $, qu’elle avait apparemment payée en 2011 à M. Semenov pour des factures qu’il lui avait envoyées à titre de sous-traitant. Pendant son examen de la déclaration de revenus de 2011 de M. Semenov, l’ARC a remarqué qu’il n’avait pas déclaré le revenu de sous-traitant du montant de 5 900 $ [82] . Ainsi, lorsqu’elle a établi une nouvelle cotisation à l’égard de M. Semenov pour 2011, comme il est indiqué à l’alinéa 12t) de la réponse à l’appel interjeté par M. Semenov, la ministre a supposé qu’en 2011, M. Semenov, en tant que sous-traitant, avait offert ses services à Belca, dont il avait reçu une rémunération de 5 900 $ qu’il n’a pas déclarée. Outre les documents de l’ARC présentés dans la pièce A-1, M. Semenov n’a présenté aucune preuve orale ou documentaire sur l’hypothèse liée au revenu de sous-traitant de 5 900 $. Par conséquent, M. Semenov n’a pas réussi à démolir cette hypothèse.

I. Dépenses de publicité

[63]  En 2012, Belca a acheté des breuvages auprès de la Régie des alcools de l’Ontario pour un montant de 1 623,75 $ et a traité toutes ces dépenses comme des frais de publicité. Il semble que l’ARC a appliqué le paragraphe 67.1(1) de la LIR et qu’elle n’a accordé que 50 % de ce montant en tant que dépense déductible et qu’elle a refusé la déduction pour les 50 autres %.

[64]  Belca a aussi traité les paiements effectués aux commerçants, indiqués dans le tableau 14, ci-dessus, en tant que frais de publicité. L’ARC a également refusé ces dépenses, ce qui a donné lieu au total suivant de frais de publicité refusés en 2012 :

Tableau 15

 

Dépenses refusées

Montant

50 % des coûts liés aux breuvages

  811,87 $

Browns

338,98

Holt Renfrew

207,02

Hugo Boss

___ 79,09

Total

1 436,96 $

[65]  Pendant l’audience, l’avocat de M. Semenov et de Belca a indiqué qu’il était illogique, sur le plan économique, de contester le refus de la déduction des 1 437 $ (montant arrondi) des dépenses de publicité. Par conséquent, Belca a reconnu que ces dépenses avaient été refusées correctement [83] .

J. Concessions faites par la Couronne

[66]  Aux alinéas 12l) à n) de la réponse à l’appel interjeté par M. Semenov, la Cour a indiqué que la ministre, au moment de déterminer la dette fiscale de M. Semenov pour 2012, avait supposé que la somme des dépôts visés pour cette année correspondait à 19 390,35 $. Plus loin dans la réponse, la Cour a indiqué qu’au moment de calculer le quantum des ventes non déclarées pour 2012 (et donc, le montant à inclure au revenu de M. Semenov en tant qu’avantage à un actionnaire aux fins de la nouvelle cotisation pour l’année 2012), la ministre avait utilisé par inadvertance le montant de 19 930 $ plutôt que de 19 390 $. Autrement dit, le montant du revenu supplémentaire que la ministre a inclus afin de calculer le revenu de M. Semenov pour l’année 2012 était trop élevé de 540 $ (c.-à-d. 19 930 $ - 19 390 $).

[67]  Aux alinéas 8n) à p) de la réponse à l’appel interjeté par Belca, la Couronne a indiqué que la ministre, au moment de déterminer la dette fiscale de Belca pour 2012, avait supposé que la somme des dépôts visés pour cette année correspondait à 19 390,35 $. Plus loin dans la réponse, la Couronne a indiqué qu’au moment de calculer le quantum des ventes non déclarées pour 2012 (aux fins de la nouvelle cotisation pour l’année 2012), la ministre avait utilisé par inadvertance le montant de 19 930 $ plutôt que de 19 390 $. Autrement dit, le montant du revenu supplémentaire que la ministre a inclus afin de calculer le revenu de Belca pour l’année 2012 était trop élevé de 540 $ (c.-à-d. 19 930 $ - 19 390 $).

[68]  Pendant ses observations orales le deuxième jour de l’audition des présents appels, l’avocat de la Couronne a reconnu les erreurs susmentionnées commises par la ministre dans l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard de M. Semenov et de Belca et a admis que les appels devraient être accueillis, dans la mesure où ils réduisent le revenu de M. Semenov et le revenu de Belca pour l’année 2012 de 540 $ pour chacun.

K. Établissement de nouvelles cotisations après les périodes normales de nouvelle cotisation

[69]  Comme il est indiqué ci-dessus, les nouvelles cotisations émises par la ministre à l’égard de M. Semenov et de Belca pour leur année d’imposition respective de 2011 ont été émises après les périodes normales de nouvelle cotisation relatives à ces années. Le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la LIR prévoit que la ministre peut établir une nouvelle cotisation concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable pour l’année si le contribuable a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou s’il a commis quelque fraude en produisant la déclaration de revenus pour cette année. Il incombe donc à la Couronne de prouver que M. Semenov et Belca ont tous deux fait une présentation erronée des faits et que cette présentation erronée avait été effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire ou qu’elle était attribuable à une fraude [84] . La Cour d’appel fédérale a expliqué ainsi ce fardeau :

Bien que le ministre bénéficie des présomptions de fait qui sous-tendent la nouvelle cotisation, il ne jouit d’aucun avantage semblable pour ce qui est de la preuve des faits justifiant l’établissement d’une nouvelle cotisation hors de la période statutaire, ou encore des faits justifiant l’imposition d’une pénalité en raison de l’inconduite du contribuable dans la production de sa déclaration de revenus. Le ministre est indéniablement dans l’obligation de mettre en preuve les faits justifiant l’invocation de ces mesures exceptionnelles. [85]

Par conséquent, ni M. Semenov ni Belca ne sont tenus de s’acquitter d’un fardeau de preuve qui leur exige de démolir les hypothèses de fait présentées par la ministre, indiquées respectivement au paragraphe 13 de la réponse à l’appel de M. Semenov et au paragraphe 9 de la réponse à l’appel de Belca.

(1) Nouvelle cotisation à l’égard de Belca

[70]  La Couronne a présenté une pièce mixte formée de copies du rapport de vérification pour Belca, du rapport recommandant l’établissement d’une cotisation après l’expiration de la période normale de (nouvelle) cotisation pour Belca (le « rapport prévu au paragraphe 152(4) » et le rapport recommandant une pénalité à l’égard de Belca [86] . Dans le rapport prévu au paragraphe 152(4), l’ARC a indiqué qu’il était impossible de rapprocher les dépôts visés avec les ventes déclarées par Belca dans sa déclaration de revenus (sans indiquer s’il s’agissait de la déclaration de 2011 ou de 2012).

[71]  Au moyen du témoignage oral de Rita Leung (qui était l’une des vérificatrices de l’ARC qui a effectué les vérifications de Belca et de M. Semenov), du rapport prévu au paragraphe 152(4), des rapports de vérification et des rapports recommandant une pénalité qu’elle a préparés pour Belca et M. Semenov, l’ARC a présenté des éléments de preuve sur les dépôts visés. [87] Comme il est expliqué ci-dessus, on a montré que certains des dépôts visés (dans une mesure de 14 500 $) provenaient de sources non imposables, ce qui signifie que les autres dépôts visés auraient pu constituer des recettes de ventes que Belca n’a pas déclarées. Il s’agit donc d’une présentation erronée des faits aux fins du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la LIR [88] . Étant donné que Belca, par l’intermédiaire de son administrateur et agent (c.-à-d. M. Semenov), était au courant des dépôts visés, je suis d’avis que l’omission de déclarer les recettes de vente imputables à la partie imposable des dépôts visés était attribuable à de la négligence, à une inattention ou à une omission volontaire.

[72]  En outre, les écritures de crédit dans le compte de prêt à l’actionnaire de Belca pour M. Semenov, comme il en est question aux paragraphes 51 à 59 ci‑dessus, constituaient aussi des recettes de vente non déclarées. L’ARC a présenté des éléments de preuve sur ces écritures de crédit, qui auraient été faites par Belca par l’intermédiaire de son administrateur, de son agent ou de son employé. Ainsi, je suis d’avis que ces écritures de crédits constituent une présentation erronée des faits attribuables à de la négligence, à une inattention ou à une omission volontaire.

(2) Établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard de M. Semenov

[73]  Comme il est indiqué ci-dessus, la pièce R-1 contient une copie du rapport recommandant l’établissement d’une cotisation après l’expiration de la période normale de (nouvelle) cotisation pour Belca. La Couronne n’a présenté aucune copie d’un rapport semblable pour M. Semenov.

[74]  Comme il est indiqué ci-dessus, dans le rapport de vérification pour M. Semenov, on mentionne qu’en 2011, il a été sous-traitant de Belca et, conformément aux factures qui lui ont été émises, il a reçu une rémunération de 5 900 $, qu’il n’a pas déclaré dans sa déclaration de revenus de 2011 [89] . M. Semenov n’a présenté aucun élément de preuve sur son travail ou sa rémunération en tant que sous-traitant et il n’a rien mentionné dans son témoignage sur les factures auxquelles on renvoie dans le rapport de vérification. L’omission de M. Semenov de déclarer cette rémunération dans sa déclaration de revenus constituait une présentation erronée des faits aux fins du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la LIR. Étant donné que M. Semenov semblait être l’auteur des factures pour le revenu de sous-traitant de 5 900 $, son omission de déclarer ce revenu a été faite par négligence, inattention ou omission volontaire.

[75]  Comme il en est question ci-dessus, seuls certains des dépôts visés (dans une mesure de 14 500 $) provenaient de sources non imposables, ce qui signifie que les autres dépôts visés, qui représentaient aussi probablement des recettes de vente non déclarées de Belca, représentaient aussi probablement des avantages imposables à un actionnaire conférés par Belca à M. Semenov, que ce dernier a omis de déclarer [90] . Étant donné que M. Semenov a effectué certains des dépôts visés à tout le moins dans les comptes bancaires respectifs, j’ai conclu qu’aux fins du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la LIR, il y a eu une autre présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, possiblement.

L. Les pénalités

(1) Principes

[76]  Même si j’ai conclu que la ministre avait le droit d’établir une cotisation à l’égard de M. Semenov pour l’année d’imposition 2011 après l’expiration des périodes normales de nouvelle cotisation applicables à cette année, cette conclusion ne joue pas un rôle déterminant au moment de déterminer si les pénalités imposées à leur égard en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi peuvent être maintenues. Comme il est indiqué dans Yunus :

Par ailleurs, il est établi que le genre de conduite d’un contribuable qui justifie la réouverture par le ministre du dossier concernant les années prescrites, aux termes du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la LIR, ne justifie pas nécessairement l’imposition de pénalités aux termes du paragraphe 163(2) LIR. De fait, les dispositions du paragraphe 163(2) sont de nature pénale et appellent un degré de culpabilité plus élevé. [91]

L’énoncé qui précède est conforme aux commentaires formulés dans Venne :

Il convient de souligner que, pour que la pénalité [en vertu du paragraphe 163(2)] soit applicable, il faut un degré de culpabilité plus élevé, soit avec connaissance réelle, soit avec faute lourde, que ne l’impose le paragraphe 152(4) pour que soient réouvertes [sic] des cotisations antérieures de plus de quatre ans [maintenant trois], la simple négligence étant suffisante apparemment dans ce dernier cas. [92]

[77]  Le paragraphe 163(3) de la LIR indique que c’est la ministre qui a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2). Il s’agit d’une charge significative, comme on l’explique dans Boileau :

L’appelant a été incapable de contredire les éléments de base des évaluations de la valeur nette. Cependant, cela ne suffit pas selon moi pour que le ministre s’acquitte du fardeau de la preuve qui lui incombe. En décider autrement serait enlever tout objet au paragraphe 163(3) en renversant sur l’appelant le fardeau de la preuve qui incombe au ministre.

[...] En fait, le paragraphe 163(3) exige que l’on fasse la preuve de l’intention ou de la faute lourde du contrevenant, chose qui, à mon sens, devrait être faite d’une manière structurée, claire et convaincante. En fait, le paragraphe 163(3) exige que l’on fasse la preuve de l’intention ou de la faute lourde du contrevenant, chose qui, à mon sens, devrait être faite de manière structurée, claire et convaincante. [93]

Comme il est indiqué ci-dessus, la ministre ne bénéficie pas des présomptions de fait pour ce qui est de la preuve des faits justifiant l’imposition d’une pénalité [94] . Par conséquent, ni M. Semenov ni Belca ne sont tenus de s’acquitter d’un fardeau de preuve qui leur exige de démolir les hypothèses de fait présentées par la ministre, indiquées respectivement au paragraphe 13 de la réponse à l’appel de M. Semenov et au paragraphe 9 de la réponse à l’appel de Belca.

[78]  Il faut faire preuve de circonspection au moment d’approuver l’imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR :

Une cour doit faire preuve d’une prudence extrême lorsqu’elle sanctionne l’imposition de pénalités prévues au paragraphe 163(2). Une conduite qui légitime l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une année frappée de prescription ne justifie pas d’office l’imposition d’une pénalité, et l’imposition systématique de pénalités, par le ministre, est une pratique qui est à déconseiller.[...] Par ailleurs, quand une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(2) même si une norme de preuve civile est exigée, lorsque la conduite d’un contribuable cadre avec deux hypothèses viables et raisonnables, l’une qui justifie la pénalité et l’autre pas, il convient d’accorder le bénéfice du doute au contribuable, et de supprimer la pénalité. [95] [ Renvois omis.]

Ainsi, il est nécessaire de déterminer si une hypothèse viable et raisonnable peut mener au bénéfice du doute accordé à M. Semenov et à Belca.

(2) La pénalité imposée à M. Semenov

[79]  Mme Leung a recommandé d’imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR à l’égard de M. Semenov pour les années 2011 et 2012; son chef d’équipe et son chef de section étaient d’accord avec cette recommandation. Toutefois, lorsque les nouvelles cotisations ont été traitées et que les avis de nouvelle cotisation ont été émis, pour des raisons que Mme Leung ignore, seule la pénalité pour l’année 2011 a été imposée, et pas celle pour l’année 2012 [96] .

[80]  Mme Leung a expliqué ainsi l’analyse menée par l’ARC pour décider d’imposer une pénalité à l’égard de M. Semenov :

[traduction]

Nous imposons la pénalité parce que, lorsque nous examinons le revenu déclaré par l’actionnaire, ce dernier, au cours de la période de vérification, avait un revenu annuel de moins de 20 000 $. Si l’on examine le revenu non déclaré, on constate qu’il est supérieur à 20 000 $, soit plus que ce que l’actionnaire a déclaré dans sa déclaration de revenus; il s’agissait d’un montant considérable.

En outre, étant donné qu’il était la seule personne qui menait toutes les activités quotidiennes de l’entreprise et qu’il effectue les dépôts, il les prépare et il gère la facturation, nous avons conclu qu’il aurait dû savoir qu’il avait ce revenu.

Et, si l’on constate que le revenu non déclaré est transféré dans son compte bancaire personnel de façon régulièrement, presque mensuelle, ce genre d’activité nous, nous, nous [sic] porterait à conclure qu’il aurait dû savoir qu’il était négligent à cet égard. [97]

L’énoncé ci-dessus sous-entend que l’ARC, dans son analyse de la pénalité à imposer, s’est concentrée sur la question visant à déterminer si la situation de M. Semenov correspondant à de la négligence équivalait à de la négligence, et non si cette situation correspondait à une faute lourde. Toutefois, à un autre moment pendant son témoignage, Mme Leung a renvoyé à [traduction] « la pénalité pour faute lourde » et a indiqué que l’ARC était d’avis que M. Semenov [traduction] « avait commis une faute lourde [...] en omettent de déclarer son revenu » [98] .

[81]  L’explication présentée par Mme Leung sur la décision de l’ARC d’établir une cotisation à l’égard de M. Semenov pour l’écriture de 2 452 $ dans le compte de prêt à l’actionnaire le 15 novembre 2012 soulève elle aussi une préoccupation. Lorsqu’on lui a demandé si l’ARC avait des éléments de preuve selon lesquels M. Semenov avait bel et bien [traduction] « sorti » (ce qui voulait sans doute dire « retiré ») la somme de 2 452 $ de son compte de prêt à l’actionnaire, Mme Leung semble avoir mal compris la question et a répondu ainsi :

[traduction]

Étant donné que nous ne pouvons pas [sic] lorsqu’il, lorsqu’il a déclaré avoir effectué l’écriture au journal dans le compte de prêt à l’actionnaire, en indiquant qu’il a déposé 2 452 $ dans le compte, nous verrons si ce montant provient de son compte bancaire personnel, qu’il a effectivement pris de l’argent de ses propres poches et qu’il l’a transféré à l’entreprise. Nous n’avons toutefois pas réussi à déterminer que l’argent provenait de son compte bancaire et, étant donné que l’entreprise est sa seule source de revenus, nous supposons qu’il a pris l’argent de l’entreprise et l’a transféré dans le compte de prêt à l’actionnaire. [99] [Je souligne]

L’approche adoptée par l’ARC pour « supposer » que M. Semenov avait pris des fonds de Belca peut suffire à soutenir l’établissement d’une cotisation pour l’impôt, pour laquelle la ministre a l’avantage de pouvoir faire des hypothèses de fait, que le contribuable doit ensuite démolir; elle ne suffit toutefois pas à soutenir une conclusion selon laquelle un contribuable a tiré un revenu qu’il a omis de déclarer, ce qui le rend passible d’une pénalité, étant que la ministre n’a pas l’avantage de formuler des hypothèses à l’appui de la pénalité [100] . Il est vrai que l’écriture de 2 452 $ dans le compte de prêt à l’actionnaire a été faite en 2012, année pour laquelle la ministre n’a pas imposé de pénalité à l’égard de M. Semenov. Toutefois, comme je l’expliquerai ci-dessous lorsqu’il sera question de l’approche adoptée par l’ARC pour imposer une pénalité à l’égard de Belca, il semble que l’ARC n’a pas adopté l’approche de « présomption » uniquement pour l’écriture de 2 452 $ dans le compte de prêt à l’actionnaire.

[82]  C’est un vérificateur autre que Mme Leung qui a commencé la vérification de M. Semenov et de Belca. L’autre vérificateur a mené la première entrevue avec M. Semenov [101] . Cet autre vérificateur a préparé un questionnaire d’entrevue, qui a été mis à la disposition de Mme Leung quand le dossier lui a été transféré [102] . Cet autre vérificateur n’a pas témoigné et le questionnaire d’entrevue n’a pas été produit en preuve [103] . Pendant son contre-interrogatoire, Mme Leung a aussi renvoyé à une lettre que M. Semenov avait envoyée à l’ARC, où il aurait indiqué, en réponse à une question visant à savoir combien d’argent il conservait à l’extérieur de son compte bancaire, qu’il en conservait une quantité [traduction] « minime » [104] . Tout comme le questionnaire d’entrevue, cette lettre de M. Semenov n’a pas été présentée en preuve et n’a pas été mise à la disposition de l’avocat des appelants lorsqu’il a présenté une demande à ce titre en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels [105] .

[83]  Dans le rapport de vérification pour M. Semenov, on indique que l’ARC a examiné, dans le cadre de sa vérification, les renseignements T1 provenant du système interne de l’ordinateur central de l’Agence, du dossier de vérification T2 et des documents de travail de The X Y Centre Limited (le « Centre ») [106] . Les lettres X et Y indiquées dans la phrase précédente renvoie à des mots qui permettent d’identifier des personnes, que j’ai caviardées puisqu’il s’agit du nom d’un contribuable autre que Belca ou M. Semenov et qui n’était pas lié à ces derniers. Pendant son contre-interrogatoire, Mme Leung a reconnu que la référence au Centre dans le rapport de vérification était une erreur et qu’elle voulait en fait renvoyer à Belca [107] . Mme Leung a expliqué que, pendant qu’elle préparait le rapport de vérification pour Belca, elle copiait et collait du texte à partir du dossier que l’ARC avait sur le Centre [108] . Il est probable qu’en recourant à la méthode du « copier-coller » pour rédiger le rapport de vérification, l’ARC a modifié les renvois au Centre dans le document original afin d’indiquer les renseignements factuels applicables à Belca et à M. Semenov (outre le renvoi au Centre indiqué ci‑dessus). Néanmoins, il n’est pas certain que ce soit ce qui s’est produit.

[84]  Pour les motifs abordés ci-dessus (qui sont résumés ci-dessous), je ne suis pas convaincu que la Couronne a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que M. Semenov, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, a fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus de 2011, ou qu’il y a participé, consenti ou acquiescé. Voici les raisons en question :

 

 

[85]  Qui plus est, comme il est indiqué ci-dessus, l’affaire Farm Business Consultants indique que lorsqu’il y a deux hypothèses viables et raisonnables, l’une qui justifie la pénalité et l’autre pas, il convient d’accorder le bénéfice du doute au contribuable d’annuler la pénalité [109] . M. Semenov est d’avis que les dépôts visés provenaient de prêts consentis par M. Li ou de remboursements de prêt effectués par Valeriy Brylev. Même si M. Semenov a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que seuls 14 550 $ des dépôts visés provenaient d’un prêt que lui avait consenti M. Li, je ne suis pas convaincu que les autres dépôts visés constituent un revenu non déclaré aux fins d’imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR. La preuve a suffi à me convaincre que la thèse avancée par M. Semenov constitue une hypothèse viable et raisonnable sur la source des dépôts visés, ce qui me porte, aux fins du paragraphe 163(2), à accorder le bénéfice du doute à M. Semenov. Par conséquent, M. Semenov n’est pas tenu de payer les pénalités imposées à son égard en 2011.

(3) Les pénalités imposées à Belca

[86]  L’ARC a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR à l’égard de Belca pour les années 2011 et 2012.

[87]  Dans le rapport de vérification préparé par l’ARC sur Belca, le vérificateur indique ce qui suit sous le titre [traduction] « Nature et étendue des tests indirects » :

[traduction]

Une analyse des dépôts bancaires et une analyse sommaire de la source des fonds et de leur utilisation ont été menées. L’analyse sommaire de la source des fonds et de leur utilisation n’a révélé aucun écart, après avoir tenu compte des retraits effectués par l’actionnaire. [110] [Je souligne]

Sous le titre [traduction] « Ventes non déclarées », le vérificateur indique :

[traduction]

L’analyse des dépôts bancaires a été menée sur les comptes bancaires d’entreprise de la société et sur les comptes bancaires personnels de l’actionnaire. L’analyse comprend d’examiner chacun des dépôts effectués au cours de la période de vérification, de déduire les dépôts visés autres que des ventes (comme les remboursements d’impôts et les erreurs de la banque, entre autres) et de comparer les dépôts restants aux revenus déclarés dans la déclaration de revenus. Il y a un écart insignifiant entre le total des revenus déclarés dans la déclaration de revenus et le total des dépôts liés aux ventes dans le compte bancaire commercial de l’entreprise. Il y a toutefois un écart considérable entre les comptes bancaires personnels de l’actionnaire. La majorité des opérations indiquaient des montants arrondis et étaient réparties de façon égale tout au long de l’année. [111] [Je souligne]

[88]  Dans le rapport recommandant une pénalité préparé par l’ARC sur Belca, on indique ce qui suit :

[traduction]

Importance des ventes non déclarées est moyenne par rapport à celle des ventes déclarées. Les ventes non déclarées ont cependant toutes été déposées dans les comptes personnels de l’actionnaire. La somme des dépôts non identifiés était considérable par rapport au revenu déclaré par l’actionnaire dans sa déclaration de revenus T1. [112] [Je souligne]

Selon l’extrait ci-dessus tiré du rapport recommandant une pénalité sur Belca, il semble que l’importance des ventes non identifiées relevées par l’ARC était modérée par rapport aux ventes déclarées.

[89]  Dans le contexte des pénalités imposées à Belca en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR, les propos suivants ont été échangés pendant le contre‑interrogatoire de Mme Leung :

 

[traduction]

Q.  [...] Je vous demande quel est le fondement aux pénalités pour faute lourde imposées à la société, quand vous indiquez dans le rapport qu’il n’y a aucune différence dans les ventes déclarées par la société et les opérations dans le compte bancaire.

R.  [...] Étant donné que la seule source de revenus de l’actionnaire provient de cette société, il n’exploite aucune autre entreprise, donc, lorsque des fonds sont déposés dans son compte, c’est-à-dire, donc, ils doivent provenir d’une source quelconque et nous présumons qu’il s’agit de la société. C’est pourquoi nous imposons aussi la pénalité à la société. [113] [Je souligne]

Mme Leung indique essentiellement que la ministre a supposé que Belca avait gagné un certain revenu, ce qui suffit à soutenir l’établissement d’une cotisation d’impôt sur le revenu, mais qui ne suffit pas à soutenir l’imposition d’une pénalité [114] .

[90]  Parmi les faits que la ministre a présumé dans sa décision d’imposition des pénalités à l’égard de Belca, notons le fait que les registres comptables de celle-ci pour les années 2011 et 2012 étaient incomplets et insuffisants [115] . En ce qui concerne les registres comptables de Belca, l’ARC se plaignait entre autres que les documents sources étaient triés par mois, mais pas regroupés par catégorie [116] . Dans son témoignage, Mme Leung a indiqué que Belca n’a pas organisé les documents de la façon dont ils auraient dû l’être pour la vérification après que l’ARC lui a demandé de le faire au départ [117] . L’ARC se plaignait aussi que certains des documents sources étaient manquants et que le carnet de route n’était pas tenu à jour [118] . L’avocat des appelants a toutefois fait remarquer que les dépenses afférentes à un véhicule à moteur demandées par Belca ont été accordées en entier à l’étape d’appel [119] .

[91]  L’ARC n’a pas mené d’analyse de tiers auprès des clients de Belca dans le cadre de sa vérification. Il semble que l’ARC n’a pas examiné les factures émises par Belca à ses clients et qu’elle n’a demandé à aucun tiers s’ils avaient payé Belca par chèque ou en argent comptant [120] .

[92]  Vu ce qui suit :

J’ai conclu que la Couronne n’a pas réussi à prouver que Belca, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, a fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus de 2011 et de 2012, ou qu’il y a participé, consenti ou acquiescé. Par conséquent, Belca n’est pas tenue de payer les pénalités imposées à son égard en 2011 et en 2012.

V. CONCLUSION

[93]  Pour les motifs exposés ci-dessus, les appels sont accueillis et les nouvelles cotisations sont renvoyées à la ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que :

[94]  Comme les parties ont partiellement obtenu gain de cause, je n’adjuge pas de dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2018.

« Don R. Sommerfeldt »


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 58

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2636(IT)I, 2016-2637(IT)I

INTITULÉ :

ANDREI SEMENOV ET SA MAJESTÉ LA REINE ET BELCA TOURS & COACH INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 7 avril et le 7 septembre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Don R. Sommerfeldt

DATE DU JUGEMENT :

Le 21 mars 2018

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Adam Serota

Avocate de l’intimée :

Me Kanga Kalisa

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Adam Serota

 

Cabinet :

BRS Tax Lawyers LLP

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



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