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Dossier : 2011-2768(EA)I

ENTRE :

CADENZA LIMITED PARTNERSHIP,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 17 octobre 2012, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Daniel Pambianchi

Avocate de l’intimée :

Me Marie-France Dompierre

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise pour la période allant du 1er juillet 2006 au 31 octobre 2009 est accueilli en partie, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de janvier 2013.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de mars 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

Référence : 2013 CCI 7

Date : 20130125

Dossier : 2011-2768(EA)I

 

ENTRE :

CADENZA LIMITED PARTNERSHIP,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]             Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise (la « Loi ») pour la période allant du 1er juillet 2006 au 31 octobre 2009.

 

[2]             L’appelante est une société en commandite, dont les commandités sont Daniel Pambianchi, Mauro Pambianchi, Cherif Tadros et Antonio Mancici. L’appelante est un exploitant agréé qui exerçait ses activités en vertu d’un agrément d’exploitant d’entrepôt d’accise au cours de la période pertinente et qui est propriétaire d’une vinerie appelée Maleta Winery.

 

[3]             À l’automne 2009, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a visité les locaux de l’appelante dans le contexte de l’examen de certaines demandes de crédits qui avaient été présentées. Elle a par la suite effectué une vérification des opérations de l’appelante pour vérifier si l’appelante respectait les exigences en matière de droits d’accise, vu qu’une demande d’annulation de l’agrément d’exploitant d’entrepôt d’accise de l’appelante avait été présentée. Un agrément d’exploitant d’entrepôt d’accise est délivré pour permettre à une vinerie d’entreposer son vin mis en bouteille et de reporter le paiement des droits exigibles au moment de la vente du vin au lieu du moment de l’embouteillage. Une vérification a donc été effectuée. Dans une lettre datée du 21 janvier 2010 destinée à l’appelante, l’agente des droits d’accise par intérim de l’ARC a donné un résumé des quatre rajustements qu’elle a finalement faits à l’égard de la cotisation visée par l’appel.

 

[4]             Le premier élément concerne une quantité de 154,5 litres de vin qui, d’après l’agente des droits d’accise, a été sorti par l’appelante pour rajuster les stocks, rajustements desquels il n’existe aucun document à l’appui. L’agente s’est fondée sur le paragraphe 138(2) de la Loi, qui prévoit que le droit est exigible de l’exploitant ou de l’utilisateur au moment où il ne peut être rendu compte du vin. Lorsqu’un rajustement des stocks est effectué, il doit être appuyé par un quelconque document qui indique la raison du rajustement. Le droit exigible calculé est de 79,12 $.

 

[5]             Le deuxième élément concerne du vin emballé non acquitté que l’appelante a utilisé pour faire de la gelée de vin sans toutefois être titulaire d’un agrément d’utilisateur. La quantité de vin utilisée à cette fin était de 45 litres, et un droit exigible de 23,05 $ a été calculé à cet égard. L’appelante ne conteste pas le montant ainsi calculé, étant donné que le vin utilisé pour produire de la gelée de vin doit soit avoir été acquitté, soit avoir été produit par un exploitant agréé qui est titulaire d’un agrément d’utilisateur pour faire de la gelée. L’appelante n’était pas titulaire d’un tel agrément.

 

[6]             Le troisième élément concerne du vin emballé non acquitté qui a été sorti afin d’être utilisé pour des concours. La quantité totale visée est de 102 litres. Selon le paragraphe 145(2) de la Loi, le droit n’est pas exigible sur l’alcool emballé non acquitté qui est, s’agissant de vin, utilisé pour soi par l’exploitant agréé d’entrepôt d’accise qui est aussi le titulaire de licence de vin ayant produit ou emballé le vin, lequel est offert gratuitement à des particuliers sous forme d’échantillon à consommer là où le titulaire produit ou emballe du vin. Par conséquent, le vin emballé utilisé pour un concours doit être acquitté étant donné qu’il est consommé ailleurs qu’au lieu de production ou d’emballage. Pour ce qui de cet élément en particulier, l’appelante admet qu’une partie de la quantité de vin visée par la cotisation ne répondait pas à la condition énoncée au paragraphe 145(2), de sorte qu’il y a un droit exigible de 45,33 $. Il reste donc un montant contesté de 6,91 $.

 

[7]             Le quatrième et dernier élément concerne des crédits demandés par l’appelante à l’égard de 135 litres de vin exonéré 100 % canadien du millésime 2007. L’appelante a utilisé les crédits relatifs à son millésime 2007 pour payer les droits dont elle était toujours redevable selon ce qui était indiqué dans son compte d’exploitante agréée d’entrepôt d’accise. L’agente des droits d’accise s’est fondée sur les paragraphes 135(1) et (2) de la Loi, qui prévoient qu’un droit est imposé sur le vin emballé au Canada, mais qu’il n’est pas imposé sur le vin produit au Canada qui est composé entièrement de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada. Le crédit ne peut pas être accordé à l’égard de vin exonéré 100 % canadien étant donné qu’aucun droit n’est exigible sur ce vin. Le montant établi dans la cotisation est de 69,15 $, et l’appelante admet avoir commis une erreur à cet égard. L’appelante soutient toutefois qu’elle a [traduction] « dépassé de plus de 135 [litres] la limite de [son] compte » et demande que [traduction] « le droit exigible [soit] porté à [son] crédit en conséquence ».

 

[8]             Les quatre éléments susmentionnés représentent un total de 436,5 litres. Le droit exigible correspond à 0,5122 $ par litre, ce qui donne une cotisation totale de 223,56 $.

 

[9]             Les deuxième et quatrième éléments ne sont pas contestés. En ce qui concerne le quatrième élément, l’appelante a mentionné tant dans sa correspondance avec l’ARC et le ministère de la Justice (pièces A-2 et I-2) que dans le témoignage de son représentant en cour, qu’elle avait commis une erreur et qu’elle ne s’opposait plus à l’égard de cet élément. L’appelante demande cependant que, comme elle a [traduction] « dépassé de plus de 135 [litres] la limite de [son] compte [...] le droit exigible [soit] porté à [son] crédit en conséquence ». Cette demande ne concerne en rien la validité de la cotisation à l’égard du quatrième élément, étant donné que l’appelante admet que la cotisation a dûment été établie à cet égard. La Cour n’a pas compétence pour décider si l’appelante a droit à un crédit relativement au droit exigible. Le droit visé par la cotisation est justifié et l’appelante devrait régler la question du crédit avec l’ARC.

 

[10]        Il reste donc deux questions à trancher, soit celles de savoir si l’appelant est redevable du droit de 79,12 $ calculé à l’égard du vin emballé visé au premier élément, qui traite des rajustements des stocks, ainsi que du droit de 6,91 $ calculé à l’égard du vin emballé visé au troisième élément, qui traite de la quantité de vin emballé non acquitté qui a été sorti afin d’être utilisé pour des concours.

 

[11]        La première question, qui porte sur les rajustements des stocks, est devenue un sujet de préoccupation pour l’agente des droits d’accise lorsque celle‑ci a constaté que, pour certains des mois de la période visée par la vérification, les rapports mensuels de l’appelante faisaient état de rajustements des stocks plus importants que d’habitude. L’agente des droits d’accise a témoigné que presque tous les rapports mensuels de l’appelante faisaient état de rajustements des stocks, mais que ceux‑ci étaient peu élevés et qu’elle ne s’en était pas inquiétée. La situation l’a toutefois préoccupée davantage pour les mois où les rajustements étaient, comme il a été mentionné, plus élevés que d’habitude. Il convient de noter que les renseignements sur les rajustements des stocks sur lesquels l’agente des droits d’accise s’est fondée étaient ceux qui provenaient des feuilles de calcul électroniques et des chiffres de l’appelante. Le montant de 79,12 $ correspondant au rajustement des stocks était fondé sur ce qui suit : pour janvier 2007, il y avait une différence de 13 bouteilles ou 13,5 litres; pour juillet 2007, il y avait une différence de 56 bouteilles ou 42 litres; pour avril 2008, il y avait une différence de 22 bouteilles ou 16,5 litres; pour septembre 2008, il y avait une différence de 59 bouteilles; et, pour octobre 2008, il y avait une différence de 69 bouteilles.

 

[12]        En raison des rajustements plus importants que d’habitude comptabilisés pour ces mois, l’agente des droits d’accise a demandé que l’appelante lui fournisse des précisions concernant les rajustements effectués, plus particulièrement des documents qui pourraient étayer les rajustements. L’agente des droits d’accise a reçu des explications verbales, mais elle n’a reçu aucun document. Selon l’agente des droits d’accise, le droit doit être payé, même si une bouteille est sortie de l’entrepôt d’accise et qu’aucun document ne permet de prouver où la bouteille a été envoyée. Les rajustements des stocks doivent être effectués pour une raison.

 

[13]        Le représentant de l’appelante n’a pas produit, que ce soit à l’étape de la vérification ou par la suite, quelque type de document que ce soit qui aurait permis de justifier les rajustements. Il a dit lors de son témoignage qu’il avait des documents en sa possession, mais il n’en a déposé aucun en preuve. Le représentant de l’appelante a témoigné que les rajustements des stocks devaient être effectués pour diverses raisons, mais que les rajustements figurant sur ses feuilles de calcul électroniques sous la rubrique faisant état des rajustements des stocks (voir la pièce I‑1) comprennent toutes les bouteilles de vin que les autres méthodes de suivi n’ont pas permis de comptabiliser. Par exemple :

 

1.    Il se peut qu’il y ait sous-dénombrement ou surdénombrement lors de l’embouteillage en raison d’une erreur humaine.

 

2.    En raison de la vitesse à laquelle l’embouteillage est effectué, il est fréquent que les travailleurs ne mettent que 10 ou 11 bouteilles dans des caisses de 12 bouteilles.

 

3.    Il peut y avoir une erreur de calcul au moment où l’on procède à l’inventaire matériel à la vinerie, encore une fois du fait de l’erreur humaine.

 

4.    Des bouteilles peuvent se casser durant le transport.

 

5.    Des bouteilles sont ouvertes dans le magasin de détail pour offrir du vin aux clients sous forme d’échantillon, et comme il y a parfois des périodes de grande affluence, il est impossible de consigner toutes les bouteilles ouvertes. Il peut donc y avoir de nombreuses bouteilles qui sont assujetties au droit.

 

6.    D’autres bouteilles ont été utilisées pour fabriquer du vin mousseux.

 

[14]        Le représentant de l’appelante a résumé le tout en disant que les rajustements des stocks concernent des bouteilles qui étaient exonérées des droits ou qui n’avaient jamais existé, parce que, du fait d’une erreur humaine, 12 bouteilles n’avaient pas été mises dans la caisse ou les bouteilles avaient été mal comptées.

 

[15]        La Loi impose un droit d’accise sur les spiritueux, la bière et les produits du tabac fabriqués au Canada et prévoit donc des mesures de contrôle pour garantir, notamment, l’observation de ses dispositions. Il est par conséquent nécessaire, comme c’est le cas en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, de tenir des registres appropriés. Cela est nécessaire pour pouvoir établir si la Loi a été respectée. Selon le Canadian Oxford Dictionary, un « record » (« registre » en français) s’entend d’un élément de preuve ou d’un élément d’information qui constitue un compte rendu de quelque chose qui s’est passé, qui a été dit, etc., et d’un document permettant de conserver un tel compte rendu.

 

[16]        Il n’est pas contesté que l’appelante a tenu des documents comptables appropriés. En fait, l’agente des droits d’accise s’est fondée sur les feuilles de calcul électroniques de l’appelante pour établir le nombre de bouteilles visées par un rajustement des stocks. Ce que l’agente des droits d’accise n’a pas pu obtenir lors de la vérification, ce sont des documents justifiant les rajustements. Le représentant de l’appelante a pu donner quelques explications qui, selon lui, se trouvaient dans son ordinateur, mais rien de ce qui se trouvait dans son ordinateur n’a été fourni à l’agente des droits d’accise ou présenté en preuve.

 

[17]        Les seules explications fournies par le représentant de l’appelante à l’égard des rajustements des stocks sont celles qui se trouvent aux paragraphes 13 et 14 des présents motifs. Je suis conscient du fait que rien n’est parfait et que des erreurs peuvent être commises pour ce qui est des quantités et des nombres. En fait, l’agente des droits d’accise a admis des rajustements mineurs pour presque tous les rapports mensuels de l’appelante sans poser de questions. La preuve ne révèle toutefois pas pourquoi, dans les rapports susmentionnés, le nombre de bouteilles ou de litres visés par un rajustement des stocks était plus élevé que d’habitude. Je me rends bien compte que, si l’on compte plus de caisses de 12 bouteilles qu’il y en a, lorsque les caisses sont de nouveau comptées, ces caisses en trop ne sont pas dénombrées. Cela peut expliquer pourquoi les rajustements des stocks pour un mois donné sont plus importants que d’habitude. Il en est de même pour le bris en cours de transport, même si cela peut facilement être documenté.

 

[18]        D’une part, je conviens avec le représentant de l’appelante que les caisses comptées en trop ou les bouteilles manquantes n’ont jamais réellement existé et qu’il ne devrait pas y avoir de droit exigible à leur égard. D’autre part, si l’on veut éviter d’avoir à payer un droit, il faut être en mesure de chiffrer ces bouteilles ou ces litres de vin inexistants. Autrement, l’on ne peut s’en tenir qu’aux seuils de tolérance établis.

 

[19]        La vérificatrice a accepté des écarts dans presque tous les rapports mensuels de la période visée par l’appel, sauf pour les mois susmentionnés. Je suis d’avis qu’on pourrait peut-être en faire autant pour ces mois et je réduirais arbitrairement de 20 % le nombre de bouteilles non comptabilisées pour les mois de janvier 2007, de juillet 2007, d’avril 2008, de septembre 2008 et d’octobre 2008, étant donné que ces bouteilles n’ont peut-être jamais existé ou étaient peut‑être exonérées.

 

[20]        L’autre élément à l’égard duquel je dois rendre une décision est le vin emballé non acquitté qui a été sorti afin d’être utilisé pour des concours. Le représentant de l’appelante a présenté pour ce poste budgétaire une ventilation du nombre de litres de vin qui étaient assujettis à un droit et a reconnu qu’un droit était exigible pour 88,5 litres de vin sur un total de 102 litres. Il explique que certaines entrées ont été par erreur attribuées à des concours, et il a fourni la liste des erreurs. J’accepte ces explications et je conclus que le droit de 6,91 $ calculé à l’égard des 13,5 litres de vin n’est pas exigible.

 

[21]        L’appel est accueilli en partie et la cotisation est déférée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de janvier 2013.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de mars 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 7

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-2768(EA)I

 

INTITULÉ :                                      Cadenza Limited Partnership c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 25 janvier 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Daniel Pambianchi

 

Avocate de l’intimée :

Me Marie-France Dompierre

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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