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Dossier : 2008-2571(GST)G

ENTRE :

GF PARTNERSHIP,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu du 16 au 20 avril et les 6 et 7 juin 2012, à Toronto (Ontario).

(Observations écrites reçues par la suite)

 

Devant : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Irving Marks

Me Michael Gasch

Me Ellad Gersh

 

Avocats de l’intimée :

Me Michael Ezri

Me Tamara Watters

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes de déclaration allant du 1er juin 2001 au 31 mai 2006 est rejeté. L’intimée a droit aux dépens.

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 12e jour de février 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce  11e jour de juillet 2013.

 

 

François Brunet, réviseur




 

 

 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 53

Date : 20130212

Dossier : 2008-2571(GST)G

 

 

ENTRE :

 

GF PARTNERSHIP,

appelante,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction FRANÇAISE officielle]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Woods

 

 

I.             Introduction

 

[1]             L’appelante, GF Partnership, est promoteur et constructeur de lotissements résidentiels qui exerce ses activités sous le nom de Mattamy Homes. Elle interjette appel des cotisations se rapportant à la taxe sur les produits et services (TPS) percevable auprès des acheteurs d’habitations neuves. La principale question à trancher est celle de savoir si la TPS remise par l’appelante tenait compte de la totalité de la contrepartie reçue pour la fourniture de ses habitations.

 

[2]             Dans les présents motifs, l’appelante est désignée sous le nom de l’entreprise « Mattamy » et les acheteurs d’habitation sont appelés « les acheteurs ». Les autres termes définis seront tirés de l’exposé conjoint des faits (« ECF »), dont certains extraits sont repris ci-après.

 

[3]             Aux termes de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »), l’achat d’une habitation neuve est assujetti à la TPS, sous réserve du remboursement d’une partie de cette taxe. En 2001, un comptable que Mattamy avait embauché à titre de consultant a décrit une stratégie utilisée par un autre promoteur pour réduire la TPS. Cette stratégie consistait à tirer parti du fait que les redevances d’aménagement municipales ne sont pas assujetties à la TPS.

 

[4]             Normalement, les promoteurs paient les redevances d’aménagement et récupèrent leurs frais en les intégrant au prix d’achat des habitations, qui est taxable. La stratégie de l’autre promoteur consistait à prendre des dispositions pour que les redevances d’aménagement soient payées directement par l’acheteur, puis à réduire le prix d’achat de l’habitation d’un montant équivalent. En substance, les redevances d’aménagement étaient dissociées de la vente de l’habitation. La réduction de la TPS découlait de la réduction du prix d’achat de l’habitation.

 

[5]             Même si la TPS incombe aux acheteurs d’habitations neuves et non aux constructeurs, Mattamy pouvait profiter de cette stratégie étant donné qu’elle vendait ses habitations à un prix forfaitaire qui incluait la TPS. Par conséquent, toute réduction de la TPS pouvait améliorer le bénéfice net de Mattamy, en tout ou en partie.

 

[6]             Mattamy a décidé de retenir cette stratégie et a demandé au consultant de la mettre en œuvre en modifiant les conventions type d’achat et de vente de Mattamy (ci-après appelées « les conventions d’achat »). Mattamy a appliqué la stratégie au milieu de 2001 : elle s’est alors mise à calculer la TPS sur la vente d’habitations neuves en excluant les redevances d’aménagement du prix d’achat. Le ministre a établi une cotisation à l’égard de Mattamy en tenant pour acquis que celle‑ci avait omis de remettre la totalité de la TPS exigible.

 

[7]             La principale question à trancher est celle de savoir si Mattamy était tenue de verser un montant de TPS tenant compte du fait que la contrepartie payable pour les habitations incluait une somme au titre des redevances d’aménagement.

 

[8]             La Couronne soutient que les redevances d’aménagement n’ont pas été payées par les acheteurs, mais que Mattamy payait ces redevances et en récupérait le coût dans le prix des habitations. Subsidiairement, la Couronne soutient que, aux termes de l’article 154 de la LTA, les redevances d’aménagement sont réputées être comprises dans la contrepartie versée pour les habitations. Subsidiairement encore, la Couronne soutient que Mattamy aurait dû remettre la TPS relativement aux redevances d’aménagement parce que cette dernière avait perçu la TPS sur ces redevances auprès des acheteurs.

 

[9]             Si la Cour rejette la thèse de Mattamy sur la question principale, il faudra se pencher sur la question incidente concernant les remboursements pour habitations neuves (« RHN »), à savoir si Mattamy a droit à des sommes additionnelles ou si elle a l’obligation de payer des sommes additionnelles. Si le prix des habitations inclut les redevances d’aménagement, alors dans certains cas les RHN demandés étaient trop élevés et dans d’autres cas ils étaient trop bas.

 

[10]        Mattamy soutient qu’elle n’a pas l’obligation de payer dans les cas où les demandes de RHN étaient trop élevées, mais qu’elle a droit à un redressement dans les cas où les demandes de RHN étaient trop faibles. La Couronne avance la thèse contraire. Elle soutient que Mattamy est redevable à l’égard des demandes de RHN qui étaient trop élevées, mais n’a pas droit à un redressement pour les demandes qui étaient trop basses.

 

[11]        La période en cause va du 1er juin 2001 au 31 mai 2006. Au cours de cette période, Mattamy a développé plus 50 lotissements et a vendu environ 15 000 nouvelles habitations. Le montant de la TPS en cause s’élève à plus de 15 000 000 $.

 

[12]        Dans ses observations, Mattamy soulève les questions suivantes :

 

(1)                 Les ententes contractuelles entre Mattamy et les acheteurs ont-elles eu pour effet de soustraire les redevances d’aménagement de la contrepartie versée pour les habitations?

 

(2)                 Aux termes de l’article 154, les redevances d’aménagement sont-elles réputées être comprises dans la contrepartie versée pour les habitations?

 

(3)                 Si les redevances d’aménagement ne sont pas comprises dans la contrepartie versée pour les habitations,

 

(a)  Mattamy est-elle tenue de remettre la TPS vu qu’elle a perçu cette TPS auprès des acheteurs?

 

(b) Mattamy a-t-elle droit à un rajustement tenant compte de la TPS perçue de manière erronée?

 

(4)                 Si les redevances d’aménagement sont en fait comprises dans la contrepartie versée pour les habitations, Mattamy a-t-elle droit à un redressement pour les demandes de RHN qui étaient trop basses?

 

(5)                 Mattamy est-elle redevable pour les demandes de RHN qui étaient trop élevées?

 

[13]        Mes conclusions en réponse à ces questions sont les suivantes :

 

(1)             Non.

(2)             Il n’est pas nécessaire de trancher cette question.

(3)             Il n’est pas nécessaire de trancher cette question.

(4)             Non.

(5)             Oui.

 

[14]        Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel.

 

[15]        Avant d’examiner la première question, il convient de dire quelques mots sur les preuves qui, en grande partie, n’ont pas constitué matière à controverse.

 

[16]        Étant donné que le présent appel a trait à plusieurs projets de lotissement et à plus de 15 000 transactions de vente d’habitation, le déroulement de l’audience aurait été alourdi si ce n’était de la bonne coopération entre les parties en ce qui concerne les preuves. Les avocats des deux parties ont accompli un excellent travail à ce chapitre. Ils ont présenté un ECF et un recueil conjoint des documents (RCD) qui contenait des documents représentatifs tels que des règlements municipaux, des ententes de lotissement, ainsi que des conventions d’achat et de vente. Ils ont également déposé d’autres documents, qui étaient désignés comme étant non représentatifs. Les parties n’ont pas produit de témoins ayant déposé de vive voix.

 

II.          Les ententes contractuelles ont-elles eu pour effet de soustraire les redevances d’aménagement de la contrepartie versée pour les habitations?

 

A.         Introduction

 

[17]        Mattamy soutient que la contrepartie qu’elle a reçue pour les habitations n’incluait aucun montant lié aux redevances d’aménagement. Elle soutient qu’elle est libre de conclure une entente avec les acheteurs visant le paiement des redevances d’aménagement parce que ces redevances ne sont imposées à aucune personne en particulier. Mattamy ajoute que les acheteurs ont accepté d’être responsables du paiement des redevances d’aménagement et que, au moment où Mattamy a acquitté les redevances d’aménagement, elle a agi au nom des acheteurs.

 

[18]        La Couronne conteste cette thèse. Elle soutient que les redevances d’aménagement étaient imposées à Mattamy et que cette dernière n’était pas libre de conclure une entente avec les acheteurs pour faire passer à ceux‑ci la responsabilité à l’égard des redevances d’aménagement. De plus, la Couronne soutient que, de toute manière, les acheteurs n’avaient pas accepté d’être responsables de ces redevances.

 

[19]        Par les motifs exposés ci-après, je retiens le deuxième argument de la Couronne selon lequel les acheteurs n’avaient pas accepté d’être responsables des redevances d’aménagement. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que j’examine le premier argument de la Couronne selon lequel Mattamy n’était pas libre de conclure une entente avec les acheteurs pour que ces derniers soient responsables des redevances d’aménagement. Il est préférable d’attendre une autre occasion pour examiner cette question.

 

[20]        La disposition législative pertinente est le paragraphe 165(1) de la LTA, soit la disposition générale touchant l’imposition de la TPS à titre de pourcentage de la valeur de la contrepartie d’une fourniture. J’ai reproduit la disposition dans la version en vigueur durant la période en cause.

 

 (1) Taux de la taxe sur les produits et services – Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.
]
 

[21]        La discussion s’ouvre sur un exposé de la démarche applicable pour l’aménagement et la construction, ainsi que les ententes entre Mattamy et les acheteurs.

 

B.         Démarche applicable pour l’aménagement et la construction

 

[22]        En Ontario, où Mattamy exerce ses activités, les nouveaux lotissements sont assujettis à un régime complexe de réglementation en matière l’aménagement du territoire. Ce régime est régi par des lois provinciales, telles que la Loi sur l’aménagement du territoire, la Loi de 1997 sur les redevances d’aménagement et la Loi sur l’éducation (redevances d’aménagement associées aux coûts de l’éducation), ainsi que par des ententes de lotissement et d’autres ententes contractuelles entre les promoteurs et les municipalités.

 

[23]        Le paragraphe 50(3) de la Loi sur l’aménagement du territoire est une des principales dispositions législatives visant les lotissements : il interdit la cession d’un terrain à moins que certaines conditions ne soient respectées. En l’espèce, la condition pertinente est que le terrain doit être décrit dans un plan de lotissement enregistré. Cette condition sert à faire en sorte que la municipalité approuve le lotissement prévu avant que le terrain ne soit divisé en lots.

 

[24]        La Loi de 1997 sur les redevances d’aménagement de l’Ontario autorise les municipalités à imposer des redevances d’aménagement sur les terrains. Ces redevances visent à compenser l’augmentation des dépenses en immobilisations découlant de l’aménagement. Cela englobe les aménagements devant être décrits dans un plan de lotissement enregistré. Le paragraphe 2(1) et l’alinéa 2(2)d) de cette loi sont rédigés ainsi :

 

Redevances d’aménagement

 

        Le conseil d’une municipalité peut, par règlement, imposer des redevances d’aménagement sur les biens-fonds, afin de couvrir l’augmentation des dépenses en immobilisations que rend nécessaire le besoin accru de services par suite de l’aménagement du secteur auquel s’applique le règlement. […]

 

Aménagements imposables

 

      Une redevance d’aménagement ne peut être imposée que pour un aménagement qui nécessite, selon le cas :

            […]

d) l’approbation d’un plan de lotissement en vertu de l’article 51 de la Loi sur l’aménagement du territoire;

[…]

 

[25]        Dans l’arrêt Mississauga (City) c Erin Mills Corp. (2004), 71 OR (3d) 397 (CA), le juge Goudge donne un aperçu du contexte historique qui a abouti à l’adoption de la Loi sur les redevances d’aménagement. Dans l’extrait ci-dessous, le juge note que le régime actuel de règlements municipaux a remplacé un système désordonné dans lequel la Loi sur l’aménagement du territoire permettait aux municipalités de percevoir des redevances d’aménagement au moyen d’ententes de lotissement.

 

[traduction]

[8] On sait depuis de nombreuses années que tout nouvel aménagement fait en appelle la construction de nouveaux chemins, l’élargissement du réseau d’égouts et l’étoffement des services de police et de protection contre les incendies ainsi que plusieurs autres services communs. Ces travaux et services entraînent des coûts. Il incombe à la municipalité où se trouve le nouvel aménagement de payer ces coûts, avec l’aide qu’elle parvient à trouver ailleurs.

 

[9] Avant 1989, la Loi de 1983 sur l’aménagement du territoire, L.O. 1983, ch. 1, permettait à la municipalité d’obtenir l’assistance financière du promoteur en vue de supporter ces coûts d’infrastructure additionnels, en obligeant le promoteur à conclure une entente de lotissement avec elle à titre de condition de l’approbation l’aménagement par la municipalité. Habituellement, une telle entente oblige le promoteur à verser une taxe par lot à titre de contribution aux coûts d’infrastructure additionnels rendus nécessaires par l’aménagement.

 

[10] Ce système confiait à chaque municipalité la tâche de mettre en œuvre sa propre politique en matière de taxes, ce qui a donné lieu à une multitude de politiques et qui a causé la confusion et l’insatisfaction à l’échelle de la province. En 1989, l’Assemblée législative a réagi en adoptant l’ancienne Loi sur les redevances d’aménagement. Elle est entrée en vigueur le 23 novembre 1989 et visait à remplacer le système hétéroclite d’ententes de lotissement par un régime équitable et cohérent permettant d’obtenir auprès des promoteurs des contributions financières destinées aux coûts d’infrastructure accrus.

 

[11] En vertu de ce nouveau régime, la municipalité obtenait ces contributions non pas en concluant des ententes avec chaque promoteur, mais en adoptant un règlement sur les redevances d’aménagement. Ainsi, le nouveau régime reposait sur le pouvoir législatif nouvellement accordé aux municipalités, plutôt que sur la conclusion de contrats.

 

[26]        La description suivante des démarches suivies pour l’aménagement et la construction est tirée de l’ECF.

 

[traduction]

L’imposition de redevances d’aménagement en Ontario

 

9.                  Lorsqu’il y a de nouveaux aménagements résidentiels, les municipalités en Ontario doivent assumer des dépenses additionnelles pour fournir des services relatifs à l’infrastructure municipale, tenant compte des besoins actuels et futurs, notamment la construction de routes, l’approvisionnement en eau, les égouts pour eaux usées, le drainage, les services de police et de protection contre les incendies, les services de transport en commun, les écoles, les bibliothèques, les installations récréatives ainsi que d’autres installations liées aux activités de la municipalité et aux employés municipaux.

 

10.              La Loi de 1997 sur les redevances d’aménagement, L. O. 1997, chapitre 27, version modifiée (la « Loi sur les redevances d’aménagement »), et la Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, chapitre E.2 (la « Loi sur l’éducation ») (ci-après désignées par le terme « lois sur les redevances d’aménagement  ») autorisent les municipalités et les conseils scolaires de l’Ontario, respectivement, à adopter des règlements administratifs visant à financer la construction de telles infrastructures au moyen de l’imposition de redevances d’aménagement sur les terrains devant être aménagés. (Ces redevances seront ci‑après désignées collectivement par le terme « redevance(s) d’aménagement ».)

 

11.              Chaque région, municipalité ou conseil scolaire où l’appelante a acheté des biens-fonds et où elle a conclu des conventions d’achat touchant la construction de nouvelles habitations (ci-après, le terme « municipalité(s) » servira à désigner les municipalités régionales, les municipalités locales ou les conseils scolaires ») a adopté des règlements administratifs visant à imposer des redevances d’aménagement (les « règlements sur les redevances d’aménagement ») aux termes des lois sur les redevances d’aménagement.

 

12.              Avant d’adopter un règlement sur les redevances d’aménagement, chaque municipalité a calculé les dépenses d’infrastructure additionnelles rendues nécessaires par la construction de nouvelles habitations dans le secteur, puis a calculé les redevances d’aménagement devant être imposées conformément aux procédures exposées dans les lois sur les redevances d’aménagement.

 

13.              Les règlements sur les redevances d’aménagement prévoyaient l’imposition de redevances d’aménagement sur les biens-fonds visés par chacun de ces règlements.

 

14.              Le montant des redevances d’aménagement perçues par une municipalité relativement à un lot particulier variait selon le type d’habitation qui devait y être construit : les redevances d’aménagement augmentaient progressivement selon qu’il s’agissait d’un appartement, d’une maison en rangée, d’une maison jumelée ou d’une habitation individuelle. Dans une municipalité, certaines redevances d’aménagement étaient calculées selon une formule par hectare au lieu d’une formule par lot.

 

15.              L’infrastructure matérielle financée par les redevances d’aménagement ne faisait pas partie du terrain, du bâtiment et des structures fournis par l’appelante aux acheteurs. L’accès à l’infrastructure et aux services municipaux offerts grâce à cette infrastructure a été mis à la disposition de l’ensemble de la collectivité, y compris les acheteurs.

 

            La démarche d’aménagement de l’appelante

 

16.              Habituellement, le projet d’aménagement, de construction et de vente de nouvelles habitations par l’appelante comportait les étapes suivantes :

 

(a)                l’acquisition de terrains;

 

(b)               les ententes concernant les infrastructures (dans certains cas);

 

(c)                la présentation d’une demande d’approbation du plan préliminaire à la municipalité;

 

(d)               la vente des nouvelles habitations qui seront construites (après l’approbation du plan préliminaire);

 

(e)                les ententes de lotissement;

 

(f)                l’enregistrement du plan de lotissement;

 

(g)               les demandes de permis de construction;

 

(h)               la construction des nouvelles habitations;

 

(i)                 la clôture des contrats de vente, y compris les transferts de titre aux acheteurs.

 

Un nombre restreint de projets d’aménagement visés par le présent appel ont été achetés par l’appelante auprès d’autres promoteurs après l’approbation ou l’enregistrement du plan de lotissement.

 

Ententes sur les infrastructures

 

17.       Dans certaines municipalités, conformément au règlement sur les redevances d’aménagement en vigueur, le vendeur [un nu-fiduciaire agissant pour le compte de Mattamy] a conclu avec la municipalité une entente (l’« entente sur les infrastructures ») aux termes de laquelle le vendeur convenait de fournir à la municipalité des fonds pour que cette dernière construise, ou pour que le vendeur construise pour elle, certains éléments des infrastructures requises en échange de crédits applicables aux futures redevances d’aménagement, lorsque ces redevances seraient imposées et payables (les « crédits de redevance d’aménagement »). Dans certains cas, le vendeur a transféré des biens-fonds à l’administration municipale en échange d’un crédit de redevance d’aménagement. Lorsque l’entente sur les infrastructures prévoyait que le vendeur réaliserait des travaux, le promoteur était également tenu de verser un cautionnement – cette somme serait utilisée si le vendeur n’achevait pas les travaux requis conformément à l’entente sur les infrastructures.

 

18.              Les crédits de redevance d’aménagement accordés devaient correspondre au coût prévu des travaux, mais le vendeur assumait le risque que le coût réel de ces travaux soit supérieur au montant des crédits.

 

19.              Ces crédits de redevance d’aménagement, une fois leur montant établi, pouvaient être appliqués à titre de paiement total ou partiel des redevances d’aménagement applicables une fois que ces redevances d’aménagement seraient imposées et deviendraient payables, ainsi que nous le décrivons ci-après.

 

20.              Dans certains cas, la municipalité a exigé qu’un vendeur conclue avec d’autres promoteurs avoisinants une entente de partage de coûts pour le financement des infrastructures. Ces ententes comportaient des dispositions qui attribuaient des crédits de redevance d’aménagement aux propriétaires des biens-fonds en fonction de leur contribution respective au financement des infrastructures.

 

L’approbation du plan préliminaire

 

21.              Chaque vendeur a présenté une demande aux municipalités dans lesquelles se trouvaient leurs biens-fonds pour obtenir l’approbation d’un plan de lotissement préliminaire, soit le plan indiquant la division du bien-fonds du vendeur en lots sur lesquels les habitations seraient construites. Une fois approuvé (l’« approbation du plan préliminaire »), chaque plan de lotissement préliminaire comportait des conditions préalables à l’approbation finale du lotissement en vue de son enregistrement. Les conditions préalables incluaient habituellement l’obligation pour le vendeur de conclure avec la municipalité une entente de lotissement aux termes de laquelle le vendeur s’engageait à satisfaire à toutes les conditions de la municipalité, de nature financière ou autre, avant l’approbation finale du plan. Dans certains cas, le vendeur avait précédemment conclu avec la municipalité une entente sur les infrastructures aux termes de laquelle il convenait de fournir des fonds, de céder des terrains ou d’effectuer des travaux d’infrastructure, avant l’approbation finale du plan.

 

22.              Les redevances d’aménagement n’étaient pas payables au moment de la demande d’approbation du plan préliminaire, ni au moment de l’obtention de cette approbation.

 

La vente de nouvelles habitations à construire (après l’approbation du plan préliminaire)

 

23.              Après avoir obtenu l’approbation du plan préliminaire, tel qu’il est décrit au paragraphe 20 [sic] ci-dessus, le vendeur a amorcé la mise en marché des habitations qui seraient construites sur les terrains visés par cette approbation. Il a ensuite conclu des conventions d’achat et de vente (les « conventions d’achat ») avec les acheteurs.

 

24.              Certaines conventions d’achat ont été conclues avant, et d’autres après, la conclusion des ententes de lotissement connexes avec la municipalité, ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 29 [sic] ci-après.

 

[…]

 

29.              Dans chaque cas (sauf pour les maisons modèles, les conventions annulées et des sections de blocs de maisons en rangée ou de maisons jumelées, dont le nombre n’est pas considérable), une convention d’achat avait été signée avant la délivrance d’un permis de construction et avant le paiement du solde des redevances d’aménagement, comme il est décrit de manière plus détaillée aux paragraphes 31 et 32 ci-après.

 

Les ententes de lotissement

 

30.              Chaque vendeur et la municipalité concernée ont conclu une ou plusieurs ententes de lotissement (collectivement, « l’entente de lotissement ») relativement à chaque lotissement. Les ententes de lotissement visaient habituellement le raccordement aux services publics et les facettes financières du plan de lotissement proposé.

 

31.              Les redevances d’aménagement sont devenues payables conformément aux règlements sur les redevances d’aménagement et aux ententes de lotissement applicables. Dans bon nombre des municipalités, une partie des redevances d’aménagement est devenue payable dès la signature de l’entente de lotissement. Ces redevances d’aménagement ont été acquittées par chèque ou par l’application de crédits de redevance d’aménagement (de la manière décrite au paragraphe 32 ci-dessous), ou par une combinaison de ces deux méthodes. Le solde des redevances d’aménagement est devenu payable au moment de la délivrance d’un permis de construire une nouvelle habitation sur le lot (le « permis de construire »), comme il est décrit de manière plus détaillée au paragraphe 35 ci-après. À Brampton, toutes les redevances d’aménagement applicables à un lot ont été payées par le vendeur au moment de la délivrance du permis de construire.

 

32.              Les crédits de redevance d’aménagement du vendeur ont été affectés au paiement des redevances d’aménagement imposées sur les lots au fur et à mesure que ces redevances sont devenues payables d’une ou de plusieurs des façons suivantes :

 

(a)                dans certains cas, lorsque le vendeur avait convenu par une entente de lotissement d’effectuer des travaux ou de transférer des terrains en échange de crédits de redevance d’aménagement, ces crédits de redevance d’aménagement ont été affectés au paiement des redevances d’aménagement imposées sur les lots;

 

(b)               dans certains cas, des crédits de redevance d’aménagement excédentaires découlant de travaux effectués dans un lotissement ont été affectés au paiement des redevances d’aménagement imposées sur d’autres projets d’aménagement visés par le présent appel;

 

(c)                dans au moins un cas, un promoteur autre que le vendeur avait effectué des travaux et reçu des crédits de redevance d’aménagement qui ont été transférés au vendeur en même temps que le bien-fonds vendu conformément à l’article 40 de la Loi sur les redevances d’aménagement. Par la suite, ces crédits de redevance d’aménagement ont été affectés au paiement des redevances d’aménagement sur les lots achetés par le vendeur;

 

(d)               dans deux cas, le vendeur a effectué des paiements à un autre promoteur dans le cadre d’un accord initial aux termes des articles 44 et 52 de la Loi sur les redevances d’aménagement.

 

33.              Les municipalités n’ont ni exigé ni perçu de TPS sur les redevances d’aménagement lors du paiement de ces dernières.

 

L’enregistrement du plan de lotissement

 

34.              Une fois que les conditions rattachées à l’approbation du plan préliminaire ont été remplies, y compris la signature de l’entente de lotissement, le plan de lotissement (le « plan de lotissement ») a été approuvé et enregistré.

 

Les permis de construire

 

35.              Après l’enregistrement du plan de lotissement, chaque vendeur a présenté une demande de permis de construire en vue de la construction de nouvelles habitations sur tous les lots vendus; des frais distincts ont été payés à la municipalité pour ces permis. Avant la délivrance d’un permis de construire, la municipalité a fourni au vendeur un relevé des redevances d’aménagement pour chaque lot. Dans les municipalités où une partie des redevances d’aménagement avait été payée de la manière décrite au paragraphe 31 ci‑dessus au moment de la signature de l’entente de lotissement, le solde des redevances d’aménagement a été payé par le vendeur au moment de la délivrance du permis de construire. Les redevances d’aménagement ont été acquittées par chèque ou par l’application de crédits de redevance d’aménagement, ou par une combinaison de ces deux méthodes.

 

36.              Les vendeurs n’ont jamais signalé aux municipalités, à aucune des étapes du processus décrit au paragraphe 16 ci-dessus, qu’ils intervenaient à titre de mandataires des acheteurs ou que les lots étaient visés par des contrats de vente.

 

La construction de nouvelles habitations

 

37.              Après la signature d’une convention d’achat, l’enregistrement des ententes et du plan de lotissement, puis l’obtention du permis de construire, l’appelante amorçait et achevait la construction d’une nouvelle habitation pour l’acheteur.

 

[…]

 

            La clôture des transactions, y compris le transfert du titre aux acheteurs

 

39.              Pour clore une transaction de vente, le vendeur et l’acheteur, par l’entremise de leurs avocats respectifs, ont échangé des documents préliminaires devant être remis par le vendeur et l’acheteur au moment de la clôture, y compris l’état des rajustements (« l’état des rajustements »).  L’avocat du vendeur a préparé un état des rajustements en se basant sur la fiche d’information produite par le vendeur.

 

[27]        Il est utile de comparer le moment où les redevances d’aménagement sont exigées et le moment où Mattamy et les acheteurs ont conclu les conventions d’achat. En général, les redevances d’aménagement ont été exigées (et Mattamy a payé ces redevances) lorsque Mattamy (ou son mandataire) et la municipalité concernée ont conclu une entente de lotissement ou lorsque les permis de construire ont été délivrés. Dans de nombreux cas, les redevances d’aménagement étaient payables en partie au moment de chacune de ces transactions. Mattamy a signé des conventions d’achat avant et après la conclusion des ententes de lotissements, et, dans presque tous les cas, avant la délivrance des permis de construire. Par conséquent, les redevances d’aménagement peuvent être exigibles avant ou après que les parties ont conclu les conventions d’achat.

 

C.      Les conventions entre Mattamy et les acheteurs

 

[28]        La présente section porte sur les conventions visant la vente des habitations, telles qu’elles sont décrites dans l’ECF.

 

[traduction]

La vente de nouvelles habitations à construire (après l’approbation du plan préliminaire)

 

23.              Après avoir obtenu l’approbation du plan préliminaire, tel qu’il est décrit au paragraphe 20 [sic] ci-dessus, le vendeur a entamé la mise en marché des habitations qui seraient construites sur les terrains visés par cette approbation. Il a ensuite conclu des conventions d’achat et de vente (les « conventions d’achat ») avec les acheteurs.

 

24.              Certaines conventions d’achat ont été conclues avant, et d’autres après, la conclusion des ententes de lotissement connexes avec la municipalité, ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 29 [sic] ci-après.

 

25.              Aux termes des conventions d’achat, chaque acheteur convenait d’acheter un lot précis ou une partie d’un lot précis indiqué sur un plan de lotissement préliminaire ou un plan de lotissement, selon le cas (le « lot »), et le vendeur convenait de construire une nouvelle habitation sur le lot conformément aux plans et devis approuvés par l’acheteur (ci-après, le lot et la nouvelle habitation seront appelés la « nouvelle habitation »). Aux termes de la convention d’achat, le vendeur s’engageait à remplir ses obligations en vertu de la convention d’achat et à transférer la nouvelle habitation à l’acheteur au moment de la clôture (la « clôture »).

 

26.              Chaque convention d’achat visant la vente de nouvelles habitations dont la clôture a eu lieu durant la période de déclaration et qui est visée par la cotisation de TPS liée aux redevances d’aménagement indiquait le prix d’achat que l’acheteur devait payer pour la nouvelle habitation, y compris les redevances d’aménagement (sous réserve du paragraphe 27 ci-dessous) et la TPS (le « prix d’achat »). […] 

 

27.              Chaque convention d’achat visant la vente de nouvelles habitations dont la clôture a eu lieu durant la période de déclaration et qui est visée par la cotisation de TPS liée aux redevances d’aménagement prévoyait des rajustements au prix d’achat au moment de la clôture. En ce qui concerne les conventions d’achat conclues entre janvier 2001 et janvier 2002, la convention d’achat stipulait notamment ce qui suit :

 

[traduction]

« Il est reconnu et convenu que, à titre d’éléments compris dans le prix d’achat indiqué aux présentes, le vendeur a payé au nom de l’acheteur la totalité des taxes, prélèvements, droits, frais de permis de construire et redevances d’aménagement, y compris les redevances d’aménagement scolaires, qui sont applicables au bien. Il est reconnu et convenu que ces montants, à la discrétion du vendeur, peuvent être comptabilisés séparément dans l’état des rajustements qui sera fourni à l’acheteur avant la clôture. »

 

En ce qui concerne les conventions d’achat conclues après janvier 2002, le paragraphe 9 stipulait notamment ce qui suit :

 

[traduction]

« Les parties reconnaissent et conviennent que, à titre d’éléments compris dans le prix d’achat indiqué aux présentes, le vendeur a payé ou paiera au nom de l’acheteur la totalité des taxes, prélèvements, droits, frais de permis de construire (pour les permis obtenus au nom de l’acheteur) et redevances d’aménagement applicables, y compris les redevances d’aménagement scolaires applicables au bien. Les parties reconnaissent et conviennent que ces montants, à la discrétion du vendeur, peuvent être comptabilisés séparément dans l’état des rajustements qui sera fourni à l’acheteur avant la clôture. »

 

De plus, le paragraphe prévoyait une hausse du prix d’achat si jamais il y avait une hausse des redevances d’aménagement entre la date de la signature de la convention d’achat et la date de la délivrance du permis de construire.

 

28.              Voici d’autres conditions importantes incluses dans les conventions d’achat :

 

(a)                les acheteurs n’avaient pas le droit d’enregistrer les conventions d’achat visant les titres de propriété des terrains;

 

(b)               les conventions d’achat étaient incessibles (sauf à un membre de la famille), à moins que le vendeur ne donne son consentement, ce à quoi il n’était nullement tenu;

 

(c)                les recours des acheteurs en cas de non-exécution de la convention se limitaient en général au remboursement de l’acompte avec intérêts;

 

(d)               il n’y avait aucune déclaration, garantie, entente accessoire ou condition touchant la convention ou le bien immeuble, à part celles exposées dans les conventions d’achat, et les conventions d’achat ne pouvaient être modifiées, sauf par écrit;

 

(e)                les seuls montants additionnels que les acheteurs pourraient être tenus de payer après la clôture auraient trait à l’alimentation en eau, en électricité et en carburant et à d’autres services.

 

[…]

           

La clôture des transactions, y compris le transfert du titre aux acheteurs

 

39.              Pour clore une transaction de vente, le vendeur et l’acheteur, par l’entremise de leurs avocats respectifs, ont échangé des documents préliminaires devant être remis par le vendeur et l’acheteur au moment de la clôture, y compris un état des rajustements (« l’état des rajustements »).  L’avocat du vendeur a préparé l’état des rajustements en se basant sur la fiche d’information produite par le vendeur.

 

40.              Dans les états des rajustements :

 

(a)                le prix d’achat était désigné sous le nom de « prix de vente » :

 

(i)           le montant des redevances d’aménagement était soustrait du prix de vente:

 

(ii)         les suppléments et autres frais étaient additionnés au prix de vente;

 

(le prix de vente, assujetti aux déductions et ajouts décrits ci-dessus, était désigné dans les états des rajustements sous le nom de « prix de vente total »);

 

(b)               le montant des redevances d’aménagement était indiqué à part et devait être payé par l’acheteur au vendeur, séparément du prix de vente total;

 

(c)                un montant désigné comme étant le « montant de la TPS » et un montant désigné comme étant le « remboursement de la TPS » étaient précisés et étaient calculés en fonction du prix de vente total;

 

(d)               des rajustements additionnels prenant en considération les acomptes versés et les autres taxes et droits payables étaient effectués pour établir le solde à payer au vendeur au moment de la clôture.

 

41.              Dans l’état des rajustements, le vendeur incluait dans le montant des redevances d’aménagement pour chaque acheteur le montant complet des redevances d’aménagement assignées au lot vendu, incluant les cas où le montant que le vendeur a versé à la municipalité était partiellement acquitté au moyen de l’application de crédits de redevances d’aménagement ou par un autre promoteur dans le cadre d’un accord initial.

 

42.              Une fois que le vendeur et l’acheteur, par l’entremise de leurs avocats, avaient mis la dernière main aux documents à remettre à la clôture de la transaction, y compris l’état des rajustements, ils achevaient la transaction de vente et d’achat en s’échangeant les documents de clôture dûment signés, en réglant le solde final conformément à l’état des rajustements et en transférant le titre de propriété de la nouvelle habitation du vendeur à l’acheteur.

 

43.              Chaque relevé des droits de cession immobilière, enregistré dans le cadre du transfert au moment de la clôture de la transaction, incluait le montant des redevances d’aménagement dans la « valeur de la contrepartie » aux fins du paiement des droits de cession immobilière calculés conformément à la Loi sur les droits de cession immobilière.

 

D.   Analyse

 

[29]        Mattamy soutient que les acheteurs ont convenu d’être responsables du paiement des redevances d’aménagement lorsqu’ils ont conclu les conventions d’achat et accepté les états des rajustements.

 

[30]        Je rejette cette thèse. Aux termes des conventions d’achat, les acheteurs n’ont pas convenu d’être responsables du paiement des redevances d’aménagement en tant que redevances d’aménagement. Par conséquent, lorsque Mattamy a payé les redevances d’aménagement, elle a agi en son propre nom et pas au nom des acheteurs.  

 

[31]        Dans les conventions d’achat, la stipulation qui s’avère la plus pertinente pour décider si les acheteurs avaient convenu de payer les redevances d’aménagement en tant que redevances d’aménagement est exposée au paragraphe 27 de l’ECF, cité ci-dessus. La stipulation qui joue à compter de 2002 est reproduite de nouveau ci-dessous.

 

[traduction]

Les parties reconnaissent et conviennent que, à titre d’éléments compris dans le prix d’achat indiqué aux présentes, le vendeur a payé ou paiera au nom de l’acheteur la totalité des taxes, prélèvements, droits, frais de permis de construire (pour les permis obtenus au nom de l’acheteur) et redevances d’aménagement applicables, y compris les redevances d’aménagement scolaires applicables au bien. Les parties reconnaissent et conviennent que ces montants, à la discrétion du vendeur, peuvent être comptabilisés séparément dans l’état des rajustements qui sera fourni à l’acheteur avant la clôture.

         

[32]        La question essentielle est celle de savoir si, aux termes de cette stipulation, les acheteurs ont convenu d’être responsables du paiement des redevances d’aménagement.

 

[33]        Je signale que la clause ci-dessus ne stipule pas explicitement que les acheteurs sont responsables du paiement des redevances d’aménagement. Il s’agit d’un point important parce que les redevances d’aménagement sont engagées dans le contexte du processus d’aménagement et de construction, et ont été payées par Mattamy avant la vente des habitations aux acheteurs. Par conséquent, les acheteurs ne s’attendront pas normalement à devoir payer ce type de dépenses. En l’espèce, si les acheteurs devaient accepter cette responsabilité, il fallait que les conventions d’achat l’énoncent clairement. Le texte des conventions d’achat est loin d’être clair sur ce point. 

 

[34]        Pour ce qui est du texte des conventions d’achat, la stipulation énonce d’abord que les redevances d’aménagement sont comprises dans le prix d’achat. Cela implique que les redevances d’aménagement sont payées par Mattamy pour son propre compte et qu’un montant correspondant aux redevances d’aménagement est inclus dans la contrepartie exigée pour les habitations.

 

[35]        La cause stipule ensuite que Mattamy a payé ou paiera les redevances d’aménagement au nom des acheteurs. Cette clause est ambiguë. Lue isolément, elle pourrait signifier que les redevances d’aménagement sont payées par Mattamy à titre de mandataire des acheteurs ou que Mattamy paie les redevances d’aménagement pour son propre compte, mais, au final, dans l’intérêt des acheteurs.

 

[36]        À tout le moins, la stipulation dans son ensemble est assez ambiguë. Toutefois, lorsqu’on lit les clauses de manière harmonieuse, elles semblent indiquer que Mattamy paie les redevances d’aménagement pour son propre compte, mais dans l’intérêt ultime des acheteurs. À mon avis, on ne peut pas conclure que les acheteurs ont convenu de payer les redevances d’aménagement à titre de redevances d’aménagement.

 

[37]        Le fait qu’un acheteur pourrait annuler une convention d’achat avant la clôture de la transaction me conforte dans cette conclusion. Rien ne laisse croire que Mattamy pourrait s’adresser à un acheteur qui s’est désisté pour récupérer le paiement des redevances d’aménagement après l’annulation de la convention d’achat. Comment peut-on admettre l’interprétation des conventions d’achat selon laquelle les acheteurs ont convenu d’être responsables du paiement des redevances d’aménagement si les acheteurs n’assument cette responsabilité que si la vente a lieu?

 

[38]        De plus, le fait que Mattamy a payé certaines redevances d’aménagement avant la signature des conventions d’achat ne corrobore pas la thèse avancée par Mattamy. Ainsi qu’il a été signalé précédemment, Mattamy a conclu des conventions d’achat avant et après la conclusion des ententes de lotissement, dont la signature déclenchait souvent le paiement d’une partie des redevances d’aménagement.

 

[39]        Mattamy se fonde également sur les états des rajustements fournis à la clôture de la transaction pour avancer sa thèse selon laquelle les acheteurs ont convenu d’être responsables du paiement des redevances d’aménagement. À mon avis, les états des rajustements sont sans rapport avec la présente recherche, en raison principalement du fait que Mattamy a engagé et payé les redevances d’aménagement au plus tard au moment de la délivrance des permis de construire et que, dans tous les cas, la délivrance de ces permis a eu lieu avant la clôture de la transaction, soit le moment où les parties se sont entendues sur les états des rajustements.

 

[40]        Je conclus que les acheteurs n’étaient pas responsables du paiement des redevances d’aménagement en tant que redevances d’aménagement. Mattamy a payé ces redevances pour son propre compte et les a ensuite récupérées en les intégrant au prix d’achat des habitations.

 

III.       Aux termes de l’article 154, les redevances d’aménagement sont-elles réputées être comprises dans la contrepartie?

 

A.         Introduction

 

[41]        L’article 154 de la LTA est une disposition déterminative qui, si elle s’avère applicable, aurait pour effet d’inclure les redevances d’aménagement dans la contrepartie versée pour les habitations, peu importe si les conventions d’achat séparaient les redevances du prix d’achat. La Couronne invoque cette disposition à titre d’argument subsidiaire.

 

[42]        Vu ma conclusion concernant la première question, il n’est pas nécessaire que je tranche la question de savoir si l’article 154 s’applique. Toutefois, les avocats des parties ont présenté des observations très détaillées sur un certain aspect de cette disposition et j’examinerai donc cette partie précise.

 

[43]        L’article 154 dispose:

 

 (1) Définition de « prélèvement provincial » Au présent article, « prélèvement provincial » s’entend des frais, droits ou taxes imposés en application d’une loi provinciale relativement à la fourniture, à la consommation ou à l’utilisation d’un bien ou d’un service.

 

(2) Composition de la contrepartie Pour l’application de la présente partie, les éléments suivants sont compris dans la contrepartie de la fourniture d’un bien ou d’un service :

 

a) les frais, droits ou taxes imposés en application d’une loi fédérale (sauf la taxe imposée en vertu de la présente partie qui est payable par l’acquéreur) qui sont payables par l’acquéreur, ou payables ou percevables par le fournisseur, relativement à cette fourniture ou relativement à la production, à l’importation, à la consommation ou à l’utilisation du bien ou du service;

 

b) tout prélèvement provincial (sauf celui visé par règlement qui est payable par l’acquéreur) qui est payable par l’acquéreur, ou payable ou percevable par le fournisseur, relativement à cette fourniture ou relativement à la consommation ou à l’utilisation du bien ou du service;

 

c) tout autre montant percevable par le fournisseur en application d’une loi provinciale qui est égal à un prélèvement provincial, ou qui est percevable à son titre, sauf si le montant est payable par l’acquéreur et que le prélèvement provincial soit visé par règlement.

 

(3) Mention d’acquéreur Dans le cas où une personne est réputée, aux termes de la présente partie, être l’acquéreur d’une fourniture relativement à laquelle une autre personne serait l’acquéreur si ce n’était cette présomption, la mention au présent article de l’acquéreur de la fourniture vaut mention de cette autre personne.

 

B.    Les thèses des parties

 

[44]        L’article 154 vise les redevances d’aménagement si ces redevances sont :

 

(a)              des frais, droits ou taxes,

(b)             imposées en application d’une loi provinciale,

(c)              payées par les acheteurs relativement à l’achat de nouvelles habitations.

 

[45]        La Couronne soutient que toutes ces conditions sont réunies parce que les redevances d’aménagement sont des taxes, ces redevances sont imposées en application d’une loi provinciale, et les acheteurs ont payé ces redevances relativement à l’achat de nouvelles habitations.

 

[46]        De son côté, Mattamy soutient qu’aucune des conditions n’est remplie. Elle soutient que les redevances d’aménagement sont des redevances réglementaires et non des frais, droits ou taxes, que ces redevances sont imposées en application de règlements municipaux et non d’une loi, et que ces redevances ne sont pas payées relativement à l’achat de nouvelles habitations.

 

C.         Les redevances d’aménagement sont-elles des taxes?

 

       (1)  Introduction

 

[47]        La Couronne a uniquement fait valoir que les redevances d’aménagement étaient des taxes, et non des droits ou des frais, et a présenté des observations détaillées sur le sens du terme « taxe ». Les arguments concernant les autres facettes de l’article 154 étaient plutôt brefs. Je limiterai donc mes remarques au mot « taxe » et, en ce qui concerne l’examen des autres exigences de l’article 154, il est préférable d’attendre une autre occasion pour les examiner. 

 

[48]        Selon Mattamy, il convient de qualifier les redevances d’aménagement de redevances de nature réglementaire, et non de taxes. La Couronne ne s’oppose pas à ce que les redevances d’aménagement soient qualifiées comme étant des redevances de nature réglementaire; toutefois, la Couronne soutient qu’il s’agit également de taxes.

 

[49]        Je signale d’abord que les règlements municipaux et les lois applicables ne désignent pas les redevances d’aménagement comme étant des taxes, sauf dans la mesure où les redevances d’aménagement en souffrance doivent être récupérées de la même manière que les taxes foncières. Au lieu de qualifier les redevances d’aménagement de taxes, les lois pertinentes les désignent comme des redevances imposées sur les biens-fonds. Par conséquent, si je conclus que les redevances d’aménagement sont des taxes, ce sera parce qu’elles correspondent au sens approprié du terme « taxes », et non parce que les législateurs ont utilisé ce terme pour les décrire.

 

(2)  La nature des redevances d’aménagement sur le plan constitutionnel

 

[50]        Au fil des ans, la jurisprudence s’est penchée sur la nature des redevances d’aménagement pour l’application de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans ce, contexte, les redevances d’aménagement étaient, à un moment donné, assimilées à la fois des taxes et à des redevances de nature réglementaire : Ontario Home Builders’ Association c Conseil scolaire de la région de York, [1996] 2 RCS 929 (« Home Builders »), d’après les motifs de la décision majoritaire exposés par le juge Iacobucci.

 

[51]        Toutefois, il ressort clairement de la jurisprudence plus récente de la Cour suprême du Canada, que les redevances de nature réglementaire ne sont pas des taxes sur le plan constitutionnel : Première nation de Westbank c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1999] 3 RCS 134 (« Westbank ») et 620 Connaught Ltd. C. Canada (Procureur général), 2008 CSC 7 (« Connaught »). Bien que ni l’une ni l’autre de ces affaires ne portaient sur des redevances d’aménagement, la conclusion qui s’impose est que si les redevances d’aménagement en cause sont des redevances de nature réglementaire, elles ne peuvent plus être considérées comme étant des taxes sur le plan constitutionnel. Les observations de l’arrêt Westbank faisant référence aux redevances d’aménagement à titre d’exemple de redevances de nature réglementaire vont dans le sens de cette conclusion.

 

[52]        Je note que, dans ces arrêts, la Cour suprême a élaboré un critère comportent deux étapes servant à rechercher si un prélèvement est une redevance de nature réglementaire ou une taxe. Le critère est exposé dans l’extrait ci-dessous tiré de Confédération des syndicats nationaux c Canada (Procureur général), 2008 CSC 68.

 

[72] Cette question de la validité de l’imposition de charges réglementaires s’est posée à diverses reprises devant notre Cour. La jurisprudence reconnaît la possibilité d’utiliser la technique de la redevance réglementaire pour financer la mise en œuvre de programmes gouvernementaux. La jurisprudence a développé des critères d’identification de ces prélèvements spécialisés. L’identification de ces prélèvements s’effectue en deux étapes. D’abord, il faut établir l’existence d’un régime réglementaire. Ainsi, selon la méthode d’analyse adoptée dans l’arrêt Première nation de Westbank c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1999] 3 R.C.S. 134, il faut retrouver (1) un code de réglementation complet et détaillé, (2) un objectif de réglementation qui cherche à influencer un comportement, (3) l’existence de coûts réels ou estimés liés à la réglementation et (4) un rapport entre celle-ci et la personne qui en bénéficie ou qui l’a rendue nécessaire (par. 44). Le juge Rothstein a repris récemment ces critères, en rappelant toutefois que leur liste n’avait pas un caractère exhaustif, dans l’arrêt 620 Connaught Ltd. c. Canada (Procureur général), [2008] 1 R.C.S. 131, 2008 CSC 7, par. 25-26. Ensuite, si le tribunal conclut à l’existence d’un régime réglementaire, il doit décider s’il existe un lien entre ce régime et la redevance (Connaught, par. 27). La perception des revenus doit demeurer liée à la réglementation ou posséder, en elle-même, un objectif de réglementation destiné à influencer le comportement des personnes touchées (Westbank, par. 44). Comme le note l’arrêt Connaught, l’accumulation de surplus excessifs peut devenir un indice que le prélèvement constitue une taxe et non une redevance réglementaire (par. 40). Cependant, ce critère demeure souple et la qualification d’un prélèvement comme charge réglementaire ne dépend pas principalement de l’absence de surplus ni de leur montant (Connaught, par. 40). Elle relève primordialement de l’affectation des prélèvements ou d’une partie substantielle de ceux-ci à l’activité réglementée.

 

[53]        Dans le présent appel, il n’est pas controversé que les redevances d’aménagement sont de nature réglementaire et ni l’une ni l’autre des parties n’a effectué l’analyse à deux étapes décrites ci-dessus. Compte tenu de ces considérations, et en raison des similitudes entre les redevances d’aménagement dans le présent appel et dans l’affaire Home Builders où la cour a reconnu que les redevances d’aménagement étaient des redevances de nature réglementaire, je retiens la thèse que les redevances d’aménagement en cause dans le présent appel sont des redevances de nature réglementaire.

 

       (3) Les redevances de nature réglementaire sont-elles des taxes pour l’application de l’article 154?

 

[54]        Compte tenu de l’analyse ci-dessus, il est évident que la thèse de la Couronne selon laquelle les redevances d’aménagement constituent des taxes aux fin de l’article 154 ne s’appuie (1) ni sur les termes utilisés dans les dispositions législatives applicables, (2) ni sur le sens du terme « taxe » dans un contexte constitutionnel.

 

[55]        La Couronne soutient qu’il faut adopter une approche différente afin que le sens du terme « taxe » à l’article 154 soit compatible avec l’objet de ce texte. Elle soutient que l’approche appropriée consiste à adopter le sens constitutionnel du terme « taxe » qui prévalait avant les arrêts Westbank et Connaught.

 

[56]        Le sens du terme « taxe » prôné par la Couronne a été formulé dans un arrêt constitutionnel antérieur : Lawson v Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, [1931] RCS 357 (« Lawson »).

 

[57]        Je rejette l’approche prônée par la Couronne parce qu’elle ajouterait un élément indésirable d’incertitude à l’interprétation de l’article 154. Le meilleur moyen de saisir l’objet et l’esprit de la loi consiste à se reporter aux sens reconnus des mots « frais, droits ou taxes ». Si le sens du mot « taxe » n’est déterminé ni par la jurisprudence, ni par la terminologie utilisée pour désigner le prélèvement dans les dispositions législatives applicables, quel autre sens faudrait-il adopter? Il n’y a pas de motif valable d’adopter un sens désuet tiré d’un contexte constitutionnel que la jurisprudence a rejeté.

 

[58]        Je relève également que la question de savoir si les redevances de nature réglementaire constituent des taxes n’a pas été examinée directement à l’occasion de l’affaire Lawson, et a fait l’objet d’une observation incidente dans les motifs de la majorité dans l’arrêt Home Builders. Lorsque cette question a été déférée directement à la cour à l’occasion de l’affaireConnaught, la cour a statué que les redevances de nature réglementaire n’étaient pas des taxes sur le plan constitutionnel (Connaught, paragraphes 22 à 28).

 

[59]        De plus, je retiens la thèse de Mattamy selon laquelle le législateur aurait pu choisir des mots plus généraux que « frais, droits ou taxes » lorsqu’il a rédigé l’article 154. Cela va dans le sens de la thèse de Mattamy selon laquelle l’objet et l’esprit de l’article 154 ne sont pas aussi généraux que le soutient la Couronne.

 

[60]        J’examinerai maintenant quelques-unes des autres observations de la Couronne à l’appui d’une définition plus large du mot « taxe ».

 

[61]        L’avocat de la Couronne soutient que je dois suivre une jurisprudence antérieure de la Cour canadienne de l’impôt, soit Miller c La Reine, 2005 CCI 419, par laquelle la Cour a retenu le sens du mot « taxe » consacré par l’arrêt Lawson. Il s’agissait d’une affaire régie par la procédure informelle dans laquelle le contribuable se représentait lui-même. De plus, les faits de cette affaire étaient différents des faits de l’espèce et il n’y est pas question des jurisprudences Westbank ou Connaught. Par conséquent, la jurisprudence Miller n’est d’aucune utilité pour trancher la question en litige dans le présent appel.

 

[62]        À l’appui de son interprétation large du mot « taxe » à l’article 154, la Couronne signale également la mention des redevances d’aménagement à titre de taxes dans Mississauga (City) v Greater Toronto Airports Authority (2000), 50 OR (3d) 641 (CA) (« GTAA »), aux paragraphes 22, 89 et 90, et dans la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts (anciennement la Loi sur les subventions aux municipalités).

 

[63]        Je ne suis pas convaincue que l’une ou l’autre de ces mentions doit l’emporter sur l’enseignement sans équivoque de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Connaught portant que les redevances de nature réglementaire ne constituent pas des taxes. S’il y avait eu quelque confusion que ce soit à la suite des décisions Westbank et GTAA concernant la question de savoir si les redevances de nature réglementaire pouvaient constituer des taxes sur le plan constitutionnel, l’arrêt Connaught a dissipé cette confusion en décidant clairement que les redevances de nature réglementaire ne pouvaient pas constituer des taxes.  

 

[64]        La Couronne soutient également que l’enseignement des arrêts Westbank et Connaught ne consacrent pas le principe portant que les redevances de nature réglementaire ne constituent pas des taxes; ces arrêts enseignent simplement que celles‑ci constituent essentiellement des redevances de nature réglementaire et non des taxes. Je rejette cette thèse. Ces arrêts reconnaissent que les redevances de nature réglementaire comportent certains des éléments fiscaux. Toutefois, le point important est que ces redevances de nature réglementaire ne comportent pas tous les éléments requis – en particulier, l’exigence que le prélèvement ne soit pas une redevance réglementaire. Bref, bien que les redevances de nature réglementaire aient jadis été assimilées des taxes sur le plan constitutionnel (p. ex., Home Builders), tel n’est plus le cas.

 

[65]        Par ces motifs, je rejette la thèse de la Couronne portant que les redevances d’aménagement sont des taxes pour l’application de l’article 154.

 

[66]        Ainsi qu’il a été signalé précédemment, étant donné que la Couronne n’a pas avancé que les redevances d’aménagement sont « des frais ou des droits » et, de ce fait, assujetties à l’article 154, il est préférable d’attendre une autre occasion pour examiner cette question.

 

IV.  Mattamy a-t-elle droit à des déductions additionnelles relativement aux demandes de RHN trop basses ou est-elle tenue de remettre les montants excédentaires relativement aux demandes de RHN trop élevées?

 

A.  Introduction

 

[67]        Bien que les acheteurs de nouvelles habitations soient tenus de payer la TPS, un remboursement partiel de cette TPS, soit le RHN, est prévu au paragraphe 254(2) de la LTA. Le juge Malone décrit le mécanisme du RHN dans l’arrêt La Reine c Polygon Southampton Development Ltd., 2003 CAF 193:

 

[21] La vente d’une nouvelle habitation par un constructeur sera normalement une fourniture taxable et donc soumise à la TPS calculée comme étant 7 p. 100 du prix d’achat. Cependant, le paragraphe 254(2) de la Loi prévoit un remboursement partiel de la TPS dans certaines situations où une nouvelle habitation est achetée auprès d’un constructeur. Ce nouveau remboursement pour habitation neuve égale 36 p. 100 de la TPS payée sur le prix d’achat total de l’habitation, bien qu’il soit assujetti à un plafond de 8 750 $ et graduellement éliminé pour les habitations de plus de 350 000 $ et ne soit pas disponible pour les habitations de plus de 450 000 $. La revente d’une habitation est généralement exempte de TPS, conformément à l’article 2 de la partie I de l’annexe V de la Loi.

 

[68]        Ainsi qu’il est signalé ci-dessus, le montant du RHN est calculé en fonction de la contrepartie versée pour l’habitation. Donc, ma conclusion visant la première question, à savoir que les redevances d’aménagement étaient comprises dans la contrepartie versée pour les habitations, aura une incidence sur les RHN auxquels les acheteurs avaient droit.  

 

[69]        Tel qu’il est expliqué ci‑après, la LTA permet aux constructeurs d’administrer les RHN en les versant aux acheteurs ou en les portant à leur crédit, puis en demandant un remboursement au moyen d’une déduction sur la taxe nette que les constructeurs doivent payer. C’est ce que Mattamy a fait et, lors du calcul des RHN, elle a supposé que les redevances d’aménagement n’étaient pas comprises dans le prix d’achat.

 

[70]        Compte tenu de la conclusion tirée ci‑dessus, Mattamy aurait dû calculer les RHN en tenant pour acquis que la contrepartie versée pour les habitations comprenait une somme liée aux redevances d’aménagement. Si elle avait suivi cette approche, certains acheteurs auraient eu droit à un RHN plus élevé et d’autres à un RHN plus bas.

 

[71]        Il faut rechercher si Mattamy a droit à une déduction plus élevée sur la taxe nette dans les cas où les RHN auxquels elle avait droit étaient en fait plus élevés que les montants initialement demandés, et si Mattamy est tenue de remettre les montants excédentaires lorsque les RHN auxquels elle avait droit étaient en fait plus bas. 

 

B. Dispositions législatives applicables

 

[72]        Le paragraphe 254(2) de la LTA recense les conditions régissant le droit de l’acheteur d’habitation au RHN. Je reproduis le paragraphe 254(2) dans la version en vigueur durant les périodes de déclaration en cause.

 

*       254. (2) Remboursement – habitation neuve – Sous réserve du paragraphe (3), le ministre rembourse un particulier dans le cas où, à la fois :

*    

*   a) le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

*    

*   b) au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, celui-ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

*    

*   c) le total des montants — appelé « contrepartie totale » au présent paragraphe — dont chacun représente la contrepartie payable pour la fourniture de l’immeuble ou du logement et pour toute autre fourniture taxable, effectuée au profit du particulier, d’un droit sur l’immeuble ou le logement est inférieur à 450 000 $;

*    

*   d) le particulier a payé la totalité de la taxe prévue à la section II relativement à la fourniture et à toute autre fourniture, effectuée à son profit, d’un droit sur l’immeuble ou le logement (le total de cette taxe prévue au paragraphe 165(1) étant appelé « total de la taxe payée par le particulier » au présent paragraphe);

*    

*   e) la propriété de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier une fois la construction ou les rénovations majeures de ceux-ci achevées en grande partie;

*    

*   f) entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier en vertu du contrat de vente :

*  (i) l’immeuble n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

*   

*  (ii) le logement n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement, sauf s’il a été occupé à titre résidentiel par le particulier, ou son proche, qui était alors l’acheteur du logement aux termes d’un contrat de vente;

*    

*   g) selon le cas :

*   

*  (i) le premier particulier à occuper l’immeuble ou le logement à titre résidentiel, à un moment après que les travaux sont achevés en grande partie, est :

 

(A) dans le cas de l’immeuble, le particulier ou son proche,

 

(B) dans le cas du logement, le particulier, ou son proche, qui, à ce moment, en était l’acheteur aux termes d’un contrat de vente,

*   

*  (ii) le particulier effectue par vente une fourniture exonérée de l’immeuble ou du logement, et la propriété de l’un ou l’autre est transférée à l’acquéreur de cette fourniture avant que l’immeuble ou le logement n’ait été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement.

 

Le remboursement est égal au montant suivant :

*    

*   h) si la contrepartie totale est de 350 000 $ ou moins, un montant égal à 8 750 $ ou, s’il est inférieur, le montant représentant 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

*    

*   i) si la contrepartie totale est supérieure à 350 000 $ mais inférieure à 450 000 $, le montant calculé selon la formule suivante :

 

            A × [(450 000 $ - B)/100 000 $]

 

où :

 

A représente le moins élevé de 8 750 $ et de 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

 

B la contrepartie totale.

 

 

[73]        Aux termes du paragraphe 254(4), le constructeur peut verser à l’acheteur ou porter au crédit de ce dernier une somme correspondant au RHN auquel l’acheteur a droit.  

 

*       254. (4) Demande présentée au constructeur - Le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété peut verser un remboursement à un particulier, ou en sa faveur, ou le porter à son crédit, dans le cas où, à la fois :

*    

*   a) le constructeur a effectué la fourniture taxable de l’immeuble ou du logement par vente au particulier auquel il en a transféré la propriété aux termes de la convention portant sur la fourniture;

*    

*   b) la taxe prévue à la section II a été payée, ou est payable, par le particulier relativement à la fourniture;

*    

*   c) le particulier présente au constructeur, en la forme et selon les modalités déterminées par le ministre, dans les deux ans suivant le jour du transfert au particulier de la propriété de l’immeuble ou du logement, une demande contenant les renseignements requis par le ministre et concernant le remboursement auquel il aurait droit selon les paragraphes (2) ou (2.1) s’il en faisait la demande dans le délai imparti;

*    

*   d) le constructeur convient de verser au particulier, ou en sa faveur, le remboursement qui est payable à celui-ci relativement à l’immeuble, ou de le porter à son crédit;

*    

*   e) la taxe payable relativement à la fourniture n’a pas été payée au moment de la présentation de la demande au constructeur et, si le particulier avait payé cette taxe et en avait demandé le remboursement, celui-ci aurait été payable au particulier selon les paragraphes (2) ou (2.1), selon le cas.

 

[74]        Si le constructeur a versé le RHN à l’acheteur ou l’a porté au crédit de ce dernier, le constructeur peut récupérer cette dépense en demandant une déduction lors du calcul de sa taxe nette conformément au paragraphe 234(1). Je reproduis le paragraphe 234(1) dans la version en vigueur durant les périodes de déclaration en cause.

           

 (1) Déduction pour remboursement [porté au crédit de l’acheteur par le fournisseur] - La personne qui, dans les circonstances visées aux paragraphes 252.41(2), 254(4), 254.1(4) ou 258.1(3), verse à une autre personne, ou porte à son crédit, un montant au titre d’un remboursement et qui transmet la demande de remboursement de l’autre personne au ministre conformément aux paragraphes 252.41(2), 254(5), 254.1(5) ou 258.1(4) peut déduire ce montant dans le calcul de sa taxe nette pour la période de déclaration au cours de laquelle le montant est versé à l’autre personne ou porté à son crédit.

 

[75]        Mattamy invoque sur les paragraphes 296(2) et (2.1) pour demander une déduction additionnelle de la taxe nette dans les cas où les acheteurs auraient eu droit à des RHN plus élevés.

 

[76]        De manière générale, les paragraphes 296(2) et (2.1) disposent que si, lors de l’établissement d’une cotisation concernant la taxe nette, le ministre constate que le contribuable n’a pas demandé suffisamment de déductions dans le calcul de la taxe nette ou des remboursements, le ministre est tenu de procéder aux rajustements nécessaires pour cette cotisation. Je reproduis ces paragraphes dans la version en vigueur durant les périodes de déclaration en cause.

 

*       296. (2) Application d’un crédit non demandé - Le ministre, s’il constate les faits suivants relativement à un montant (appelé « crédit déductible » au présent paragraphe) lors de l’établissement d’une cotisation concernant la taxe nette d’une personne pour une période de déclaration donnée de celle-ci, prend en compte, sauf demande contraire de la personne, le crédit déductible dans l’établissement de la taxe nette pour cette période comme si la personne avait demandé le crédit déductible dans une déclaration produite pour cette période :

*    

*   a) le crédit déductible aurait été accordé à titre de crédit de taxe sur les intrants pour la période donnée ou à titre de déduction dans le calcul de la taxe nette pour cette période s’il avait été demandé dans une déclaration produite aux termes de la section V pour cette période à la date limite où la déclaration pour cette période était à produire et si les exigences en matière de documentation, énoncées aux paragraphes 169(4) ou 234(1), qui s’appliquent au crédit avaient été remplies;

*    

*   b) le crédit déductible n’a pas été demandé par la personne dans une déclaration produite avant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé ou, s’il l’a été, a été refusé par le ministre;

*    

*   c) le crédit déductible serait accordé à titre de crédit de taxe sur les intrants ou de déduction dans le calcul de la taxe nette de la personne pour une de ses périodes de déclaration s’il était demandé dans une déclaration produite aux termes de la section V le jour où l’avis de cotisation est envoyé à la personne, ou serait refusé s’il était demandé dans cette déclaration du seul fait que le délai dans lequel il peut être demandé a expiré avant ce jour.

 

*       (2.1) Application d’un montant de remboursement non demandé - Le ministre, s’il constate les faits suivants relativement à un montant (appelé « montant de remboursement déductible » au présent paragraphe) lors de l’établissement d’une cotisation concernant la taxe nette d’une personne pour une période de déclaration de celle-ci ou concernant un montant (appelé « montant impayé » au présent paragraphe) qui est devenu payable par une personne en vertu de la présente partie, applique, sauf demande contraire de la personne, tout ou partie du montant de remboursement déductible en réduction de la taxe nette ou du montant impayé comme si la personne avait payé ou versé, à la date visée aux sous-alinéas a)(i) ou (ii), le montant ainsi appliqué au titre de la taxe nette ou du montant impayé :

*    

*   a) le montant de remboursement déductible aurait été payable à la personne à titre de remboursement s’il avait fait l’objet d’une demande produite aux termes de la présente partie à la date suivante et si, dans le cas où le remboursement vise un montant qui fait l’objet d’une cotisation, la personne avait payé ou versé ce montant :

*   

*  (i) si la cotisation concerne la taxe nette pour la période de déclaration, la date limite de production de la déclaration aux termes de la section V pour la période,

*   

*  (ii) si la cotisation concerne un montant impayé, la date à laquelle ce montant est devenu payable par la personne;

*    

*   b) le montant de remboursement déductible n’a pas fait l’objet d’une demande produite par la personne avant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé;

*    

*   c) le montant de remboursement déductible serait payable à la personne s’il faisait l’objet d’une demande produite aux termes de la présente partie le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé, ou serait refusé s’il faisait l’objet d’une telle demande du seul fait que le délai dans lequel il peut être demandé a expiré avant ce jour.

 

[77]        Dans la situation contraire, c’est-à-dire dans les cas où Mattamy a payé des RHN trop élevés aux acheteurs ou a porté ces RHN trop élevés à leur crédit, puis a demandé des déductions trop élevées dans le calcul de sa taxe nette, la Couronne soutient que Mattamy est tenue de payer cet excédent conformément au paragraphe 254(6). Aux termes de ce paragraphe, si le constructeur a soustrait un montant auquel il n’a pas droit aux termes du paragraphe 234(10), il peut être tenu de payer au receveur général le montant excédentaire conformément au paragraphe 264. Les paragraphes 254(6) et 264(1) sont reproduits ci-dessous.

 

254. (6) Obligation solidaire – Le constructeur qui, en application du paragraphe (4), verse un remboursement à un particulier, ou en sa faveur, ou le porte à son crédit, alors qu’il sait ou devrait savoir que le particulier n’a pas droit au remboursement ou que le montant payé au particulier, ou porté à son crédit, excède le remboursement auquel celui-ci a droit, est solidairement tenu, avec le particulier, au paiement du remboursement ou de l’excédent au receveur général en vertu de l’article 264.
 

264. (1) Montant remboursé en trop ou intérêts payés en trop Lorsqu’est payé à une personne, ou déduit d’une somme dont elle est redevable, un montant au titre d’un remboursement prévu à l’article 215.1, au paragraphe 216(6) ou à la présente section, sauf l’article 253, ou des intérêts prévus à l’article 297 auquel la personne n’a pas droit ou qui excède le montant auquel elle a droit, la personne est tenue de verser au receveur général un montant égal au montant remboursé, aux intérêts ou à l’excédent le jour de ce paiement ou de cette déduction.

 

C.  Contexte factuel

 

[78]        Voici les faits pertinents tels qu’ils sont exposés dans l’ECF.

 

[traduction]

Remboursement pour habitation neuve

 

44.       Chaque convention d’achat stipulait que l’acheteur porterait au crédit du vendeur tous les droits de l’acheteur à un remboursement pour habitation neuve aux termes de l’article 254 de la LTA (le « remboursement »).

 

45.       Avant la clôture de la transaction, chaque vendeur a calculé le montant du remboursement au nom de chaque acheteur admissible. Le montant du remboursement demandé était indiqué dans l’état des rajustements.

 

46.       Se fiant au calcul du remboursement effectué par le vendeur, chaque acheteur qui demandait un remboursement a signé et remis une demande de remboursement au vendeur au moment de la clôture de la transaction.

 

47.       Après la clôture de la transaction, les vendeurs ont acheminé au ministre les demandes de remboursement signées par les acheteurs et ont demandé lesdits remboursements à titre de déductions de leur taxe nette dans leurs déclarations pour les périodes de déclaration durant lesquelles les transactions de vente ont été conclues.

 

48.       Étant donné que le montant des redevances d’aménagement n’avait pas été inclus dans le prix de vente total de la nouvelle habitation sur l’état des rajustements aux fins du calcul du remboursement, les vendeurs n’ont pas demandé de déduction de leur taxe nette correspondant à un remboursement de la TPS sur les redevances d’aménagement.

 

49.       Les vendeurs n’ont pas payé aux acheteurs ou porté à leur crédit de montant au-delà du montant du remboursement de la TPS indiqué sur leurs demandes.

 

[…]

 

Faits se rapportant aux connaissances et à la conduite de l’appelante en ce qui a trait aux redevances d’aménagement […]

 

[…]

 

60.       À la fin de 2000, l’appelante a retenu les services d’un consultant, Eric Wegler, comptable agréé. Ce dernier a rencontré Peter Gilgan et Don Walker. M. Gilgan était le fondateur et PDG de l’appelante, et Don Walker était le directeur des finances. Ils étaient tous les deux comptables agréés.

 

61.       M. Wegler a signalé à M. Gilgan et à M. Walker qu’à son avis les redevances d’aménagement, qui sont exonérées de la TPS lorsqu’elles sont versées à une municipalité, pouvaient être payées par le constructeur à titre de mandataire de l’acheteur d’une nouvelle habitation, remboursées séparément au constructeur au moment de la clôture de la transaction, et exclues du prix d’achat dans le calcul de la TPS. Il a ajouté que, à son avis, les redevances d’aménagement étaient similaires à une taxe et que la TPS ne devrait pas être imposée sur d’autres taxes.

 

62.       M. Wegler a également indiqué à M. Gilgan et à M. Walker qu’une société de promotion immobilière (la « société immobilière ») pour laquelle il avait travaillé avait adopté la pratique d’exclure les redevances d’aménagement du prix d’achat des nouvelles habitations lorsqu’elle calculait la TPS. La société immobilière avait fait l’objet de vérifications générales de la TPS, réalisées par l’ARC. M. Wegler a indiqué à M. Gilgan et à M. Walker qu’aucun rajustement n’avait été apporté à la TPS de la société immobilière relativement aux redevances d’aménagement.

 

63.       Dans ses discussions avec M. Gilgan et M. Walker, M. Wegler n’a pas indiqué si le vérificateur de l’ARC était, ou non, au fait de la pratique de la société immobilière consistant à exclure les redevances d’aménagement du prix d’achat des nouvelles habitations lors du calcul de la TPS, et n’a pas indiqué si le vérificateur avait ou non approuvé cette pratique. M. Gilgan et M. Walker n’ont pas demandé à M. Wegler si le vérificateur de l’ARC savait que la société immobilière ne calculait pas de TPS sur les redevances d’aménagement ou si le vérificateur avait exprimé un avis sur cette pratique.

 

64.       La vérification de l’ARC à laquelle M. Wegler a renvoyé dans ses discussions avec M. Gilgan et M. Walker était une vérification générale de la TPS et ne visait pas spécifiquement l’application de la TPS aux redevances d’aménagement. M. Wegler n’avait pas attiré l’attention de l’ARC sur le fait que la société immobilière excluait les redevances d’aménagement du prix d’achat des nouvelles habitations lors du calcul de la TPS; de plus, M. Wegler ne savait pas si le vérificateur de l’ARC était au courant du fait que la société immobilière s’adonnait à cette pratique. Il savait seulement que, à la suite de la vérification de la société immobilière, il n’y avait eu aucun rajustement de la TPS sur les redevances d’aménagement.

 

65.       Pour la mise en œuvre de ses recommandations, M. Wegler a modifié les conventions d’achat et de vente type de l’appelante et cette dernière a modifié ses pratiques de clôture, tel qu’il est décrit ci-dessus, relativement à toutes les ventes de nouvelles habitations qui sont visées par les avis de nouvelle cotisation.

 

66.       L’appelante n’a pas cherché à obtenir un avis juridique sur la question de savoir si la TPS était percevable sur la partie du prix d’achat ayant trait aux redevances d’aménagement aux termes des nouvelles conventions.

 

[79]        Voici une stipulation typique des conventions d’achat ayant trait aux RHN (RCD, onglet 14).

 

[traduction]

28.       (a)        Le prix d’achat comprend la TPS au taux de sept pour cent et a été calculé en tenant compte du remboursement de la TPS (le « remboursement ») prévu à l’article 254 de la Loi sur la taxe d’accise. Si la TPS est incluse, l’acheteur cède au vendeur tous ses droits au remboursement et s’engage à indemniser le vendeur pour toute perte du remboursement découlant de son omission de respecter la déclaration solennelle ou le certificat ou l’engagement désigné au paragraphe 28(b).

 

            (b)        Avant la clôture de la transaction, l’acheteur doit signer une déclaration solennelle ou un certificat ou un engagement à la satisfaction du vendeur confirmant que :

 

                        (i)         l’acheteur acquiert l’habitation pour que cette dernière serve de lieu de résidence habituelle à l’acheteur, à un proche de l’acheteur ou à un ex-époux de l’acheteur;

 

                        (ii)        l’acheteur ou un proche de l’acheteur doit être la première personne à occuper la propriété comme lieu de résidence habituelle.

 

            (c)        À la clôture de la transaction, l’acheteur doit signer et remettre une demande aux termes de l’alinéa 254 b) [sic] de la Loi sur la taxe d’accise, en bonne et due forme.

 

(d)       Si l’acheteur agit d’une manière qui le rend inadmissible au remboursement, il doit indemniser le vendeur pour ledit remboursement et le montant dudit remboursement doit être porté au crédit du vendeur à la clôture de la transaction (en cas de découverte avant la clôture) ou doit être payé au vendeur (en cas de découverte après la clôture).

 

D.  Mattamy a-t-elle droit à des déductions additionnelles dans le calcul de sa taxe nette?

 

[80]        Ainsi qu’il a été signalé précédemment, Mattamy invoque les paragraphes 296(2) et 296(2.1) pour récupérer le montant des RHN qu’elle aurait pu demander si elle avait calculé les prix d’achat en y incluant les redevances d’aménagement.

 

[81]        Examinons d’abord le paragraphe 296(2.1) qui, à mon avis, ne joue pas en ce qui concerne Mattamy. Ce texte joue lorsque « le montant […] aurait été payable à la personne à titre de remboursement […] ». Seul l’acheteur de la nouvelle habitation a droit au RHN. Mattamy n’a droit qu’à une déduction lors du calcul de la taxe nette aux termes du paragraphe 234(1).

 

[82]        À l’appui de sa thèse, Mattamy a cité la jurisprudence United Parcel Service du Canada Ltée c Canada, 2009 CSC 20. Cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée par Mattamy en ce qui a trait au paragraphe 296(2.1) parce qu’elle portait sur une autre disposition législative, soit le paragraphe 261(1). Le libellé de ces deux dispositions est bien différent.

 

[83]        L’autre disposition invoquée par Mattamy, soit le paragraphe 296(2), est celle qu’il convient d’examiner. Elle joue si un constructeur a payé un montant à un acheteur ou a porté ce montant au crédit de l’acheteur relativement à un RHN, mais n’a pas demandé la déduction correspondante lors du calcul de sa taxe nette.

 

[84]        Aux termes du paragraphe 296(2), lors de l’établissement d’une cotisation à l’égard du contribuable, le ministre doit accorder une déduction aux termes du paragraphe 234(1) si la déduction aurait été accordée si le contribuable l’avait demandée dans sa déclaration. Pour avoir droit à ce redressement, il faut que Mattamy ait payé aux acheteurs ou porté à leur crédit un montant correspondant à la partie non demandée du RHN aux termes du paragraphe 254(4). 

 

[85]        Je doute que la disposition invoquée joue en l’espèce parce que Mattamy n’a pas payé aux acheteurs ou porté à leur crédit un montant correspondant à la partie non demandée des RHN. Le paragraphe 49 de l’ECF est rédigé ainsi :

 

[traduction]

49.       Les vendeurs n’ont pas payé aux acheteurs ou porté à leur crédit de montant au-delà du montant du remboursement de la TPS indiqué sur leurs demandes.

 

[86]        Compte tenu de ce fait constant, Mattamy ne satisfait pas aux conditions requises pour obtenir un redressement aux termes du paragraphe 296(2).

 

[87]        Mattamy soutient qu’il faudrait lui accorder ce redressement étant donné que les acheteurs n’ont pas droit à des montants additionnels au titre du RHN, ayant cédé ces RHN à Mattamy. Je peux comprendre la thèse de Mattamy selon laquelle elle devrait avoir droit aux redressements, mais aucun redressement ne peut lui être accordé parce que Mattamy ne satisfait pas exigences du paragraphe 296(2).

 

E.  Mattamy est-elle redevable pour les demandes de RHN qui étaient trop élevées?

 

[88]        Je me pencherai maintenant sur les circonstances dans lesquelles Mattamy a porté au crédit des acheteurs des montants trop élevés relativement aux RHN. Aux termes du paragraphe 254(6) de la LTA, une cotisation visant les montants excédentaires a été établie à l’égard de Mattamy.

 

[89]        Pour que le paragraphe 254(6) s’applique, Mattamy devait savoir ou aurait dû savoir qu’elle portait au crédit des acheteurs des RHN trop élevés.

 

[90]        La Couronne soutient que Mattamy aurait dû savoir que les RHN étaient trop élevés parce que, si elle avait fait preuve de diligence raisonnable, Mattamy aurait su que la contrepartie versée pour les  habitations comprenait le montant des redevances d’aménagement applicables.

 

[91]        La Couronne soutient que les mots « aurait dû savoir » appelle la notion de la « diligence raisonnable ».  J’abonde dans son sens; toutefois, je signale que le critère consacré par le paragraphe 254(6) n’est pas en soi un critère de diligence raisonnable.

 

[92]        Conformément à l’interprétation jurisprudentielle des mots « aurait dû savoir » dans d’autres contextes, le critère est de nature objective : est-ce que la personne raisonnable saurait que les demandes de RHN étaient trop élevées parce que le montant des redevances d’aménagement applicables devait être inclus dans la contrepartie versée pour les habitations? (Voir, par exemple, Canada (Procureur général) c Roy, 2007 CAF 410).

 

[93]        En appliquant ce critère aux faits de l’espèce, j’estime que Mattamy aurait dû savoir qu’elle portait au crédit des acheteurs des RHN trop élevés. Compte tenu de l’ECF cité ci-dessus et faute de preuves additionnelles, je conclus que Mattamy a fait preuve d’un grand manque de diligence. Elle s’est fiée à des renseignements selon lesquels un autre promoteur avait adopté une stratégie similaire et une vérification subséquente n’avait entraîné aucun rajustement. Il serait déraisonnable de la part de Mattamy de déduire de telles affirmations que la stratégie de l’autre promoteur était fondée en droit. Il se pouvait tout simplement que ce promoteur ait eu de la chance et que le vérificateur n’ait pas remarqué le problème. 

 

[94]        À mon avis, la personne raisonnable dans la situation de Mattamy aurait conclu, en se fondant sur les conseils professionnels d’un spécialiste, que les acheteurs n’ont pas payé les redevances d’aménagement en tant que redevances d’aménagement. Il s’agit tout simplement de la seule conclusion raisonnable qui puisse être tirée des conventions d’achat. Étant donné que le montant du RHN est établi en fonction de la contrepartie versée pour l’habitation, il s’ensuit que la personne raisonnable aurait su que certains des montants que Mattamy a payés ou portés au crédit des acheteurs relativement aux RHN étaient trop élevés. Je conclus que Mattamy est redevable de ces montants excédentaires.  

 


V.  Conclusion

 

[95]        L’appel sera rejeté et les dépens seront adjugés à la Couronne.

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 12e jour de février 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

Ce  11e jour de juillet 2013.

 

 

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 53

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2008-2571(GST)G

 

INTITULÉ :                                      GF PARTNERSHIP et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :            Du 16 au 20 avril et les 6 et 7 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 12 février 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Irving Marks

Me  Michael Gasch

Me  Ellad Gersh

 

Avocats de l’intimée :

Me  Michael Ezri

Me  Tamara Watters

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                                Nom :                Irving Marks

 

                            Cabinet :                         Robins Appleby & Taub LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

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