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Dossier : 2011-3782(IT)I

ENTRE :

JOHN E. KUCH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

 

                                                                                                            

Appel entendu le 19 novembre 2012 à Nanaimo (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Devi Ramachandran

___________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre des cotations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008 et 2009 est rejeté.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de décembre 2012.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2013.

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 454

Date : 20121218

Dossier : 2011-3782(IT)I

 

ENTRE :

 

JOHN E. KUCH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Woods

 

[1]             John Kuch a versé, aux termes d’une ordonnance d’un tribunal, une pension alimentaire pour conjoint qu’il croyait déductible en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Les déductions ont en partie été refusées par le ministre du Revenu national pour les années d’imposition 2008 et 2009, et M. Kuch a interjeté appel devant la Cour.

 

[2]             Les montants visés par le refus sont de 4 990 $ pour l’année d’imposition 2008 et de 21 215 $ pour l’année d’imposition 2009.

 

[3]             La Couronne soutient que les déductions de ces montants ont été refusées à juste titre, parce que M. Kuch avait l’obligation de faire ces paiements directement à des tiers pour des dépenses précises, plutôt que de les verser à son ex-épouse. Par conséquent, la Couronne soutient que l’ex-épouse ne pouvait utiliser les montants à sa discrétion, comme l’exige la définition du terme « pension alimentaire » au paragraphe 56.1(4) de la Loi. La Couronne soutient de plus que la règle déterminative, qui se trouve au paragraphe 60.1(2), ne s’applique pas, parce que l’ordonnance du tribunal ne traite pas des conséquences fiscales.

 

[4]             M. Kuch n’a pas exprimé son désaccord sur ce qui précède. Il soutient toutefois que les avocats qui ont rédigé l’ordonnance du tribunal croyaient que les versements seraient imposables pour l’ex-épouse et qu’ils seraient déductibles pour lui. Il soutient de plus que l’Agence du revenu du Canada l’a traité de façon injuste.

 

Analyse

 

[5]             Je tiens d’abord à souligner que la Cour ne peut accorder de mesure de redressement en raison d’un traitement injuste de la part de l’Agence du revenu du Canada. La Cour peut modifier une cotisation seulement si la mesure de redressement demandée est prévue par les dispositions législatives pertinentes.

 

[6]             Trois dispositions législatives sont particulièrement pertinentes dans le contexte du présent appel.

 

[7]             La première de ces dispositions est la définition de « pension alimentaire », qui prévoit que le bénéficiaire doit pouvoir utiliser les montants à sa discrétion. La deuxième de ces dispositions est l’alinéa 60b), qui prévoit une déduction pour le payeur de la pension alimentaire pour conjoint. Suivant ces dispositions, une déduction est, règle générale, permise seulement si le bénéficiaire peut utiliser les montants versés à sa discrétion.

 

[8]             La troisième disposition, le paragraphe 60.1(2), est une exception à la règle générale selon laquelle le bénéficiaire peut utiliser les montants versés à sa discrétion. Cette exception permet la déduction des versements faits à des tiers, si l’accord écrit ou l’ordonnance d’un tribunal applicable précise que les versements seront imposables pour le bénéficiaire et déductibles pour le payeur. Le document écrit ou l’ordonnance d’un tribunal applicable est le document qui prévoit le paiement de la pension alimentaire.

 

[9]             Les dispositions sont reproduites ci‑dessous; les extraits pertinents sont soulignés.

 

56.1 (4)                               

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

 

b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

60. Autres déductions — Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

 

[…]

 

b) Pension alimentaire [pour conjoint ou pour enfant] — le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

 

A - (B + C)

 

où :

 

A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

 

B         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

60.1          (2) Entente - Pour l’application de l’article 60, du présent article et du paragraphe 118(5), le résultat du calcul suivant :

 

A - B

 

où :

 

A      représente le total des montants représentant chacun un montant (sauf celui qui constitue par ailleurs une pension alimentaire) qui est devenu payable par un contribuable au cours d’une année d’imposition, aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit, au titre d’une dépense (sauf la dépense relative à un établissement domestique autonome que le contribuable habite ou une dépense pour l’acquisition de biens corporels qui n’est pas une dépense au titre de frais médicaux ou d’études ni une dépense en vue de l’acquisition, de l’amélioration ou de l’entretien d’un établissement domestique autonome que la personne visée aux alinéas a) ou b) habite) engagée au cours de l’année ou de l’année d’imposition précédente pour subvenir aux besoins d’une personne, d’enfants confiés à sa garde ou à la fois de la personne et de ces enfants, dans le cas où la personne est :

 

a) l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du contribuable,

 

b) si le montant est devenu payable en vertu de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province, un particulier qui est le parent, père ou mère, d’un enfant dont le contribuable est légalement l’autre parent;

 

 

B      l’excédent éventuel du total visé à l’alinéa a) sur le total visé à l’alinéa b) :

 

a) le total des montants représentant chacun un montant inclus dans le total calculé selon l’élément A relativement à l’acquisition ou à l’amélioration d’un établissement domestique autonome dans lequel la personne habite, y compris un paiement de principal ou d’intérêts sur un emprunt ou une dette contracté en vue de financer, de quelque manière qui ce soit, l’acquisition ou l’amélioration,

 

b) le total des montants correspondant chacun à 1/5 du principal initial d’un emprunt ou d’une dette visés à l’alinéa a),

 

est réputé, lorsque l’ordonnance ou l’accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s’appliquent à un montant payé ou payable à leur titre, être un montant payable par le contribuable à cette personne et à recevoir par celle-ci à titre d’allocation périodique, que cette personne peut utiliser à sa discrétion.

 

 

[10]        Il est manifeste que l’appel de M. Kuch ne peut être accueilli que si la règle déterminative prévue au paragraphe 60.1(2) s’applique. Il en est ainsi parce que l’ex‑épouse ne pouvait utiliser à sa discrétion les montants au sujet desquels la déduction a été refusée.

 

[11]        La question est alors de savoir si la règle déterminative prévue au paragraphe 60.1(2) s’applique. Malheureusement pour M. Kuch, le paragraphe 60.1(2) ne s’applique pas, parce que l’ordonnance du tribunal applicable ne traite pas des conséquences fiscales des paiements.

 

[12]        L’ordonnance du tribunal applicable est une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, qui a été consignée au greffe le 30 janvier 2009. C’est aux termes de cette ordonnance que la pension alimentaire pour conjoint est devenue payable.

 

[13]        La règle déterminative prévue au paragraphe 60.1(2) s’applique seulement si cette ordonnance précise que les paiements sont déductibles pour le payeur et imposables pour le bénéficiaire. Les parties pertinentes du paragraphe 60.1(2) ont été soulignées ci‑dessus. Malheureusement pour M. Kuch, l’ordonnance est muette quant au traitement fiscal des paiements.

 

[14]        Lors de l’audience, M. Kuch a renvoyé à d’autres documents qui appuient sa thèse selon laquelle les parties avaient consenti aux conséquences fiscales. Ces documents ne sont d’aucune utilité, car il ne s’agit pas des documents aux termes desquels la pension alimentaire est devenue payable. Seule l’ordonnance consignée le 30 janvier 2009 est pertinente.

 

[15]        Le motif pour lequel l’ordonnance exigeait que les versements soient faits directement à des tiers a été expliqué par le juge Groves dans ses motifs de l’ordonnance prononcés à l’audience. L’extrait pertinent de la transcription de ces motifs est reproduit ci-dessous :

 

[traduction]

Dans la plupart des cas, j’ordonnerais que la pension alimentaire pour conjoint soit versée directement, pour permettre à M. Kuch de déduire une partie de ces montants, ce qui aurait pour effet de les ajouter au revenu imposable de Mme Kuch, mais cette dernière manque de franchise en matière financière, et je ne suis pas convaincu que les paiements seraient effectués.

 

[16]        Ce commentaire me semble étrange. Le juge Groves est conscient que sa décision s’écarte de l’ordonnance typique, qui donne des déductions fiscales au payeur. Cependant, il déclare que son ordonnance s’explique par le fait que le témoignage de l’ex‑épouse n’était pas crédible. Il semble que la décision ait pour effet de punir la partie n’ayant rien à se reprocher, soit M. Kuch.

 

[17]        Si le juge Groves espérait que ses motifs prononcés à l’audience amèneraient les avocats à tenir compte des conséquences fiscales lorsqu’ils rédigeraient l’ordonnance définitive, il semble qu’ils ne l’aient pas fait. L’ordonnance formelle ne contenait aucune mention au sujet des conséquences fiscales, et ce, bien que M. Kuch ait présenté à l’audience des éléments de preuve convaincants selon lesquels les avocats croyaient que les paiements allaient être imposables pour l’ex‑épouse et déductibles pour lui. M. Kuch a même payé à son ex‑épouse le montant d’impôt à payer relativement aux paiements.

 

[18]        Malheureusement pour M. Kuch, une entente avec son ex‑épouse n’est pas suffisante pour lui permettre de déduire les paiements. Cette entente devait se refléter dans l’ordonnance du juge Groves, ce qui ne fut pas le cas.

 

[19]        Il s’agit d’une issue très malheureuse pour M. Kuch. Bien que j’éprouve beaucoup de sympathie à l’égard de son cas, je dois rejeter l’appel.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de décembre 2012.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2013.

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 454

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :  2011-3782(IT)I

 

INTITULÉ :                                      JOHN E. KUCH et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Nanaimo (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 18 décembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Devi Ramachandran

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     s/o

 

                          Cabinet :                

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

 

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