Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2010-832(IT)G

 

ENTRE :

 

TRANSALTA CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Requête entendue par conférence téléphonique

le 16 août 2012, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge T. E. Margeson

 

 Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Robert D. McCue

Avocate de l’intimée :

Me Mary Softley

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

Vu la requête de l’appelante, qui a demandé à la Cour de rendre une ordonnance accordant, ou ordonnant à un officier taxateur d’accorder à l’appelante:

 

a)       des dépens partie‑partie (en application de l’annexe II, tarif B, catégorie C, des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale)) (les « Règles ») dans l’appel jusqu’au 28 avril 2011, dépens que l’appelante a estimé s’élever à 2 300 $;

 

b)      d’importants dépens à titre d’indemnisation (soit 80 % des dépens procureur-client) dans l’appel après le 28 avril 2011 et jusqu’au 12 décembre 2011, dépens que l’appelante a estimé s’élever à 265 410,23 $;

 

c)       des débours raisonnables dans l’appel jusqu’au 12 décembre 2011, débours que l’appelante a estimé s’élever à 8 049,63 $;

 

d)      une ordonnance au sujet des dépens relatifs à la requête, fixés à 80 % des dépens procureur-client, plus tous les débours raisonnables, après le 15 mars 2012;

 

e)                 toute autre mesure de redressement que la Cour jugerait bon d’accorder.

 

          Et vu les documents qui ont été déposés ainsi que les déclarations de l’avocat de l’appelante et de l’avocate de l’intimée;

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.       la requête de l’appelante soit rejetée;

 

2.       les dépens soient adjugés à l’intimée.

 

 

         Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 23e jour d’octobre 2012.

 

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de janvier 2013.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2012CCI375

Date : 20121212

Dossier : 2010-832(IT)G

 

ENTRE :

 

TRANSALTA CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE MODIFIÉS

 

Le juge Margeson

 

[1]             Par avis de requête daté du 5e jour de juin 2012, l’appelante a demandé à la Cour de rendre une ordonnance accordant, ou ordonnant à un officier taxateur d’accorder à l’appelante :

 

a)       des dépens partie‑partie (en application de l’annexe II, tarif B, catégorie C, des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale)) (les « Règles ») dans l’appel jusqu’au 28 avril 2011, dépens que l’appelante a estimé s’élever à 2 300 $;

 

b)      d’importants dépens à titre d’indemnisation (soit 80 % des dépens procureur-client) dans l’appel après le 28 avril 2011 et jusqu’au 12 décembre 2011, dépens que l’appelante a estimé s’élever à 265 410,23 $;

 

c)       des débours raisonnables dans l’appel jusqu’au 12 décembre 2011, débours que l’appelante a estimé s’élever à 8 049,63 $;

 

d)      une ordonnance au sujet des dépens relatifs à la requête, fixés à 80 % des dépens procureur-client, plus tous les débours raisonnables, après le 15 mars 2012;

 

e)                 toute autre mesure de redressement que la Cour jugerait bon d’accorder.

 

[2]             L’intimée s’est opposée à cette requête.

 

[3]             Les deux parties ont présenté des observations écrites volumineuses au sujet de la requête et ont présenté d’autres observations à la Cour par voie de conférence téléphonique le 16 août 2012.

 

[4]             Lors de cette conférence téléphonique, l’avocat de l’appelante a affirmé que la présente requête n’aurait pas été présentée n’eut été l’offre de règlement proposée par sa cliente et finalement rejetée par l’intimée. Il était d’avis que l’intimée n’avait pas de motif raisonnable de rejeter cette offre de règlement et qu’elle n’avait aucune raison légale qui l’empêchait de régler l’affaire en prenant cette offre comme point de départ.

 

[5]             Il a souligné le fait que, dans l’arrêt CIBC World Markets Inc. c. La Reine[1], il est établi que la règle dérogatoire de l’empêchement légal devrait généralement être interprétée de façon restrictive dans le droit fil de l’application de la politique sous‑jacente aux règles sur les dépens majorés, et il a ajouté que, de toute manière, la règle de l’empêchement légal ne s’appliquait pas en l’espèce.

 

[6]             Après que l’appelante eut présenté son offre de règlement, l’intimée n’a pas essayé de négocier avec l’appelante concernant les modalités de l’offre de règlement, elle n’a pas proposé de contre‑offre à l’appelante et elle n’a pas fait savoir à l’appelante qu’elle ne pouvait pas accepter son offre de règlement parce que cette dernière était mal fondée en droit.

 

[7]             Dans les circonstances, si l’intimée souhaite se soustraire aux règles sur les dépens majorés, elle devrait justifier son refus. Dans l’arrêt CIBC World Markets Inc., la Cour n’a pas eu à examiner la question de savoir si, dans d’autres circonstances factuelles ou juridiques, CIBC aurait pu se voir accorder les crédits d’impôt qu’elle demandait. Mais en s’appuyant sur cette affaire, on peut affirmer que la règle de l’empêchement légal permet seulement de se soustraire à l’application des règles sur les dépens majorés si l’intimée est en mesure de démontrer que l’entente n’était pas possible d’un point de vue légal. La Couronne doit démontrer soit qu’il n’était pas possible en théorie de régler l’affaire, soit que ce n’était pas possible dans les faits, après avoir véritablement essayé de la régler. Une telle situation ne s’est pas présentée en l’espèce.

 

[8]             L’appelante et l’intimée n’ont pas débattu des scénarios hypothétiques qui auraient pu justifier que certaines gratifications accordées au titre du régime d’actionnariat fondé sur le rendement (RAFR) de l’appelante soient déductibles et d’autres non, abstraction faite des conditions établies dans l’offre de règlement.

 

[9]             L’appelante n’a jamais été informée du fait qu’une question d’empêchement légal se posait. L’appelante souhaitait régler l’affaire. Son offre aurait pu être acceptée. L’intimée aurait dû dire : [traduction] « Efforçons-nous de régler l’affaire, trouvons un moyen. »

 

[10]        Il ne restait pas qu’une question à régler; chaque paiement et chaque travailleur soulevaient une question exigeant une justification.

 

[11]        Il ne devrait pas être aisé pour l’intimée de montrer qu’il n’était pas possible de parvenir à une entente à l’égard de ces questions. L’intimée ne peut pas se contenter de déclarer qu’elle n’a pas pu accepter l’offre de règlement de l’appelante pour des raisons de fait et de droit. Il s’agit d’un domaine du droit complexe, et la question des raisons du refus de l’intimée n’a pas été débattue de manière exhaustive.

 

[12]        La Couronne s’efforce d’éviter les effets de l’application des règles sur les dépens majorés en établissant une liste d’exceptions auxquelles ces règles ne s’appliquent pas. Il s’agissait d’une affaire d’importance, mettant en jeu une somme supérieure à 12 000 000 $. Il ne s’agissait pas d’une affaire facile et elle a exigé beaucoup de travail. Les répercussions de la décision qui a été rendue dépassent les limites de l’affaire. Une certaine confusion régnait dans ce domaine du droit et elle devait être dissipée.

 

[13]        L’avocate de l’intimée a soutenu que la Directive sur la procédure n° 18 n’était pas une règle. Elle n’est pas en vigueur. Il s’agit seulement d’une proposition de règle.

 

[14]        La première question a été réglée avant la tenue de l’audience compte tenu du fait que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a reçu des preuves du fait que les gratifications avaient été payées.

 

[15]        La Couronne ne porte aucun fardeau de la preuve en l’espèce. Et si elle en portait un, elle s’en est déchargée.

 

[16]        L’article 7 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») a été invoqué. Il ne s’appliquait qu’aux titres. Par conséquent, le ministre n’avait aucun motif de refuser la déduction des gratifications en argent. Avant que l’offre de règlement soit présentée, il a été dit que la question des gratifications en argent serait abandonnée.

 

[17]        Toute autre offre de règlement hypothétique doit être fondée sur les faits qui étaient connus avant que l’offre de règlement soit rejetée, lesquels auraient justifié un règlement, et l’appelant aurait pu le dire. Le simple fait que l’intimée n’ait pas expliqué pourquoi elle avait rejeté l’offre ne lui est pas préjudiciable en l’espèce.

 

[18]        Des dépens majorés ne sont pas automatiquement accordés. L’affaire CIBC World Markets Inc. correspond en tous points à la présente affaire.

 

[19]        Aucun poids ne devrait être accordé à l’argument de l’appelante selon lequel le ministre aurait dû expliquer pourquoi il a refusé l’offre de règlement.

 

[20]        Les affaires que l’appelante a citées, à l’issue desquelles des dépens majorés ont été accordés, n’ont aucune valeur en l’espèce. Il faut tenir compte des circonstances particulières de chaque affaire.

 

[21]        En l’espèce, il n’y avait aucun élément qui justifierait l’adjudication de dépens majorés.

 

[22]        L’appel interjeté par l’appelante portait sur une question d’interprétation de la loi relative à une importante dette fiscale. Ces éléments ne justifient pas à eux seuls l’adjudication de dépens majorés. L’appel en cause n’a pas exigé une somme de travail excessive. Les interrogatoires préalables n’ont duré que deux jours. L’audience n’a duré qu’une journée. Il n’y avait que 16 documents dans le recueil conjoint de documents. Un seul témoin a comparu.

 

[23]        Les questions juridiques qui se posaient dans l’appel ne demandaient que des réponses par oui ou par non. L’appel n’a soulevé aucune question liée aux politiques publiques ou à l’intérêt public, ni aucune question de portée constitutionnelle. Le fait qu’une partie de la loi ait été examinée pour la première fois, ou que la décision de la Cour puisse avoir des répercussions sur d’autres contribuables, ne confère pas à l’appel le statut de cause type.

 

[24]        L’intimée a agi de bonne foi en tout temps et la coopération dont elle a fait preuve a permis de résoudre une des questions en litige et a conduit à la production d’un exposé conjoint des faits exhaustif.

 

[25]        L’adjudication des dépens demandée par l’appelante n’est pas raisonnable. Autoriser l’adjudication de dépens majorés reviendrait à rendre l’intimée responsable au motif qu’elle a avancé une thèse relativement à une question de droit et que la Cour n’y a pas souscrit. Le montant des dépens que l’appelante demande est disproportionné considérant le travail accompli par l’appelante, compte tenu du fait qu’il s’agissait de se préparer à un procès d’une journée.

 

[26]        Les dépens majorés ont largement trait au travail accompli par Me McCue et Me Marr, qui ont respectivement passé 297 et 180 heures à travailler sur l’appel. Leur travail comprenait la préparation d’un exposé des arguments de 72 pages, qui a plus tard été modifié, comptant alors 94 pages. Des observations de cette longueur sont excessives dans le contexte d’un procès simple d’une journée. L’exposé des arguments modifié compte plus du triple de la limite de 30 pages prévue par les Règles des Cours fédérales et plus du double de la limite de 40 pages prévue par les Règles de la Cour suprême du Canada pour un mémoire.

 

Décision

 

[27]        La Cour est convaincue que la question qu’elle a eu à trancher était une question importante et que les deux parties se sont montrées coopératives et se sont efforcées de régler les questions en litige, de sorte que la Cour n’a plus eu à se prononcer que sur une seule question restée en suspens. Pareille coopération a manifestement réduit considérablement le temps que la Cour aurait dû passer sur le procès et toute l’affaire a été présentée à la Cour en une journée.

 

[28]        Comme la Cour l’a fait remarquer dans les motifs du jugement, elle s’est attardée sur quatre questions, la plus importante étant celle de la signification du terme « convenue » au sens du paragraphe 7(3) de la Loi. La Cour souscrit aux observations de l’intimée selon lesquelles les questions juridiques soulevées par ces quatre questions étaient essentiellement des questions exigeant une réponse par oui ou par non. Vu les faits de l’espèce, la Cour est convaincue que le ministre a à juste titre rejeté l’offre de règlement proposée par l’appelante parce qu’il lui était interdit de mettre en œuvre cette offre de règlement. Pour l’application de l’article 7 de la Loi, soit l’appelante a conclu des ententes (« agreements ») avec ses employés, soit elle ne l’a pas fait. Soit l’appelante a engagé des dépenses quand elle a émis des actions, soit ce n’était pas le cas. Comme l’avocate de l’intimée l’a affirmé, ce devait être tout ou rien. Il n’y avait aucune façon de parvenir à un compromis.

 

[29]        La Cour rejette l’argument de l’avocat de l’appelante selon lequel le ministre avait le devoir d’expliquer les raisons pour lesquelles il a rejeté l’offre de règlement  parce que la loi interdisait au ministre d’accepter un tel compromis.

 

[30]        De même, la Cour rejette l’argument de l’avocat de l’appelante selon lequel il revenait au ministre de prouver qu’il lui était légalement interdit d’accepter l’offre. Le ministre n’avait aucune obligation de proposer d’autres offres de règlement après avoir rejeté l’offre écrite de l’appelante, ou d’examiner le contexte factuel de chacun des bénéficiaires des gratifications avec la conviction que les gratifications pourraient être déduites par certains employés mais pas par d’autres.

 

[31]        Si l’appelante croyait que tel était le cas, elle aurait dû divulguer les faits nécessaires à l’intimée afin de s’efforcer de faire changer le ministre d’avis. Elle n’a fait aucun effort pour fournir d’autres fondements à une entente en fournissant d’autres faits pour appuyer sa position, comme des renseignements comptables internes.

 

[32]        En effet, comme l’a soutenu l’avocate de l’intimée, l’appelante demandait au ministre de ne pas tenir compte de faits déjà admis ou établis.

 

[33]        La Cour accepte l’argument de l’avocate de l’intimée selon lequel le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’adjuger des dépens majorés ne peut pas être influencé par le fait que l’appelante était au courant de la Directive sur la procédure n° 18 (qui n’est pas encore en vigueur), considérant que l’avocate de l’intimée a soutenu qu’il n’y avait pas d’autres éléments justifiant l’adjudication de dépens majorés. Les évènements auxquels l’avocate de l’intimée a fait référence relativement à ce qu’elle considère être une période de temps déraisonnable pour la préparation de l’appelante au procès sont retenus. L’avocat de l’appelante ne peut pas s’attendre à ce qu’une période de temps illimitée puisse être consacrée à n’importe quelle affaire et penser raisonnablement que la partie adverse devra être contrainte de payer pour cela.

 

[34]        La Cour est douloureusement consciente du fait que le tarif des dépens de la Cour canadienne de l’impôt présente des insuffisances, mais, malheureusement, dans les circonstances de l’espèce, la Cour ne croit pas que le fait de rendre l’ordonnance demandée par l’appelante soit un exercice correct de la compétence de la Cour.

 

[35]        La requête est rejetée et les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

       Les présents motifs de l’ordonnance modifiés remplacent les motifs de l’ordonnance modifiés datés du 23 octobre 2012.

 

Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de décembre 2012.

 

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23jour de janvier 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉÉFRENCE :                                 2012 CCI 375

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-832(IT)G

 

INTITULÉ :                                      Transalta Corporation c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Ottawa (Ontario)

                                                                      

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 août 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge T. E. Margeson

 

DATE DES MOTIFS DE

L’ORDONNANCE MODIFIÉS :   Le 12 décembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Robert D. McCue

Avocate de l’intimée :

Me Mary Softley

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

               Nom :                                Robert D. McCue

 

               Cabinet :                            Bennett Jones LLP

                                                          Calgary (Alberta)

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2012 CAF 3, [2012] A.C.F. n° 3 (QL).

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