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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2012 CCI 408

Nos des dossiers de la Cour : 2010‑3936(IT)G

2011-463(IT)G

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

ENTRE :

 

TERASEN INTERNATIONAL INC.,

appelante,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

* * * * *

CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE TENUE POUR

 L’INSTRUCTION DE LA REQUÊTE DEVANT L’HONORABLE JUGE GASTON JORRÉ

aux bureaux du Service administratif des tribunaux judiciaires, pièce 6048, Centre judiciaire fédéral, 180, rue Queen Ouest,

Toronto (Ontario), le lundi 1er octobre 2012, à 13 h 10.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE MODIFIÉS

 

 

1.                 LE GREFFIER : La conférence téléphonique est maintenant commencée [...]

 

2.                 La Cour cite les dossiers no 2010‑3936(IT)G et 2011‑463(IT)G entre Terasen International Inc. et Sa Majesté la Reine. La Cour reprend l’audience.

 

3.                 LE JUGE JORRÉ : Merci. J’exposerai maintenant les motifs de mon ordonnance à l’égard des requêtes de l’intimée visant à modifier ses réponses à l’avis d’appel dans ces deux affaires.

 

4.                 Je souhaite tout d’abord remercier les avocats des parties, qui ont examiné minutieusement les questions soulevées dans leurs observations au cours de l’audience il y a une semaine.

 

5.                 À la fin de l’audience, j’ai oublié de remercier le greffier de s’être libéré afin de pouvoir être présent jusqu’à 18 h 50 et mener l’audience à terme. En effet, comme le greffier devait exécuter certaines tâches à la fin de l’audience, il est resté pendant un certain temps après la fin de l’audience. Je tiens donc à signaler que je souhaite remercier le greffier pour ce qu’il a fait lundi dernier.

 

6.                 Comme je vous l’ai mentionné lors du dernier jour d’audience, du fait que la date est déjà fixée pour l’audition de l’affaire le 19 novembre et que l’audience devrait durer cinq jours, je reconnais qu’il est nécessaire de rendre une décision rapidement. J’ai aussi mentionné que la seule façon de procéder rapidement est de rendre une décision oralement.

 

7.                 Enfin, je tiens à souligner ce qui suit : l’un des appels porte sur des cotisations établies en vertu de la partie 1, alors que l’autre porte sur des cotisations établies en vertu de la partie 13. Les faits sous-jacents semblent être essentiellement les mêmes. Les deux parties ont convenu que, pour la requête, les différences entre les deux appels n’ont aucune incidence. Je me suis donc concentré sur l’un des appels, soit l’appel relatif aux cotisations établies en vertu de la partie 1.

 

8.                 Il est utile d’examiner au départ la nature des affaires qui a été révélée par l’avis d’appel et la réponse à l’avis d’appel. L’appelante fait partie du groupe d’entreprises de Terasen, anciennement BC Gas. La principale activité du groupe est la distribution de gaz naturel. Le groupe exerce de nombreuses autres activités.

 

9.                 Au fil du temps, le groupe a acquis une grande expertise dans le domaine du transport et de la distribution de gaz naturel et il a décidé de vendre son expertise sur le marché mondial en offrant des services de consultation dans ce domaine. Vers la fin des années 1990, le groupe a décidé d’étendre ses activités internationales en concluant aussi des contrats d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction.

 

10.            L’appelante a par la suite cherché à conclure un contrat d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction pour un projet de distribution de gaz dans l’émirat de Sharjah aux Émirats arabes unis. Elle a présenté une soumission commune avec une société locale de l’émirat, S.S. Lootah, à la Sharjah Electricity and Water Authority (la « SEWA »). Sans traiter de façon détaillée des renseignements qui figurent dans les actes de procédure quant au moment exact où les événements ont eu lieu ou à l’ordre précis dans lequel ils se sont déroulés, l’on peut affirmer que la SEWA a signé une lettre d’intention non exécutoire dans laquelle il était indiqué que celle-ci avait l’intention d’accepter la soumission.

 

11.                      Une société, BVICo, a été constituée en personne morale aux îles Vierges britanniques. Une fiducie canadienne a été établie et comptait comme unique bénéficiaire l’appelante, et toutes les actions de BVICo étaient détenues par la fiducie.

 

12.                      De plus, BVICo a conclu une entente de coentreprise avec S.S. Lootah. Les deux coentrepreneurs ont convenu de se partager les profits en parts égales. La coentreprise a finalement conclu un contrat exécutoire avec la SEWA.

 

13.                      Avant la date de la signature du contrat exécutoire entre la coentreprise et la SEWA, BVICo a conclu un sous-contrat avec l’appelante, soit l’entente touchant la prestation de services entre entités. Aux termes du sous-contrat, l’appelante facturait à BVICo les services qu’elle lui fournissait, au coût de revient majoré.

 

14.                      Par la suite, la coentreprise a également réussi à obtenir des contrats pour les étapes subséquentes du projet de distribution de gaz de Sharjah (le « projet Sharjah »).

 

15.                      Je tiens également à souligner que l’appelante a conclu un accord de garantie de société mère en faveur de la SEWA, aux termes duquel elle indemniserait la SEWA pour tout manquement de BVICo relativement au contrat conclu entre la coentreprise et la SEWA.

 

16.                      Il n’est pas contesté que BVICo et l’appelante avaient entre elles un lien de dépendance. La description que j’ai donnée ci-dessus est fondée sur ce qui n’est pas contesté dans l’avis d’appel et la réponse à l’avis d’appel.

 

17.                      Aux alinéas 25a) à ggg) de la réponse à l’avis d’appel, le ministre énonce les nombreux faits qu’il a tenus pour acquis pour établir la nouvelle cotisation. Je n’ai pas l’intention de tous les lire, étant donné le temps qu’il me faudrait pour le faire, même si ces hypothèses sont toutes importantes pour la présente requête.

 

18.                      Il vaut cependant la peine de noter que, parmi les faits présumés, on retrouve les éléments suivants : les rapports qu’il y a eu entre l’appelante et S.S. Lootah lors des premières étapes de la présentation d’une soumission à la SEWA avant la constitution de BVICo; la négociation entre l’appelante et S.S. Lootah des modalités de l’entente de coentreprise conclue entre S.S. Lootah et BVICo; le paiement par l’appelante des coûts associés à l’élaboration de la soumission qui ne lui ont pas été remboursés, et certains autres frais liés au personnel que l’appelante a supportés relativement au projet Sharjah et qui ne lui ont jamais été remboursés.

 

19.                      Toujours en ce qui concerne certains des faits présumés : BVICo était seulement une entité intermédiaire qui ne comptait qu’un seul employé, un contrôleur; BVICo a simplement converti en dollars américains les factures de l’appelante établies en dollars canadiens avant d’établir les factures sur son propre papier à en‑tête; tous les risques importants étaient assumés par l’appelante et sa société mère; certaines pertes ont bel et bien été subies et supportées par l’appelante.

 

20.                      Selon la réponse, il semble que la nouvelle cotisation a eu pour effet d’augmenter le revenu de l’appelante au cours des années en question par le fait qu’elle incluait dans son revenu un montant correspondant à la totalité de la part de 50 pour cent que BVICo avait dans les profits réalisés par la coentreprise pour le projet Sharjah. Voir l’alinéa 25ggg) de la réponse.

 

21.                      Dans la réponse, le ministre a fait valoir qu’il avait inclus les montants dans le revenu de l’appelante à juste titre, compte tenu du redressement du prix de transfert effectué en application des alinéas 247(2)a) et c).

 

22.                      Les modifications proposées ont pour effet d’ajouter certaines autres allégations de fait ainsi que des renvois à d’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, de même que d’autres moyens invoqués.

 

23.                      Les modifications portent essentiellement sur deux aspects. Tout d’abord, le ministre pourrait invoquer les alinéas 247(2)b) et d), en plus des alinéas a) et c). Ensuite, le ministre pourrait invoquer la doctrine du trompe-l’œil à l’égard de BVICo.

 

24.                      Le ministre a bien entendu le fardeau de prouver tout autre fait allégué qui n’a pas été tenu pour acquis.

 

25.                      Je note toutefois que, dans une certaine mesure, certains de ces autres faits allégués semblent, en réalité, être assimilables à des conclusions de fait qui peuvent être tirées à la fin de l’instruction si la Cour conclut que les faits sont bel et bien ceux que le ministre a énoncés dans ses hypothèses.

 

26.                      L’appelante s’oppose aux modifications proposées.

 

27.                      Compte tenu de l’affidavit de M. Gagnon, l’appelante affirme que le processus a été très long; que les années en question sont les années d’imposition 1999, 2001 et 2002, qui ont fait l’objet de cotisations en 2007 et en 2008, à la suite d’une vérification qui a débuté en 2002; qu’elle s’est opposée aux cotisations en octobre 2007 et en mars 2008; qu’en date du 23 décembre 2010, lorsque l’appel en vertu de la partie 1 a été interjeté, le ministre n’avait pas rendu de décision à l’égard des avis d’opposition; qu’elle souhaite régler la question rapidement; qu’elle estime que, si les modifications sont accordées, il faudrait que des interrogatoires préalables soient menés à l’égard des nouvelles questions soulevées et qu’un ajournement soit accordé; qu’en outre, les questions supplémentaires feraient en sorte qu’elle devrait obtenir et produire des éléments de preuve additionnels, soit des documents et des témoignages – certains des témoins sont aux Émirats arabes unis et ne sont peut‑être pas disponibles et M. Guy Gagnon estime qu’il faudrait de six à neuf mois pour obtenir et examiner les documents nécessaires.

 

28.                      Lors du contre‑interrogatoire, il a été établi que M. Gagnon ne s’était pas encore renseigné au sujet des éléments de preuve additionnels, mais qu’il se fondait sur son expérience et son jugement, y compris son expérience quant au temps qu’il faudrait probablement pour traiter avec des entités aux Émirats arabes unis.

 

29.                      Je signale également, et cela n’est pas contesté par les parties, que, pour que l’audience soit tenue plus rapidement, les parties ont accepté que l’audience ait lieu à Toronto, même si l’instruction de l’affaire devait avoir lieu à Montréal; que la demande conjointe a été faite avant la fin du processus d’enquête préalable; que les interrogatoires préalables se sont terminés le 6 juillet 2012 avec la réalisation par l’appelante de ses derniers engagements; que le 31 juillet 2012, l’intimée a demandé à l’appelante de donner son consentement à l’égard des modifications proposées, ce que celle-ci a refusé de faire.

 

30.                      Je tiens à souligner qu’aucune des parties n’était d’avis qu’il y avait lieu d’établir une distinction pour la présente requête entre les modifications proposées relativement aux alinéas 247(2)b) et d) de la Loi de l’impôt sur le revenu et celles proposées relativement à la doctrine du trompe-l’œil.

 

31.                      À la lumière du dossier dont je dispose, je suis convaincu que, si la requête est accueillie, il se peut que l’appelante cherche à produire des éléments de preuve supplémentaires qu’elle n’aurait peut-être pas produits autrement. Je suis également convaincu que l’appelante aurait besoin d’un ajournement pour obtenir ces éléments de preuve et les examiner.

 

32.                      Même si je suis convaincu que l’alinéa 247(2)b) soulève des questions quelque peu différentes de l’alinéa a) et qu’à certains égards ces questions sont très différentes, il est également vrai que, dans une certaine mesure, il s’agit d’analyser la même question sous un angle différent.

 

33.                      Il semblerait que, quelque soit l’approche adoptée, la majorité, voire peut‑être même la grande majorité, des faits pertinents sont les mêmes. Dans les deux cas, l’argument du ministre est que les profits réalisés par BVICo doivent être imposés entre les mains de l’appelante.

 

34.                      Même si un certain temps s’est écoulé depuis les années en question, la première étant l’année 1999, qui a fait l’objet d’une cotisation en août 2007 (et je note que les années 2001 et 2002 ont fait l’objet d’une cotisation en 2008), il vaut la peine de se rappeler que le Parlement a expressément prévu dans la loi une période prolongée de six ans pour l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard d’opérations entre des contribuables et des personnes non‑résidentes qui ont un lien de dépendance.

 

35.                      Les appels comme tels dont la Cour a été saisie progressent à un rythme raisonnable compte tenu de la nature des questions. L’avis d’appel portant sur la partie 1 a été déposé à la fin décembre 2010, et l’avis d’appel portant sur la partie 13 a été déposé à la mi-février 2011.

 

36.                      En ce qui concerne l’article 54 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), les parties ont cité de nombreuses affaires. La règle générale est bien établie dans ce passage du paragraphe 10 de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canderel Limited c. La Reine, [1994] 1 C.F. 3 :

 

[…] la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice.

 

37.                      Dans l’arrêt Canderel, la modification a été demandée le cinquième ou le sixième jour de l’instruction; elle a été refusée. L’appelante affirme tout simplement que les modifications seraient fondamentalement inéquitables, étant donné que, après tout ce temps, elle devrait se défendre contre des allégations complètement nouvelles qui entraîneraient le dépôt de nouveaux éléments de preuve et d’autres retards.

 

38.            Je ne souscris pas à cette affirmation. Cela pourrait causer des retards et, effectivement, des frais supplémentaires, mais une réparation pourrait être obtenue pour les frais ainsi supportés. À mon avis, le retard qui serait causé en l’espèce ne causerait pas une injustice qui serait du genre à interdire la modification. Je conviens que le droit d’apporter des modifications n’est pas illimité. Il y a un équilibre à maintenir, et des limites s’appliquent au droit d’apporter des modifications. Que ce soit le temps qui s’est écoulé depuis le début de la procédure devant le tribunal, l’ajout d’un délai éventuel de six à neuf mois si un ajournement est accordé ou encore la nature des modifications, aucun de ces éléments n’a pour effet d’excéder les limites applicables. Cependant, dans la présente affaire, pour ce qui est de l’article 54 des Règles, je pense que l’approche appropriée est celle adoptée par le juge Bowie dans la décision Loewen c. La Reine, 2007 CCI 703. Voir en particulier les paragraphes 25 et 26.

 

39.                      Je tiens à souligner brièvement que la situation en l’espèce est différente de celle que l’on retrouve dans bon nombre des affaires citées par l’appelante.

 

40.                      Pour ce qui est de la décision rendue par le juge Campbell Miller dans Walsh c. La Reine, je signale qu’aucune modification n’avait été demandée. La décision Walsh a pour référence 2008 CCI 282.

 

41.                      Si je comprends bien, au début de l’instruction, le ministre avait complètement abandonné le fondement de la cotisation et avait fait valoir que l’appelant devait établir le bien‑fondé de la juste valeur marchande qu’il avait utilisée, même si le ministre n’avait formulé aucune hypothèse à l’égard de la juste valeur marchande et avait simplement soutenu ne pas avoir eu connaissance des assertions que l’appelant avait faites quant à la juste valeur marchande des actions dans ses actes de procédures. Le juge Miller a convenu avec l’appelant que la question de la juste valeur marchande des actions n’avait tout simplement pas été soulevée dans les actes de procédure.

 

42.                      L’appelante a également invoqué la décision rendue par la Cour fédérale dans Apotex Inc. v. Shire Canada Inc., 2011 FC 1159, confirmant la décision du protonotaire dans 2011 FC 436. Dans la décision Apotex, la Cour fédérale s’est quant à elle fondée sur la décision qu’elle avait rendue dans Bande de Montana c. Canada, 2002 CFPI 583, qui a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans 2002 CAF 331.

 

43.                      Je tiens d’abord à préciser que la décision rendue dans l’affaire Bande de Montana, où l’autorisation de modifier a été refusée en mai 2002 et où l’instruction de l’affaire devait commencer en septembre, porte sur des circonstances qui ne sont tout simplement pas comparables à celles en l’espèce. Si l’on examine la décision rendue par le juge Hugessen le 22 mai 2002, on constate que l’instruction devait durer six mois et que l’affaire comportait neuf poursuites dans trois actions, et, si l’on tient compte des numéros de dossiers de la Cour fédérale, il semblerait que les actions ont été introduites en 1985, en 1997 et en 1997, respectivement.

 

44.                      L’instruction a effectivement été très, très longue. Si l’on examine la décision finale rendue en première instance par la juge Hansen, on peut voir sur la page qui suit immédiatement le jugement que l’instruction même a duré de neuf à dix mois.

 

45.                      Dans l’affaire Apotex, même si la situation est très différente de celle présente dans l’affaire Bande de Montana, nous pouvons voir que la requérante, Shire, avait antérieurement présenté des requêtes afin de modifier ses actes de procédure et que les modifications auraient changé du tout au tout la nature des actes de procédure, si j’ai bien compris, en raison de la présentation d’une demande reconventionnelle. Voir les paragraphes 18 à 21 de la décision rendue par le juge Near. Le juge Near a également mentionné au paragraphe 22 :

 

          [traduction]

De plus, il est évident que les modifications proposées entraîneront des retards importants qui nuiront à l’instruction rapide de l’affaire, un objectif visé par Apotex depuis le début de la procédure. Comme Apotex l’affirme, cela aura pour effet de renvoyer l’affaire à l’étape des actes de procédure. Apotex a également fourni des éléments de preuve convaincants concernant les retards, mesurés en années, qui posent actuellement des problèmes considérables dans les instances au titre de l’article 8 lorsqu’il y a allégation de contrefaçon.

 

46.                      Là encore, tel n’est pas le cas en l’espèce.

 

47.                      Pour ce qui est du paragraphe 152(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, quelle est l’incidence de cette disposition? Les deux parties l’ont invoquée à l’appui de leur thèse. La disposition est ainsi libellée :

 

Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

 

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

48.                      Cette disposition a été adoptée en réponse à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Banque Continentale, [1998] 4 C.T.C. 77, dans lequel il a été statué que le ministre peut seulement invoquer les arguments sur lesquels il s’est appuyé pour établir la cotisation avant l’expiration du délai de prescription applicable à l’établissement d’une nouvelle cotisation. Voir les paragraphes 8 à 14 des motifs prononcés par le juge Bastarache.

 

49.                      Le paragraphe 152(9) comporte une faculté, non une restriction. À première vue, il montre que le législateur avait clairement l’intention d’élargir les arguments que le ministre peut invoquer à l’appui d’une cotisation comparativement à ce que la Cour suprême a statué dans l’arrêt Banque Continentale.

 

50.                      L’appelante cite les notes techniques du ministère des Finances selon lesquelles le nouvel argument ne peut pas être avancé s’il porte atteinte au droit du contribuable de produire des éléments de preuve pertinents; j’en conviens. Ici, je peux écarter un tel préjudice en accordant un ajournement pour donner à l’appelante le temps de recueillir ces éléments de preuve.

 

51.                      L’appelante a également cité le paragraphe 18 de l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu dans La succession de Walsh c. La Reine, 2007 CAF 222. Le paragraphe 18 est libellé ainsi :

 

Les conditions suivantes sont applicables lorsque le ministre veut invoquer le paragraphe 152(9) de la Loi :

 

1) Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable;

 

2) Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable;

 

3) Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au‑delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée.

 

52.                      L’appelante affirme que les modifications introduisaient de nouvelles opérations, ce qui est contraire à la première restriction énoncée dans l’arrêt Walsh. L’appelante soutient que la cotisation établie en application de l’alinéa 247(2)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne porte que sur une seule opération intervenue entre l’appelante et BVICo, alors que, s’il était question de l’alinéa b) et de la doctrine du trompe‑l’œil, il faudrait tenir compte d’une série d’opérations concernant non seulement l’appelante et BVICo, mais également d’autres participants.

 

53.                      Même si la première restriction énoncée dans l’arrêt Walsh est interprétée ainsi, ce sur quoi je reviendrai plus tard, une telle approche me pose problème.

 

54.                      La cotisation établie en application de l’alinéa a) porte sur la répartition du revenu entre l’appelante et BVICo. Pour établir la cotisation en vertu de l’alinéa a), le ministre a tenu compte d’un certain nombre d’opérations auxquelles ont participé l’appelante, BVICo, S.S. Lootah et la SEWA. Toutes ces opérations, exposées en détail dans les hypothèses, font partie des faits tenus pour acquis pour l’établissement de la cotisation.

 

55.                      Maintenant, en ce qui concerne la modification proposée, le ministre souhaite se fonder sur l’alinéa b), ici aussi pour la répartition du revenu entre l’appelante et BVICo. Encore une fois, le ministre se fondera sur les mêmes diverses opérations auxquels j’ai fait référence pour ce qui est de l’alinéa a). Je ne vois pas comment cela peut être contraire à la première règle énoncée dans l’arrêt Walsh.

 

56.                      De plus, je ne suis pas convaincu que le terme « transaction » (« opération » dans la Loi de l’impôt sur le revenu), tel qu’il est utilisé dans cette règle, doit être interprété en fonction de son sens technique. Quatre paragraphes avant le paragraphe 18, soit au paragraphe 14, la Cour d’appel a mentionné ce qui suit :

 

Comme l’explique le juge Rothstein dans Anchor Pointe Energy Ltd. c. Sa Majesté la Reine […] 2003 CAF 294, au paragraphe 40, le ministre n’introduit pas de nouvelle transaction.

 

57.                      Si l’on examine les motifs prononcés par le juge Rothstein dans l’arrêt Anchor Pointe, au paragraphe 39, on peut constater qu’il dit que l’affaire est différente de l’affaire Pedwell, où le ministre cherchait à prendre en considération diverses transactions.

 

58.                      Si l’on examine l’affaire Pedwell, on constate que les différentes opérations concernaient trois lots différents. Le contribuable a fait l’objet d’une cotisation à l’égard du premier lot, mais pas à l’égard des deuxième et troisième lots. En première instance, la cotisation a été ratifiée en partie compte tenu du fait que le contribuable devait être assujetti à l’impôt à l’égard des deuxième et troisième lots, mais à pas à l’égard du premier.

 

59.                      Il me semble que cette situation est très différente de celle dont il est question ici, où nous parlons des mêmes profits de BVICo, ainsi que de la question de savoir s’ils devraient être imposés entre les mains de l’appelante et, le cas échéant, dans quelle mesure ils devraient l’être.

 

60.                      En ce qui concerne la deuxième condition dont il est question dans l’affaire Walsh, celle du préjudice, je pense que je l’ai déjà abordée.

 

61.                      La troisième règle est que le paragraphe 152(9) ne peut pas être utilisé pour établir de nouvelles cotisations pour des années frappées de prescription. L’appelante allègue que c’est effectivement ce qui se passerait si les modifications proposées étaient apportées, parce que les opérations en question comprendraient des opérations effectuées en 1998, laquelle année n’est pas visée par l’appel et est prescrite depuis longtemps.

 

62.                      Cet argument me pose problème pour la simple raison qu’il n’est pas question d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’année 1998. Les modifications proposées aux réponses concernent seulement les cotisations visées par les appels dont la Cour est saisie. Il n’est pas question d’augmenter le montant de l’impôt établi en 1998.

 

63.                      Par conséquent, pour ces motifs, j’autorise l’intimée à modifier ses réponses dans les deux actions à certaines conditions. Ces conditions sont tout d’abord que la date fixée pour l’audition des appels soit reportée afin d’accorder suffisamment de temps à l’appelante pour lui permettre d’obtenir les éléments de preuve supplémentaires dont elle a besoin; ensuite, un juge responsable de la gestion de l’instance doit être nommé, notamment, pour rendre les ordonnances appropriées concernant la modification des listes de documents et les nouveaux interrogatoires préalables.

 

64.                      En ce qui concerne les dépens, le principe à appliquer est que l’appelante devrait avoir droit aux dépens supplémentaires qui peuvent raisonnablement être imputés aux modifications. Autrement dit, elle devrait avoir droit aux frais qu’elle n’aurait autrement pas eu à supporter n’eût été les modifications.

 

65.                      À ce stade‑ci, il ne semble pas que nous somme rendus à un point où il y a des frais supportés sans raison légitime, ou des frais importants supportés sans raison légitime.

 

66.            Il est clair que les dépens comprennent ceux de la présente requête.

 

67.            Cependant, avec le recul, il sera beaucoup plus facile pour le juge du fond de déterminer, une fois l’affaire réglée, quels sont les frais supplémentaires qui ont dû être supportés en raison des modifications apportées, mis à part ceux relatifs à la présente requête, qu’il ne le serait de déterminer ces frais à l’avance. Par exemple, il est impossible de savoir à l’avance si l’instruction sera plus longue qu’elle ne l’aurait autrement été à cause de ces modifications. Il sera bien entendu plus facile de le savoir une fois l’instruction terminée.

 

68.                      Par conséquent, à l’exception des dépens afférents à la présente requête, je laisse le soin au juge du fond de régler la question des dépens. Pour ce qui est de la présente requête, les dépens sont adjugés à l’appelante sur une base procureur‑client.

 

69.            Finalement, point de moindre importance, j’ai noté que l’intimée avait mentionné (et j’en suis convaincu) qu’il y avait une coquille dans les ébauches de réponses et que la date du 7 décembre 1998 qui est indiquée était en fait le 7 décembre 1997.

 

70.            Je signerai l’ordonnance cet après-midi. Merci.

 

71.            LE GREFFIER : Merci aux parties. La conférence téléphonique est maintenant terminée.

 

La présente transcription révisée modifiée des motifs de l’ordonnance remplace la transcription révisée des motifs de l’ordonnance du 14 décembre 2012.

 


RÉFÉRENCE :                                      2012 CCI 408

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :   2010-3936(IT)G

                                                              2011-463(IT)G

 

INTITULÉ :                                           TERASEN INTERNATIONAL INC.

                                                              c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEUX DE L’AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

                                                              Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                 Les 20 et 24 septembre 2012

Le 1er octobre 2012 (conférence téléphonique)

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :        L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DE L’ORDONNANCE :            Le 1er octobre 2012

 

DATE DES MOTIFS DE

L’ORDONNANCE RENDUS

ORALEMENT :                                     Le 1er octobre 2012

 

DATE DE LA TRANSCRIPTION

RÉVISÉE DES MOTIFS DE

L’ORDONNANCE :                              Le 14 décembre 2012

 

DATE DE LA TRANSCRIPTION

RÉVISÉE MODIFIÉE DES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :      Le 26 février 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :                          Me Brandon Siegal

 

Avocat de l’intimée :                              Me Pascal Tétrault

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                        Nom :                             Brandon Siegal

                                                             

                        Cabinet :                        McCarthy Tétrault

                                                              Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                               William F. Pentney

                                                              Sous-procureur général du Canada

                                                              Ottawa (Ontario)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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