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Dossier : 2011-1543(GST)I

ENTRE :

CHANTAL CONSTANTIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 septembre 2012, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable Rommel G. Masse, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Martin Delisle

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 28 août 2008 et porte le numéro PL2008‑363, est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Kingston, Ontario, ce 6e jour de décembre 2012.

 

 

 

« R. G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 425

Date : 20121206

Dossier : 2011-1543(GST)I

ENTRE :

CHANTAL CONSTANTIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

 

Le juge suppléant Masse

 

[1]             En l’espèce, il s’agit d’un appel à l’encontre d’une cotisation datée du 28 août 2008 et portant le numéro PL2008‑363, établie en vertu du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA ») à l’égard de l’appelante, Chantal Constantin, en sa qualité d’administratrice d’une société. La société en question est 9121‑1482 Québec inc., qui exploitait une entreprise d’installation d’enseignes et de services d’éclairage sous le nom de EFN Installation et Service (la « société » ou la « compagnie »). La cotisation totalise le montant de 136 028,65 $ composé de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») que la société aurait dû verser en vertu du paragraphe 228(2) de la LTA pour la période visée du 30 novembre 2003 au 31 août 2007 et des intérêts et pénalités afférents. La cotisation a été confirmée par une décision sur opposition rendue le 21 février 2011, d’où le présent appel.

 

[2]             L’appelante était pendant la période en cause l’unique administratrice ainsi que l’unique actionnaire de la société. Il n’est pas contesté que la société soit une personne morale dûment constituée et une inscrite aux fins de la partie IX de la LTA. Elle a omis de verser des montants de taxe qu’elle aurait dû verser et l'appelante ne conteste pas la cotisation établie à l’égard de la société.

 

[3]             La seule question en litige en l’espèce est de savoir si l'appelante a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

Contexte factuel

 

[4]             L’appelante, Chantal Constantin, et Denis Dubois sont un couple qui a fait vie commune pendant plus de 25 ans comme conjoints de fait. Ils ont deux enfants et ils continuent à vivre ensemble. L’appelante est une intervenante qui travaille au Centre de santé et de services sociaux de Laval. Monsieur Dubois est un homme d’affaires qui, au fil des années, a exploité diverses compagnies dans le domaine de l’éclairage.

 

[5]             En 2003, monsieur Dubois a fait l’acquisition d’une entreprise, EFN Installation et Service, qui faisait affaire sous la dénomination sociale 9121‑1482 Québec inc. Il a fait cela dans le but d’exploiter une entreprise d’installation d’enseignes et de services d’éclairage. Monsieur Dubois a demandé à sa conjointe, l’appelante, d’être l’unique actionnaire et administratrice de la compagnie afin de partager les risques inhérents aux affaires et de protéger les actifs du couple. Monsieur Dubois s’occupait à 100% de tous les aspects de la gestion de la compagnie. C’était lui qui prenait toutes les décisions. La comptabilité se faisait à l’interne ainsi que tout ce qui a trait aux obligations fiscales. Madame Constantin n’a jamais travaillé dans l’entreprise. Elle n’a jamais fait de sollicitation, elle n’a jamais fait de l’administration et elle n’a même jamais signé de chèque. D’après monsieur Dubois, elle n’a rien fait dans l’entreprise. C’est monsieur Dubois qui s’occupait de tout et madame Constantin était seulement administratrice « aux livres ».

 

[6]             Monsieur Dubois a démontré un grand manque de bon jugement à l’égard des finances. Pour des raisons qu’il n’est pas nécessaire de répertorier, monsieur Dubois, au bout de quelques années, s’est vu endetté envers des escrocs d’une somme de 125 000 $. Ces aigrefins de la finance lui exigeaient un taux d’intérêt usuraire très élevé de 10 % par mois (soit 12 500 $ chaque mois), et, s’il ne payait pas des représailles seraient exercées contre lui. À la longue, monsieur Dubois s’est trouvé dans l’impossibilité de continuer à payer ces montants excessifs. On a donc commencé à lui proférer des menaces peu subtiles. Monsieur Dubois était victime de menaces et de harcèlement presque tous les jours, même à la maison. Il a témoigné que la seule façon dont il pouvait s’en sortir était de participer à un stratagème conçu par un des escrocs, un nommé Robert Beaudry, et qui consistait à fournir des factures de complaisance aux clients de monsieur Beaudry. Ce stratagème concernait un centre d’encaissement de chèques appelé Arylo. Il n’est pas nécessaire de décrire les menus détails du fonctionnement du stratagème; il suffit de dire que le stratagème était de nature frauduleuse. Ce stratagème a duré de 2004 jusqu’à 2007. Pendant cette période, monsieur Dubois n’a rien dit à l’appelante; il l’a gardée complètement à l’écart. Elle n’a jamais été mise au courant de quoi que ce soit par rapport au stratagème frauduleux.

 

[7]             L’appelante est devenue administratrice et actionnaire de la société au mois de mars 2003 et la société a manqué de verser des paiements de TPS peu de temps après, car la période visée commence le 30 novembre 2003. Aux alentours de juin 2007, madame Longpré, vérificatrice chez Revenu Québec, est venue faire une vérification à l’égard de la société. Au cours de la vérification, c’était monsieur Dubois qui s’occupait de toutes les communications avec madame Longpré. Madame Longpré aurait voulu poser certaines questions à madame Constantin, mais monsieur Dubois lui a dit que madame Constantin ne savait rien à l’égard de la compagnie. Madame Constantin n’était pas au courant de la vérification; par contre, elle a signé une procuration autorisant monsieur Dubois à communiquer avec Revenu Québec de sa part. C’est monsieur Dubois qui a présenté cette procuration à madame Constantin en lui disant qu’il fallait qu’il parle au gouvernement, sans toutefois lui donner plus d’explications que cela. Donc, elle a signé.

 

[8]             Finalement, c’était au mois de septembre 2008 que monsieur Dubois s’est confessé à madame Constantin. Elle soupçonnait qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas bien et elle lui a demandé de quoi il s’agissait. Monsieur Dubois lui a tout dit. Madame Constantin a exigé qu’il n’ait plus aucune entreprise inscrite à son nom à elle et elle voulait qu’il « la sorte de là ». Par la suite, monsieur Dubois a dénoncé monsieur Beaudry et ses malins complices à la police. Des poursuites judiciaires ont été entamées à l’issue desquelles monsieur Beaudry a écopé une peine d’emprisonnement.

 

[9]             Bien entendu, monsieur Dubois avait des difficultés financières en ce qui concerne l’entreprise et donc la banque retardait parfois le paiement des chèques qu’il déposait, ce qui créait un problème de liquidités. Cela nuisait à la bonne marche de l’entreprise. Donc, il avait besoin de « cash flow » et il affirme avoir emmené madame Constantin chez Rapide Chèque et chez Arylo, deux centres d’encaissement de chèques, pour signer des documents autorisant l’ouverture de comptes chez eux. Il a expliqué que la banque « gelait » les chèques de ses clients et qu’il lui fallait « du liquide vite » pour continuer à exploiter l’entreprise.

 

[10]        De temps en temps, madame Constantin lui posait des questions relativement à la compagnie; elle lui demandait « comment ça allait ». Il lui disait toujours que ça allait bien, mais que parfois il y avait de mauvaises créances. Il ne lui a jamais fait part de la vraie situation. Il a affirmé que c’étaient lui et madame Constantin qui avaient le pouvoir de signer les chèques de la société, mais qu’elle n’en a pas signé. Madame Constantin n’était pas impliquée de quelque façon que ce soit dans les affaires bancaires; elle ne faisait que signer quelques documents de temps à autre. Quand les cotisations ont été établies contre la compagnie, monsieur Dubois ne les a pas contestées. La compagnie a cessé ses activités en 2007. Il a expliqué à l’appelante : « La compagnie n’est plus opérante, on va s’en débarrasser. Ça ne donne rien de garder ça. ».

 

[11]        Il a dit qu’il avait eu à la maison, en présence de sa fille âgée de 14 ou 15 ans, à l’époque, une visite qu’il qualifiait de menace. Madame Constantin n’y était pas. Il faut bien se demander pourquoi la fille n’a pas dit quoi que ce soit à l’appelante. Monsieur Dubois était très perturbé par les menaces que l’on continuait à lui proférer, mais il n’en a jamais fait part à madame Constantin avant 2008. Il dit que sa femme ne lui a jamais parlé de son rôle d’administratrice de la compagnie. Elle savait qu’elle agissait comme l’unique administratrice de la compagnie, mais elle ne lui a jamais posé de questions à l’égard de ses responsabilités comme administratrice. Elle ne s’est pas inquiétée des risques liés à la compagnie. Elle ne lui a pas posé de questions à l’égard du versement de la taxe par la compagnie parce qu’elle savait que c’était le comptable qui faisait les états financiers. D’après monsieur Dubois, elle ne s’en est jamais préoccupée autrement parce qu’elle savait qu’il faisait affaire avec des professionnels. Par contre, elle a toujours vu les états financiers. En septembre 2004, lorsque monsieur Dubois a emmené l’appelante au centre d’encaissement Rapide Chèque, il lui a dit que la compagnie avait des difficultés financières d’ordre « mineur » et que c’était « temporaire ». En novembre 2005, lorsqu’il l’a emmenée au centre d’encaissement Arylo, il lui expliquait que c’était plus sécuritaire que chez Rapide Chèque.

 

[12]        L’appelante a témoigné. Cela fait 26 ans qu’elle est intervenante sociale et elle travaille à temps plein au CFFF de Laval. Elle n’a aucune formation en comptabilité ni en gestion et elle n’a pas d’expérience en gestion d’entreprise. Monsieur Dubois et elle habitent ensemble depuis 25 ans et ils ont deux enfants âgés de 19 ans et de 17 ans. Elle nous a dit qu’elle avait signé les documents qui la constituaient administratrice à la demande de monsieur Dubois afin de protéger les actifs de celui‑ci contre une autre personne avec qui il faisait affaire. Elle a dit que son conjoint est un homme d’affaires et qu’elle lui faisait pleinement confiance. Elle a témoigné qu’elle ne faisait à peu près rien au sein de la compagnie EFN. Elle ne s’impliquait pas du tout dans les décisions internes de la société. C’était son mari qui s’occupait de tout. Par contre, elle nous a dit qu’elle signait les états financiers ou d’autres documents lorsque monsieur Dubois les lui apportait pour les faire signer. Elle n’a rien investi dans l’entreprise et elle n’a jamais reçu quelque rémunération que ce soit. Elle n’était jamais présente sur les lieux de l’entreprise. Elle a dit qu’elle posait des questions à monsieur Dubois pour savoir comment ça allait, autant dans le cas de EFN que dans le cas des autres compagnies. Ces questions étaient d’ordre général, comme « comment avait été sa journée? » et « [e]st‑ce que tout va bien? » son conjoint ne lui disait pas grand‑chose, sauf qu’il lui mentionnait de temps en temps qu’il était allé chez le comptable, qu’il avait les états financiers où qu’il avait de mauvaises créances. Elle ne lui demandait pas plus de précisions. Entre 2003 et 2007, elle ne se doutait pas de quoi que ce soit ni n’aurait le moindre soupçon par rapport à l’histoire des menaces ou du harcèlement de monsieur Beaudry ou d’autres personnes envers son mari. Elle ne savait rien du stratagème de fausses facturations. Elle a été mise au courant seulement à la fin du mois d’août 2008 lorsque son mari s’est confessé à elle et lui a tout dévoilé.

 

[13]        Elle admet que, le 27 septembre 2004, elle a signé la pièce P‑6 à la demande de son conjoint. La pièce P‑6 est le document d’ouverture de compte chez Rapide Chèque, un centre d’encaissement de chèques. En signant, l’appelante s’est engagée personnellement à titre de caution à couvrir tout chèque qui était remis à Rapide Chèque par la compagnie. Elle autorisait Denis Dubois à encaisser les chèques de la compagnie. Elle nous a dit que son conjoint lui avait expliqué que la compagnie éprouvait des difficultés « mineures », « temporaires », que la banque tardait  cela pouvait prendre une semaine ou deux  à payer les chèques de la compagnie et que la compagnie avait besoin de liquide tout de suite, ce qui permettrait à celle‑ci de continuer à exercer ses activités. Elle lui a posé des questions concernant les difficultés financières qu’éprouvait la compagnie, mais les explications de monsieur Dubois étaient satisfaisantes pour elle. Elle admet aussi que, le 2 novembre 2005, elle a signé la pièce P‑7, qui est le document d’ouverture de compte chez Arylo, un autre centre d’encaissement de chèques, et ceci encore à la demande de son conjoint et pour les mêmes raisons que celles qu’il avait données précédemment. Mais cette fois, il en a ajouté, une autre, à savoir qu’Arylo était plus sécuritaire que Rapide Chèque.

 

[14]        L’appelante affirme qu’elle a signé les déclarations annuelles destinées au Registraire des entreprises du Québec pour les années 2003 et 2005 et que son conjoint a signé pour 2004. Lorsqu’elle signait ces documents, elle lui demandait « c’était quoi les papiers » et il lui disait simplement que c’était pour la compagnie. En 2008, lorsqu’elle a pris connaissance des fausses facturations et des menaces, elle lui a dit : « Tu vas me sortir de là. Je ne veux plus qu’il n’y ait rien à mon nom ». Elle insistait pour qu’il aille voir la police.

 

[15]        En contre‑interrogatoire, elle a dit que, malgré le fait qu’elle était l’unique administratrice et actionnaire, elle n’avait aucune connaissance des risques qu’elle encourait comme administratrice, bien qu’elle sût qu’il y avait des risques. Elle ne s’est pas renseignée là‑dessus. Elle admet que, le 4 février 2003, elle a signé à titre de présidente et de secrétaire de la compagnie la Fiche d’adhésion à l’ouverture d’un compte d’entreprise pour la compagnie à la Banque Nationale (voir pièce I‑3). Elle a signé une Procuration/Inscription à la TPS/TVQ et retenues à la source datée du 10 janvier 2003 autorisant cinq employés à effectuer les démarches nécessaires afin que la compagnie soit inscrite aux fins de la TPS et de la taxe de vente du Québec (« TVQ ») et aux fins des retenues des impôts à la source (voir pièce I‑4). Elle a signé à titre de présidente une procuration datée du 3 février 2003 autorisant monsieur Dubois à signer pour elle tous les chèques qu’elle faisait au nom de la compagnie (voir pièce I‑5). Elle a signé une lettre datée du 3 novembre 2003 avisant Revenu Québec d’un changement d’adresse pour les versements de TPS, de TVQ, les retenues à la source et les impôts (voir pièce I‑6). Elle a signé une Résolution de signature (sans date) qui faisait savoir que monsieur Denis Dubois était le représentant de la compagnie et qu’il exerçait les pouvoirs de gestion consistant à émettre, à accepter, à endosser, à recevoir le paiement, à négocier ou à escompter relativement tout chèque, tout billet à ordre, toute lettre de change ou tout autre effet négociable (voir pièce I‑7). Elle admet avoir signé une procuration datée du 18 novembre 2005 autorisant un client d’émettre des chèques au nom de Denis Dubois à la suite de fournitures faites par la compagnie (voir pièce I‑8). Elle a aussi signé un document daté du 5 septembre 2007 autorisant Revenu Québec à communiquer à monsieur Denis Dubois des renseignements confidentiels à l’égard de la compagnie et nommant monsieur Denis Dubois comme son représentant et mandataire auprès du ministère du Revenu du Québec (voir pièce I‑9). Elle n’était pas au courant du fait que Revenu Québec faisait une vérification au mois de juin 2007. Son conjoint ne lui a rien dit d’une vérification lorsqu’elle a signé la pièce I‑9. Elle nous a dit qu’elle regardait les états financiers mais qu’elle ne posait que peu de questions à son conjoint concernant ces documents malgré le fait que le chiffre d’affaires pour l’année 2005 avait beaucoup diminué comparativement à l’année précédente. Elle nous a dit que, malgré le fait qu’elle avait vu les états financiers, elle ne les avait pas lus ligne par ligne.

 

La thèse de l’appelante

 

[16]        L’appelante soutient qu’elle n’était qu’une administratrice externe et qu’elle a exercé la diligence qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercée dans les circonstances. L’appelante se fiait à son conjoint, qui est un homme d’affaires expérimenté. Elle se fiait aussi aux comptables de la compagnie pour l’avertir si jamais il y avait quelque chose qui ne marchait pas bien dans l’entreprise. L’appelante posait des questions d’ordre général à son conjoint dans le but de savoir ce qui se passait dans l’entreprise. Malheureusement, dans les circonstances, son conjoint l’a trompée; il lui a carrément menti et il l’a tenue dans l’ignorance de la vraie situation. Elle n’a pu rien faire pour prévenir le manquement de la société car elle n’avait aucun soupçon de quoi que ce soit qui l’aurait amenée à se douter que la compagnie manquait à ses obligations fiscales. L’appelante affirme que, dans ce contexte factuel, elle a exercé la diligence qu’aurait exercée une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. De plus, elle soutient qu’il n’y a rien, dans le contexte factuel en l’espèce qui pourrait permettre de conclure qu’elle s’était volontairement aveuglée sur les vraies circonstances de la compagnie. En résumé, son conjoint lui a menti, l’a induite en erreur et l’a mise délibérément à l’écart. Donc, l’appelante soutient qu’elle ne doit pas encourir de responsabilité à titre d’administratrice par suite du manquement de la compagnie.

 

La thèse de l’intimée

 

[17]        L’intimée prétend que l’appelante n’a pas démontré qu’elle a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. L’intimée soutient que l’appelante ne s’est pas acquittée activement, de façon positive, de ses devoirs d’administratrice et qu’en fait elle n’a rien fait du tout. Elle ne peut pas, dit l’intimée, invoquer son inaction comme défense contre une allégation de malfaisance. De plus, l’appelante aurait pu savoir et aurait dû savoir que la compagnie éprouvait des problèmes fiscaux parce qu’elle savait que la compagnie avait des problèmes financiers. Elle ne s’est pas préoccupée des versements fiscaux de la compagnie malgré le fait qu’elle avait un devoir positif de le faire. Elle a laissé tout à son conjoint malgré le fait que c’était à elle en sa qualité d’administratrice qu’incombait l’obligation de faire ce qu’il fallait. Elle a signé tous les documents qu’il était nécessaire de signer, lesquels documents lui ont été présentés par son conjoint; elle les a signé de son plein gré, sans contrainte ni menace, et a refusé de se renseigner sur l’importance de ces documents. Elle avait des doutes suffisants pour qu’elle s’interroge, mais elle refusait de poser des questions ou d’aller plus loin pour savoir l’état véritable des choses. L’intimée soutient que l’appelante pratiquait la politique de l’autruche et se cachait la tête dans le sable pour ne rien savoir. Elle a été volontairement aveugle et, de plus, elle s’est complètement abdiqué ses responsabilités, s’en déchargeant sur son conjoint. Ce n’était pas une délégation de ses responsabilités mais plutôt une abdication totale de tous ses pouvoirs et toutes ses responsabilités. Voilà qui ne peut constituer une diligence raisonnable.

 

Les dispositions législatives

 

[18]        Les dispositions pertinentes de la LTA sont les suivantes :

 

323. (1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

 

[...]

 

(3) L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[19]        La seule question en litige est celle de savoir si l’appelante, en sa qualité d’administratrice, « a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement [...] que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances », comme l’exige le paragraphe 323(3) de la LTA, ce qui lui permettrait de ne pas encourir la responsabilité que prévoit le paragraphe 323(1) de la LTA.

 

Analyse

 

[20]        Dans l’arrêt Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124, 149 D.L.R. (4th) 297, 97 DTC 5407, [1997] 3 C.T.C. 242, 1997 CanLII 6352, la Cour d’appel fédérale a fait un résumé des principes régissant les responsabilités des administrateurs d’une société. En s'acquittant des fonctions de son poste, un administrateur doit agir avec intégrité, mais il doit aussi faire preuve d'un certain degré de compétence et de diligence. L'administrateur n'est pas tenu de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, un degré d'habileté supérieur à celui qu'on pourrait raisonnablement attendre d'une personne ayant ses connaissances et son expérience. Il s'agit d'une « norme objective subjective ». C’est‑à‑dire, la norme est partiellement la norme de la personne raisonnable, mais elle est définie en fonction des connaissances et de l'expérience de l'intéressé. L'administrateur n'est pas tenu de concentrer son attention en permanence sur les affaires de la société, mais la common law ne permet pas à l’administrateur de se conformer à une norme de passivité et d’irresponsabilité. L’administrateur qui agit de façon irresponsable  par exemple, en n'assistant pas à toutes les réunions du conseil , le fait à ses risques et périls. Compte tenu des besoins de l'entreprise elle‑même et compte tenu également des exigences des statuts constitutifs, on peut confier des pouvoirs et des responsabilités à un autre dirigeant; dans un tel cas, l'administrateur est fondé à présumer, sauf s'il a des motifs de soupçonner qu’il en soit autrement, que ce dirigeant s'acquitte de ses fonctions avec intégrité. Plus l'entreprise est grande, plus la délégation sera nécessaire. Il incombe à l'administrateur externe de prendre les mesures qui s’imposent s'il sait, ou aurait dû savoir, que la société pourrait avoir un problème en ce qui concerne les versements au fisc. La situation typique dans laquelle un administrateur est, ou aurait dû être, au courant d’un tel état de choses est celle de la société qui a des difficultés financières.

 

[21]        La norme « objective subjective » permettait une certaine souplesse envers les administrateurs visés par des dispositions fiscales comme le paragraphe 323(3) de la LTA. Mais la Cour suprême du Canada a rejeté la norme « subjective » dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 R.C.S. 461, 2004 CSC 68. Les juges Major et Deschamps ont statué ainsi aux paragraphes 62 à 64 de leurs motifs de jugement :

 

62        Le texte de l’al. 122(1)b) de la LCSA qui énonce l’obligation de diligence reprend presque mot à mot celui que propose le Rapport Dickerson. La principale différence réside dans le fait que la version qui a été adoptée comprend les mots « en pareilles circonstances », ce qui modifie la norme légale en exigeant qu’il soit tenu compte du contexte dans lequel une décision donnée a été prise. Le législateur n’a pas introduit un élément subjectif relatif à la compétence de l’administrateur, mais plutôt un élément contextuel dans la norme de diligence prévue par la loi. Il est clair que l’al. 122(1)b) est plus exigeant à l’égard des administrateurs et des dirigeants que la norme traditionnelle de diligence prévue par la common law et expliquée, par exemple, dans la décision Re City Equitable Fire Insurance, précitée.

 

63        Dans l’arrêt Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124, par. 41, le juge Robertson de la Cour d’appel fédérale a décrit la norme de diligence énoncée à l’al. 122(1)b) de la LCSA comme étant une norme « objective subjective ». Même s’il portait sur l’interprétation d’une disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu, cet arrêt est pertinent en l’espèce parce que le libellé de la disposition établissant la norme de diligence est identique à celui de l’al. 122(1)b) de la LCSA. Nous estimons pour notre part que le fait, pour le juge Robertson, de qualifier la norme par l’expression « objective subjective » peut semer la confusion. Nous préférons la décrire comme une norme objective. Ainsi, il devient évident que dans le cas de l’obligation de diligence prévue à l’al. 122(1)b), ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent l’administrateur ou le dirigeant qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers, qui sont l’objet essentiel de l’obligation fiduciaire prévue à l’al. 122(1)a) de la LCSA.

 

64        La méthode contextuelle dictée par l’al. 122(1)b) de la LCSA fait ressortir non seulement les faits primaires mais elle permet aussi qu’il soit tenu compte des conditions socio‑économiques existantes. L’apparition de normes plus strictes force les sociétés à améliorer la qualité des décisions des conseils d’administration. [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[22]        La Cour d’appel fédérale en est arrivée à la même conclusion à l’égard du paragraphe 323(3) de la LTA dans l’affaire La Reine c. Buckingham, 2011 CAF 142. Dans Buckingham, le contribuable était le seul administrateur et le principal actionnaire d’une société. Il s’occupait des activités quotidiennes de l’entreprise au jour le jour et donc il jouait un rôle important dans son exploitation. Il a reconnu qu’il avait financé l’entreprise au moyen des montants de TPS/TVH parce que celui‑ci éprouvait des difficultés financières. Donc il a fait l’objet d’une cotisation en vertu de l’article 323 de la LTA pour les montants de TPS/TVH que l’entreprise n’avait pas versés ainsi que pour les pénalités et intérêts afférents. Le juge Mainville de la Cour d’appel fédérale traite de la norme de soin, de diligence et d’habileté. Le juge Mainville indique que le paragraphe 323(3) de la LTA ne prévoit pas une obligation générale de diligence, mais établit plutôt un moyen de défense visant la responsabilité précise prévue au paragraphe 323(1) de la LTA. Il incombe aux administrateurs de démontrer que les conditions requises pour se prévaloir avec succès d’une telle défense sont remplies. L’obligation de diligence prévue au paragraphe 323(3) de la LTA vise expressément à empêcher les sociétés d’omettre de verser les sommes exigées. Les administrateurs doivent établir qu’ils ont exercé le degré de soin, de diligence et d’habileté requis « pour prévenir le manquement ». L’objet de ce paragraphe est clairement de prévenir les défauts de versement. Le juge Mainville statue que la norme de diligence raisonnable est une norme objective et non une norme « objective subjective ». Le renvoi à la notion de personne raisonnablement prudente indique clairement que le critère est objectif plutôt que subjectif. Le juge Mainville écarte toutes notions de norme subjective et il déclare au paragraphe 37 :

 

[37]      Par conséquent, je conclus que la norme de soin, de diligence et d’habileté exigée [...] au paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise est une norme objective comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans Magasins à rayons Peoples.

 

[23]        Il explique cette norme objective comme suit aux paragraphes 38 à 40 :

 

[38]      Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d’une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci : Magasins à rayons Peoples, aux paragraphes 59 à 62. Si l’on qualifie cette norme d’objective, il devient évident que ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent [sic] l’administrateur qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers : Magasins à rayons, au paragraphe 63. L’apparition de normes plus strictes force les sociétés à améliorer la qualité des décisions des conseils d’administration au moyen de l’établissement de bonnes règles de régie d’entreprise : Magasins à rayons Peoples, au paragraphe 64. Des normes plus strictes empêchent aussi la nomination d’administrateurs inactifs choisis pour l’apparence ou qui ne remplissent pas leurs obligations d’administrateurs en laissant aux administrateurs actifs le soin de prendre les décisions. Par conséquent, une personne nommée administrateur doit activement s’acquitter des devoirs qui s’attachent à sa fonction, et il ne lui sera pas permis de se défendre contre une allégation de malfaisance dans l’exécution de ses obligations en invoquant son inaction : Kevin P. McGuinness, Canadian Business Corporations Law, 2e édition (Markham, Ontario : LexisNexis Canada, 2007), à la page 11.9.

 

[39]      Une norme objective ne signifie toutefois pas qu’il ne doit pas être tenu compte des circonstances propres à un administrateur. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérés [sic] au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente ». [...]

 

[40]      L’objectif de l’examen prévu aux paragraphes 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise différera toutefois de celui qu’exige l’alinéa 122(1)b) de la LCSA, car les premières dispositions requièrent que l’administrateur s’acquitte de son obligation de soin, de diligence et d’habileté de manière à prévenir les défauts de versement. Pour invoquer ces moyens de défense, l’administrateur doit par conséquent démontrer qu’il s’est préoccupé des versements requis et qu’il s’est acquitté de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[24]        Qu’est‑ce qui déclenche cette obligation positive? Il convient de signaler notamment à cet égard, que la conduite à examiner est celle qu’a eue l’administrateur à partir du moment où il est devenu évident pour lui que la société entrait dans une période de difficultés financières. Le juge Mainville s’exprime ainsi au paragraphe 46 :

 

[46]      [...] L’examen de la conduite de l’administrateur commence plutôt lorsqu’il devient évident pour l’administrateur, agissant raisonnablement et avec le soin, la diligence et l’habileté qui sont requises, que la société entame une période de difficultés financières : Soper, au paragraphe 50.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[25]        En conclusion, le juge Mainville fait le résumé suivant au paragraphe 52 :

 

[52]      Le Parlement n’a pas requis des administrateurs qu’ils soient assujettis à une responsabilité absolue relativement aux versements de leurs sociétés. En conséquence, le Parlement accepte qu’une société puisse, dans certaines circonstances, ne pas effectuer des versements sans que la responsabilité de ses administrateurs ne soit engagée. Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’ils démontrent qu’ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu’ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[26]        Le juge Mainville a répété ces principes dans la décision de Balthazard c. La Reine, 2011 CAF 331, de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 32 :

 

[32]      Le cadre juridique applicable à une défense de soin, de diligence et de compétence sous le paragraphe 323(3) de la LTA a récemment été résumé comme suit par notre Cour dans Buckingham :

 

a.       La norme de soin, de diligence et de compétence exigée au paragraphe 323(3) de la LTA est une norme objective comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461. Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d’une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci. Une norme objective ne signifie toutefois pas que les circonstances propres à un administrateur ne doivent pas être prises en compte. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérées au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente ».

 

b.      L’examen de la conduite de l’administrateur aux fins de cette norme objective commence lorsqu’il devient évident pour l’administrateur, agissant raisonnablement et avec le soin, la diligence et la compétence qui sont requises, que la société entame une période de difficultés financières.

 

c.       Une société qui fait face à des difficultés financières pourrait se hasarder à réaffecter les versements dus à la Couronne afin de payer d’autres créanciers et ainsi assurer la poursuite de ses activités. C’est précisément une telle conjoncture que l’article 323 de la LTA vise à éviter. Le moyen de défense prévu au paragraphe 323(3) de la LTA ne doit pas servir à encourager de tels défauts de versement en permettant aux administrateurs d’invoquer une défense de soin, de diligence et de compétence lorsqu’ils financent les activités de leur société à l’aide de remises dues à la Couronne, en espérant ou non remédier plus tard à ces défauts.

 

d.      Puisque la responsabilité des administrateurs à ces égards n’est pas absolue, il est possible qu’une société puisse ne pas effectuer des remises à la Couronne sans que la responsabilité solidaire des administrateurs soit engagée.

 

e.       Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’ils démontrent qu’ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu’ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et de compétence afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants en cause.

 

[27]        La décision Buckingham a fait couler beaucoup d’encre : voir, par exemple, Boles c. La Reine, 2011 CCI 288, décision rendue le 9 juin 2011 par le juge Boyle (appel contre la cotisation rejeté); Latulippe c. La Reine, 2011 CCI 388, une décision du juge Angers datée du 11 octobre 2011 (appel rejeté); Gougeon c. La Reine, 2011 CCI 420, une décision du juge Angers datée du 11 octobre 2011 (appel de la cotisation rejeté); Heaney c. La Reine, 2011 CCI 429, la juge Campbell (appel contre la cotisation accueilli); Lagacé c. La Reine, 2012 CCI 117, une décision du juge Hogan rendue le 5 avril 2012 (appel rejeté); Martin v. The Queen, 2012 TCC 239, une décision du juge Angers rendue le 27 août 2012 (appels accueillis en partie); Roux c. La Reine, 2012 CCI 249, décision en date du 15 août 2012 dans laquelle le juge Angers a rejeté l’appel contre la cotisation; Cappador c. La Reine, 2012 CCI 267, décision rendue le 25 juillet 2012 par la juge Lamarre (appel rejeté); Deakin c. La Reine, 2012 CCI 270, décision rendue le 26 juillet 2012 par le juge Boyle (appels rejetés); Anderson v. The Queen, 2012 TCC 333, une décision du juge D’Arcy, qui a rejeté la défense de diligence raisonnable mais a renvoyé l’affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation; Boudreau c. La Reine, 2012 CCI 342, une décision du juge Bédard en date du 28 septembre 2012 (appel rejeté).

 

[28]        Me Delisle, l’avocat de l’appelante, s’est référé à plusieurs exemples où un administrateur a pu échapper aux obligations fiscales de sa société du fait qu’il avait été tenu à l’écart pour ce qui concernait la vraie situation fiscale de l’entreprise. Baker c. La Reine, 2010 CCI 268, est un cas ou l'appelant, âgé de 64 ans et ayant peu de scolarité, était l'unique administrateur et l'unique actionnaire d’une société. Son épouse s'occupait de toutes les tâches administratives relatives à l'exploitation de l’entreprise. L’appelant n'avait jamais eu connaissance de problèmes financiers ou de dettes résultant de l'exploitation de l'entreprise, et, bien qu'il sût qu’il était l'unique actionnaire et administrateur de la société, il s'en remettait entièrement à son épouse et ne connaissait absolument pas les responsabilités qui incombent à un administrateur. L’appelant croyait que son épouse était honnête et compétente et qu'elle prenait toutes les mesures nécessaires pour respecter les obligations juridiques, commerciales et fiscales de la société. En plus d'avoir reconnu qu'il ne savait rien de ses responsabilités en tant qu'administrateur, l’appelant a dit qu'il n'avait jamais discuté des tâches d'un administrateur avec qui que ce soit, y compris son épouse. Il n'avait jamais cherché à se renseigner. Le juge Hershfield a accueilli l’appel contre la cotisation, se fondant pour se faire sur les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Soper. Les décisions McIsaac c. La Reine, 2004 CCI 618, rendue par la juge Campbell le 29 septembre 2004, Ouahidi c. La Reine, 2007 CCI 119, rendue par le juge Favreau le 22 mars 2007, et Pascoal c. La Reine, 2009 CCI 608, une décision du juge McArthur rendue le 2 décembre 2009, en arrivent toutes à la même conclusion.

 

[29]        L’intimée s’appuie sur la décision Penney c. Canada, [1999] A.C.I. no 803 (QL), qu’a rendu le juge Margeson le 17 novembre 1999. Dans cette affaire, l’appelante, à la demande de son frère, est devenue la seule administratrice d’une société et elle détenait toutes les actions de cette société pour son frère. Ce dernier s’occupait de tous les aspects de l’exploitation de la société, qui exerçait ses activités à Terre‑Neuve. L’appelante vivait à Toronto. Un timbre de la signature de l’appelante avait été fait, mais l’appelante n'avait jamais posé de question à l’égard de l'utilisation de ce timbre, qui était apposé sur divers documents sans qu'on la consulte. On avait dit à l’appelante qu'elle ne courait aucun risque et n'avait aucune obligation à l’égard de la société. Elle avait fermé les yeux sur tout ce qui touchait à l'administration de l'entreprise. Elle ne s’occupait pas de l’exploitation de la société et elle n’en recevait aucun montant d’argent. Elle ne prenait aucune décision relativement à l’entreprise et ne participait d’aucune façon à son exploitation. La compagnie était contrôlée complètement par le frère de l’appelante et celle‑ci n’en était l’unique administratrice, actionnaire et dirigeante qu’en théorie. Le frère avait pleins pouvoirs et la sœur, l’appelante, n’avait aucun pouvoir. L’appelante ignorait quelle était la définition d’un administrateur. L’appelante ne s'est intéressée à la compagnie que pour rendre service à son frère, à qui elle faisait pleinement confiance. Le juge Margeson a conclu que les actions de l’appelante dans les circonstances équivalaient à un refus volontaire de voir la vérité. Selon ce qui a été dit dans l'affaire Starkman c. Canada, [1996] A.C.I. no 1629 (QL), 97 DTC 220, même un administrateur passif ou inactif n'échappe pas nécessairement à toute responsabilité et, même dans le contexte d'une entreprise familiale, il faut prendre en considération les circonstances de l'affaire. Le juge Margeson a conclu que l’appelante avait abdiqué ses responsabilités, s’en déchargeant sur son frère. La Cour a rejeté l’appel contre la cotisation et a jugé l’appelante, ainsi que son frère, responsable par suite des manquements de la société.

 

[30]        Il faut souligner que toute la jurisprudence citée ci‑dessus date d’avant la décision Buckingham. Donc, on voit qu’avant Buckingham un administrateur qui avait été tenu à l’écart par des membres de sa famille qui s’occupaient de la gestion de l’entreprise pouvait invoquer la défense de diligence raisonnable. Certainement, depuis Buckingham, la norme est plus stricte vu le fait que la subjectivité n’entre plus en ligne de compte. Il s’agit tout simplement maintenant, d’une norme objective considérée dans l’ensemble du contexte factuel. La jurisprudence postérieure à Buckingham nous éclaire à cet égard.

 

[31]        Dans la décision Lagacé c. La Reine, précitée, le juge Hogan a statué au paragraphe 21 :

 

[21]      Pour être retenu, un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable exige une preuve indiquant que les administrateurs ont pris des mesures concrètes en vue de prévenir le défaut. Si l’arrêt Buckingham est appliqué en l’espèce, il ne suffit pas de dire que Mme Lagacé ne devrait pas être tenue responsable parce qu’elle était une administratrice externe. La preuve montre qu’elle était dans les affaires avec M. Eastveld. Ils vivaient ensemble et ils travaillaient ensemble à l’entreprise depuis leur bureau à domicile. Les appelants avaient la charge d’établir qu’ils avaient pris des mesures en vue de prévenir l’omission de la société. [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[32]        Dans l’affaire Boles c. La Reine, précitée, l’appelant a soutenu qu’il ne savait même pas qu’il était administrateur de la société en question avant que l’Agence du revenu du Canada ne se soit mise à le poursuivre. Il avait affirmé qu’il n’avait jamais été consulté au sujet des activités de l’entreprise, ni n’avait jamais participé à ses activités, ni n’avait aucune connaissance directe des activités ou des affaires commerciales de l’entreprise, ni à aucun moment n’a, de quelque manière que ce soit, dirigé son exploitation ou participé à son exploitation. Il a toutefois reconnu avoir signé quelques documents pour la société. Le juge Boyle se réfère à la décision Buckingham au paragraphe 2 de ses motifs de jugement :

 

[2]        La décision la plus récente portant sur l’étendue de la responsabilité des administrateurs à l’égard de la TPS ou des retenues d’impôt sur le revenu non versées et sur les moyens de défense qu’ils peuvent invoquer à cet égard a été rendue le 21 avril 2011 par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada c. Buckingham, 2011 CAF 142. Dans Buckingham, la Cour d’appel fédérale a confirmé que la portée des dispositions en matière de responsabilité des administrateurs est potentiellement très large et importante, et ce, afin que le risque d’une omission par une société de faire des versements soit dans les faits transféré du fisc et des contribuables canadiens en général aux administrateurs de la société, lesquels ont légalement le droit de superviser, de contrôler ou d’effectuer la gestion de ses affaires. La Cour a également confirmé qu’un administrateur cherchant à être disculpé pour avoir agi avec soin, diligence et compétence doit avoir pris les mesures nécessaires « pour prévenir le manquement » à l’obligation de faire les versements et non pour remédier à ce manquement par la suite. [...]

 

[33]        Et au paragraphe 9 le juge Boyle dit ce qui suit :

 

[9]        Reste la question de savoir si monsieur Boles a en fait agi avec le soin, la diligence et la compétence voulus pour prévenir l’omission de l’entreprise de verser la TPS dans les circonstances. Absolument rien dans la preuve n’indiquait que monsieur Boles intervenait de quelque manière que ce soit dans les affaires de Begley Associates durant les années en question et, par conséquent, il ne peut affirmer avoir fait quoi que ce soit pour prévenir l’omission de verser la TPS. Certains éléments de preuve ont indiqué que, dans des années subséquentes, il a peut-être aidé à dégager des fonds pour monsieur Clark, avant son décès, afin qu’il puisse réduire considérablement ou acquitter intégralement tout arriéré de taxe de Begley Associates. Toutefois, il est évident que les mesures prises doivent viser à prévenir le manquement et non à simplement y remédier. [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[34]        Dans la décision Latulippe, précitée, le juge Angers a écrit ce qui suit aux paragraphes 20, 21 et 24 :

 

[20]      Je ne peux passer sous silence la récente décision de la Cour d'appel fédérale rendue dans l'affaire Buckingham c. La Reine, 2011 CAF 142, qui écarte la norme subjective et qui établit que le critère ne devrait être qu'un [critère] objectif. L'application de cette norme plus stricte fait en sorte que les arguments basés sur des lacunes personnelles devaient être écartés. [...]

 

[21]      Les circonstances propres à un administrateur peuvent être prises en considération, mais seulement au regard de la norme objective d'une personne raisonnablement prudente, tel que la Cour d'appel fédérale l'explique au paragraphe 39 [citation omise] :

 

[...]

 

[24]      Notre Cour a cependant rendu aussi des décisions où elle a été moins indulgente à l'égard des administrateurs de jure qui, compte tenu des liens familiaux, n'assumaient pas leurs responsabilités d'administrateurs. Qu'il me suffise de faire référence aux décisions Penney c. Canada, [1999] A.C.I. no 803 (QL), [1999] G.S.T.C. 102, Black c. Canada, [1994] A.C.I. no 191 (QL), [1994] 1 C.T.C. 2750, Hanson c. Canada, [1996] A.C.I. no 1392 (QL), [1997] 1 CTC 2456 et Western c. Canada, [1999] A.C.I. no 155 (QL). L'ensemble de ces décisions met l'accent sur le fait qu'il n'y a rien dans le libellé des dispositions pertinentes qui donne à entendre que le législateur avait l'intention de prêter secours à un administrateur qui omet d'agir parce qu'il fait fi de ses responsabilités et de celles de la société dont il est l'administrateur. Qu'il me suffise de citer le paragraphe 22 de la décision du juge Sarchuk dans l'affaire Hanson :

 

Le simple fait que quelqu'un devient administrateur dans un contexte familial n'est pas suffisant pour lui permettre de se détacher des affaires de la compagnie; de ne pas en tenir compte à toutes fins utiles; de ne pas tenir compte de ses responsabilités; de fait, d'aller jusqu'à omettre de poser une question aussi fondamentale que celle de savoir quelles sont ces responsabilités et d'échapper ainsi à la responsabilité prévue par les dispositions de la Loi.

[Non souligné dans l’original.]

 

[35]        Dans la décision Deakin c. La Reine, précitée, le juge Boyle indique, au paragraphe 24, que les obligations d’un administrateur en vertu du paragraphe 323(3) de la LTA sont semblables à une garantie :

 

[...] Les gens d’affaires devraient considérer les dispositions légales portant sur la responsabilité des administrateurs comme étant quelque peu semblables à une forme de garantie personnelle des administrateurs pouvant les exposer à une responsabilité comparable à l’égard du montant en cause. [...]

 

[36]        À mon avis, les obligations et les responsabilités des administrateurs sont très importantes et peuvent être très lourdes, même dans le contexte d’une petite compagnie familiale. On ne doit pas assumer à la légère un poste d’administrateur de jure. Les administrateurs ont des responsabilités envers la compagnie, envers les actionnaires, envers les employés de la compagnie et envers les autorités fiscales. D’après moi, un administrateur diligent doit se renseigner, au moins de façon générale, sur ce dans quoi il s’engage, et il doit prendre ses responsabilités au sérieux.

 

[37]        En l’espèce, est-ce que l’appelante a démontré qu’elle a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances? Est‑ce qu’elle s’est effectivement préoccupée des versements fiscaux afin de prévenir le défaut de la compagnie de verser les montants en cause? Est‑ce qu’elle a pris des mesures concrètes en vue de prévenir le défaut?

 

[38]        Toutes les pièces justificatives qui ont été déposées à l’audience démontrent clairement que l’appelante se présentait au monde entier, y compris les autorités fiscales, comme présidente et administratrice de la compagnie. Malgré le fait qu’elle était l’unique administratrice et actionnaire, elle n’avait aucune connaissance des risques qu’elle encourait comme administratrice bien qu’elle sût qu’il y avait des risques. Elle ne s’est toutefois pas renseignée là‑dessus, or, il me semble qu’une personne raisonnablement prudente, dans les mêmes circonstances, se serait renseignée sur les risques potentiels rattachés au poste d’administrateur d’une compagnie, même si c’était son conjoint qui en était le gestionnaire.

 

[39]        Le contexte factuel démontre que l’appelante jouait un rôle dans les affaires de la compagnie, même si, dans ce rôle, elle était soumise aux directives de son conjoint. Elle n’était aucunement contrainte de faire ce que son conjoint lui demandait de faire. Elle l’a fait dans le but de lui rendre service. Il est évident que l’appelante ne connaissait rien de l’exploitation de l’entreprise et n’avait rien eu à faire avec son exploitation. Elle laissait tout cela à monsieur Dubois. C’est vrai qu’elle posait des questions à monsieur Dubois, lui demandant comment ça allait ou comment avait été sa journée et est‑ce que tout va bien? Mais ces questions étaient des questions d’ordre général concernant l’entreprise EFN ainsi que les autres compagnies que monsieur Dubois gérait. Bien que monsieur Dubois lui ait dit que parfois il y avait de mauvaises créances, elle ne lui a pas demandé de précisions. J’ai bien l’impression que ces questions étaient posées dans le contexte de conversations anodines entre deux conjoints. Une personne raisonnablement prudente, sachant qu’il y avait de mauvaises créances, n’aurait pas posé que des questions d’ordre général.

 

[40]        Dans le contexte factuel, il est évident que l’appelante a abdiqué presque tous ses pouvoirs d’administratrice et les a cédés à son conjoint. Elle a signé à titre de présidente une procuration datée du 3 février 2003 autorisant monsieur Dubois à signer tous les chèques pour elle au nom de la compagnie, et le fait est qu’elle n’a jamais à aucun moment signé de chèque. C’est monsieur Dubois qui a signé tous les chèques. L’appelante a signé au nom de la compagnie des procurations autorisant monsieur Dubois et ses comptables à communiquer avec Revenu Québec et elle a désigné monsieur Dubois comme la personne à qui s’adresser. Monsieur Dubois signait des documents pour l’appelante et en son nom, et ceci, évidemment, avec l’approbation de cette dernière : voir les déclarations de revenus pour les années 2004 et 2006. L’appelante a signé une Résolution de signature (sans date) visant à faire en sorte que Denis Dubois soit le représentant de la compagnie et qu’il exerce les pouvoirs de gestion consistant à émettre, à accepter, à endosser, à recevoir paiement, à négocier et à escompter relativement à tout chèque, à tout billet à ordre, à toute lettre de change et à tout autre effet négociable. Elle a signé une procuration datée du 18 novembre 2005 autorisant un client d’émettre des chèques au nom de Denis Dubois à la suite des fournitures faites par la compagnie. Elle a signé une procuration datée du 5 septembre 2007 autorisant Revenu Québec à communiquer à Denis Dubois des renseignements confidentiels à l’égard de la compagnie et nommant Denis Dubois comme son représentant et mandataire auprès du ministère. Il est évident qu’elle aurait signé n’importe quel document que monsieur Dubois lui présentait sans plus d’explication que « c’est pour la compagnie ». En l’espèce, il ne s’agit pas d’une délégation de pouvoirs, mais il s’agit plutôt d’une abdication de pouvoirs décisionnels en faveur de monsieur Dubois. Or, on ne peut pas se soustraire à ses responsabilités et obligations d’administrateur d’une société en se dépouillant de ses pouvoirs d’administrateur.

 

[41]        Est-ce que l’appelante savait ou aurait‑elle dû savoir que la compagnie éprouvait des problèmes financiers? Elle savait que la compagnie avait parfois de mauvaises créances parce que son conjoint le lui a dit. L’existence de mauvaises créances n’est pas en soi quelque chose qui sort de l’ordinaire, mais c’est un signe indicatif de problèmes potentiels qui appellent une surveillance plus rigoureuse des dettes actives. Elle savait que la compagnie faisait affaire avec la Banque Nationale, et cela depuis 2003. Mais, en septembre 2004, elle signe le document pour l’ouverture d’un compte chez le centre d’encaissement Rapide Chèque. De plus, elle est obligée de s’engager personnellement, à titre de caution, à couvrir tous les chèques qui sont remis à Rapide Chèque par la compagnie. Selon moi, il est inhabituel qu’une compagnie fasse affaire avec un centre d’encaissement au lieu d’une banque. Le conjoint de l’appelante lui a dit que la banque « gelait » les chèques et que par conséquent, la compagnie manquait de liquidités au point d’avoir besoin d’argent vite afin de pouvoir continuer ses activités. À ce moment‑là, bien que monsieur Dubois ait qualifié de « mineurs » et de « temporaires » les problèmes de liquidités, l’appelante aurait dû savoir que la compagnie avait des problèmes financiers qu’on devait surveiller de près, d’autant plus qu’elle a été obligée de s’engager personnellement. Il est évident que les problèmes de liquidités n’étaient pas « mineurs » ni « temporaires » car quatorze mois plus tard la compagnie continuait à faire affaire avec un centre d’encaissement de chèques, Arylo, au lieu de s’adresser à la banque. Le fait que des problèmes de liquidités durent quatorze mois indique en soi que l’entreprise avait des problèmes financiers graves, ce qui était un signe qu’il y avait probablement aussi des problèmes fiscaux. L’appelante regardait les états financiers et elle a même signé à titre d’administratrice l’état financier daté du 30 juin 2006 se rapportant à l’année 2005. Elle ne lisait pas les états financiers ligne par ligne et elle ne posait que peu de questions à son conjoint concernant ces documents malgré le fait que, pour l’année 2005, le chiffre d’affaires a beaucoup diminué comparativement à l’année précédente. Elle a signé une procuration datée du 18 novembre 2005 autorisant un client à émettre des chèques au nom de Denis Dubois à la suite de fournitures effectuées par la compagnie. Elle ne s’est pas demandée, à ce moment‑là, pourquoi un client aurait payé monsieur Dubois directement au lieu de faire passer le chèque par la compagnie. Elle a signé une procuration datée du 5 septembre 2007 autorisant Revenu Québec à communiquer à Denis Dubois des renseignements confidentiels à l’égard de la compagnie et nommant Denis Dubois comme son représentant et mandataire auprès du ministère. Ceci aurait dû être pour elle un avertissement quant à l’existence d’un problème potentiel en ce qui concerne les versements de taxe. Elle était certainement au courant du fait que Revenu Québec voulait obtenir des renseignements, sinon, pourquoi la procuration?

 

Conclusion

 

[42]        Bien que le conjoint de l’appelante lui ait menti et l’ait trompée, le contexte factuel démontre qu’il y avait beaucoup d’indices de problèmes financiers qu’une personne raisonnablement prudente aurait dû reconnaître dans les mêmes circonstances. J’arrive à la conclusion que l’appelante a dû savoir que l’entreprise avait des problèmes financiers et donc des problèmes fiscaux. Dans les faits, l’appelante ne s’est pas préoccupée des versements fiscaux et elle n’a pris aucune mesure concrète en vue de prévenir le défaut de la compagnie de verser les montants en cause.

 

[43]        En conclusion, ayant pris en considération l’ensemble de la preuve et compte tenu du contexte factuel en l’espèce, je ne suis pas convaincu que madame Constantin a démontré qu’elle a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[44]        Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Kingston, Ontario, ce 6e jour de décembre 2012.

 

 

 

« R. G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 425

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-1543(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            CHANTAL CONSTANTIN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable R.G. Masse, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 6 décembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

 

Me Martin Delisle

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                           Me Martin Delisle

                 Cabinet :                          Sarnino Mostovac, senc

                                                          Montréal, Québec

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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