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Dossier : 2012-536(IT)I

ENTRE :

FIONA J. EDWARDS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 16 novembre 2012, à Edmonton (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. Ronald J Agar

Pour l’intimée :

Me Robert Neilson

M. Rowan Kunitz – stagiaire en droit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de décembre 2012.

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2012.

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 430

Date : 20121204

Dossier : 2012-536(IT)I

ENTRE :

FIONA J. EDWARDS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

[1]             Une pénalité de 2 500 $ a été imposée à l’appelante pour chacune des années d’imposition 2005, 2006 et 2007 parce qu’elle avait omis de produire le formulaire T1135 dans le délai prescrit par la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le formulaire T1135 est un bilan de vérification du revenu étranger.

[2]             L’appelante a produit ses déclarations de revenus et les formulaires T1135 pour les années 2005, 2006 et 2007 le 22 septembre 2009. Les dates d’échéance de production applicables à ses déclarations et aux formulaires T1135 étaient le 30 avril 2006 pour l’année 2005, le 30 avril 2007 pour l’année 2006 et le 30 avril 2008 pour l’année 2007. Comme les formulaires T1135 ont été produits avec plus de 100 jours de retard, une pénalité maximale de 2 500 $ a été imposée pour chacune des années, en application du paragraphe 162(7) de la Loi.

[3]             Dans les formulaires T1135, l’appelante a indiqué qu’elle possédait un bien immobilier à l’extérieur du Canada dont la valeur était supérieure à 100 000 $, mais inférieure à 300 000 $. Elle a également déclaré des revenus de location à l’égard de ce bien.

[4]             À l’audience, l’appelante était représentée par R.J. Agar, comptable. Il a tout d’abord allégué que l’appelante ne résidait pas au Canada en 2005, en 2006 et en 2007. À titre subsidiaire, il a soutenu que, si elle était résidente, elle a fait preuve de diligence raisonnable au cours de la période pertinente malgré son omission de produire le formulaire T1135 dans le délai prescrit.

 

La résidence

a) Les faits

[5]             L’intimée a déposé l’affidavit de Brent Aylesworth, agent des litiges à la Division des appels du Bureau des services fiscaux d’Edmonton de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Les pièces jointes à l’affidavit comportent un formulaire de détermination du statut de résidence (le « formulaire de détermination ») daté du 24 février 2009 qui a été rempli et signé par l’appelante ainsi qu’une lettre datée du 10 juillet 2009 de l’ARC dans laquelle cette dernière avise l’appelante qu’elle considère que celle‑ci était une résidente du Canada en date du 3 mars 2003.

[6]             À l’audience, le représentant de l’appelante a affirmé que les déclarations faites par l’appelante dans le formulaire de détermination concernaient les faits tels qu’ils étaient en 2003 et non en 2005, en 2006 et en 2007. L’appelante a expliqué qu’elle ne savait pas trop comment remplir le formulaire de détermination et qu’elle avait demandé de l’aide à un fonctionnaire de l’ARC. Elle a témoigné qu’on lui avait conseillé de remplir le formulaire en faisant état des faits tels qu’ils étaient en 2003.

[7]             L’appelante a relaté les événements suivants qui ont mené à la présentation de la demande de détermination de son statut de résidence.

[8]             Elle travaille comme agente de bord auprès de la United Airlines depuis 1992 et elle a toujours travaillé à l’extérieur du Royaume-Uni.

[9]             En mai 2000, l’appelante a épousé un citoyen canadien. Après la naissance de leur fille en 2002, l’appelante et son époux ont décidé de déménager au Canada. En mars 2003, elle a quitté le Royaume-Uni pour aller s’installer à Edmonton, en Alberta. Elle est devenue résidente permanente du Canada le 15 mars 2005.

[10]        L’appelante a été absente du travail auprès de la United Airlines de 2002 à août 2005, où elle a été rappelée au travail. Elle s’est séparée de son époux en novembre 2005 et a demandé le divorce en janvier 2006.

[11]        Au début, l’appelante pouvait parfois amener sa fille avec elle lorsqu’elle se rendait au Royaume-Uni. Cependant, à la suite d’une évaluation en matière de garde, il a été décidé que la fille de l’appelante resterait à Edmonton. L’appelante a alors [traduction] « essayé de passer le plus de temps [possible] à Edmonton » pour avoir accès à sa fille. Selon son témoignage, elle passait la moitié de son temps au Canada et l’autre moitié, au Royaume-Uni.

[12]        Lorsqu’elle était au Canada, l’appelante demeurait au foyer conjugal avec son ex‑époux, et ce, jusqu’en 2007. Par la suite, elle a loué un appartement, puis acheté une maison à Edmonton. Son divorce a été accordé en octobre 2008.

[13]        L’appelante a affirmé que, lors de l’instance en divorce, elle voulait que le juge se penche sur la question de la garde de l’enfant. L’appelante a accepté que son ex‑époux lui verse un paiement forfaitaire pour le règlement de la question des biens matrimoniaux.

[14]        Selon son témoignage, son ex-époux a demandé à son avocat de retenir 25 pour 100 du paiement forfaitaire parce qu’à son avis, l’appelante n’était pas résidente du Canada.

[15]        L’appelante a témoigné que c’est uniquement en raison de la façon dont son ex‑époux s’était comporté qu’elle avait demandé une détermination de son statut de résidente du Canada.

b) L’analyse

[16]        La question de la résidence est une question de fait. L’arrêt de principe, en ce qui concerne la résidence d’un particulier, est celui que la Cour suprême du Canada a rendu dans Thomson v. Minister of National Revenue (1945), [1946] CTC 51 (CSC); les passages les plus souvent cités des motifs de cette décision sont les observations suivantes du juge Rand :

 

[traduction]

47 La progression par degrés en ce qui concerne le temps, l’objet, l’intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes, montre que, dans le langage ordinaire, le terme « résidant » ne correspond pas à des éléments invariables qui doivent tous être présents dans chaque cas donné. Il est tout à fait impossible d’en donner une définition précise et applicable à tous les cas. Ce terme est très souple, et ses nuances nombreuses varient non seulement suivant le contexte de différentes matières, mais aussi suivant les différents aspects d’une même matière. Dans un cas donné, on y retrouve certains éléments, dans d’autres, on en trouve d’autres dont certains sont fréquents et certains autres, nouveaux.

 

48 L’expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu’à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu’il s’agit de résidence au cours du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie.

 

49 Aux fins de la législation de l’impôt sur le revenu, il est nécessaire de considérer que chaque personne a, en tout temps, une résidence. Il n’est pas nécessaire à cet effet qu’elle ait une maison ni un endroit particulier où elle demeure, ni même un abri. Elle peut dormir en plein air. Ce qui importe seul, c’est de déterminer dans l’espace les limites dans lesquelles elle passe sa vie ou auxquelles se rattache ce mode de vie ordonné ou coutumier. La meilleure façon d’apprécier la résidence habituelle est d’en examiner l’antithèse, la résidence occasionnelle, temporaire ou extraordinaire. Cette dernière semble nettement être non pas seulement temporaire et exceptionnelle quant à ses circonstances, mais s’accompagne également d’une notion de provisoire et de retour.

 

50 Mais dans les différentes situations de prétendues « résidences permanentes », « résidences temporaires », « résidences habituelles », « résidences principales » et ainsi de suite, les adjectifs n’influent pas sur le fait qu’il y a dans tous les cas résidence; cette qualité dépend essentiellement du point jusqu’auquel une personne s’établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d’intérêts et de convenances, au lieu […].

 

[17]        Dans la décision R. v. Reeder, [1975] CTC 256 (C.F. 1re inst.), le juge Mahoney a énuméré ainsi certains des facteurs qui ont été jugés pertinents pour ce qui est de trancher la question de la résidence :

 

13 Quoique le défendeur en l’espèce fût totalement étranger à cette vie de riche désœuvré, et à toute préméditation d’évasion fiscale, les éléments qui servaient dans ces arrêts à déterminer la question de fait de la résidence fiscale, s’appliquent aussi en l’espèce. Ces éléments sont notamment :

a) le genre de vie passé ou présent;

b) la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

c) les liens dans le ressort de cette juridiction;

d) les liens en d’autres lieux;

e) le caractère permanent ou autre des séjours à l’étranger.

La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d’autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d’une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu’un individu peut avoir simultanément plus d’une résidence du point de vue fiscal.

[18]        Je comprends que l’appelante a eu de la difficulté à remplir le formulaire de détermination parce que de nombreuses déclarations y sont formulées au futur. Par exemple, l’appelante a déclaré qu’elle aura des meubles ou des appareils électroménagers au Canada, qu’elle aura un véhicule automobile et un permis de conduire d’une province et qu’elle aura un compte bancaire canadien.

[19]        Cependant, dans le formulaire de détermination, l’appelante a mentionné qu’elle est devenue résidente permanente du Canada le 15 mars 2005 et qu’elle a conservé son statut de résidente permanente depuis lors. Elle a également indiqué qu’elle détenait un compte bancaire personnel et une hypothèque à la Banque Scotia.

[20]        Au cours de la période pertinente, l’appelante avait toujours une maison où elle pouvait demeurer au Canada. Elle a affirmé que lorsqu’elle était au Canada elle demeurait avec son ex‑époux et qu’il en a été ainsi jusqu’en 2007. Elle a par la suite loué un appartement, puis acheté une maison. Elle n’a pas donné de date exacte pour la location de l’appartement et l’achat de la maison. Au Royaume-Uni, même si elle était propriétaire d’un condominium de deux chambres à coucher, il était toujours loué par l’intermédiaire d’un bureau de location et elle restait donc chez ses parents lorsqu’elle était là‑bas.

[21]        L’appelante a peut-être rempli certaines parties du formulaire de détermination en fonction des faits tels qu’ils étaient en 2003, mais elle n’a pas mentionné que ces faits n’étaient plus les mêmes en 2005, en 2006 et en 2007.

[22]        Au cours de la période, l’appelante a entretenu des liens importants avec le Canada. Sa fillette vivait au Canada et l’appelante a passé le plus de temps possible avec elle. D’après son propre témoignage, elle a été au Canada au moins la moitié du temps.

[23]        À mon avis, l’appelante était une résidente du Canada en 2005, en 2006 et en 2007. Selon son mode de vie de tous les jours, elle travaillait au Royaume-Uni, puis elle retournait au Canada où elle résidait avec sa fille.

[24]        J’estime également que l’appelante savait qu’elle était une résidente du Canada en 2005, en 2006 et en 2007. Elle a produit ses déclarations de revenus canadiennes pour les années 2003 et 2004 le 22 novembre 2005. Dans ces déclarations, elle a demandé le crédit pour taxe sur les produits et services (le « CTPS »). En 2005, elle a également demandé qu’on lui verse rétroactivement la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE »). On l’a avisé qu’elle n’avait pas droit au CTPS pour l’année d’imposition 2003, étant donné que son époux l’avait demandé pour elle, mais qu’il y avait droit pour l’année 2004. Dans une lettre du 23 décembre 2005, elle a été informée qu’elle avait droit à la PFCE de façon rétroactive jusqu’au mois de mars 2003, comme elle l’avait demandé.

La diligence raisonnable

[25]        Au cours de la période pertinente, l’appelante a produit des déclarations de revenus au Royaume-Uni. En 2009, après qu’il a été déterminé qu’elle était une résidente du Canada depuis le 9 mars 2003, on a demandé à l’appelante de produire ses déclarations de revenus canadiennes pour les années 2005, 2006 et 2007. Dans chacune de ses déclarations de revenus, l’appelante a demandé le crédit fédéral pour impôt étranger et a déclaré qu’elle n’avait pas d’impôt fédéral à payer au Canada en 2006 et en 2007. L’appelante a dû payer de l’impôt sur le revenu fédéral additionnel au Canada en 2005, mais aucun élément de preuve n’a été présenté quant au montant à payer.

[26]        M. Agar a allégué que l’appelante avait fait preuve de diligence raisonnable lorsqu’elle avait produit tardivement le formulaire T1135 et il s’est fondé sur la décision Douglas c. R., 2012 CCI 73.

[27]        Dans la décision Douglas, le contribuable en cause a produit tardivement sa déclaration de revenus pour 2008 et le formulaire T1135. Pour l’année d’imposition 2008, il a déclaré qu’il n’avait pas d’impôt à payer. La juge Woods a conclu qu’il ressortait de la preuve que M. Douglas avait fait preuve de diligence raisonnable dans les circonstances et elle a annulé la pénalité.

[28]        Contrairement à l’affaire Douglas, en l’espèce, l’appelante n’a pas établi à l’aide d’éléments de preuve qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable.

[29]        L’appelante savait qu’elle devait produire une déclaration de revenus au Canada parce qu’elle avait produit des déclarations pour les années 2003 et 2004. Ces déclarations ont été produites le 22 novembre 2005. L’appelante a fait l’objet d’une cotisation en tant que résidente du Canada pour une partie de l’année d’imposition 2003 et pour la totalité de l’année d’imposition 2004.

[30]        Elle n’a pas demandé conseil à un expert en fiscalité en 2005, en 2006 ou en 2007. Elle n’a pris aucune mesure pour déclarer son revenu au Canada en 2005, en 2006 et en 2007. J’estime que, dans de telles circonstances, une personne raisonnable qui, tout comme l’appelante, sachant qu’elle avait produit ses déclarations de revenus canadiennes pour 2003 et 2004 en novembre 2005, aurait à tout le moins consulté un conseiller fiscal à l’égard de sa déclaration de revenus pour 2005. L’appelante n’a pas établi qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable.

[31]        Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de décembre 2012.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2012.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 430

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2012-536(IT)I

 

INTITULÉ :                                      FIONA J. EDWARDS c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE:                 Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 4 décembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ronald J Agar

Pour l’intimée :

Me Robert Neilson

M. Rowan Kunitz – stagiaire en droit

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante:

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 

 

 

 

 

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