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Dossier : 2010-1860(IT)G

 

ENTRE :

 

BRENT KERN FAMILY TRUST,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 19 juin 2012 à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : L'honorable juge Randall Bocock

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Jeff D. Pniowsky

 

Avocate de l’intimée :

Me Bonnie F. Moon

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

          AYANT reçu des observations de l’intimée au sujet de la nécessité pour la Cour d’examiner un nouvel argument de l’intimée qui découle de l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a récemment prononcé dans l’arrêt Canada c. Sommerer, 2012 CAF 207, 2012 DTC 5126;

 

          AYANT étudié la position adoptée par l’avocat de l’appelante qui s’oppose à la demande de l’avocate de l’intimée en raison du préjudice, des frais et de la nécessité pour l’appelante de réexaminer l’exposé conjoint des faits;

 

          ET AYANT étudié la question en détail;

 

LA COUR STATUE PAR LES PRÉSENTES qu’elle prendra connaissance des observations supplémentaires de l’intimée et de l’appelante dans le contexte suivant :

 

1.                 l’intimée paiera à l’appelante la somme de 5 000,00 $ au titre de frais inutiles dans les trente (30) jours qui suivront la date de la présente ordonnance;

 

2.                 si elle le désire, l’appelante aura droit à une journée supplémentaire pour procéder à l’interrogatoire préalable de l’intimée, qui devra être effectué dans les soixante (60) jours qui suivront la date de la présente ordonnance;

 

3.                 si l’une ou l’autre des parties le désire, les parties auront droit à une journée supplémentaire d’audience pour présenter d’autres arguments ou pour répondre à des arguments devant la Cour, étant donné que la Cour a jugé nécessaire d’examiner l’applicabilité de l'arrêt Sommerer dans l’affaire dont elle est saisie;

 

4.                 les parties aviseront le coordonnateur des audiences au plus tard le 3 décembre 2012 des dates qui leur conviennent pour la reprise de l’audience aux fins décrites au paragraphe 3 ci‑dessus.

 

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 15e jour d’octobre 2012.

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2016. 

 

S. Tasset

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 358

Date : 20121015

Dossier : 2010-1860(IT)G

 

ENTRE :

 

BRENT KERN FAMILY TRUST,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Bocock

 

[1]             L’audience en l’espèce a eu lieu à Winnipeg, au Manitoba, le 19 juin 2012.

 

[2]             Dans une démarche par ailleurs louable, les deux avocats ont abrégé l’instance en déposant un exposé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents complets. Par conséquent, à l’audience, il ne restait à la Cour qu’à entendre les arguments des parties.

 

[3]             En deux mots, dans la présente affaire, l’appelante invoque les dispositions déterminatives du paragraphe 75(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« la Loi ») afin d’attribuer certains revenus de dividendes à un bénéficiaire réputé. Par ailleurs, l’article 112 de la Loi permet, au moyen d’une déduction compensatoire, de réattribuer en franchise d’impôt le dividende versé par une société à une autre société avec laquelle elle a un lien de dépendance.

 

[4]             L’argumentation et les observations des deux parties étaient essentiellement axées sur l’applicabilité de la DGAE à l’effet conjugué du paragraphe 75(2) et de l’article 112 de la Loi.

 

[5]             À la fin de la plaidoirie de l’intimée, il a été fait mention en passant de l’arrêt Canada c. Sommerer, 2012 CAF 207, 2012 DTC 5126, dont on a dit qu’il s’agissait d’un jugement en instance devant la Cour d’appel fédérale. La décision de première instance empêchait l'application de la disposition déterminative du paragraphe 75(2) dans le cas où des actions avaient été cédées au préalable à leur juste valeur marchande. L’avocate de l’intimée a fait valoir que la présente affaire était sensiblement ’identique à l'affaire Sommerer, que l’attribution de revenus de dividendes sous le régime du paragraphe 75(2) était interdite et que la nouvelle cotisation établie par le ministre demeurait donc exacte.

 

[6]             En réponse pendant l’audience, l’appelante a brièvement, mais catégoriquement, fait valoir que la Cour n'avait pas à se préoccuper de l’arrêt Sommerer. L’avocat a notamment soutenu que l’intimée ne pouvait pas faire valoir que le paragraphe 75(2) de la Loi ne s’applique pas, étant donné qu’un tel argument était exactement contraire aux actes de procédure et aux hypothèses de fait du ministre ainsi qu’aux ententes que contenait l’exposé conjoint des faits.

 

[7]             Le 13 juillet 2012, soit plusieurs semaines après la fin de l’audience, mais avant que le jugement soit prononcé, la Cour d’appel fédérale a rendu jugement dans l’affaire Sommerer; elle a rejeté l’appel et confirmé la conclusion du juge de première instance selon laquelle les dispositions déterminatives du paragraphe 75(2) ne s’appliquent pas lorsque la juste valeur marchande est payée en contrepartie d’actions qui sont acquises à l’intérieur de la structure fiscale. Le 26 juillet 2012, l’avocate de l’intimée a écrit à la Cour pour lui fournir une copie de l’arrêt Sommerer et pour lui demander si elle désirait des observations écrites supplémentaires sur cette décision.

 

[8]             Pour sa part, l’avocat de l’appelante a écrit et a allégué que des observations supplémentaires n’étaient pas nécessaires (ni acceptables), étant donné que l’intimée avait omis dans ses actes de procédure et durant l’audience (du moins de manière concrète) de faire valoir les arguments requis pour convaincre la Cour que la décision dans l’affaire Sommerer s’appliquait en l’espèce.

 

[9]             Le 29 août 2012, la Cour a écrit aux parties et les a avisées qu’elles étaient invitées à soumettre, au plus tard le 28 septembre 2012, d’autres observations sur la question de savoir s’il était approprié de tenir compte de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sommerer et sur les répercussions de cet arrêt pour l’affaire dont la Cour est saisie en l’espèce. Les deux parties ont présenté des observations écrites qui étoffaient quelque peu – mais sans les modifier au fond – leurs points de vue divergents sur la question de savoir s’il y avait lieu de tenir compte de l’arrêt Sommerer ou de l’appliquer à l’affaire dont la Cour est saisie en l’espèce.

 

[10]        Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question de la reprise d’une audience après la fin du procès.

 

[11]        La règle applicable en l’espèce est l’article 138 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), qui prévoit ce qui suit :

 

138(1) Le juge peut rouvrir l’audience avant que le jugement n’ait été prononcé aux fins et aux conditions qui sont appropriées.

 

(2) À tout moment avant le jugement, le juge peut attirer l’attention des parties sur toute lacune dans la preuve de certains faits ou de certains documents pertinents à la cause d’une partie, ou sur toute lacune dans l’instance, et permettre à une partie de la combler aux fins et aux conditions qui sont appropriées.

 

[12]        La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Banque Toronto-Dominion c. Canada, 2011 CAF 221, [2011] 6 C.T.C. 19, s’est exprimée comme suit, aux paragraphes 27, 28 et 29 :

 

27        Devant notre Cour, TD a soutenu que le juge avait manqué à l’équité en permettant à la Couronne d’avancer des arguments différents de ceux qu’elle avait invoqués devant la Cour de l’impôt, tant lors des interrogatoires préalables que pendant l’audience elle‑même.

 

28        Il ressort clairement du paragraphe 152(9) de la Loi que le pouvoir discrétionnaire du ministre d’avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation est large. Le pouvoir discrétionnaire d’un juge de la Cour de l’impôt de rouvrir l’instruction avant le prononcé du jugement en application de la règle 138 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) l’est tout autant. Selon moi, en exerçant son pouvoir discrétionnaire de permettre à la Couronne de présenter des observations écrites une fois l’audience terminée, le juge n’a pas privé TD de son droit à l’équité procédurale.

 

29        Le juge a permis à TD de déposer une réponse écrite aux observations de la Couronne, laquelle ne nécessitait pas d’autre preuve. Les avocats de TD n’ont pas demandé d’autres interrogatoires préalables lorsqu’ils ont reçu signification des observations écrites de la Couronne. La décision du juge n’a donc pas privé TD de la possibilité de participer à l’instance devant la Cour de l’impôt. TD a pu présenter ses propres arguments devant la cour et répondre à ceux de la Couronne. Dans ces circonstances, la question de savoir si la Couronne a défendu, dans ses observations écrites, une position juridique différente de celle qu’elle avait formulée plus tôt au cours de l’instance est sans rapport avec l’équité de la procédure.

 

[13]        Compte tenu de ce fondement jurisprudentiel, la Cour ne peut pas refuser d’entendre des observations un nouvel arrêt qui pourrait être contraignant a été prononcé par une cour d’appel au cours de la période entre le procès et le jugement de la Cour. Refuser de le faire ne serait pas logique au plan jurisprudentiel. Dans la mesure où on donne aux deux parties une possibilité équitable de restructurer les faits qu’elles veulent mettre en relief ainsi que leurs observations et dans la mesure où tout préjudice subi est compensé par des modifications apportées à la procédure et par des dépens additionnels, les nouveaux arguments et les nouvelles observations devraient être entendus comme il se doit.

 

[14]        En ce qui concerne la question susmentionnée des dépens, la Cour évalue, du mieux qu’elle le peut, que l’appelante a perdu au moins une journée pour les interrogatoires préalables et une journée en tout pour la préparation du procès et le procès lui‑même pour essayer de contrer les hypothèses et les observations récemment abandonnées (ou du moins remplacées) de l’avocate de l’intimée, parce que l’appelante n’a pas eu la possibilité alors de répondre aux nouveaux arguments que le ministre invoque maintenant. Pour être juste envers l’intimée, la Cour a également pris en considération le fait que le moment et le résultat de la décision (qui est une question de droit modifié, et non de fait) de la Cour d’appel fédérale ne relèvent pas de la volonté de l’une et l’autre des parties. Toutefois, la Cour fait également remarquer que, si l’intimée avait fait part de son intention d’invoquer l’arrêt Sommerer à l’appelante ou à la Cour plus tôt (au moins à titre de question préliminaire au début de l’audience), la Cour aurait bien pu ajourner l’affaire en attendant la décision en instance de la Cour d’appel fédérale et elle n’aurait pas permis par ailleurs que des frais inutiles soient engagés.

 

[15]        Par conséquent, la Cour prendra connaissance des observations supplémentaires de l’intimée et de l’appelante dans le contexte suivant :

 

a)                 l’intimée paiera à l’appelante la somme de 5 000,00 $ au titre de frais inutiles dans les trente (30) jours qui suivront la date de la présente ordonnance;

 

b)                si elle le désire, l’appelante aura droit à une journée supplémentaire pour procéder à l’interrogatoire préalable de l’intimée, qui devra être effectué dans les soixante (60) jours qui suivront la date de la présente ordonnance;

 

c)                 si l’une ou l’autre des parties le désire, les parties auront droit à une journée supplémentaire d’audience pour présenter d’autres arguments ou pour répondre aux arguments devant la Cour, étant donné que la Cour a jugé nécessaire d’examiner l’applicabilité de l’arrêt Sommerer dans l’affaire dont elle est saisie.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 15e jour d’octobre 2012.

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2016.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 358

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-1860(IT)G

 

INTITULÉ :                                      BRENT KERN FAMILY TRUST c LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Winnipeg (Manitoba)

                                                                      

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 juin 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Randall Bocock

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 15 octobre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Jeff D. Pniowsky

 

Avocate de l’intimée :

Me Bonnie F. Moon

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     Me Jeff D. Pniowsky

 

                       Cabinet :                     Thompson Dorfman Sweatman, LLP

                                                          Winnipeg (Manitoba)

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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